BIO 7013 Cycles biogéochimiques et échanges océan-atmosphère

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BIO 7013
Cycles biogéochimiques et échanges océan-atmosphère
« L’atlantisation » de l’océan Arctique :
caractérisation et impacts potentiels sur l’écosystème marin
Sophie Renaut
Etudiante graduée 3e cycle
Doctorat en océanographie
([email protected])
Présentation le 5 décembre 2012
Session automne 2012
Université Laval
Faculté de Biologie
Table des matières
1. Introduction
1
2. Comment se manifeste l’atlantisation de l’océan arctique ?
3
2. 1. Influence des oscillations atmosphériques et des vents d’ouest
5
2. 2. Circulation océanique
5
2. 3. Propriétés hydrologiques des masses d’eau concernées
5
2. 4. Anomalies d’eaux chaudes en provenance de l’océan Atlantique
8
3. Quels sont les impacts potentiels sur l’écosystème marin?
11
4. 1. Transfert de chaleur vers l’océan Arctique
11
4. 1. Export de la glace de mer par le détroit de Fram
13
4. 2. Remontée vers le Nord des populations de plancton sub-arctiques
15
4. 3. Altération potentielle de la chaîne trophique et de l’export de carbone
18
4. Conclusion et perspectives d’étude
Références
20
1. Introduction
L’océan global joue un rôle clés sur le climat de la planète par l’intermédiaire de la circulation
thermohaline. Il redistribue les flux de chaleur reçus au niveau de l’Équateur vers les régions
polaires. Les pôles sont caractérisés par la présence de la banquise comportant un fort albédo
(~80 %) et permettant ainsi de renvoyer vers l’espace une grande partie de l’énergie solaire reçue.
Ce phénomène permet de limiter le réchauffement de la planète. Cependant, ces environnements
extrêmes sont très sensibles aux variabilités du climat et les écosystèmes polaires subissent
actuellement de profonds changements qui devraient s’accentuer dans les années à venir
(Smetacek and Nicol, 2005). L’océan Arctique est connu comme étant la région la plus sensible
et qui répond le plus rapidement au réchauffement global de la planète. La température
atmosphérique moyenne a notamment augmenté de 3-4 °C depuis les années 50 dans cette région
(IPCC 2007). Cet océan s’étend sur une surface d’environ 13 millions de km2 et recouvre les
mers situées entre le pôle Nord et le nord de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique. Il est
également caractérisé par la présence d’une banquise qui s’étend en moyenne sur 4 millions de
km2 en été, jusqu'à 15 millions de km2 en hiver. Il se trouve aujourd’hui particulièrement affecté
par le réchauffement des masses d’air et des eaux de surface observé depuis le début de l’ère
industrielle en raison des émissions croissantes de CO2 anthropique (figure 1). Depuis les années
80, on assiste à une fonte accélérée de cette banquise, particulièrement durant l’été, caractérisée
par une diminution de son étendue (figures 2 et 3) et de son épaisseur (Quadfasel et al., 1991 ;
Maslanik et al., 2007). La perte de la banquise de plusieurs années démontre également
l’ampleur des changements climatiques ayant lieu en Arctique (Comiso et al., 2012). Un
minimum de glace de mer a été atteint durant l’été en septembre 2012 (~ 3,4 millions de km2). Le
déclin observé de la banquise est plus rapide en septembre avec une perte de glace de mer
d’environ 100 000 km2 par an (Serreze et al., 2007). Les modèles prédisent notamment un océan
libre de glace durant l’été d’ici 20 à 30 ans, et constitué majoritairement par une banquise de 1e
année (Wassmann et al., 2010; Carmack and McLaughlin, 2011). Ces changements majeurs
semblent en partie reliés à une amplification de la circulation atmosphérique cyclonique située en
Atlantique Nord et en Arctique (Dickson et al., 2000). Ces processus atmosphériques
dynamiques contrôlent la circulation des couches de surface océaniques. Par ailleurs, les
principales sources de chaleurs pour l’océan Arctique correspondent à l’entrée des masses d’eau
chaude Atlantique (AW) et Pacifique (PW). L’entrée des eaux Atlantiques (AW), combinée à un
Fig. 1. Variabilité du niveau moyen de la mer (1), de l’étendue de la banquise arctique en été (2),
du contenu de chaleur entre 0-700 m (3), de la température de surface (4), du pH moyen de
surface (5) et de la pCO2 atmosphérique (6). L’aire colorée en violet représente les modifications
du pH moyen à la surface des océans, et de la pCO2 atmosphérique en lien avec le scenario A2
(croissance rapide de la population) établi par l’IPCC (Intergovernemental Panel on Climate
Change) (Doney et al., 2012).
