DOSSIER THÉMATIQUE Violence et sexualité Violence and sexual behavior F. Thibaut* L’ Organisation mondiale de la santé définit ainsi la violence sexuelle : “Tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaires ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne, indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s’y limiter, le foyer et le travail (OMS, 2002).” La prévalence de la violence sexuelle reste mal connue en France. Elle peut être évaluée à partir d’éléments indirects, comme le pourcentage de prisonniers ayant commis un délit sexuel. D’après l’observatoire international des prisons, les délinquants sexuels représentaient 14,3 % des condamnés incarcérés au 1er janvier 2010 (versus 21,4 % en 2006). En 2004, sur les 7 956 détenus condamnés pour agressions sexuelles, on comptait seulement 2 % de femmes et l'agression sexuelle commise par 73,5 % de ces détenus était à l’encontre d’un mineur. Les auteurs de violence sexuelle sont pratiquement toujours des hommes et les victimes majoritairement des jeunes filles ou des femmes. L’ouvrage intitulé Psychiatrie des déviances sexuelles développe les aspects cliniques, épidémiologiques et législatifs concernant les auteurs d’agression sexuelle et leur prise en charge (1). Nous aborderons donc uniquement dans cet article la physiopathologie des liens entre violence et sexualité afin de tenter de mieux les comprendre. La sexualité dépend de multiples facteurs (développementaux, psychologiques, neuronaux, hormonaux, etc.), eux-mêmes sous l’influence complexe de facteurs culturels et sociologiques. Le caractère multifactoriel des comportements sexuels violents et la grande hétérogénéité de ces facteurs rendent leur prise en charge particulièrement complexe. La plupart des études à ce sujet, fort peu nombreuses d’ailleurs, ont porté sur les sujets pédophiles. ­Les ­comportements de viols, du fait de leur grande hétérogénéité, sont plus difficiles à analyser. Ils peuvent constituer un événement unique dans la vie du sujet ou se répéter (cas très rares des violeurs en série). Ils peuvent être associés ou non à une déviance sexuelle selon la définition actuelle des paraphilies. Ils peuvent être induits ou au moins favorisés par la consommation préalable de substances licites ou illicites (alcool ou encore cocaïne), pour ne mentionner que quelques-uns des nombreux facteurs pouvant contribuer à leur déterminisme. Un facteur environnemental est très fréquemment rapporté par les sujets pédophiles : il s’agit des abus sexuels dans l’enfance, notés chez 28 à 93 % d’entre eux comparativement à 10 à 15 % chez les sujets témoins. Le rôle de ces antécédents d’abus sexuels dans l’apparition ultérieure d’une sexualité déviante demeure inconnu. Liens entre hormones sexuelles et sexualité Les estrogènes ont peu d’influence directe sur le désir sexuel, chez les hommes comme chez les femmes. La testostérone, androgène principal produit par les cellules de Leydig des testicules, joue un rôle majeur dans le développement et le maintien des caractères sexuels masculins (2, 3). La testostérone est également produite dans le cerveau directement à partir du cholestérol au sein des oligodendrocytes. Elle est associée aux composantes autonomes (érection, éjaculation) ainsi qu’aux composantes émotionnelles, motivationnelles et cognitives du comportement sexuel directement, ou indirectement, via les systèmes dopaminergiques et sérotoninergiques. Les effets de la testostérone et de son principal métabolite, la 5α-dihydrotestostérone (DHT) sont liés à leur action sur les récepteurs intracellulaires aux androgènes. La sérotonine pourrait jouer un rôle inhibiteur de la sexualité via une diminution de la libération de dopamine médiée par la testostérone dans certaines régions cérébrales. La sécrétion de testostérone est * Hôpital universitaire et université de Rouen/Inserm, Rouen. La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 5 - septembre-octobre 2012 | 133 Mots-clés Violence Sexualité Paraphilie Pédophilie Androgènes Highlights »» Violence and antisocial personality traits are linked to criminality rather than to the sexual