CAS CLINIQUE
Figure 1. Aspect clinique à l’arrivée.
Figure 2. Filaments mycéliens (flèches).
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 | 15
Plusieurs formes ont été décrites. La plus fréquente est l’atteinte
rhino-orbito-cérébrale. Le tableau clinique n’est pas spécifique.
Il comprend habituellement de la fièvre, des céphalées associées
à une diminution de l’acuité visuelle, voire une cécité. Des pares-
thésies et des douleurs sinusiennes avec une rhinorrhée parfois
noirâtre sont aussi rapportées. L’examen clinique retrouve un
aspect noirâtre du palais et de la muqueuse nasale, un proptosis,
une ophtalmoplégie et des ulcérations nasales et faciales. La conta-
mination cérébrale a été décrite, elle se traduit par des signes de
focalisation ou un syndrome méningé (2, 3).
Le diagnostic d’une mucormycose rhino-orbito-cérébrale est
difficile. Il s’appuie sur un faisceau de critères cliniques, bactério-
logiques et radiologiques dont l’association conforte la suspicion
diagnostique.
Tout tableau de cellulite de la face doit systématiquement faire
évoquer 2 diagnostics : la staphylococcie maligne de la face et la
mucormycose. L’atteinte des parties orbitaires et sinusiennes et
la présence de lésions noirâtres au niveau des muqueuses est en
faveur de la mucormycose, alors que l’extension des lésions vers
l’aile du nez est en faveur de la staphylococcie. Dans l’attente
des résultats bactériologiques et mycéliens, une thérapeutique
probabiliste (antistaphylococcique ou amphotéricine B), orientée
vers l’un des 2 diagnostics potentiels, est établie en urgence.
La confirmation de la mucormycose repose sur l’examen histolo-
gique qui montre une réponse inflammatoire importante – le plus
souvent à neutrophiles –, des invasions vasculaires des filaments
mycéliens ramifiés avec thromboses, nécroses et hémorragies
des tissus avoisinants (1, 3). Il est évident que si les prélèvements
sont envoyés seulement en bactériologie, les filaments mycéliens
ne seront pas vus, d’où un retard diagnostique préjudiciable au
patient.
L’imagerie n’est pas spécifique, elle permet de faire le bilan
d’extension, de chercher les signes d’agressivité et les complica-
tions intracrâniennes. Le scanner cérébral montre une atteinte
sinusienne isolée ou, plus fréquemment, une atteinte pansinu-
sienne, une infiltration de la graisse intraorbitaire, des septa
sinusiens, des parois de l’orbite et de la base du crâne aux muscles
oculomoteurs épaissis et une exophtalmie. L’angio-IRM peut objec-
tiver une thrombose du sinus caverneux, de la carotide interne
ou de ses branches (4).
Le traitement est médico-chirurgical. L’amphotéricine B i.v., malgré
quelques résistances décrites, reste la molécule de référence.
Le débridement chirurgical et les exérèses larges des tissus
nécrosés, parfois répétées, sont primordiaux dans le traitement,
car ils diminuent la charge fongique et favorisent la pénétration
et l’action des antifongiques. La maîtrise des facteurs favorisants
est fondamentale, notamment l’équilibre du diabète décompensé.
Le pronostic reste réservé, avec une mortalité globale pouvant
atteindre 60 % (2, 5). Dans notre cas, le retard de consultation
de la patiente et la gravité initiale du tableau clinique expliquent
l’évolution défavorable. ■
1. Prabhu RM, Patel R. Mucormycosis and entomophtoramy-
cosis: a review of the clinical manifestations, diagnosis and
treatment. Clin Microbiol Infect 2004;10(suppl. 1):31-47.
2. Bhadada S, Bhansali A, Reddy KS, Bhat RV, Khandelwal N,
Gupta AK. Rhino-orbital-cerebral mucormycosis in type 1
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3. Peter L, Krolak-Salmon P, Pignat JC, Dardel P, Vighetto A.
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5. Spellberg B, Walsh TJ, Kontoyiannis DP, Edwards J Jr,
Ibrahim AS. Recent advances in the management of
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Références bibliographiques