Fig. 2. Etendue de la banquise en océan Arctique entre les mois de juillet à novembre, en millions
de km2 (National Snow and Ice Data Center, 15 octobre 2012).
export des eaux Arctiques (ArW) et d’une partie de la banquise par le détroit de Fram, contrôle
en grande partie la distribution de flux de chaleur en océan Arctique (Schauer et al., 2004). De
récentes observations ont mis en évidence une amplification des anomalies d’eaux chaudes au
sein de l’océan Arctique et en provenance de l’océan Atlantique (Polyakov et al., 2008 ; 2011).
Ce phénomène d’« atlantisation », qui se traduit notamment par un retrait prononcé de la
banquise, peut être observé par les satellites dans le secteur Atlantique de l’océan Arctique
(figure 4). Il s’avère relativement complexe en raison du nombre d’interactions impliquées entre
les différents compartiments de l’atmosphère, de l’océan et de la banquise. De récentes études se
sont intéressées à ce processus par le biais de données satellitales et in-situ. Cependant, l’océan
Arctique reste une région difficile d’accès en raison de son éloignement et des conditions
climatiques difficiles qui y règnent, particulièrement durant l’hiver. Il est pourtant nécessaire
d’approfondir notre compréhension de cet écosystème, complexe et fragile, dans le but
d’améliorer les modèles pour mieux appréhender les changements futurs. Dans les années à venir,
on devrait assister à un accroissement de la pression anthropique dû à une augmentation des
émissions de CO2 atmosphériques, de l’exploitation des ressources naturelles et du transport
maritime en Arctique. Dans le rapport suivant, nous détaillerons les différents processus
physiques qui se manifestent en Arctique et qui contribuent au phénomène d’ « atlantisation ».
Puis nous nous intéresserons aux différentes conséquences observées ou susceptibles de se
produire au niveau de l’écosystème marin, telles que l’export de glace de mer à travers le détroit
de Fram, le déplacement de populations de planctons vers le Nord, ou encore la modification
potentielle de l’export de carbone. Nous insisterons sur les différentes interactions existant entre
les 3 compartiments que sont l’atmosphère, l’océan, et la banquise, ainsi que les impacts
potentiels sur les cycles biogéochimiques associés.
2. Comment se manifeste l’ « atlantisation » de l’océan Arctique ?
Le phénomène d’ « atlantisation » de l’océan Arctique se traduit par une remontée des eaux
chaudes atlantique vers le Nord. Cette advection de la masse d’eau est liée en partie à l’action à
des vents d’ouest qui agissent sur les couches de surface. Des études récentes ont mis en évidence
l’influence des oscillations atmosphériques sur l’intensification des vents d’ouest, et par
conséquent, sur l’amplification des remontées d’eau chaude en provenance de l’océan Atlantique.
de la colonne d’eau.
Fig. 3. Projection polaire de l’étendue de la banquise en océan Arctique le 16 septembre 2012
(zone blanche) et en 1979-2000 (valeur médiane en orange). National Snow and Ice Data
Center.
Fig. 4. Projection polaire satellitale représentant l’étendue maximale hivernale de la banquise en
mars 2007. La ligne rose représente la médiane de l’étendue de la banquise de 1979 à 2012.
Google Earth, National Snow and Ice Data Center.
Nous allons décrire l’origine de l’atlantisation de l’océan Arctique en détaillant les processus se
manifestant depuis l’atmosphère jusqu'à l’intérieur
2. 1. Influence des oscillations atmosphériques et des vents d’ouest
Un point important concerne la fluctuation de l’amplitude et du signe des modèles des variabilités
climatiques présents en hémisphère Nord, tels que le NAO et l’Oscillation Arctique (AO) qui
sont 2 modes inter-reliés. Un mode positif du NAO se traduit par une amplification des hautes
pressions au-dessus des Açores, et des basses pressions au-dessus de l’Islande. Depuis les années
70, on observe une persistance du mode positif du NAO (figure 5 ; University of Washington)
et de l’AO. Cependant, les origines physiques de leur variabilité à long-terme sont méconnues.
