CM Patrick Louvier- Licence Première Année-Histoire contemporaine

CM Patrick Louvier- Licence Premre Année-Histoire contemporaine
L’Europe de 1815 à 1989
Aucune diffusion en dehors de ce CM n’est autorisée
Ce qui suit est la transcription des cours de ces trois dernières séances.
On remarquera quelques modifications apportées au plan distribué en
septembre. Au cours proprement dit, s’ajoutent, comme dans le
précédent envoi, de petites annexes « Pour en savoir plus ». On les lira.
CM Patrick Louvier- Licence Première Année-Histoire contemporaine
L’Europe de 1815 à 1989
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Les sociétés européennes entre deux âges.
1. Un dynamisme démographique très marqué
2. De robustes et souples aristocraties
3. Des bourgeoisies « conquérantes » ?
4. Le monde de l’atelier et de la terre : paysanneries et artisanats
5.Le monde ouvrier : tous opprimés ? tous démunis ? tous désars ?
6. Métamorphoser et pacifier la société européenne : le rêve socialiste
B.Un quart de siècle décisif : 1854-1878
I. Le centre de gravité politique se déplace rapidement
1. De la prépondérance russe à la prépondérance franco-britannique (1854-1865).
a. La guerre de Crimée (1854-1856) compromet directement la puissance russe et
indirectement la puissance de l’Autriche.
b. Le partenariat franco-britannique stabilise la question d’Orient (1856-1869)
2. Le choc des unités italienne et allemande (1859-1871)
a. L’idée nationale captée par la Savoie et la Prusse
b. La guerre et la diplomatie sont au cœur du processus d’unification
italien et allemand
c. Napoléon III et l’Italie : Renverser 1815, tout en préservant l’ordre
européen.
c. l’Affaire des Duchés (1864-1865) marginise-t-elle le RU ?
d. L’unification allemande et l’abaissement de la France (1866-1871)
3. Une ère nouvelle dans les relations européennes après 1871 ?
a. 1871 : un moment clef de l’histoire française et européenne
b. Bismarck, la France et l’Europe
c. Apogée et premières limites du « système » bismarckien (1875-1879)
II. Le libéralisme, triomphant … et contesté
1. Deux cennies de grande prospérité.
2. Le parlementarisme se diffuse sur le continent
a. La France impériale et républicaine : le libéralisme apprivoi
b. Un dialogue politique s’établit en Europe “médiane”
c. Le temps des réformes en Russie et en Turquie
3. Combattre un ordre injuste : les voies socialistes et anarchistes
a. Le socialisme « scientifique » marxiste
b. L’anarchisme : « ni Dieu ni Maître »
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L’Europe de 1815 à 1989
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III. LES SOCIETES EUROPEENNES ENTRE DEUX AGES.
La société européenne du premier XIXe siècle est une société fascinante.
Par d’innombrables traits, elle rappelle toujours celle des siècles passées.
L’organisation sociale est pyramidale, l’aristocratie reste très largement le groupe dominant
(voir le 1), les masses rurales et paysannes forment toujours la majoride la population : 85
% des Français en 1815, et 75 % en 1848, soit 27 millions de Français c'est à dire un peu
moins que toute la population rurale et urbaine en 1789. Il n'y eut jamais autant de paysans en
France qu’au milieu du siècle. C'est encore plus net pour la Russie. En 1850, on compte dans
ce vaste empire mille villes, mais dont 878 comptent moins de 10 000 personnes ; 32 seules
en ayant plus de 20 000 habitants. Deux villes, Saint Pétersbourg et Moscou sont de grandes
tropoles mais leur aspect (baraques, usage très extensif du bois, désormais très limien
Occident) étonne les visiteurs.
- Les paysages des villes et des campagnes ont peu changé en 40 ans. Dans le Paris de
Louis-Philippe, un homme de la volution, voire de 1775, se serait bien retrouvé. Ce sont
toujours les mêmes bruits : les pas des chevaux, les roues cerclées de métal des charrettes, les
cris des colporteurs et des marchands ambulants, les mêmes émigrations rurales avec leurs
images folkloriques (l’Auvergnat madré et travailleur, héros sympathique de La Messe de
l’Athée d’Honoré de Balzac). Prenons un exemple matériel : l’éclairage. Par rapport au passé
diéval et aux vilels arabes et africaines, les villes européennes des années 1830-1850 sont
mieux éclairées : des lampadaires, une luminosité plus grande des maisons, des entrepôts, etc.
Les grandes villes utilisent le gaz comme mode d’éclairage (il s’agit de l’utilisation des gaz de
charbon). Toutefois, les moyens sont encore proches de ceux du passé. L’emploi du pétrole
pour l’éclairage s’impose après 1850. Il n’y a pas d’éclairage électrique avant 1877 (la gare de
La Chapelle à Paris). Quand les premières villes se dotent de ces moyens, l’électricité est
réservée aux grands bâtiments et ouvrages publics (gares, ponts, grands magasins).
