D O S S I E R Prégabaline et douleurs neuropathiques Revue des essais cliniques Pregabalin and neuropathic pain. Review of clinical trials ● S. Rostaing-Rigattieri*, F. Boureau* RÉSUMÉ. Quatre études contrôlées randomisées, multicentriques, de 5 ou 8 semaines, en double aveugle contre placebo, évaluant l’efficacité et la tolérance de la prégabaline dans le traitement de la douleur neuropathique périphérique (douleurs postzostériennes [n = 411]), neuropathie diabétique [n = 483]) ont été publiées. Les patients ont été traités, après tirage au sort, par prégabaline ou placebo. La prégabaline était administrée par voie orale, en trois prises quotidiennes, à des posologies fixes de 75, 150, 300 ou 600 mg/j, sans titration initiale ou après une semaine de titration. Le critère de jugement principal était la réduction du score moyen d’intensité douloureuse des sept derniers jours d’étude, établi à partir des scores quotidiens d’autoévaluation sur une échelle numérique en onze points. Les critères de jugement secondaires comprenaient l’évaluation douloureuse complémentaire du SF-MPQ (version courte du McGill Pain Questionnaire), le score moyen hebdomadaire de retentissement de la douleur sur le sommeil, une évaluation de la qualité de vie par le SF-36, des scores d’évaluation de l’humeur, et des échelles d’impression globale de changement des patients et des investigateurs (CGI). Les scores moyens hebdomadaires d’intensité douloureuse ont été significativement réduits chez les patients traités par la prégabaline à la posologie de 150, 300 ou 600 mg/j, comparativement aux patients traités par placebo, dès la fin de la première semaine de traitement (ou avant), et l’amélioration est observée pendant toute la durée des études. Malgré une incidence d’effets indésirables plus grande comparativement au placebo, la prégabaline a été bien tolérée, avec des effets indésirables légers à modérés la plupart du temps. Vertiges ou étourdissements, somnolence, œdèmes périphériques et sécheresse buccale ont été les effets indésirables les plus fréquemment rapportés. Conclusion. Chez les patients ayant des douleurs postzostériennes ou des douleurs de neuropathie diabétique, la prégabaline s’est avérée être un médicament sûr et d’efficacité antalgique rapide et durable (confirmée par une impression globale positive de changement), et associée à une amélioration soutenue des troubles du sommeil, mais aussi de l’humeur et de la qualité de vie. Ces résultats suggèrent que la prégabaline constitue une option thérapeutique importante chez les patients ayant des douleurs neuropathiques périphériques. Mots-clés : Douleur neuropathique - Prégabaline - Anticonvulsivants - Douleur neuropathique postzostérienne - Douleur neuropathique diabétique - Essais cliniques - Sommeil - Humeur. ABSTRACT. Four randomized, double-blind, placebo-controlled, multicenter, 5 or 8-week trials that assessed the efficacy and safety of pregabalin for treating peripheral neuropathic pain in patients with postherpetic neuralgia (n=411) or diabetic neuropathy (n=483) have been published. Patients were randomized to treatment with pregabalin or placebo. Oral pregabalin at fixed dosages of 75, 150, 300 or 600mg/day were administered three times daily, without initial titration or after one week titration period. The primary efficacy measure was the decrease of the endpoint weekly mean pain score on the 11-point numerical pain rating scale from patients daily pain diaries. The secondary measures of efficacy included Short Form-McGill Pain Questionnaire (SF-MPQ) additional pain ratings, weekly mean sleep interference scores, assessment of quality of life (SF-36 Health Survey), mood scores, patients’ and clinicians’ global impression of change. Endpoint weekly mean pain scores were significantly reduced for patients treated with pregabalin 150, 300 and 600mg/day compared to placebo, from the end of the first week of treatment (or before the end), and improvement was maintained throughout the studies. Despite a greater incidence of adverse effects compared to placebo, pregabalin appeared to be well tolerated, with mostly mild-to-moderate adverse events. Dizziness, somnolence, peripheral