Des modes positifs du NAO et de l’AO engendrent une amplification des vents d’ouest qui
exercent une action plus importante sur les courants de surface en Atlantique Nord, tels que le
Gulf Stream, contribuant ainsi à l’« atlantisation » de l’océan Arctique.
2. 2. Circulation océanique
L’océan Arctique reçoit les AW, originaire du Gulf Stream, à travers le détroit de Fram et la mer
de Barents caractérisée par un plateau continental d’environ 200 m de profondeur (figure 6). Ces
deux branches rejoignent ensuite le Nord de la mer de Kara et longent la zone côtière russe. La
circulation des AW est contrainte par la topographie du plateau. La mer de Barents est également
le lieu de rencontre des AW qui plongent sous les eaux Arctiques (ArW) caractérisées par une
densité plus faible. De plus, le détroit de Fram, qui s’étend sur environ 350 km de large et 2700 m
de profondeur, contribue pour plus de 50 % des échanges de masses d’eau en provenance et en
direction de l’océan Arctique (Schauer et al., 2004).
2. 3. Propriétés hydrologiques des masses d’eau concernées
Les AW sont caractérisées par une température supérieure à 3°C (figure 7 et 8), une salinité
supérieure à 35 et un débit relativement important d’environ 10 Sv au niveau du détroit de Fram
(Schauer et al., 2004). La masse d’eau se situe généralement entre 50 et 600 m de profondeur
(figure 7 et 8). Les ArW sont caractérisées par une température plus froide, inférieure à 0°C
(figure 7 et 8), et une salinité inférieure à 35. Les AW, qui sont plus chaudes, remontent vers le
Nord et transportent ainsi de la chaleur vers l’océan Arctique. Il existe différents traceurs nous
permettant d’étudier la distribution spatio-temporelle des AW, telle que la température, l’oxygène
dissous, les chlorofluorocarbones ou encore le tritium.
Fig. 5. Fluctuation hivernale (décembre-mars) de l’index du NAO de 1864 à 2001(University of
Washington).
Fig. 6. Schéma de la circulation des AW (flèches grises), et des UPDW (Upper Polar Deep
Water) situées à environ 1700 m (flèches noires). Les flèches noires et droites indiquées sur les
continents représentent les embouchures des principales rivières (Jones, 2001).
Fig. 7. Localisation des mesures effectuées par Schauer et al., 2004 dans le détroit de Fram. Les
points noirs représentent les positions des bouées amarrées de septembre 1997 à août 1998, et de
septembre 1998 à août 1999. La ligne pointillée noire montre la section CTD mesurée en aoûtseptembre 1997, 1998 et 1999.
Fig. 8. Distribution de la température potentielle à travers le détroit de Fram à partir d’une section
CTD mesurée en 1997 (voir figure 7). Les triangles situés en haut de la figure représentent la
position des bouées d’amarrage et les points noirs représentent les mesures de température dans
la colonne d’eau. Le carré bleu représente les ArW et le carré rouge représente les flux entrants et
sortants des AW (Schauer et al., 2004).
