CM Patrick Louvier- Licence Première Année-Histoire contemporaine
L’Europe de 1815 à 1989
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III. LES SOCIETES EUROPEENNES ENTRE DEUX AGES.
La société européenne du premier XIXe siècle est une société fascinante.
Par d’innombrables traits, elle rappelle toujours celle des siècles passées.
L’organisation sociale est pyramidale, l’aristocratie reste très largement le groupe dominant
(voir le 1), les masses rurales et paysannes forment toujours la majorité de la population : 85
% des Français en 1815, et 75 % en 1848, soit 27 millions de Français c'est à dire un peu
moins que toute la population rurale et urbaine en 1789. Il n'y eut jamais autant de paysans en
France qu’au milieu du siècle. C'est encore plus net pour la Russie. En 1850, on compte dans
ce vaste empire mille villes, mais dont 878 comptent moins de 10 000 personnes ; 32 seules
en ayant plus de 20 000 habitants. Deux villes, Saint Pétersbourg et Moscou sont de grandes
métropoles mais leur aspect (baraques, usage très extensif du bois, désormais très limité en
Occident) étonne les visiteurs.
- Les paysages des villes et des campagnes ont peu changé en 40 ans. Dans le Paris de
Louis-Philippe, un homme de la Révolution, voire de 1775, se serait bien retrouvé. Ce sont
toujours les mêmes bruits : les pas des chevaux, les roues cerclées de métal des charrettes, les
cris des colporteurs et des marchands ambulants, les mêmes émigrations rurales avec leurs
images folkloriques (l’Auvergnat madré et travailleur, héros sympathique de La Messe de
l’Athée d’Honoré de Balzac). Prenons un exemple matériel : l’éclairage. Par rapport au passé
médiéval et aux vilels arabes et africaines, les villes européennes des années 1830-1850 sont
mieux éclairées : des lampadaires, une luminosité plus grande des maisons, des entrepôts, etc.
Les grandes villes utilisent le gaz comme mode d’éclairage (il s’agit de l’utilisation des gaz de
charbon). Toutefois, les moyens sont encore proches de ceux du passé. L’emploi du pétrole
pour l’éclairage s’impose après 1850. Il n’y a pas d’éclairage électrique avant 1877 (la gare de
La Chapelle à Paris). Quand les premières villes se dotent de ces moyens, l’électricité est
réservée aux grands bâtiments et ouvrages publics (gares, ponts, grands magasins).
L’éclairage domestique reste donc, avant 1850, bien proche de ce dont on pouvait disposer
avant la Révolution : de l’huile de colza ou d’oeillette, le feu de la cheminée, les bougies
(huile de baleine) et ces boules de verre remplies d’eau que l’on place à la lumière du jour ou
d’une bougie pour focaliser la lumière sur un point. Pour calculer l’intensité lumineuse on
emploie encore, en 1880, une unité de mesure le carcel qui représente la combustion de 42
grammes d’huile de colza par heure. Un monde donc bien plus obscur que le nôtre, soumis
aux contraintes de la nuit et des ténèbres.
Pourtant, les traits les plus novateurs du second XVIIIème siècle se confirment : la
progression démographiques et les progrès culturels, tout particulièrement l’instruction
populaire, l’influence croissante des « classes moyennes », que l’on appelle alors moyennes et
petites bourgeoisies, l’émergence d’un prolétariat industriel travaillant en usine et concentré
dans les faubourgs des villes du Nord et du Lancashire. Dans les campagnes, mille petits
changements se faufilent plus ou moins : une meilleure connaissance du monde par l’armée
(service militaire) et les tâches saisonnières en ville où migrent des centaines de milliers de
travailleurs, telles les bandes de maçons creusois qui contribuent à construire le quartier de
Notre-Dame de Lorette à Paris et les « fortifications de Monsieur Thiers ». L’adoption de la
pomme de terre, du café au lait, et du riz, un usage plus extensif du froment, introduisent dans
la diète quotidienne des changements. Dans les campagnes, le seigle recule au profit du
froment, la betterave à sucre s’impose dans le Nord du pays.
1. Un dynamisme démographique très marqué