oedema, and dry mouth were the most commonly reported adverse events. Conclusion. In patients with postherpetic neuralgia or painful diabetic neuropathy, pregabalin was safe and demonstrated rapid and durable pain relief, confirmed by positive patient global impression of change, sustained improvement in sleep disturbance, but also in mood and quality of life. These results suggest that pregabalin provides an important therapeutic option for patients with peripheral neuropathic pain. Keywords: Neuropathic pain - Pregabalin - Anticonvulsants - Post-herpetic neuralgia - Painful diabetic neuropathy - Clinical trials - Sleep - Mood. * Hôpital Saint-Antoine, centre d’évaluation et de traitement de la douleur, 75012 Paris. 138 La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 D algré les progrès thérapeutiques réalisés durant ces dernières décennies, il n’existe toujours aucun consensus sur le traitement des douleurs neuropathiques périphériques, douleurs consécutives à une lésion du système nerveux périphérique. Leur traitement repose essentiellement sur l’utilisation des antidépresseurs tricycliques et anticonvulsivants, médicaments qui nécessitent une phase de titration progressive, et qui ont une efficacité antalgique partielle et/ou des effets indésirables parfois difficiles à contrôler. La recherche clinique s’efforce donc de trouver de nouveaux médicaments qui soient efficaces et bien tolérés pour le traitement des douleurs neuropathiques périphériques. M La prégabaline (PGB) est un nouvel agent médicamenteux ayant des propriétés anticonvulsivantes, analgésiques et anxiolytiques. Elle s’est avérée efficace en réduisant la douleur provoquée dans plusieurs modèles animaux de douleur neuropathique : allodynie mécanique (statique et dynamique) induite par la streptozocine, ou hyperalgésie mécanique et thermique induite par des lésions chirurgicales, inflammatoires ou nerveuses. Les propriétés analgésiques de la prégabaline ont été mises en évidence récemment chez l’homme dans le cadre de douleurs neuropathiques postzostériennes, par les travaux de Dworkin et al. et Sabatowski et al. (1, 2), et dans les neuropathies périphériques d’origine diabétique par les travaux de Rosenstock et al. (3, 4). Il s’agit de quatre études cliniques méthodologiquement correctes : prospectives, contrôlées, multicentriques, randomisées (en double aveugle contre placebo) et en parallèle. L’objectif de ces études est d’évaluer l’efficacité antalgique et la tolérance de la prégabaline à diverses posologies, comparativement au placebo. Pour les deux essais cliniques portant sur les douleurs postzostériennes, cette douleur est définie comme une douleur persistant trois mois après la cicatrisation des lésions cutanées herpétiques (1), ou un à 6 mois après la cicatrisation (2) ; 10 à 15 % des patients ayant eu un zona aigu souffrent de douleurs postzostériennes. Sabatowski et al. (2) rapportent que la douleur chronique est associée à des troubles du sommeil et à une diminution des activités quotidiennes (et donc de la qualité de vie) dans plus de 50 % des cas. Les études ont été réalisées avec une méthodologie commune. CRITÈRES D’INCLUSION ET D’EXCLUSION ❒ Les critères d’inclusion sont : ✓ patients adultes de plus de 18 ans ; O S S I E R ✓ douleurs postzostériennes depuis au moins 3 mois, pour Dworkin et al. (1), depuis au moins 6 mois pour Sabatowski et al. (2) ; ✓ diabète sucré de type 1 ou 2 (3, 4) avec des douleurs neuropathiques périphériques distales depuis un à 5 ans (liées à une neuropathie sensitivomotrice) ; ✓ HbA1C inférieure ou égale à 11 % (pour les études sur les neuropathies diabétiques) et surveillance glycémique ; ✓ score moyen d’intensité douloureuse supérieur ou égal à 4 sur 10 sur une échelle numérique en 11 points (durant la semaine de base, prérandomisation) ; ✓ intensité douloureuse supérieure ou égale à 40 mm sur 100 mm sur une échelle visuelle analogique (EVA), dans le cadre du SF-MPQ (5) ; ✓ pour les femmes en âge de procréer, contraception obligatoire et réalisation d’un test de grossesse qui doit être négatif ; ✓ consentement éclairé signé. ❒ Les critères d’exclusion sont : ✓ femmes enceintes ou