2. 4. Anomalies d’eaux chaudes en provenance de l’océan Atlantique
Le transfert des AW vers l’océan Arctique se manifeste par des anomalies de température qui
vont nous permettre de suivre l’évolution spatiale et temporelle de la masse d’eau. Polyakov et
al. (2005, 2010 et 2011) ont mis en évidence 2 pulses d’eaux chaudes atlantique, un premier dans
les années 90 et un second dans les années 2000 qui se sont propagés vers les bassins eurasien et
canadien (figure 9). Ces mesures ont été obtenues à l’aide de transects effectués lors de
campagnes en mer et de bouées d’amarrage positionnées au niveau du flot des AW. Ils ont
observé une anomalie positive de température d’environ 1°C associée au pulse des années 90, qui
a ensuite atteint le bassin canadien en 2003. Le second pulse des années 2000 a également été
mesuré dans le bassin eurasien quelques années plus tard. Il était légèrement plus chaud
d’environ 0,2°C par rapport au pulse des AW observé en 1990 (Polyakov et al., 2005). Une
nouvelle anomalie d’eau chaude a récemment été mesurée dans le détroit de Fram en 2009 et
serait actuellement en train de progresser en océan Arctique (figure 9). De plus, une précédente
anomalie d’eau chaude a été mesurée dans les années 50 (Swift et al., 2005), ce qui soulève la
question de la singularité de ce processus. Un point important concerne le peu de données
historiques mesurées en continu et disponibles sur les 150 dernières années. Il est pourtant
nécessaire de s’intéresser aux fluctuations de la température des AW sur les derniers millénaires
pour mieux comprendre et quantifier les fluctuations actuelles. Spielhagen et al. (2011) ont pu
reconstruire la variabilité temporelle de la température des AW durant la saison printanière et
pour les derniers 2000 ans. Les mesures ont été obtenues à partir de microorganismes
planctoniques et fossiles, des foraminifères, présents dans les sédiments marins et pouvant servir
de traceurs de la distribution des masses d’eau en Atlantique Nord. Les auteurs ont mis en
évidence l’importance des apports de chaleur par les AW observés depuis le début du 21e siècle
(figure 10). Les sédiments les plus jeunes, correspondant au dernier siècle, montrent une
augmentation rapide de la proportion des foraminifères subpolaires (jusqu'à 66 %) dans les
échantillons, contrairement aux sédiments plus anciens (<1900 ans CE) contenant 10 a 40 % de
ces microorganismes (figure 10 B). En parallèle de ces observations, la température des AW a
augmenté d’environ 2°C entre 1950 et 2000 (figure 10 C et D). La température moyenne des
AW durant le dernier siècle excède ainsi toutes les valeurs observées lors des derniers 2000 ans.
Fig. 9. Sections verticales de température in-situ (° C) en océan Arctique. Les 5 séries ont été
mesurées au niveau des sites représentés par les traits jaunes sur la carte. Les axes horizontaux
représentent la distance à partir du point mesuré situé le plus au Sud (km), et les axes verticaux
représentent la profondeur (m). NB : attention aux axes de température qui ne sont à la même
échelle (Polyakov et al., 2010 et 2011).
Fig. 10. Reconstructions de la température des AW des derniers 2100 ans à partir de
foraminifères prélevés sur une carotte de sédiment à l’est du détroit de Fram (Spielhagen et al.,
2011).
Il est important de noter que l’advection des AW vers le Nord se manifeste sous la forme de
« pulses » d’eaux chaudes, et non comme un changement linéaire dans le temps. Cela implique
des pertes de chaleur dans le système qui peuvent avoir des conséquences majeures pour
l’écosystème. La combinaison des processus atmosphériques et océaniques décrits auparavant va
ainsi permettre de comprendre l’origine de l’« atlantisation » observée en océan Arctique. Nous
allons constater que ce phénomène n’est pas sans conséquence pour l’écosystème marin.
3. Quels sont les impacts potentiels sur l’écosystème marin ?
Différentes conséquences peuvent potentiellement se produire au niveau de l’écosystème marin,
telles que la fonte de la banquise dans le secteur Atlantique de l’océan Arctique, une modification
de la composition des communautés planctoniques et du réseau trophique.
3. 1. Transferts de chaleur des eaux atlantique vers l’océan Arctique
Ces pulses d’eau chaude décrits précédemment s’accompagnent d’un transfert de chaleur vers
l’océan Arctique et d’échanges complexes entre l’atmosphère, la glace de mer et l’océan. De
plus, l’advection des AW vers le Nord représente le plus grand apport de chaleur vers l’océan
Arctique (Schauer et al., 2004). Schauer et al. (2004) ont étudié les apports de chaleur par le
détroit de Fram et sur une période de 3 ans (1997-2000) à l’aide de bouées amarrées dans la
colonne d’eau. Ce transport de chaleur vers le Nord s’avère plus élevé durant la période hivernale
en raison d’un transfert de volume d’eau plus important (figure 12). En effet, une intensification
des vents d’ouest est observée durant l’hiver et exerce ainsi une action plus importante sur les
eaux de surface. Une grande quantité de chaleur est ainsi libérée de l’océan à la glace de mer au
niveau du détroit de Fram. De plus, le processus de formation de la banquise a lieu durant l’hiver
et il est dépendant de la quantité de chaleur contenu dans la masse d’eau. Une autre étude menée
par Arthun et al. (2012) concerne la quantification des flux de chaleurs apportés par les AW,
cette fois-ci en mer de Barents, entre 1998 et 2008, à l’aide de données in-situ et d’un modèle
couplé glace-océan. (figure 13). La tendance observée entre 1980 et 2007 correspond à une
augmentation de la proportion d’océan ouvert de 70 à 80 % en mer de Barents. Ce résultat est
associé à une augmentation moyenne de 20 TW du transport de chaleur moyen annuel et une
augmentation simultanée du contenu de chaleur d’environ 0,9°C en terme de température
moyenne (figure 14).
