a prise en charge de la femme diabétique est nécessaire-
ment pluridisciplinaire, et ce dès le début de la grossesse
ou une fois le diagnostic posé. Cette approche inclut
l’obstétricien, l’anesthésiste-réanimateur et le pédiatre, comme
pour toute grossesse pathologique, mais aussi l’endocrinologue.
Plus spécifiquement, en salle d’accouchement, l’anesthésiste-
réanimateur est amené à gérer l’analgésie du travail ou l’anes-
thésie pour manœuvres obstétricales ou césarienne, mais aussi
le contrôle glycémique du péripartum.
Actuellement, un diabète antérieur à la grossesse est retrouvé
chez 0,1 à 0,2 % des femmes enceintes, de type 1 (dans 75 %
des cas) ou 2. La fréquence du diabète gestationnel peut être
estimée à 5 % des grossesses, mais ce chiffre serait actuelle-
ment en augmentation (1). Le diabète gestationnel est défini
par une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,4 g/l
(7,8 mmol/l). Le dépistage et le diagnostic peuvent aussi être
faits lors d’une hyperglycémie provoquée par voie orale (le
plus souvent test de O’Sullivan, c’est-à-dire une glycémie pré-
levée une heure après l’ingestion de 50 g de glucose). Si la
glycémie est supérieure ou égale à 2 g/l (11 mmol/l), le dia-
gnostic est posé. Si elle est supérieure à 1,3 g/l, une hypergly-
cémie provoquée orale (HGPO) classique doit être réalisée.
Ces tests sont généralement proposés entre 24 et 28 semaines
d’aménorrhée (SA) aux femmes présentant un facteur de
risque de diabète gestationnel (obésité, glycosurie, antécédent
de gros enfant, antécédent familial de diabète de type 2) (2).
L’association grossesse et diabète est donc relativement fré-
quente et les complications obstétricales doivent être parfaite-
ment connues des anesthésistes.
Dès lors que le diagnostic est fait, il est important de prévoir
une consultation d’anesthésie pour évaluer rapidement la
patiente sur ce plan.
LA CONSULTATION D’ANESTHÉSIE
La consultation d’anesthésie d’une future parturiente diabé-
tique doit permettre de préciser :
– l’équilibre glycémique et les modalités de traitement
(régime, insuline) +++,
– l’existence ou non de complications dégénératives du dia-
bète (insuffisance rénale, ischémie myocardique silencieuse,
neuropathie dysautonomique et sensitivomotrice +++),
– l’existence d’une HTA, qui peut être antérieure à la gros-
sesse ou s’intégrer dans un tableau de toxémie gravidique, plus
fréquente en cas de diabète,
– les antécédents d’infections urinaires en cours de grossesse,
qui peuvent déséquilibrer le diabète et provoquer une décom-
pensation acidocétosique.
L’accès aux voies aériennes doit être soigneusement évalué,
puisque, dans le cadre du diabète, même gestationnel, le risque
d’intubation difficile est multiplié par 10. La toxémie gravi-
dique accroît encore les difficultés d’intubation. Le signe du
prieur est recherché dans les diabètes de type 1, permettant
d’évaluer la limitation de la mobilité articulaire et plus particu-
lièrement la difficulté d’extension du rachis cervical. Un signe
du prieur est prédictif d’une exposition difficile. Dans les dia-
bètes de type 2 et les diabètes gestationnels, c’est l’obésité
(index de masse corporelle > 30) qui constitue le principal fac-
teur d’intubation difficile.
L’examen de la région lombaire permet de préciser les éven-
tuels problèmes d’abord de l’espace péridural.
On notera par ailleurs l’existence d’un hydramnios, d’une
macrosomie fœtale, la nécessité d’une tocolyse (attention aux
ß2-mimétiques et au risque d’acidocétose) et les modalités pré-
vues d’accouchement (déclenchement, césarienne programmée).
Les résultats de la numération formule sanguine de début de
grossesse ainsi que le groupe sanguin seront notés.
Toutes ces données sont regroupées dans le dossier d’anesthé-
sie, qui doit accompagner le dossier obstétrical et pouvoir être
consulté sans délai.