allaitant ; ✓ autre cause de douleur chronique pouvant interférer avec l’autoévaluation de la douleur neuropathique ; ✓ traitements antérieurs à visée antalgique de type neurolytique ou neurochirurgical ; ✓ inefficacité antalgique à un traitement antérieur par gabapentine à une posologie d’au moins 1 200 mg/j ; ✓ clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/mn (dans les études sur les douleurs postzostériennes) ou à 60 ml/mn (dans les études sur les neuropathies diabétiques) mesurée selon la formule de Cockcroft et Gault ; ✓ numération leucocytaire inférieure à 2 500/mm3 ; numération des polynucléaires neutrophiles inférieure à 1 500/mm3 ; numération plaquettaire inférieure à 100 000/mm3 ; ✓ pathologies organiques sévères ou instables (désordres psychiatriques ou neurologiques, cancer, troubles respiratoires, cardiovasculaires, hématologiques, hépatiques…), sauf pour l’étude de Dworkin et al. (1) ; ✓ participation antérieure à une autre étude avec la prégabaline, ou à un autre essai clinique dans les 30 jours précédents. MÉDICAMENTS ❒ Médicaments autorisés. Sont autorisés les médicaments antidiabétiques si leur posologie est stabilisée avant et durant l’étude (dans les neuropathies diabétiques douloureuses), les antalgiques non opioïdes : aspirine, paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens, les opioïdes (dans les études portant sur les douleurs postzostériennes), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, à condition d’une posologie stable dans le mois précédent, dans les études portant sur les douleurs de La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 139 D O S S I E R neuropathie diabétique et l’ensemble des antidépresseurs dans les études portant sur les douleurs postzostériennes. ❒ Médicaments exclus. Ce sont les benzodiazépines, les myorelaxants, les corticoïdes oraux, les agents topiques cutanés et les anticonvulsivants à visée antalgique (dans les 7 jours précédant la semaine basale de prérandomisation). Les autres médicaments exclus sont les injections d’anesthésique local ou de corticoïdes (interdits dans le mois précédent), la gabapentine, qui doit être arrêtée au moins 7 jours avant le début du traitement par prégabaline ; les opioïdes forts, le tramadol, les antidépresseurs tricycliques et le dextrométhorphane sont interdits dans les études portant sur les douleurs neuropathiques d’origine diabétique. DÉROULEMENT DES ÉTUDES Les études commencent par une semaine de prérandomisation destinée à vérifier les critères d’inclusion et d’exclusion (visite d’évaluation avant randomisation). La randomisation est effectuée à la fin de cette semaine d’observation et correspond au début du traitement (prégabaline ou placebo selon la randomisation) ; une courte phase de titration de 3 à 7 jours a lieu dans les études de Dworkin et al. et Lesser et al. (1, 4) ; dans les deux autres études (2, 3), le traitement est prescrit d’emblée à une posologie fixe, déterminée par la randomisation. Ainsi, dans les quatre études, qu’il y ait ou non titration initiale, le traitement est ensuite maintenu à une posologie fixe de 75, 150, 300 ou 600 mg/j (tableau I) en fonction Tableau I. Méthodologie des essais cliniques. Déroulement des études et critère principal d’efficacité antalgique. Douleurs neuropathiques postzostériennes Auteurs Année Revue Douleurs neuropathiques d’origine diabétique Dworkin RH et al. 2003 Neurology Sabatowski R et al. 2004 Pain Rosenstock J et al. 2004 Pain Lesser H et al. 2004 Neurology Nombre de patients examinés 245 307 225 578 Nombre de patients randomisés 173 patients 2 groupes Groupe PGB (n = 89) : PGB 600 mg/j (clairance créatinine > 60 ml/mn) ou PGB 300 mg/j (clairance créatinine > 30 et < 60 ml/mn) Placebo (n = 84) 238 patients 3 groupes PGB 150 mg/j (n = 81) PGB 300 mg/j (n = 76) Placebo (n = 81) 146 patients 2 groupes PGB 300 mg/j (n = 76) Placebo (n = 70) 338 patients 4 groupes PGB 75 mg/j (n = 77) PGB 300 mg/j (n = 81) PGB 600 mg/j (n = 82) Placebo (n = 97) (1 des patients randomisés n’a pas pris le traitement) Poursuite de l’essai jusqu’à la fin 76 % de l’ensemble des patients : groupe PGB 65 % groupe placebo 88 % Groupe PGB 150 mg/j : 88 % ; groupe PGB 300 mg/j : 79 % ; groupe placebo : 75 % Une semaine de prérandomisation Une semaine de prérandomisation Une semaine de prérandomisation Une semaine de prérandomisation Randomisation Puis phase de titration de 3 j à 1 semaine (150 mg/j pendant 3 j ; 300 mg/j pendant 4 j), puis 7 semaines de traitement à posologie fixe (placebo ou PGB 300 ou 600 mg/j) Randomisation Pas de phase de titration 8 semaines de traitement à posologie fixe (placebo ou PGB 150 ou 300 mg/j) Randomisation Pas de phase de titration 8 semaines de traitement à posologie fixe (placebo ou PGB 300 mg/j) Randomisation Puis phase de titration d’une semaine Puis 4 semaines de traitement à posologie fixe (placebo ou PGB 75, 300 ou 600 mg/j) 82 % du groupe PGB ; 87 % du groupe placebo : avec PGB 300 mg/j 93 % du groupe PGB 75 mg/j ; 92 % du groupe PGB 300 mg/j ; 97 % du groupe PGB 600 mg/j ; 97 % du groupe placebo Pas de différence entre PGB 75 mg/j et placebo D’au moins 30 % : PGB 300 mg/j : 62 % PGB 600 mg/j : 65 % Placebo : 33 % D’au moins 50 % : PGB 300 mg/j : 46 % ; PGB 600 mg/j : 48 % Placebo : 18 % Déroulement de l’étude en 2 phases Souhait de poursuivre 70 % du groupe PGB (n = 62) ; 64 % du groupe PGB 150 mg/j ; la PGB en ouvert 75 % du groupe placebo (n = 63) 70 % du groupe PGB 300 mg/j après la fin de l’essai Critère de jugement principal : réduction du score moyen d’intensité douloureuse quotidienne (EN en 11 points) par rapport à la valeur basale groupe PGB 75 mg/j : 87 % ; groupe PGB 300 mg/j : 93,8 % ; groupe PGB 600 mg/j : 85,4 % D’au moins 30 % : PGB 300 ou 600 mg/j : 63 % des patients Placebo : 25 % D’au moins 30 % : PGB 150 mg/j : 37 % des patients PGB 300 mg/j : 50 % Placebo : 19% PGB réduction de 2,2 points/ score basal d’intensité Placebo : réduction de 0,4 point D’au moins 50 % : PGB : 50 % Placebo : 20 % D’au moins 50 % : PGB 150 mg/j : 26 % PGB 300 mg/j : 28 % Placebo : 10 % D’au moins 50 % : PGB 300 mg/j : 40 % Placebo : 14,5 % Efficacité PGB dès le 2e j et pendant 8 sem. Efficacité PGB dès fin S1 et pendant 8 sem. Efficacité PGB avant fin S1 et pendant 8 sem. Efficacité PGB dès fin S1 et pendant 5 sem. PGB : prégabaline. 140 La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 D du groupe de randomisation, pendant toute la durée de l’étude. La durée totale d’administration du médicament de l’étude (prégabaline ou placebo) est donc de 8 semaines dans les études de Dworkin et al., Sabatowski et al. et Rosenstock et al. (1-3), et de 5 semaines dans l’étude de Lesser et al. (4), avec des visites d’évaluation à la fin des semaines 1, 3, 5 et 8. Le traitement randomisé est administré par voie orale, en double aveugle (capsules de placebo et de prégabaline d’apparence identique), en trois prises quotidiennes. CRITÈRE DE JUGEMENT PRINCIPAL Le critère de jugement principal est la réduction, par rapport à la valeur basale, du score moyen hebdomadaire d’intensité douloureuse : moyenne établie à partir des scores quotidiens des 24 heures précédentes sur une échelle numérique d’autoévaluation en 11 points (échelle de 0 à 10) ; un agenda quotidien de la douleur est tenu par le patient avec autoévaluation matinale de la douleur ; le critère principal de jugement est la moyenne des scores quotidiens obtenus durant les sept derniers jours d’étude. On peut ainsi déterminer à partir du critère principal, pour chaque groupe, le pourcentage de patients ayant une réduction d’au moins 30 % ou 50 % du score moyen d’intensité douloureuse par rapport à la valeur de base. Farrar et al. soulignent, dans un article de 2001, qu’une réduction de deux points ou de 30 % du score moyen d’intensité douloureuse (mesuré sur une échelle numérique de 0 à 10) par rapport à la valeur de base représente une amélioration cliniquement significative (6). CRITÈRES DE JUGEMENT SECONDAIRES ✓ Une évaluation complémentaire de la douleur basée sur le SF-MPQ, durant la semaine basale de prérandomisation (en début de traitement), et à la fin des semaines 1, 3, 5 et 8. Le SF-MPQ donne un score total de douleur (somme d’un score sensoriel et d’un score affectif), une intensité douloureuse moyenne basée sur l’échelle visuelle analogique (EVA) et des mesures ponctuelles