Fig. 12. Séries temporelles des valeurs moyennes mensuelles du volume d’eau transporté (bleu),
de la quantité de chaleur transportée (rouge), du débit rapporté à l’aire de la section verticale
(noir), l’aire de cette section verticale (vert), et la température moyennée par rapport à l’aire
(rose). (en haut) valeurs du flot vers le Sud ou vers le Nord de toute la colonne d’eau ; (en bas)
valeurs respectives pour les AW seulement définies par les eaux dont la température est
supérieure à 1°C (Schauer et al., 2004).
Fig. 13. Concentration hivernale (novembre-avril) de la glace de mer entre 1979 et 2010
(données satellites, NSIDC). L’étendue de la banquise en hiver (15% de concentration) dans les
années 80 (ligne noire), durant les années 90 (ligne noire tirets), et durant les années 2000 (ligne
noire tirets et pointillés) sont aussi représentées. La ligne blanche en pointillés représente
l’étendue moyenne de la banquise dans les années 90 et en septembre. Les flèches rouges
indiquent le flot principal des AW et les cercles noirs les bouées amarrées dans la colonne d’eau.
BSO: Barents Sea Opening (Arthun et al., 2012).
Le retrait de la banquise observé en mer de Barents durant l’hiver peut être relié aux apports de
chaleur en provenance des AW. La banquise répond ainsi aux apports de chaleur externes et
représente un indicateur sensible au réchauffement du climat.
3. 2. Export de la glace de mer par le détroit de Fram
Un processus supplémentaire s’ajoutant à l’apport de chaleur par les AW et contribuant à
l’atlantisation de l’océan Arctique, correspond à l’export de la banquise par le détroit de Fram.
Rigor et al. (2002) ont mis en évidence la réponse de la banquise à l’oscillation Arctique (AO)
depuis les années 80. Durant la phase positive de l’AO, l’intensification de l’anomalie cyclonique
atmosphérique engendre une divergence de la glace de mer due au transport d’Ekman, et vers la
droite par rapport à la direction du vent. La figure 15 met en évidence le nombre moyen d’années
nécessaire à la glace de mer pour être exportée à travers le détroit de Fram sous l’influence d’un
index négatif ou positif de l’AO. Sous un index positif, la glace de mer est exportée plus
rapidement hors de l’océan Arctique, et environ 10 % de glace de mer supplémentaire est
exportée par le détroit de Fram (Rigor et al., 2002). De plus, le comportement de la banquise
durant le printemps et l’été est fortement relié à l’index hivernal de l’AO de l’année précédente.
Toutefois, une augmentation de l’export de la banquise à travers le détroit de Fram ne signifie pas
obligatoirement un export plus important du volume de glace. En effet, la majorité de la glace de
mer exportée durant une phase positive de l’AO est de la glace de 1e année originaire de la mer
de Laptev et de Sibérie. Cela met en évidence l’influence et l’importance des processus
atmosphériques sur la dynamique de la banquise en océan Arctique. Le déclin du couvert de
glace en océan Arctique peut ainsi être relié en partie à la persistance de la phase positive de
l’AO.
L’atlantisation de l’océan Arctique peut avoir des conséquences sur la dynamique de la banquise
comme nous venons de le voir, mais également sur la biologie. En effet, les remontées d’eaux
chaudes entrainent avec elles les microorganismes inféodés aux AW ce qui peut potentiellement
modifier la chaîne trophique et les cycles biogéochimiques.
