Encyclopédie Médico-Chirurgicale 24-000-G-10 24-000-G-10 Lavage gastrique H Flicoteaux C Hugot C Pichot Résumé. – Le lavage gastrique, bien que très controversé, reste un procédé d’évacuation digestive lors des intoxications médicamenteuses. Son utilité est indiscutable, s’il est pratiqué tôt, pour des drogues engageant le pronostic vital. La technique répond à des règles strictes : position dépendant de l’anatomie, respect des contre-indications, permettant ainsi d’éviter les complications (intoxications à l’eau...). © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : intoxication médicamenteuse, hypothermie, lavage gastrique, épuration digestive. Introduction Parmi les techniques d’épuration digestive des intoxications médicamenteuses, le lavage gastrique, s’il n’est plus le principal moyen utilisé, reste indiqué lors des intoxications graves ou comme moyen diagnostique. De son délai de mise en œuvre, de sa rigueur d’exécution, dépendent son efficacité et sa bonne tolérance. Produits connus ? Oui Toxicité pouvant entraîner le pronostic vital ou fonctionnel ? Oui Indications Les indications du lavage gastrique découlent du bénéfice effectif que l’on en attend (fig 1). Non Dosage toxicologique : liquide gastrique, sang ? Lavage gastrique Signes évoquant une instabilité hémodynamique ? Non Surveillance diurèse osmotique neutre ? Charbon activé ? ? LAVAGE GASTRIQUE À VISÉE DIAGNOSTIQUE Certains patients sont hospitalisés dans un tableau d’agitation ou de coma pour lequel aucune étiologie n’est évoquée. Une recherche toxicologique est alors mise en œuvre. Le lavage gastrique permet un dosage qualitatif et, quelquefois, offre le diagnostic. LAVAGE GASTRIQUE À VISÉE ÉVACUATRICE Les paramètres pouvant modifier l’efficacité du lavage gastrique sont : Henri Flicoteaux : Praticien hospitalier, SAMU 25, directeur du CESU. Claude Hugot : Médecin attaché. Cyrille Pichot : Médecin attaché. CHU Minjoz, aide médicale urgente, centre 15, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France. Oui Non Lavage gastrique Lavage gastrique en position ventrale : procubitus en décubitus latéral gauche 1 Arbre décisionnel en cas d’intoxications médicamenteuses. – la nature du toxique (cinétique d’absorption) et sa présentation galénique (comprimés à libération prolongée, poudre, liquide) ; – la quantité de toxique ingérée ; – le délai entre l’ingestion et la réalisation du lavage, de préférence inférieure à 3 heures. Si son efficacité par rapport au risque n’est plus justifiée pour les benzodiazépines, il reste reconnu utile pour les barbituriques, les imipraminiques et les cardiotropes pouvant engager le pronostic vital ou fonctionnel (épilepsie). Il ne permet pas d’évacuer la totalité du toxique absorbé, mais permet souvent de descendre en dessous de la dose toxique. LAVAGE GASTRIQUE À VISÉE THÉRAPEUTIQUE Pendant de nombreuses années, il servait au réchauffement des hypothermies. Certaines équipes l’utilisent encore. Toute référence à cet article doit porter la mention : Flicoteaux H, Hugot C et Pichot C. Lavage gastrique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Urgences, 24-000-G-10, 2000, 2 p. 24-000-G-10 Contre-indications Elles sont liées : – au toxique : ingestion de produit caustique ou moussant ; – aux antécédents du patient : ulcère gastrique en évolution ou chirurgie œsogastrique ; – au patient lui-même : – chez la femme enceinte, le lavage gastrique doit être évité ; après le troisième mois de grossesse, s’il doit être pratiqué, il l’est en décubitus latéral gauche ; – chez l’enfant, il est préférable d’utiliser l’apomorphine, vomitif moins traumatisant que le lavage. Description de la technique Un tube de Faucher de gros calibre (ch 36) est introduit par voie oropharyngée dans l’estomac. Il doit être mousse à son extrémité pour être atraumatique et pourvu d’orifices latéraux (au moins deux), pour éviter que, lors du siphonnage, cette extrémité ne vienne se coller contre la paroi. L’extrémité proximale est pourvue d’un récipient, ou tulipe, d’une contenance maximale de 800 mL. Le liquide de lavage est de l’eau tiède (37 °C), rendue isotonique au plasma grâce à l’adjonction de sel (9 g/L). Chez le sujet conscient (Glasgow supérieur à 8), le tube de Faucher lubrifié (huile de vaseline médicinale) est introduit par voie oropharyngée, en position assise ou en décubitus latéral gauche répondant à la position latérale de sécurité (PLS). Sa position est vérifiée par insufflation d’air (50 mL) et recherche de bruits aériens stétacoustiques dans la zone épigastrique. Le lavage consiste en l’introduction de 500 mL de solution isotonique qui est récupérée par siphonnage, et ainsi de suite. Un dosage toxicologique peut être réalisé tous les 30 L dans le liquide de siphonnage. L e l a v a g e p