La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 | 537
Points forts
»
Le mélanome est un cancer de la peau dont l’incidence augmente de façon constante. La découverte récente
d’altérations génétiques fréquentes et récurrentes dans les mélanomes cutanés permet une classi fication
moléculaire de ces tumeurs en sous-groupes distincts, ouvrant ainsi la voie à la thérapie ciblée.
»
Plusieurs voies de signalisation telles que MAPK, PI3K, AMPc et cyclineD1/CDK4 sont impliquées dans la
progression de cette maladie et sont affectées par certaines mutations oncogéniques. Dans chaque voie, plusieurs
cibles thérapeutiques potentielles ont été identifiées, et des inhibiteurs spécifiques sont en développement.
»
Certains inhibiteurs, comme ceux ciblant c-KIT ou BRAF, ont montré une certaine efficacité dans des essais
cliniques et devraient rapidement être utilisés en clinique. Malheureusement, certains sous-groupes de
mélanomes, comme ceux présentant des mutations de RAS, n’ont pas encore de traitement ciblé approprié.
»Nous commençons tout juste à comprendre comment les différentes voies de signalisation activées dans
les mélanomes interagissent entre elles, mais il est clair qu’il va être nécessaire de combiner plusieurs inhi-
biteurs pour obtenir une efficacité thérapeutique à long terme.
Mots-clés
Mélanome
Voies de signalisation
Inhibiteurs
Thérapie
Génotypage
Highlights
»
Melanoma is a deadly skin
cancer, the incidence of which
has been increasing world-
wide. The recent discovery of
frequent and recurrent genetic
alterations in cutaneous mela-
noma allows a molecular clas-
sification of these tumours into
distinct subgroups, opening the
road to oncogene-targeted
therapy.
»
Several signalling pathways
are involved in the progression
of this disease, with oncogenic
mutations affecting the MAPK,
the PI3K, the cAMP and the
cyclin D1/ CDK4 pathways. In
each pathway, several potential
therapeutic targets have been
identified, and specific inhibi-
tors are under development.
»
Some drugs, such as those
targeting c-KIT or BRAF, are
showing promising clinical
activity and are quickly moving
into the clinics. However, some
melanoma subgroups, such as
those with RAS mutations,
are still without appropriate
therapy.
»
We are just beginning to
understand the interplays
between the different signal-
ling pathways, but it is clear
that we will need to develop
appropriate combination
therapy strategies to achieve
long-term clinical efficacy.
Keywords
Melanoma
Signalling pathways
Inhibitors
Therapy
Genotyping
par l’autophosphorylation de résidus tyrosine dans
le domaine intracellulaire. Ces tyrosines phospho-
rylées servent de sites de liaison pour des protéines
adaptatrices responsables de l’activation de plusieurs
molécules et donc de plusieurs voies de signalisa-
tion (figure 1, p. 536) [2]. Dans les mélanocytes,
la voie MAPK est activée par différents facteurs de
croissance et stimule la prolifération cellulaire (3).
La situation est différente dans le mélanome, où la
voie MAPK est activée de façon constitutive dans
la majorité des tumeurs grâce à l’acquisition d’une
mutation dans l’une des protéines de la voie MAPK,
comme détaillé ci-dessous.
Le récepteur c-KIT
c-KIT est le récepteur du SCF (Stem Cell Factor),
qui joue un rôle central dans le développement de
multiples lignées cellulaires, dont les mélanocytes.
Ainsi, les mutations qui inactivent le récepteur sont
associées aux taches blanches dépigmentées que l’on
retrouve dans le piébaldisme chez l’homme et chez
la souris “Dominant White Spotting” (4). La liaison
du SCF à c-KIT induit l’activation du récepteur et
l’autophosphorylation des résidus tyrosine spéci-
fiques dans la partie intracellulaire du récepteur. Ces
acides aminés phosphorylés sont des sites d’accueil
pour différentes protéines, qui à leur tour contrôlent
plusieurs voies de signalisation intra cellulaire, dont
les voies MAPK et PI3K. Jusqu’à récemment, les
données publiées suggéraient que c-KIT agissait
comme un gène suppresseur de tumeur dans le
mélanome, puisque son expression est réduite ou
perdue lors de la progression tumorale du méla-
nome vers les stades invasifs et métastatiques (5).
Cependant, il a récemment été démontré que
certains mélanomes surexpriment c-KIT, y compris
dans des lésions métastatiques, et des mutations
activatrices de c-KIT ont récemment été identifiées
dans moins de 3 % des mélanomes (6). Bien que
globalement rares, les mutations de c-KIT sont plus
fréquentes dans les mélanomes muqueux, acraux
et les mélanomes survenant sur peau avec élastose
solaire (Chronic Sun Damage ou CSD melanoma). Ces
mutations affectent le domaine juxta-membranaire
du récepteur. Ces résultats sont importants sur le
plan thérapeutique, puisque les tumeurs de type
tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), ayant
une mutation de domaine juxta-membranaire de
c-KIT, répondent à un inhibiteur de c-KIT (7), suggé-
rant que les mélanomes porteurs d’une mutation
de c-KIT pourraient être traités par un tel inhibiteur.
En effet, les formes mutées de c-KIT sont capables
de transformer des mélanocytes en culture, et ces
cellules transformées sont très sensibles à l’ima-
tinib, un inhibiteur de c-KIT qui inhibe leur proli-
fération (8). Plusieurs inhibiteurs de c-KIT sont en
cours de développement clinique pour différentes
tumeurs, dont le mélanome (tableau I).
La petite GTPase RAS
Les protéines RAS sont des petites GTPase qui
forment le lien essentiel entre le RTK et l’activation
de la voie MAPK. La protéine RAS agit comme un
interrupteur moléculaire : elle est “on” lorsqu’elle est
liée au GTP (guanine triphosphate) et “off” quand elle
est liée au GDP (guanine diphosphate). Après activa-
tion d’un RTK, le complexe protéique Shc/Grb2/SOS
s’y fixe et stimule le remplacement du GDP par le
GTP sur RAS, l’activant ainsi (9). Les réponses cellu-
laires à l’activation de RAS sont variées du fait que
Tableau I. Inhibiteurs de kinases en développement clinique.
Cibles Inhibiteurs en développement clinique
c-KIT Imatinib, nilotinib, sunitinib, dasatinib
RAF PLX4032/vémurafenib, GSK2118436,
XL281/BMS-908662, Raf265/Chir-265, SB-590885
MEK PD0325901, AZD6244, AZD3844, AZD8330,
RDEA119, GDC-0973/XL518, GSK1120212,
RO4987655
AKT GSK2141795, MK2206, GSK690693,
perifosine/KRX-0401, VQD-002, TCN-PM/VD-0002
mTOR Rapamycine/sirolimus, Rad001/évérolimus,
CCI-779/temsirolimus, MK8669/ridaforolimus,
BEZ235*, XL765/SAR245409*, GSK2126458*,
BGT226*, AZD8055, OSI-027, SF1126*
PI3K GDC0941, BEZ235*, BKM120,
XL147/SAR245408, XL765/SAR245409*,
GSK2126458*, PX-866, SF1126*, BGT226*
CDK4 PD0332991, LY2835219, LEE011, P1446A-05
* Inhibent à la fois mTOR et PI3K.