Fig. 14. Sortie du modèle représentant les anomalies de l’évolution de l’étendue de la banquise
(inversée, -q0Aice) en mer de Barents, de la température moyenne (HC), et de la perte de chaleur
océanique (HFout) par rapport au transport total de chaleur à travers le BSO (HTBSO) (Arthun et
al., 2012).
Fig. 15. Cartes représentant le nombre d’années nécessaires pour une parcelle de glace de mer
pour sortir de l’océan Arctique à travers le détroit de Fram. Les lignes en pointillées délimitent la
zone pour laquelle la glace de mer circule dans la gyre de Beaufort (Rigor et al., 2002).
3. 3. Remontée vers le Nord de populations de plancton sub-arctique
Ces remontées d’eaux chaudes sont également accompagnées de transfert de populations
endémiques aux eaux atlantiques vers l’océan Arctique. La mer de Barents est dominée par des
efflorescences printanières de phytoplantoncton composées de diatomées, dont les genres les plus
communs qui sont Chaetoceros et Thalassiosira. La période de développement du bloom s’étend
généralement du mois d’avril jusqu’en août-septembre. Les espèces océaniques, présentes dans
l’océan Atlantique et en mer du Groenland, ne sont habituellement pas retrouvées en mer de
Barents en raison de la faible profondeur des eaux au niveau du plateau continental (maximum
200 m). Hegseth et Sundfjord (2008) ont observé la présence d’espèces océaniques de
diatomées originaires des AW, à la fin de l’été 2003, et au Nord de la mer de Barents (figure 16
et table 1). Le bloom océanique était notamment dominé, en nombre de cellules, par l’espèce de
coccolithophoridé Emiliana huxleyi caractéristique des AW et de la mer de Norvège. Le transport
de ces espèces semble ainsi être associé à des anomalies positives de température en océan
Arctique. En mer de Barents, les AW pourraient ainsi contribuer à une modification de la
structure des communautés phytoplanctoniques en transportant des espèces de diatomées
océaniques vers le Nord. Si l’on observe ce phénomène pour certaines espèces de phytoplancton,
on peut supposer que le même scénario s’applique à certaines populations de zooplancton. En
effet, Beaugrand et al. (2002 et 2009) ont mis en évidence des changements dans la
biogéographie d’espèces de copépodes calanoides entre 1958 et 2005 en Atlantique Nord. Ils ont
démontré que ces espèces inféodées aux eaux chaudes se sont déplacées d’environ 10° de latitude
vers le Nord durant cette période, soit à un taux d’environ 23,16 km.an-1 (figure 17, espèces subarctiques). En parallèle, un déclin de certaines populations de copépodes inféodés aux eaux
froides arctiques a été observé (non montré). Ils ont relié ce phénomène à une persistance de
l’index positif du NAO (26,45 % de la variabilité totale) et une augmentation des températures
océaniques de surface en hémisphère Nord (46,35 % de la variabilité totale) grâce à une analyse
en composante principale. En effet, les copépodes calanoides répondent rapidement aux
modifications de température de leur milieu. Il est nécessaire que les modèles prennent en compte
l’invasion de nouvelles espèces en provenance des AW au risque de donner des représentations
invalides de l’écosystème. La remontée de ces nouvelles espèces peut éventuellement modifier la
structure de la chaîne trophique.
Fig. 16. (à gauche) Carte de la zone d’échantillonnage de Kvitoyrenna. Les différentes stations
d’échantillonnage sont indiquées par des ronds noirs et blancs (Hegseth et Sundfjord, 2008).
Table 1. (à droite) Espèces de phytoplancton présentes/communes (+) et dominantes (*) dans les
échantillons obtenus sur les différentes stations présentes sur la carte ci-jointe. Le tableau
distingue les espèces néritiques et océaniques (encadré rouge) (Hegseth et Sundfjord, 2008).
Fig. 17. Changement à long-terme du nombre moyen d’espèces par assemblage de 1958 à 2005.
Les cercles en pointillés noirs dénotent les aires où des changements prononcés ont été observés.
L’assemblage numéro 8 contient l’espèce Calanus finmarchicus inféodée aux AW. (Beaugrand
et al., 2009).