component of the crime itself. »» There is a weak correlation between testosterone levels and agressiveness, this correlation is mostly observed in the most aggressive offenders. »» The prevalence of antisocial behavior and crime might be increased in subjects carrying the XYY genotype but not in those carrying the XXY genotype. »» The combination of a frontal dysfunction with disinhibition (which may increase the risk of inappropriate sexual behavior) with a temporal dysfunction (which may be associated with hypersexuality) has been hypothesized as a cause of pedophilic behaviors. Keywords Violence Sexual behavior Paraphilia Pedophilia Androgens Points forts »» Ce n’est pas le caractère sexuel du crime qui est corrélé au taux de testostérone mais la violence et les traits de personnalité antisociale associés aux comportements criminels. »» Il existe une très faible corrélation entre le taux de testostérone et l’agressivité, cette très faible corrélation positive étant surtout observée chez les sujets ayant commis un crime ou un délit associé à un comportement agressif. »» La fréquence des comportements antisociaux et des condamnations pour crimes serait plus élevée chez les hommes présentant le génotype XYY que chez ceux présentant le génotype XXY. »» Une théorie associant un dysfonctionnement frontal à l’origine d’une désinhibition pouvant favoriser l’émergence de certains comportements sexuels inappropriés, et un dysfonctionnement temporal à l’origine d’une hypersexualité est évoquée pour tenter d’expliquer les comportements pédophiles. régulée par un mécanisme de rétrocontrôle sur l’axe hypothalamo-hypophysotesticulaire, faisant intervenir l’hormone lutéinisante hypophysaire (LH) et la Gonadotrophin Hormone Releasing Hormone (GnRH ou gonadolibérine), d’origine hypothalamique. La testostérone est capable de restaurer les érections nocturnes chez les hommes adultes présentant un hypogonadisme. Un niveau minimal de testostérone semble nécessaire au comportement sexuel masculin. Cependant, le seuil minimal est discuté. Bien que la rigidité et la tumescence semblent androgéno-dépendantes, les érections en réponse à des stimuli érotiques visuels ne le sont pas ; en revanche, les érections en réponse à des stimuli auditifs le seraient peut-être davantage. Dans quelle mesure les érections résultant de fantasmes ou de stimulations tactiles le sont-elles ? La question demeure controversée. La testostérone contrôlerait également les processus enzymatiques impliqués dans le déclenchement et la fin de l’érection (4). Chez les hommes, l’activité sexuelle (masturbation ou relation sexuelle) et/ou le fait de regarder des vidéos érotiques pourraient être associés à une augmentation du taux de testostérone. Liens entre hormones sexuelles et violence ou déviance sexuelle Aucune étude n’a montré que les sujets présentant une hypersexualité ou des comportements sexuels violents ou déviants avaient des taux de testostérone plasmatique de base plus élevés. En réalité, le bénéfice observé lorsqu’on réduit le taux de testostérone provient probablement d’une diminution globale de l’activité sexuelle. Les études les plus nombreuses portent sur les comportements sexuels pédophiles. Une hypersécrétion notable de la LH a été observée en réponse à une stimulation par la GnRH chez 28 sujets pédophiles, comparativement à 14 témoins, alors que les taux de base de la LH et de la testostérone étaient normaux, la réponse de la testostérone à la stimulation par GnRH n’est pas rapportée. Ces résultats pourraient signifier qu’il existe un dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysotesticulaire chez les pédo- 134 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 5 - septembre-octobre 2012 philes (5). M. Maes et al. ont rapporté une diminution des taux de prolactinémie chez 8 sujets pédophiles, comparativement à 19 témoins sains, diminution qui pourrait avoir des conséquences sur le système dopaminergique (6). On sait qu’une hyperprolactinémie a pour conséquence une inhibition du comportement sexuel, une réduction de la pulsatilité de la GnRH, avec pour corollaire une réduction