d’intensité douloureuse. ✓ Score moyen hebdomadaire de retentissement de la douleur sur le sommeil : moyenne des scores quotidiens établis sur une échelle d’autoévaluation en onze points (échelle de 0 à 10 ; avec 0 : pas d’interférence, 10 : impossibilité de dormir). ✓ Une autre échelle de qualité du sommeil tirée du MOS (Medical Outcomes Study), appelée MOS Sleep Scale : au moment de la randomisation et lors de la dernière visite d’évaluation, en fin d’étude (dans l’étude de Dworkin seulement). O S S I E R ✓ Un score de qualité de vie reflétant le niveau fonctionnel du patient dans huit domaines par le biais de la SF-36 Health Survey : au moment de la randomisation et lors de la dernière visite d’évaluation, en fin d’étude. ✓ Évaluation de l’humeur sur une échelle comportant 65 items cotés de 0 à 4 (POMS [Profile of Mood States]) donnant un score global de troubles de l’humeur : au moment de la randomisation et lors de la dernière visite d’évaluation, en fin d’étude (sauf dans l’étude de Sabatowski). ✓ Score de dépression de Zung (Zung Index Score) : dans l’étude de Sabatowski uniquement. ✓ Impression globale de changement pour le patient, sur une échelle d’autoévaluation de Likert en sept points (PGIC) : lors de la dernière visite d’évaluation, en fin d’étude (1 : très fortement amélioré ; 7 : très fortement aggravé). ✓ Impression globale de changement pour le clinicien ou médecin investigateur (CGIC) : lors de la dernière visite d’évaluation, en fin d’étude. ✓ Effets indésirables : incidence, nature, intensité des effets indésirables et leur corrélation potentielle au médicament de l’étude (d’après l’investigateur), la surveillance des patients étant complétée par les signes cliniques vitaux, des examens biologiques, un ECG et un examen ophtalmologique. RÉSULTATS DES 4 ESSAIS CLINIQUES (cf. tableaux I, II et III) Critère de jugement principal Comparativement au placebo, la prégabaline a une efficacité antalgique dans les douleurs neuropathiques postzostériennes ou diabétiques, avec une réduction significative de 30 % (pour au moins 50 % des patients), et même de 50 %, du score moyen d’intensité douloureuse par rapport à la valeur de base (tableau I) dès la fin de la première semaine de traitement, ou même avant pour Dworkin (au deuxième jour) et Rosenstock (au cours de la semaine 1). L’effet antalgique s’avère durable, puisqu’il se maintient pendant les 5 à 8 semaines de traitement dans les quatre études : réduction d’au moins 30 % pour 50 à 65 % des patients des groupes prégabaline 300 ou 600 mg/j, versus 19 à 33 % des patients du groupe placebo ; réduction d’au moins 50 % pour 28 à 50 % des patients des groupes prégabaline 300 ou 600 mg/j, versus 10 à 20 % des patients du groupe placebo (tableau I). Critères de jugement secondaires (tableau II) Ils permettent de confirmer l’efficacité antalgique de la prégabaline, comparativement au placebo, puisqu’on observe, dès la fin de la première semaine de traitement, une amélioration des scores de douleur au SF-MPQ, du score moyen de retentissement de la douleur sur le sommeil, de la qualité de vie (SF-36 Health Survey) et du score global des troubles de l’humeur (POMS), avec une impression globale d’amélio- La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 141 D O S S I E R Tableau II. Critères de jugement secondaires. Douleurs neuropathiques postzostériennes Auteurs Année Revue Dworkin RH et al. 2003 Neurology Critères secondaires : À tous les temps S1, S3, S5, S8 : Version courte amélioration significative du McGill Pain du score total de douleur Questionnaire et des scores sensoriel et affectif ; (SF-MPQ) score EVA moyen significativement plus bas (S8) dans le groupe PGB que dans le groupe placebo Douleurs neuropathiques d’origine diabétique Sabatowski R et al. 2004 Pain Score EVA moyen significativement plus bas (S8) dans le groupe PGB que dans le groupe placebo Rosenstock J et al. 2004 Pain Lesser H et al. 2004 Neurology À tous les temps S1, S3, S5, S8 : Groupes PGB 300 et 600 mg/j : amélioration significative amélioration significative du score total de douleur du score total de douleur et des scores sensoriel et des scores sensoriel et affectif ; et affectif ; score EVA moyen score EVA moyen significativement plus bas (S8) significativement plus bas (S8) dans le groupe PGB que dans le groupe PGB que dans le groupe placebo dans le groupe placebo Score quotidien de retentissement sur le sommeil (agenda quotidien) : moyenne sur une semaine Amélioration de la qualité Amélioration de la qualité Amélioration de la qualité Amélioration de la qualité du sommeil dans le groupe PGB du sommeil dans le groupe PGB du sommeil dans le groupe PGB du sommeil dans le groupe par rapport au groupe placebo, par rapport au groupe placebo, par rapport au groupe placebo, PGB 300 et 600 mg/j, dès la fin de la 1re semaine dès la fin de la 1re semaine par rapport au groupe placebo, dès la fin de la 1re semaine et durant toute l’étude et durant toute l’étude et durant toute l’étude dès la fin de la 1re semaine et durant toute l’étude Autre échelle de sommeil : “MOS Sleep Scale” Amélioration dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo Échelle de qualité de vie : “SF-36 Healh Survey” (8 domaines évalués) Amélioration significative de la qualité de vie dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo (2 domaines sur 8) Score global des troubles de l’humeur (POMS) Pas de différence significative entre PGB et placebo Amélioration significative de la qualité de vie dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo (3 domaines sur 8) Amélioration significative de la qualité de vie dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo (1 domaine sur 8) Amélioration significative de la qualité de vie dans le groupe PGB 300 et 600 mg/j, par rapport au groupe placebo (2 domaines sur 8) Amélioration significative dans le groupe PGB/ groupe placebo Amélioration dans le groupe PGB 300 mg/j (tension-anxiété)/placebo Impression globale de changement pour le patient (PGIC) Impression globale d’amélioration : PGB : 84 % Placebo : 26 % Impression globale d’amélioration dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo Impression globale d’amélioration : PGB : 67 % Placebo : 39 % Impression globale d’amélioration : PGB 600 : 69,2 % PGB 300 : 55,7 % Placebo : 24,2 % Impression globale de changement pour l’investigateur (CGIC) Impression globale d’amélioration dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo Impression globale d’amélioration dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo Impression globale d’amélioration dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo Impression globale d’amélioration : PGB 600 : 64,1 % PGB 300 : 58,2 % Placebo : 26,3 % Score de dépression de Zung Amélioration significative dans le groupe PGB par rapport au groupe placebo PGB : prégabaline. ration significative pour le patient lui-même (PGIC), et pour l’investigateur (CGIC). La prégabaline s’avère efficace aux posologies de 150, 300 ou 600 mg/j, et non à la posologie de 75 mg/j (4), avec une efficacité antalgique dose-dépendante [dans l’étude de Lesser notamment (4), on observe une réduction plus importante du score moyen d’intensité douloureuse dans le groupe prégabaline 600 mg/j (jusqu’à 80 %)]. Ces études démontrent qu’une phase de titration lente et progressive n’est pas nécessaire pour atteindre la posologie effi- 142 cace de prégabaline : les auteurs n’effectuent pas de phase de titration (2, 3), ou une courte titration de 3 à 7 jours (1, 4), avant de passer à 600 mg/j. L’incidence des effets indésirables est plus grande chez les patients traités par la prégabaline que chez ceux des groupes placebo, avec une incidence dose-dépendante dans l’étude de Lesser (4). Mais la prégabaline est bien tolérée dans les quatre études (tableau III), puisque les effets indésirables signalés sont pour la plupart légers ou modérés en La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 D O S S I E R Tableau III. Effets indésirables : incidence, nature, intensité, corrélation au médicament de l’étude. Douleurs neuropathiques postzostériennes Auteurs Année Revue Dworkin RH et al. 2003 Neurology Douleurs neuropathiques d’origine diabétique Sabatowski R et al. 2004 Pain Rosenstock J et al. 2004 Pain Lesser H et al. 2004 Neurology Incidence des EI : au moins un EI Groupe PGB : 87 % Groupe placebo : 63 % Corrélation des EI au médicament de l’étude Groupe PGB : 73 % Groupe placebo : 37 % Nature des EI les plus fréquents Vertiges, somnolence, œdèmes périphériques, sécheresse buccale Vertiges, somnolence, œdèmes périphériques, céphalées, sécheresse buccale Vertiges et somnolence (pour la moitié), infection, œdèmes périphériques Vertiges, somnolence, œdèmes périphériques EI légers ou modérés Groupe PGB : 81 % Groupe placebo : 92 % EI légers (37 %) ou modérés (34 %) EI légers ou modérés (85 %) EI légers ou modérés pour la plupart EI sévères chez 8 patients (4 PGB 600 mg/j ; 1 PGB 75 mg/j ; 3 placebo) EI : cause d’arrêt du traitement Groupe PGB : 32 % (somnolence) Groupe placebo : 5 % Groupe PGB 150 mg/j : 9 patients sur 81 Groupe PGB 300 mg/j : 12 patients sur 76 Groupe PGB : 11 % (somnolence, vertiges) Groupe placebo : 3 % 1 patient (groupe placebo) : réaction allergique Durée moyenne des EI Somnolence : PGB 53 j/placebo 17 j Vertiges : PGB 33 j/placebo 3 j Groupe PGB 150 mg/j : 9 j Groupe PGB 300 mg/j : 21 j Groupe placebo : 18 j Vertiges : PGB 10,5 j/ placebo 3,5 j Somnolence : PGB 30 j/placebo 4 j Œdèmes périphériques : PGB 18 j/placebo 53 j Délai moyen d’apparition des EI Groupe PGB : 6 j Groupe placebo : 8 j Somnolence et vertiges : 2-3 j Intensité des EI Groupe PGB 75 mg/j : 2,6 % Groupe PGB 300 mg/j : 3,7 % Groupe PGB 600 mg/j : 12,2 % Groupe placebo : 3,1 % Groupe PGB : 62 % Groupe placebo : 29 % Vertiges et somnolence : 1 j Œdèmes périphériques : PGB 31 j/placebo 4 j PGB : prégabaline ; EI : effets indésirables. intensité, et rarement la cause d’un arrêt du médicament de l’étude. Le pourcentage élevé de patients désireux de poursuivre le traitement en ouvert, après la fin de l’étude, peut être considéré comme un témoin indirect de la bonne tolérance générale au traitement. En effet, 64 à 97 % des patients traités par prégabaline poursuivent le traitement en ouvert. Les effets indésirables les plus fréquemment signalés sont des vertiges ou étourdissements, une somnolence, des œdèmes périphériques, une sécheresse buccale. Les œdèmes périphériques ne sont jamais liés à un trouble fonctionnel cardiovasculaire, rénal, hépatique ou à un trouble métabolique (hyponatrémie, hypoalbuminémie). Une prise de poids est parfois rapportée, mais sans lien avec les œdèmes. D’autres effets indésirables sont rapportés, mais moins fréquemment : céphalées, ataxie, infection, diarrhée, confusion. La plupart des effets indésirables diminuent avec le temps. Il n’a pas été observé de modification des signes vitaux, ni d’anomalies biologiques ou de toxicité organique. DISCUSSION La prégabaline a une efficacité antalgique dans les douleurs neuropathiques périphériques démontrées dans les douleurs neuropathiques postzostériennes et diabétiques. Comparativement aux molécules disponibles, ses avantages sont : ✓ un délai d’action court (une semaine au maximum) ; ✓ une phase de titration courte, d’une semaine, voire l’inutilité d’une titration ; ✓ une stabilité de l’effet antalgique ; ✓ une réduction de la variabilité interindividuelle ; ✓ une facilité d’utilisation, avec une fourchette de posologies efficaces limitée : 150, 300 ou 600 mg/j (selon la clairance de la créatinine) en trois prises quotidiennes ; ✓ une bonne tolérance au traitement (effets indésirables légers ou modérés), la prégabaline ayant été administrée de surcroît à une population plutôt âgée ; ✓ un effet bénéfique sur les troubles du sommeil induits par la douleur. La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 143 D O S S I E R D’autres études cliniques contrôlées et randomisées sont nécessaires pour évaluer dans des comparaisons directes les effets de la prégabaline et ceux de molécules de référence comme l’amitriptyline et la gabapentine. Des études seront également nécessaires pour apprécier si la prégabaline a ces mêmes avantages à moyen terme et à long terme (6 mois ou un an, par exemple), et dans d’autres types de douleurs neuropathiques périphériques, notamment dans des cohortes regroupant des diagnostics variés mais évaluant les différentes caractéristiques sémiologiques des douleurs neuropathiques (7). Pour le clinicien, il