3. 4. Altération potentielle de la chaîne trophique et de l’export de carbone
Une conséquence majeure des remontées de populations de plancton sub-arctique en océan
Arctique correspond à une altération potentielle de la chaîne trophique et une modification de
l’export de carbone. En effet, le recul de la banquise vers le Nord ainsi que l’intrusion de
nouvelles espèces phytoplanctoniques et zooplanctoniques en mer de Barents, que nous avons
décrit précédemment, peut altérer l’écosystème marin associé à la banquise arctique. De plus, la
zone marginale de glace (MIZ) en mer de Barents est une des régions les plus productives de
l’océan Arctique (20-200 g C.m-2.an-1) (Carmack et al., 2006). Il est donc primordial de mieux
comprendre comment va évoluer la structure de la chaîne trophique dans cette région.
Différentes structures planctoniques sont associées à la banquise en fonction de la variabilité de
facteurs environnementaux, tels que la couverture de glace, la disponibilité en lumière, la
stratification de la colonne d’eau et la concentration en nutriments (figure 18). La MIZ se
déplace ainsi avec le retrait de la banquise vers le Nord de l’océan Arctique selon la progression
de la fonte estivale. Avec la fonte accélérée de la banquise observée ces dernières années, la
période
potentielle
de
développement
du
bloom
augmente
et
les
efflorescences
phytoplanctoniques ont ainsi tendance à se développer plus tôt en océan Arctique (figure 19,
Kahru et al., 2011). Cela a globalement pour conséquence une augmentation de la production
primaire dans le système (Pabi et al., 2008). Le phytoplancton reste cependant limité par la
disponibilité en nutriments dans la colonne d’eau à la fin de la saison.
Au niveau de la MIZ et en mer de Barents, il existe un étroit couplage entre le phytoplancton et le
benthos qui permet un export significatif de carbone en profondeur (Forest et al., 2010). La
production primaire qui a lieu à la surface des océans est la principale source de flux verticaux de
particules organiques, permettant ainsi de reconstituer le stock de nutriments et de carbone. Les
particules qui sédimentent au fond des océans transfèrent ainsi la matière organique vers les
profondeurs et donnent lieu a un couplage entre le phytoplancton en surface et le benthos en
profondeur. Celui-ci est très variable est peut être affecté par la nature de la chaîne trophique et
les processus physico-chimiques présents dans la colonne d’eau. Falk-Petersen et al. (2006)
avancent l’hypothèse d’une modification de la chaîne trophique basée sur Calanus glacialis et C.
hyperboreus qui seront remplacés durablement par C. finmarchicus, une espèce de copépode
inféodée aux AW (figure 20).
Fig. 18. Schéma représentant le développement saisonnier du phytoplancton en mer de Barents.
Le retrait de la lisière de la banquise contrôle le développement temporel de l’efflorescence de
phytoplancton et différents stades de développement sont retrouvés selon un gradient Nord-Sud
(Sakshaug, 1989).
Fig. 19. Développement des algues de glace et du bloom de phytoplancton le long d’un axe
latitudinal dans la SIZ (75-85°N), avec une période productive en eaux ouvertes (70-75°N) et une
région en majorité couverte de glace (> 75°N) (Wassmann et al., 2011).
C. finmarchicus est de taille plus petite et avec un contenu énergétique par individu plus faible
que les deux autres espèces présentes dans les ArW. Si cette modification de la chaîne trophique
s’installe durablement dans le futur, cela pourrait affecter toute la chaîne trophique en mer de
Barents et permettre un couplage pélagique étroit entre le phytoplancton et le zooplancton. La
fonte de la banquise pourrait promouvoir une transition vers un écosystème basé sur le recyclage
du carbone en surface en mer de Barents. Il est cependant difficile d’évaluer les conséquences
potentielles d’un shift des populations zooplanctoniques sur les maillons supérieurs de la chaîne
trophique. Ces modifications de l’écosystème pourraient favoriser la migration du hareng et des
baleines de Minke (Balenoptera acutorostrata) vers le Nord (figure 20, b). En conséquence,
l’atlantisation de l’océan Arctique aura des conséquences à grande échelle sur les espèces
migratrices qui sont particulièrement sensibles à la modification de leur habitat et des apports en
nourriture en mer de Barents. Des questions restent ainsi en suspens, notamment comment sera
modifiée la chaîne trophique sur le long-terme et les flux de carbone associés (figure 21). Il
existe relativement peu d’études concernant la variabilité des flux verticaux de carbone en raison
de la distribution ponctuelles des données disponibles en océan Arctique et la difficulté de les
obtenir au moment de la fonte de la banquise.