CONDUITE DE L’ANALGÉSIE ET DE L’ANESTHÉSIE
AU COURS DU TRAVAIL ET DE L’ACCOUCHEMENT
Déclenchement
Le déclenchement programmé est une modalité d’accouche-
ment fréquemment retenue. L’anesthésiste-réanimateur doit
avoir à l’esprit qu’il s’agit d’une modalité à fort risque de
manœuvres instrumentales lors de l’expulsion et à risque de
césarienne en urgence au cours du travail.
L’analgésie péridurale est la technique de choix, assurant un
excellent niveau d’analgésie, un bon relâchement du périnée,
et permettant de réduire les taux circulants de catécholamines
et de cortisol, participant donc à l’équilibre tensionnel et gly-
cémique (3).
23
La Lettre du Gynécologue - n° 269 - février 2002
Prise en charge de la femme diabétique en salle d’accou-
chement : le point de vue de l’anesthésiste-réanimateur
M. Andréoletti*
* Anesthésiste, hôpital Antoine-Béclère, 127, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140
Clamart.
L
L’analgésie péridurale peut être renforcée à tout moment, pour
permettre des manœuvres obstétricales ou la réalisation d’une
césarienne en semi-urgence.
L’analgésie péridurale est idéalement réalisée tôt dans le tra-
vail, avec, à titre systématique :
– pose d’une voie veineuse de gros calibre (16 G),
– utilisation de sérum salé à 0,9 % pour l’expansion volémique
en cas d’hypovolémie et tout au long du travail (le Ringer lac-
tate doit être évité),
– décubitus latéral gauche pour prévention de la compression
aortocave,
– la concentration d’anesthésique local doit être la plus faible
possible (en association avec un morphinique) pour limiter le
bloc moteur, tout en procurant une analgésie de qualité, dont le
niveau et la symétrie seront régulièrement testés.
Les patientes diabétiques sont classiquement plus sensibles
aux anesthésiques locaux et l’existence préalable d’une neuro-
pathie sensitivomotrice doit faire éviter tout risque de com-
pression nerveuse, en cas de mauvaise position non ressentie
sur la table d’accouchement.
Césarienne
L’installation pour césarienne doit éviter tout point de com-
pression.
En cas de césarienne programmée, une anesthésie péridurale
ou une rachianesthésie peuvent être réalisées en respectant les
mêmes consignes que pour l’analgésie du travail (prévention
de la compression aortocave, utilisation de sérum salé à 0,9 %
comme soluté de remplissage). Toute hypotension doit être
immédiatement corrigée, par l’injection intraveineuse directe
d’éphédrine ou, mieux, par la perfusion continue en Y de
500 ml de sérum salé à 0,9 % contenant 30 mg d’éphédrine et
100 µg de néosynéphrine, dont le débit sera modulé en fonc-
tion de la pression artérielle (4).
L’anesthésie générale sera réservée aux contre-indications de
l’anesthésie médullaire.
En cas de césarienne en urgence :
– si l’extraction doit être réalisée dans les 5 mn (procidence du
cordon par exemple), le seul choix possible est l’anesthésie
générale, qu’il y ait une péridurale en place ou non. L’alcalini-
sation du contenu gastrique doit être systématiquement réali-
sée avant l’induction par un anti-H2 effervescent immédiate-
ment efficace ;
– si la césarienne est urgente, dans un délai de 15-20 mn envi-
ron, une analgésie péridurale efficace et symétrique peut être
complétée rapidement jusqu’à un niveau T4 avec de la lido-
caïne 2 % adrénalinée. S’il n’y a pas de cathéter en place, on
pourra choisir l’anesthésie générale ou la rachianesthésie,
selon les cas et l’existence ou non de contre-indications à l’une
ou l’autre de ces techniques.
SURVEILLANCE ET CONTRÔLE GLYCÉMIQUE
EN PÉRIPARTUM
Pendant toute la grossesse, le contrôle glycémique doit être
optimisé, en se basant sur les glycémies pré- et postprandiales,
y compris pour le diabète gestationnel (5).