L’éclairage domestique reste donc, avant 1850, bien proche de ce dont on pouvait disposer
avant la Révolution : de l’huile de colza ou d’oeillette, le feu de la cheminée, les bougies
(huile de baleine) et ces boules de verre remplies d’eau que l’on place à la lumière du jour ou
d’une bougie pour focaliser la lumière sur un point. Pour calculer l’intensité lumineuse on
emploie encore, en 1880, une unité de mesure le carcel qui représente la combustion de 42
grammes d’huile de colza par heure. Un monde donc bien plus obscur que le nôtre, soumis
aux contraintes de la nuit et des ténèbres.
Pourtant, les traits les plus novateurs du second XVIIIème siècle se confirment : la
progression démographiques et les progrès culturels, tout particulièrement l’instruction
populaire, l’influence croissante des « classes moyennes », que l’on appelle alors moyennes et
petites bourgeoisies, l’émergence d’un prolétariat industriel travaillant en usine et concentré
dans les faubourgs des villes du Nord et du Lancashire. Dans les campagnes, mille petits
changements se faufilent plus ou moins : une meilleure connaissance du monde par l’armée
(service militaire) et les tâches saisonnières en ville où migrent des centaines de milliers de
travailleurs, telles les bandes de maçons creusois qui contribuent à construire le quartier de
Notre-Dame de Lorette à Paris et les « fortifications de Monsieur Thiers ». L’adoption de la
pomme de terre, du café au lait, et du riz, un usage plus extensif du froment, introduisent dans
la diète quotidienne des changements. Dans les campagnes, le seigle recule au profit du
froment, la betterave à sucre s’impose dans le Nord du pays.
1. Un dynamisme démographique très marqué
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L’Europe de 1815 à 1989
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L’essor démographique a été soutenu et général tout au long du XVIIIe siècle. Dans toutes
les régions européennes, le solde démographique est positif, la population augmente. Tous les
indicateurs le prouvent (registres paroissiaux surtout). Progression mographique est forte en
France : de 20 à 27 millions en un siècle, de 5 à 9 millions en Angleterre, doublement en Suède
de 1 à 2 millions. Progression en Espagne, en Italie (de 11 à 18 millions d’habitants). Le record
est sans doute la Hongrie dont la population quadruple en 100 ans. Ce dynamisme se poursuit
dans toute l’Europe, surtout en Europe de l’Ouest au premier XIXe siècle.
La population des Etats allemands passe de 22, 3 à 33, 4 millions d’habitants entre 1815 et
1850 (gain de 11 millions soit un tiers), la Russie passe de 36 à 59 millions durant la même
période. Pour toute l’Europe (sauf les Balkans) on passe de 174 millions d’habitants en 1815 à
247 millions en 1850 : un gain de 140 %. En 1850, la hiérarchie demeure identique. La Russie
et France sont premier et second comme au XVIIIe siècle, mais la France dont la pop.
augmente moins vite (le contrôle des naissances dans les couples mariés y est pratiqué par une
frange notable de la population) est presque rattrapée par les États allemands (33 millions) et
l’empire d’Autriche (idem).
Une forte croissance naturelle qui a plusieurs causes :
- La premre cause de la croissance est une très forte natalité qui permet de surmonter les
effets conjoints d’une forte mortalité infantile (15 %) et des maladies de la précarité, très
présentes dans les milieux ouvriers urbains. La croissance naturelle explique presque seule
l’augmentation rapide de la population de la Grande-Bretagne. Le taux de nataliest encore
supérieur à 35 °/°° dans les années 1860-1870 pour tomber, après 1890, en dessous des 30 °/°°. A
l’image du couple royal, les familles nombreuses sont la norme dans une île où plus d’un
ménage sur dix a plus de 11 enfants. Pays jeune donc, où les moins de 21 ans forment, en 1851,
la moitié de la population et 45 % des moins de 20 ans trois décennies plus tard.
- - Le recul de la mortalité : une tendance générale mais une cause secondaire.
-
- a. La mortalité « ordinaire » reste élevée, tout particulièrement celle des enfants, des
jeunes gens, des femmes accouchées. Les conditions sanitaires sont et demeurent médiocres
pour tous. L’Europe ne souffre plus de la peste, depuis un siècle, mais les épidémies frappent
toujours, comme ces vagues de choléra qui tuent des milliers de personnes au début de la
monarchie de Juillet et fauchent une partie des corps expéditionnaires anglais et français en
Bulgarie en 1854. L’eau est souvent malsaine, voire dangereuse, dans les villes les puits
sont peu profonds et les conduites d’eaux fluviales prises en aval sont chargées de matières
fécales.