4. Conclusion et perspectives d’études
Les différentes causes à l’origine de l’atlantisation observée en océan Arctique ont été détaillées.
On a pu observer un rôle important des interactions entre les trois compartiments atmosphèrebanquise-océan dans le contrôle de ce processus (figure 22). La dynamique de l’atmosphère joue
un rôle primordial sur la circulation océanique de surface. Une intensification du NAO et de l’AO
observée depuis les années 70 permet la remontée des eaux chaudes atlantique vers l’océan
Arctique. Il est cependant difficile de définir correctement les contributions respectives de la
variabilité anthropique et naturelle de ces processus (Dong et al., 2010). Des anomalies d’eau
chaude se répandent dans le bassin eurasien et canadien, et libèrent ainsi de la chaleur vers
l’atmosphère ou la glace de mer, contribuant à la fonte de la banquise arctique. Les observations
à long-terme ont apporté des informations cruciales concernant l’évolution des pulses d’eaux
chaudes atlantiques depuis le détroit de Fram vers l’Est de l’océan Arctique (Polyakov et al.,
2011). Différentes conséquences sont également observées au niveau de l’écosystème marin
arctique.
Fig. 20. Chaîne trophique basée sur différentes espèces de copépodes Calanus en mer nordiques.
a) C. glacialis / C. hyperboreus. b) C. finmarchicus (Falk-Petersen et al., 2006).
Fig. 21. Schéma représentant les flux de carbone dans la SIZ (Seasonal Ice Zone) (adapté de
Wassmann et al., 2008).
D’après Helligen et al. (2008), la production primaire en mer de Barents devrait augmenter
d’environ 8 % durant les 50 prochaines années et elle sera accompagnée d’une diminution de la
proportion des espèces Arctiques et d’une augmentation de la biomasse des espèces
zooplanctoniques atlantiques d’environ 20 %. Une augmentation de la production primaire
devrait mener à une intensification de la production de carbone autochtone générée par le
phytoplancton, mais également plus de détritus générés par le broutage du zooplancton. Il est
difficile toutefois de prévoir comment va évoluer le flux de carbone vers l’océan profond. Une
atlantisation de la mer de Barents devrait mener à une dominance des AW associée à un retrait de
la MIZ vers le Nord et à une dominance de l’espèce de copépode calanoide C. finmarchicus. Le
couplage entre le phytoplancton et le benthos ainsi que les flux verticaux de carbone devraient
être modifiés sur le long-terme.
Bien que le réchauffement et la fonte de la banquise observés en Arctique font partie d’un signal
global suggérant un lien avec les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, leur
compréhension est rendue compliquée par la contribution de différents forçages atmosphériques
et océaniques. Les satellites peuvent permettre d’étudier le couvert de glace et la distribution des
courants, mais des données in-situ et prises en continu sont nécessaires pour étudier ce
phénomène et pour améliorer les modèles. Par ailleurs, les modèles prévoient une augmentation
nette du transport des flux de chaleur en Atlantique Nord qui réduirait ainsi le couvert de glace en
Arctique (Holland et Bitz, 2003). Il est nécessaire de maintenir et d’approfondir les études pour
améliorer les modèles afin de mieux appréhender les changements futurs de l’écosystème marin
arctique.
Avec la fonte accélérée de la banquise et du pergélisol, des changements brutaux sont attendus
pour l’écosystème arctique mais également au niveau socio-économique en favorisant
l’urbanisation, le transport maritime et l’exploitation des ressources naturelles. Les communautés
Inuits bénéficiant de cet écosystème singulier et fragile devront sans aucun doute modifier et
adapter rapidement leur mode de vie.
Fig. 22. Schéma récapitulatif représentant les causes et conséquences potentielles de
l’atlantisation de l’océan Arctique entre les trois compartiments atmosphère-banquise-océan.
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