Si l’optimisation de l’équilibre glycémique dès le début de la
grossesse est indispensable pour réduire les complications
maternofœtales, la période du travail et de l’accouchement
nécessite également d’obtenir une normoglycémie.
En effet, l’hyperglycémie maternelle péripartum aggrave l’aci-
dose et l’hypoxie fœtales et elle est à l’origine d’hypoglycé-
mies chez le nouveau-né, en raison de l’hyperinsulinisme
fœtal. Le placenta métabolise le glucose maternel en lactate, ce
qui augmente l’acidose fœtale. Il est donc recommandé de ne
pas utiliser de Ringer lactate, précurseur du glucose, pendant
le travail (6).
Le protocole d’insulinothérapie sera réajusté au cours du tra-
vail selon les glycémies observées.
Dans les heures qui suivent l’accouchement, les besoins en
insuline baissent de 50 à 60 %. En cas d’accouchement par
voie basse, l’insulinothérapie peut être reprise par voie sous-
cutanée ou par pompe, à doses adaptées aux glycémies pré-
prandiales. En cas de césarienne, l’insulinothérapie par voie
intraveineuse sera poursuivie à doses adaptées avec une perfu-
sion de glucosé à 5 % jusqu’à la reprise du transit.
Chez le nouveau-né, le cycle glycémique et l’alimentation sont
commencés dès la naissance.
Au total, la prise en charge anesthésique d’une parturiente dia-
bétique en salle d’accouchement est guidée par l’évaluation
réalisée en consultation d’anesthésie. Il s’agit d’un accouche-
DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 269 - février 2002
Glycémie capillaire (mmol/l) Insuline (unités/heure) Apports
<04,4 0 G 5 %
< 05,5 0,5 G 5 %
< 07,7 1 G 5 %
< 10,0 1,5 G 5%
< 12,2 2 NaCl 0,9 %
> 12,2 2,5 NaCl 0,9 %
Tableau I. Exemple de protocole d’insulinothérapie intraveineuse,
selon glycémies horaires (7).
En pratique (tableau I) :
Lorsque l’accouchement est programmé, il est recom-
mandé de remplacer la veille au soir l’insuline lente par
une même dose d’insuline intermédiaire.
La parturiente reste à jeun le matin, avec mise en route :
– d’une insulinothérapie à la seringue électrique dès que la
glycémie est supérieure à 1,20 g/l (6,5 mmol/l),
– d’une perfusion de glucosé à 5 % sur une base de 125 à
150 g de glucose par 24 heures.
La surveillance de la glycémie est horaire. Les objectifs
sont de maintenir une glycémie entre 5 et 6 mmol/l (0,9 à
1,1 g/l).
25
La Lettre du Gynécologue - n° 269 - février 2002
ment à fort risque de manœuvres obstétricales, où l’analgésie
péridurale est recommandée. Le contrôle de la glycémie doit
être impérativement assuré pour limiter les effets délétères sur
le nouveau-né.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Tchobroutsky C. Grossesse et diabète (y compris le diabète gestationnel).
Rev Prat 1998 ; 48 : 93-7.
2. Jovanovic L, Pettitt DJ. Gestational diabetes mellitus. JAMA 2001 ; 286
(20) : 2516-8.
3. Shnider SM, Abboud TK, Artal R et al. Maternal catecholamines decrease
during labor after lumbar epidural anesthesia. Am J Obstet Gynecol 1983 ;
147 : 13-5.
4. Mercier FJ, Riley ET, Frederickson WL et al. Phenylephrine added to pro-
phylactic ephedrine infusion during spinal anesthesia for elective cesarean sec-
tion. Anesthesiology 2001 ; 95 (3) : 668-74.
5. Metzger BE, Coustan DR. Summary and recommendations of the 4th
International Workshop-Conference on gestational diabetes mellitus. The orga-
nizing committee. Diabetes Care 1998, B161-B167.
6. De la Chapelle A, Gleize V, Benoit S et al. Diabète et grossesse : implica-
tions en anesthésie. In : Conférences d’actualisation de la SFAR, 2001, 309-24.
7. Vambergue A. Surveillance glycémique au cours du travail et de l’accouche-
ment. Mt Endocrinologie 2001 ; 3 : 252-4.
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