e u t ê t re r é p é t é j u s q u ’ à négativation des prélèvements. Lavage gastrique La technique doit être expliquée au patient, et notamment la nécessité d’une bonne collaboration lors du passage du tube dans l’oropharynx, nettement facilité par des mouvements de déglutition. Chez le patient somnolent ou inconscient (Glasgow inférieur à 8), chez le sujet présentant des pauses respiratoires ou une bradypnée, l’intubation préalable s’impose. De toute façon, la pratique du lavage gastrique ne doit se faire que sous monitorage permanent (électrocardiogramme [ECG], pouls, tension artérielle, saturation du sang artériel en oxygène [SaO2]). Deux personnes sont nécessaires pour mettre en œuvre la technique et surveiller le patient pendant toute la durée du lavage, en moyenne 30 minutes. Dans quelle position effectuer ce lavage ? L’anatomie nous impose, pour être efficaces, de pratiquer ce lavage en décubitus ventral (procubitus). En décubitus dorsal, le tube d i g e s t i f , d a n s s a p a r t i e s u p é r i e u re orogastrique, a cette particularité d’être très antérieur dans ses deux extrémités et très postérieur dans son trajet. L’orifice cardial fixe l’estomac sur la partie gauche et postérieure du massif vertébral. L’orifice pyloroduodénal en fixe l’autre extrémité sur le flanc droit. Nous avons montré que le décubitus dorsal impose à l’estomac une disposition en bissac de part et d’autre de la colonne vertébrale, alors qu’en décubitus ventral, la poche gastrique ne fait qu’une position. Une alternative est le décubitus latéral gauche. Complications Elles sont liées : – à la technique : – évacuation bloquée : aliments, toux ; – hémorragie gastrique : au cours du lavage, le liquide de siphonnage peut revenir rosé, témoignant d’une suffusion hémorragique ; il s’agit très souvent d’une Urgences gastrite érosive liée à la rigidité du tube d e F a u c h e r, i m p o s a n t l ’ a r r ê t d u traitement ; un contrôle endoscopique est réalisé secondairement ; – hypothermie : l’administration de 30 L, et quelquefois 120 L, d’une solution à 20 °C peut conduire à des hypothermies ; le liquide de lavage doit être maintenu à une température constante de 37 °C ; – intoxication par l’eau : l’administration d’une solution hypotonique peut conduire à un passage d’eau entraînant une surcharge volémique pouvant conduire à un œdème aigu du poumon, une hyponatrémie de dilution. Un cliché radiologique des poumons est toujours réalisé après le lavage ; – au patient : les intoxications médicamenteuses volontaires (IMV) sont souvent somnolentes, comateuses ou sous l’emprise de drogues à potentialité cardiovasculaire (tricycliques) ; le lavage gastrique, chez ces sujets, peut conduire à : – un syndrome de Mendelson : il est donc nécessaire d’intuber tous les patients comateux (Glasgow inférieur à 7) ; on peut le réaliser, comme en anesthésie, avec une sonde armée, ceci avant le retournement et l’introduction du tube de Faucher ; – à un état de choc au retournement, collapsus de retournement : les patients ayant ingéré des drogues comme les tricycliques (plus de 1 g), des tonicardiaques (digitaliques) ou des antiarythmiques (Cordaronet, Cipralant), sont pourvoyeurs d’instabilité hémodynamique ; le retournement en décubitus ventral peut induire une inefficacité hémodynamique. Chez ces patients, il est préférable de pratiquer le lavage gastrique en décubitus latéral gauche. Un ECG systématique doit être effectué avant le lavage de toute IMV, à la recherche des troubles liés à l’imprégnation de ces drogues (allongement de QT, élargissement de QRS, bloc de branche droit complet ou incomplet), contreindiquant le décubitus ventral. L’efficacité du lavage gastrique dépend donc du respect de ses indications, des conditions qu’il exige pour être mis en œuvre et de la disponibilité des équipes en temps et en nombre pour en assurer la surveillance. Références [1] Danel V. Épuration digestive des toxiques. Les intoxications aiguës. Paris : Arnette, 1993 : 88-90 [2] Flicoteaux H, Fergane B, Clement G, Costes Y, Bachour K, Neidhardt A. Attitude d’un service d’accueil face aux intoxications médicamenteuses volontaires. Prise en charge immédiate. 3e journée de la société française d’urgences médicales, Dijon, Avril 1988 2 [3] Hericord P. Pratique du lavage gastrique. Xe conférence de consensus en réanimation et médecine d’urgence : épuration digestive lors des intoxications aiguës, Nîmes, 27 novembre 1992 [4] Hericord P, Luquel L. Pratique du lavage gastrique. Réanim/Urg 1993 ; 2 : 199-201 [5] Neidhardt A, Fergane B, Flicoteaux H. Lavage gastrique : « décubitus ventral ». Rev SAMU 1985 ; 8 : 19-21 [6] Neidhardt A, Flicoteaux H, Bachour K, Fergane B, Costes Y. Le lavage gastrique assisté mécaniquement. Urgences 1990 ; 9 : 241-243