est en effet important de disposer d’études ultérieures évaluant sélectivement les effets des thérapeutiques sur les différentes composantes sémiologiques de la douleur : douleur spontanée continue, douleur spontanée paroxystique et douleur provoquée (allodynie mécanique ou thermique, hyperalgésie). Le fait que les patients antérieurement traités par gabapentine, à une posologie supérieure à 1 200 mg/j, aient été exclus des quatre études analysées ci-dessus pour cause d’inefficacité ne nous permet pas de conclure à une efficacité antalgique supérieure de la prégabaline par rapport à la gabapentine en cas de soulagement significatif avec la prégabaline, car l’on sait que la gabapentine peut être efficace à des posologies de 1 800 à 2 400 mg/j, voire plus (8). Il n’est pas possible à l’heure actuelle d’affirmer que la prégabaline a une efficacité antalgique supérieure ou similaire à celle de la gabapentine dans les douleurs neuropathiques périphériques. Des études comparatives entre la prégabaline et les autres traitements des douleurs neuropathiques (antidépresseurs tricycliques, gabapentine, tramadol) sont donc souhaitables. Dans un article de 2004, Dubinsky et al. (9) rapportent une revue de la littérature (analyse d’articles entre 1960 et août 2003) sur le traitement des douleurs postzostériennes, selon des critères de sélection rigoureux : douleurs postzostériennes de définition homogène (au moins 8 semaines après cicatrisation des lésions cutanées herpétiques), renseignements cliniques et thérapeutiques précis rapportés, bonne méthodologie, objectif principal de jugement basé sur la réduction du score d’intensité douloureuse, et traitements pouvant être pris 144 en ambulatoire. Selon ces critères, 51 articles ont été retenus, sur 206 au départ. L’objectif de ce travail était de déterminer, parmi les articles sélectionnés, les traitements soulageant efficacement la douleur postzostérienne (score d’intensité inférieur à 4 sur 10, ou réduction de 50 % de l’intensité douloureuse, ou impression d’amélioration globale [PGIC]) et les traitements améliorant la qualité de vie. Les traitements retenus comme efficaces d’après les articles sélectionnés sont les suivants : les antidépresseurs tricycliques, la gabapentine, la prégabaline, les morphiniques et le patch de lidocaïne. La prégabaline, nouvel agent anticonvulsivant, apparaît comme un traitement intéressant et prometteur dans les douleurs neuropathiques périphériques. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Dworkin RH, Corbin AE, Young JP Jr et al. Pregabalin for the treatment of postherpetic neuralgia: a randomized, placebo-controlled trial. Neurology 2003; 60:1274-83. 2. Sabatowski R, Galvez R, Cherry DA et al. Pregabalin reduces pain and improves sleep and mood disturbances in patients with post-herpetic neuralgia: results of a randomised, placebo-controlled clinical trial. Pain 2004;109:26-35. 3. Rosenstock J, Tuchman M, LaMoreaux L, Sharma U. Pregabalin for the treatment of painful diabetic peripheral neuropathy: a double-blind, placebo-controlled trial. Pain 2004;110:628-38. 4. Lesser H, Sharma U, LaMoreaux L, Poole RM. Pregabalin relieves symptoms of painful diabetic neuropathy: a randomized controlled trial. Neurology (1 of 2) 2004;63:2104-10. 5. Melzak R. The short-form McGill pain questionnaire. Pain 1987;30:191-7. 6. Farrar JT, Young JP, Jr, LaMoreaux L, Werth JL, Poole RM. Clinical importance of changes in chronic pain intensity measured on an 11-point numerical pain rating scale. Pain 2001;94,2:149-58. 7. Bouhassira D, Attal N, Fermanian J et al. Development and validation of the neuropathic pain symptom inventory. Pain 2004;108,3:248-57. 8. Backonja M, Beydoun A, Edwards KR et al. Gabapentin for the symptomatic treatment of painful neuropathy in patients with diabetes mellitus: a randomised controlled trial. JAMA 1998;280(21):1831-6. 9. Dubinsky RM, Kabbani H, El-Chami Z, Boutwell C, Ali H. Practice parameter: treatment of postherpetic neuralgia : an evidence-based report of the quality standards subcommittee of the American academy of neurology. Neurology 2004; 63:959-65. La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005