La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 2 - février 2012 | 121
Résumé
La candidose buccale est un diagnostic clinique, son traitement repose sur les antifongiques non absorbables.
Mots-clés
Candidose
Cancer
Mucite
Summary
Oral candidiasis is a frequent
issue in cancer patients. The
incidence is about 10%, much
higher in some selected popu-
lations (over 80% in head and
neck cancer patients under-
going radiation therapy).
Diagnosis relies on the clinical
examination of the oral cavity,
and bacteriological samples
are usually not required. Local
treatment with non absorbable
drugs is the gold standard for
fi rst line therapy.
Keywords
Candidiasis
Cancer
Mucositis
La mycose buccale peut exister de façon isolée ou
compliquer une mucite, après une chimiothérapie
ou une radiothérapie, par exemple. En elle-même,
la mycose buccale est peu, voire n’est pas douloureuse
(bien qu’il puisse y avoir, parfois, une sensation de
brûlure légère superfi cielle), sauf, bien sûr, lorsqu’elle
est associée à une mucite. Cette indolence explique
probablement en partie la non-prise en compte de ce
problème, les patients ne s’en plaignant pas forcé-
ment, car les modifi cations du goût et la dysphagie
sont souvent associées, dans leur esprit (et souvent
aussi pour le médecin), à la chimiothérapie.
Une candidose buccale peut se compliquer d’une
candidose digestive plus étendue, pharyngée,
œsophagienne, voire être la porte d’entrée d’une
infection fongique généralisée, ce qui, heureusement,
est une éventualité rare.
Épidémiologie des candidoses
orales en cancérologie
Dans une étude très récente, J. Gligorov et al. (2)
ont rapporté les données recueillies dans 35 centres
français prenant en charge des patients souffrant de
cancer. Pendant 2 semaines, tous les patients adultes
atteints d’une tumeur solide ou d’un lymphome
en cours de traitement par chimiothérapie et/ou
radiothérapie et/ou traitement ciblé étaient inclus,
à l’exception des patients ayant des antécédents de
candidose systémique ou ayant reçu récemment un
traitement antifongique.
Deux mille quarante-deux patients ont été enregis-
trés et 2 027 effectivement inclus dans cette étude.
L’âge moyen était de 61,5 ans ; 59,7 % étaient des
femmes, le cancer du sein étant le premier diagnostic,
avec environ un tiers des patients concernés.
Quatre-vingts pour cent des patients étaient traités
pour une maladie métastatique.
Dans cette cohorte, 195 patients, soit 9,6 % de la
population, présentaient une candidose buccale.
Les principaux diagnostics associés étaient les
tumeurs des voies aérodigestives supérieures (VADS),
les cancers digestifs et les lymphomes. Trente-deux
pour cent de ces patients recevaient une association
de radio-chimiothérapie, 7,7 % étaient traités par
une polychimiothérapie.
Vingt pour cent de ces patients avaient des anté-
cédents de candidose buccale. Le principal facteur
favorisant retrouvé était la présence d’une mucite
dans près de 65 % des cas, une corticothérapie dans
près de la moitié des cas, une mauvaise hygiène
buccale et une neutropénie dans un tiers des cas.
La symptomatologie était souvent fruste, se
limitant à une sécheresse buccale chez 63 % des
patients et à des troubles du goût pour 59 % des
patients. Les douleurs buccales (liées bien sûr à la
mucite sous-jacente) étaient présentes dans 43 %
des cas.
À noter que, chez la majorité des patients, la forme
clinique était une forme érythémateuse avec peu ou
pas de pseudomembrane (pour 62 % d’entre eux).
Il est intéressant de comparer ces données épidémio-
logiques avec celles rapportées par A.N. Davis
et al. (3) chez des patients en situation palliative,
c’est-à-dire des adultes souffrant d’un cancer
avancé, pris en charge en hôpital de jour de soins
palliatifs. Dans cette étude, un prélèvement myco-
logique était systématique. Parmi les 390 patients
inclus − moyenne d’âge de 73 ans, bon état
général (76 % des patients avaient un état général
OMS 0 à 2) −, un portage buccal de Candida était
retrouvé dans 70 % des cas, mais avec un diagnostic
clinique de candidose buccale avec confi rmation
microbiologique chez seulement 13 % des patients.
À noter que les formes cliniques pseudo-membra-
neuses étaient majoritaires, et concernaient 45 %
des patients.
Les facteurs de risque trouvés étaient l’altération de
l’état général, la corticothérapie, la présence d’une
prothèse dentaire et la sécheresse buccale, ainsi
que, globalement, toutes les situations d’hyposialie.
En fait, l’incidence des candidoses buccales varie
considérablement, dans la littérature (1), selon que
l’on considère un diagnostic clinique ou un diagnostic
purement microbiologique, et de simples portages
de Candida sans signe clinique sont alors pris en
compte, ce qui bien sûr ne correspond pas à la
défi nition d’une candidose buccale. En moyenne,
l’incidence est de l’ordre de 30 % selon la sélection
plus ou moins stricte des patients considérés dans
les études. Cette incidence est la plus élevée (plus
de 70 %) chez les patients traités par radiothérapie
ou radio-chimiothérapie pour un cancer des VADS.