- Prenons le cas du Royaume-Uni
Les maladies (surtout infantiles soit 15 % de la pop.) et les maladies de la précarisont fortes
(milieu ouvrier). En outre, les années 1840 voient une remontée brutale de la mortali
générale avec la conjonction de lourdes difficultés industrielles (donc beaucoup de chômage
et de misère) et de la maladie de la pomme de terre qui frappe l’Irlande pendant trois années
et provoque une famine sans précédent avec un million de décès. La mortaliinfantile et
juvénile se stabilise au milieu du siècle mais reste forte (22 °/°°) avant 1880. La saleté des
taudis (slums), la médiocride la nourriture, la consommation d’une eau très souvent polluée
entretiennent dans les couches populaires citadines une forte mortalité infantile (250 °/°°)
jusqu’à la fin de l’ère victorienne. Les maladies infectieuses, les accidents du travail, les
fièvres puerpérales n’épargnent pas cependant des groupes mieux nourris et mieux logés.
Mortalité élevée donc, mais nettement inférieure à la natalité qui reste soutenue.
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L’Europe de 1815 à 1989
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b- Le recul (voire pour certains pays comme la Franc la disparition) des grandes
mortalités du passé (épimies, famines).
En Europe de l’Ouest, c’est l’amélioration des rendements qui est le grand succès des
agricultures moins routinières et plus attentives à ce que font les autres régions, voire les
autres pays.
Les terres sont exploitées plus intensément que par le passé. La rotation des cultures sur une
même parcelle, fréquente auparavant en Flandre et dans certains districts anglais, se
généralise.. Il s’agit ici par l’introduction de plantes légumineuses et fourragères, de
supprimer le temps de repos jusque souvent obligatoire, la jachère, qui disparaît totalement
de Flandre, d’Alsace et de Normandie. Les engrais végétaux (résidus de raffineries de sucre
de betterave, fumier du bétail à l’étable) sont employés plus largement que par le passé dans
les champs que l’on bonifie en employant le chaulage et le marnage. Parallèlement des
travaux d’assèchement permettent de mettre en valeur certaines fractions incultes des Landes,
de la Camargue, des Dombes. Ces meilleurs rendements s’expliquent également par l’emploi
de semoirs et de charrues plus lourdes (donc des sillons plus profonds) et des pratiques plus
intensives (sarclage, ratissage, labours plus profonds).
Les années mauvaises, avec l’augmentation des prix des denrées alimentaires (chertés), sont
toujours (1827-1830 ; 1846-1849), mais on sait mieux en limiter les effets. Dans certaines
régions (Sud-Ouest, Italie du Nord), quelques aliments de substitution s’avèrent précieux
comme le maïs et la pomme de terre. La culture du riz se développe en Italie du Nord.
-- En Europe de l’Est, l’augmentation de la population est liée à la mise en culture de
terres ou le défrichement jusque non cultivées soit parce qu’elles étaient incultes
(marécages de Poméranie), soit parce qu’on y pratiquait auparavant l’élevage (Castille,
Crimée) soit enfin parce que l’état de guerre y était régulier (plaine Hongroise). Prendre
l’exemple de la Poméranie et de la Silésie où le roi de Prusse fit drainer les marécages. On
établit dans ces territoires des colons venus de Hollande, d’Allemagne, de Suisse. Des grands
travaux de bonification et de desséchement sont également mes en Bavière.
Résumons nous : des mondes « pleins », mais le nombre des pauvres ne diminue pas.
Ceci donne à l’industrie et aux villes de forts contingents de travailleurs durs à la peine,
dociles, qui peuvent être mobilisés pour quelques mois par an (migration saisonnière) ou
toute l’année (exode rural).
2. De robustes et souples aristocraties
Qu’entendre par le mot aristocratie ?
Au sens étymologique : une élite, les plus riches (ploutocrates), les plus puissants
(oligarques), les plus respectés de la société (nobles ou notables ou élites). Le mot n’est donc
pas synonyme de noblesse qui ne forme pas un monde uniforme mais une « république »
divisée entre riches et pauvres, nobles de cour et provinciaux, vieille noblesse et noblesse de
service. Cela est particulièrement spectaculaire en Hongrie la noblesse ne compte pas
moins de 500 000 personnes soit un habitant sur vingt-quatre. Tous ne sont pas des
« aristocrates » ou de très riches propriétaires que l’on appelle les magnats ou seigneurs. Le
gros de ce groupe est constit de nobles « moyens », qui fournit de forts contingents
d’avocats, de journalistes, d’intellectuels soit les « talents ». On retrouve également une
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