de la testostéronémie ; les conséquences de l’hypoprolactinémie sont moins bien connues. Une étude récente en IRM montre un lien entre l’activation des régions cérébrales impliquées dans le comportement sexuel chez des sujets témoins de sexe masculin lors de la visualisation de vidéos érotiques et les taux sanguins de prolactine. Liens entre hormones sexuelles et comportement agressif K. Jordan et al. ont réalisé une analyse des études publiées tentant d’établir un lien entre les taux plasmatiques (ou salivaires) de testostérone ou de LH et les comportements criminels sexuels (pédophilie, viols, ou autres types de crimes sexuels) [3]. Ils concluent que ce n’est pas le caractère sexuel du crime qui est lié au taux de testostérone mais plutôt la violence et les traits de personnalité antisociale associés aux comportements criminels. La recherche d’un lien potentiel entre agressivité et testostérone a donné lieu à de nombreuses publications depuis les années 1970. Dans une méta-analyse récente de 30 études, J. Archer et al. ont mis en évidence une très faible corrélation entre le taux de testostérone et l’agressivité (avec un coefficient de corrélation de 0,08), cette très faible corrélation positive étant surtout observée chez les délinquants, indépendamment du caractère sexuel ou non du délit (7). À l’inverse, d’autres études ont rapporté des taux plus faibles de testostérone chez les pédophiles et les exhibitionnistes. Liens entre chromosome Y et comportement sexuel La nature et l’importance des liens existant entre certains types de malformations chromosomiques impliquant les chromosomes sexuels, tout particu- DOSSIER THÉMATIQUE lièrement le chromosome Y, et les comportements sexuels déviants demeurent mal connues. Or, l’incidence de leur survenue est fréquente (1 naissance masculine sur 500) en ce qui concerne les plus fréquentes : 47, XXY et 47, XYY. Les traits physiques et comportementaux des hommes présentant un chromosome Y surnuméraire pourraient résulter d’une augmentation du dosage du gène Y : ils seraient en moyenne plus grands, et auraient un quotient intellectuel plus modeste, ils pourraient également montrer une instabilité émotionnelle plus importante et, pour certains d’entre eux, des besoins sexuels accrus. À l’inverse, les sujets présentant un syndrome de Klinefelter, XXY, rapportent en général une réduction de leurs besoins sexuels, liée à la réduction des taux circulants de testostérone mais qui, de façon surprenante, ne s’améliore pas toujours avec le traitement substitutif par la testostérone ; cette observation ne faisant que confirmer le lien complexe existant entre taux circulants de testostérone et libido. Certains auteurs ont cependant rapporté un risque de délit sexuel ou de violence sexuelle chez des sujets présentant un syndrome de Klinefelter lors de l’instauration d’un traitement androgène. Certains auteurs ont également proposé un rôle direct des chromosomes sexuels. M.J. Götz et al. ont évalué les comportements chez des sujets XYY et XXY (8). Les auteurs ont repris l’ensemble des naissances entre 1967 et 1979 en Écosse (34 380 naissances masculines) et ont ainsi identifié 16 hommes XYY et 13 hommes XXY qu’ils ont comparés à 45 témoins. La fréquence des comportements antisociaux et des condamnations pour crimes est plus élevée chez les hommes présentant le génotype XYY que celle observée chez les sujets XXY. Cependant, l’analyse par régression laisse apparaître que ce comportement est essentiellement lié au faible quotient intellectuel de ces sujets. L.E. Harrison et al. (9) rapportent une fréquence plus élevée que celle observée dans la population générale, de malformations chromosomiques dans leur population d’adolescents agresseurs sexuels (5 sur 121 versus 1,2 sur 1 000 sujets de sexe masculin). Dopamine et comportement sexuel Environ un quart des usagers d’amphétamines rapportent (via une augmentation du taux de dopamine synaptique) une diminution de l’activité sexuelle et un autre quart soulignent une augmentation de l’activité sexuelle. Les agonistes dopaminergiques ont souvent comme effet indésirable une hypersexualité, voire, dans certains cas, l’apparition de comportements sexuels déviants, notamment chez les patients parkin­soniens (exhibitionnisme, pédophilie ou, simplement, hypersexualité). Au contraire, les médicaments tels que les neuroleptiques, qui ont un effet antagoniste dopaminergique, ont comme effet secondaire d’inhiber la sexualité. La cocaïne (inhibiteur de la recapture de la dopamine), volontiers consommée dans le but d’accroître les performances sexuelles, peut favoriser l’émergence d’une addiction sexuelle chez certains sujets. Cette addiction sexuelle ne régresse pas toujours lors de l’interruption de la consommation de cocaïne. Certains passages à l’acte sexuel délictueux, réalisés sous l’emprise de la cocaïne, ont pu être facilités par sa consommation. Enfin, un faible turnover de la dopamine évalué indirectement par mesure des taux sanguins d’acide homovanillique a été retrouvé chez les agresseurs d’enfants. Sérotonine et sexualité L’augmentation de l’activité sérotoninergique dans l’hypothalamus inhibe le comportement sexuel chez certains mammifères. Des taux faibles d’acide 5-hydroxy-indolacétique dans le liquide céphalo­ rachidien sont associés à un niveau élevé d’agressivité, lié à un défaut de contrôle de l’impulsivité, alors que la testostérone serait davantage associée à l’agressivité intervenant dans la compétition chez les jeunes primates mâles. Les effets secondaires des inhibiteurs de recapture de la sérotonine sur le comportement sexuel sont connus (diminution de la libido, diminution de l’orgasme et perturbations de l’éjaculation). Chez les hommes déprimés, la prescription d’antidépresseurs inhibiteurs de recapture de la sérotonine peut, dans certains cas, être associée à une réduction des taux de testostérone, de LH et d’hormone folliculostimulante (FSH) ainsi qu’à une augmentation des taux de prolactine. L’activation des récepteurs 5HT2 peut altérer le comportement sexuel ; en revanche, la stimulation des récepteurs 5HT1A (via le taux de dopamine dans l’aire préoptique) peut le faciliter (4). Chez certains sujets pédophiles, une augmentation des taux plasmatiques des catécholamines (adrénaLa Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 5 - septembre-octobre 2012 | 135 DOSSIER THÉMATIQUE La violence dans tous ses états Violence et sexualité line) a été décrite (6). Huit pédophiles ont une réponse accrue des niveaux plasmatiques de cortisol et de prolactine à la méta-chlorophénylpipérazine (agoniste sérotoninergique via les récepteurs 5HT2) comparativement à 11 sujets témoins, alors que les taux de base du cortisol sont plus faibles. Ces anomalies pourraient correspondre à un dysfonctionnement de l’axe sérotoninergique dans la pédophilie (réduction de l’activité sérotoninergique présynaptique avec hypersensibilité compensatoire des récepteurs 5HT2 postsynaptiques). Des taux plus faibles du métabolite principal de la sérotonine, l’acide 5-hydroxy-indolacétique, ont été retrouvés chez des violeurs. Selon K. Jordan et al. (3), la combinaison d’un niveau normal, voire un peu élevé, de testostérone, d’un taux réduit de prolactinémie et d’une faible activité sérotoninergique pourrait être associée à des comportements sexuels déviants. Opiacés et sexualité Divers produits utilisés par les toxicomanes modifient l’activité sexuelle. Ainsi, les morphiniques inhibent le désir sexuel et l’orgasme dans 50 % des cas mais, chez certains patients, ils peuvent, au contraire, accroître le désir sexuel. La libération d’opiacés dans l’aire médiale préoptique pendant l’acte sexuel serait un élément important dans le plaisir sexuel et dans la période réfractaire qui fait suite à l’orgasme. L’administration chronique d’opiacés pourrait réduire la testostéronémie via une réduction de la sécrétion de GnRH. Régions cérébrales impliquées dans le comportement sexuel Le système limbique et l’amygdale seraient davantage associés aux composantes émotionnelles de la sexualité (désir sexuel et sensations physiques liées à l’excitation sexuelle). L’hypothalamus serait, quant à lui, davantage en lien avec le système nerveux autonome et il serait impliqué dans les réponses génitales et cardiovasculaires liées au désir sexuel mais également dans la motivation. Le striatum serait, de son côté, associé aux composantes motrices du comportement sexuel. Des lésions des lobes temporal et frontal ont pu favoriser une hypersexualité ou l’apparition de comportements sexuels déviants chez l’homme (notamment lors de maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques, l’épilepsie ou la démence). 136 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 5 - septembre-octobre 2012 Le syndrome de Klüver-Bucy est également associé à des perturbations du comportement sexuel. Des comportements paraphiliques ont été décrits au décours de traumatismes crâniens, surtout lorsqu’ils impliquent les cortex temporal et frontal. Le lien entre l’activation de régions cérébrales spécifiques et le comportement sexuel déviant demeure mal connu. Le lobe temporal serait impliqué dans la discrimination des stimuli érotiques et dans le niveau de désir sexuel, et mérite une attention particulière chez les pédophiles. Chez l’animal mâle, les lésions de l’aire médiane préoptique qui est connectée au système limbique perturbent le comportement copulatoire. La capacité à reconnaître le partenaire sexuel est également perturbée. Des modifications structurales de la substance grise ont été identifiées dans différentes structures cérébrales corticales (cortex orbitofrontal, temporal, pariétal et insula), limbiques (amygdale, strie terminale et substance innominée), dans le striatum ventral, l’hypothalamus, la corne temporale antérieure du ventricule, le lobe postérieur et le vermis antérieur du cervelet chez des sujets pédophiles. Une diminution de volume de la substance blanche dans les régions pariétales droite et gauche des lobes temporal et pariétal a également été décrite chez des sujets pédophiles (1). L’interprétation de ces résultats demeure difficile. Des modifications d’activation des structures cérébrales impliquées dans le comportement sexuel des sujets pédophiles ont récemment été décrites, notamment une réduction d’activité dans les cortex préfrontal, orbitofrontal, pariétal, temporal, occipital moteur et prémoteur, l’insula et le gyrus fusiforme, dans les structures limbiques comme le gyrus cingulaire, dans le striatum ventral, dans l’hypothalamus et, enfin, dans la substance grise périacqueducale et le tronc cérébral. Dans l’amygdale, l’activité est accrue selon le choix sexuel préférentiel du sujet, qui porte par exemple sur les jeunes enfants chez les pédophiles (1). B. Schiffer et al. ont comparé 8 pédophiles, avec des antécédents de délinquance sexuelle, attirés par des fillettes, et 12 témoins hétérosexuels appariés à l’aide de l’IRM fonctionnelle en leur montrant des photos sexuellement suggestives (10). Une absence d’activation dans le cortex orbitofrontal droit est retrouvée chez les pédophiles lorsque les vidéos pédophiles leur sont présentées alors qu’une activation anormale est observée dans le cortex préfrontal dorsolatéral droit, comparativement à ce qui est noté chez les hommes hétérosexuels auxquels sont montrées des vidéos érotiques hétérosexuelles. J. Ponseti et al. ont mis en évidence DOSSIER THÉMATIQUE un pattern différent d’activation cérébrale entre les sujets en fonction de leur orientation homo- ou hétérosexuelle ou encore en fonction de leurs préférences sexuelles (adulte ou enfant), mais ces résultats ne présagent pas de l’étiologie de ce trouble (11). Il s’agit de l’activation liée aux fantasmes sexuels, ce qui est différent de l’acte sexuel, puisque l’on sait par exemple que, dans la population générale, les fantasmes pédophiles existent mais qu’ils sont le plus souvent réprimés (15 à 20 % des hommes et environ 2 % des femmes dès l’adolescence) ; les fantasmes de viols seraient quant à eux présents chez 40 % des jeunes hommes. Conclusion À la lumière de ces différentes études, plusieurs théories tentant d’expliquer les comporte- ments sexuels déviants ont été proposées (3). Une première théorie s’appuie sur des dysfonctionnements frontaux dysexécutifs (désinhibition comportementale sexuelle et perte des règles morales, associées à des anomalies structurales ou fonctionnelles du lobe frontal) pour expliquer les comportements pédophiles. Ceux-ci seraient ainsi l’expression d’une absence d’inhibition de comportements sexuels inappropriés. Une deuxième théorie met en avant des dysfonctionnements temporaux limbiques pouvant être à l’origine d’une hypersexualité, souvent associée aux comportements sexuels violents. Enfin, une théorie mixte associant un dysfonctionnement frontal à l’origine d’une désinhibition pouvant favoriser l’émergence de certains comportements sexuels inappropriés et un dysfonctionnement temporal à l’origine d’une hypersexualité est également évoquée. ■ Références bibliographiques 1. Thibaut F. Psychiatrie des déviances sexuelles. Paris : Springer Verlag, à paraître en novembre 2012, 180 p. 2. Rubinow DR, Schmidt PJ. Androgens, brain, and behavior. Am J Psychiatry 1996;153:974-84. 3. Jordan K, Fromberger P, Stolpmann G, Müller JL. The role of testosterone in sexuality and paraphilia. A neurobiological approach. Part I: testosterone and sexuality. J Sex Med 2011;8:2993-3007. 4. Meston CM, Frohlich PF. The neurobiology of sexual function. Arch Gen Psychiatry 2000;57:1012-30. 5. Bain JR, Langevin P, Hücker S et al. Sex hormones in pedophiles. I Baseline values of six hormones. II The Gonadotrophin Releasing Hormone test. Sex abuse 1988;1:443-54. 6. Maes M, van West D, de Vos N et al. Lower baseline plasma cortisol and prolactin together with increased body temperature and higher mCPP-induced cortisol responses in men with pedophilia. Neuropsychopharmacol 2001;24: 37-46. 7. Archer J. Testosterone and human aggression: an evaluation of the challenge hypothesis. Neurosci Biobehav Rev 2006;30(3):319-45. 8. Götz MJ, Johnstone EC, Ratcliffe SG. Criminality and antisocial behaviour in unselected men with sex chromosome abnormalities. Psychol Med 1999;29(4):953-62. 9. Harrison LE, Clayton-Smith J, Bayley S. Exploring the complex relationship between adolescent sexual offending and sex chromosome abnormality. Psychiatr Genet 2001;11(1):5-10. 10. Schiffer B, Paul T, Gizewski E et al. Functional brain correlates of heterosexual paedophilia. Neuroimage 2008;41(1):80-91. 11. Ponseti J, Granert O, Jansen O et al. Assessment of pedophilia using hemodynamic brain response to sexual stimuli. Arch Gen Psychiatry 2011; 69:187-94. Bloc-notes Remédiation cognitive, sous la direction de Nicolas Franck (Paris : Elsevier Masson, 2012) Le Pr Nicolas Franck est responsable du service universitaire de réhabilitation, centre hospitalier Le Vinatier, et président de l’Association franco­ phone de remédiation cognitive, UMR 5229, CNRS et université Lyon 1. La remédiation cognitive est un nouvel outil de soin en psychiatrie. Cette thérapie non médicamenteuse répond au besoin de prise en compte des déficits cognitifs, ou troubles du traitement de l’information. Associés à de nombreux troubles chroniques (schizo­ phrénie, trouble bipolaire, dépression, autisme, etc.), ces déficits cognitifs ne répondent pas, ou peu, aux traitements psychotropes et contribuent fortement à la désinsertion sociale et professionnelle. La remédiation cognitive, en complément des traitements médicamenteux et des psychothérapies, intervient après un bilan neuro­ psychologique, lorsque la pathologie est stabilisée et que le traitement médicamenteux a été réduit à la posologie minimale efficace. Elle appartient au champ de la rééducation et consiste à restaurer ou à compenser les fonctions cognitives déficitaires. Les programmes de remédiation cognitive reposent sur la réalisation d’exercices spécifiques, verbaux, écrits ou informatisés, dans le cadre de séances groupales ou individuelles. Cet ouvrage, destiné aux professionnels – actuels ou futurs – de la santé mentale, est le premier livre en français consacré à ce sujet. Il décrit les principales fonctions cognitives déficitaires, les indications de la remédiation cognitive et son utilisation dans le contexte de la réhabilitation en psychiatrie, les conditions et modalités d’utilisation des principaux programmes. 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