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MYCOLOGIE
30 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - n° 1 - janvier-février 2014
André Paugam
(Service de parasitologie-
mycologie, hôpital
Cochin, Paris)
Diagnostic précoce
de mucormycoses : mise au point
d’une PCR quantitative
permettant un diagnostic sérique
chez les patients immunodéprimés
Contexte
Les mucormycoses sont des infections émergentes dues à des
champignons filamenteux appartenant aux genres Lichtheimia (synonyme Absidia), Rhizopus,
Mucor et Rhizomucor. Anciennement, la forme typique était l’infection rhinocérébrale du
patient diabétique, mais, ces dernières années, les cas survenus chez les patients immuno-
déprimés, et particulièrement chez ceux souffrant d’hémopathies, sont devenus de plus en
plus fréquents, avec des localisations essentiellement pulmonaires.
Méthode
Le diagnostic de certitude de mucormycose repose sur l’anatomopathologie et la culture, mais
les biopsies sont difficiles à obtenir chez ces malades ; aussi, la perspective d’un diagnostic
sérique peut être considérée comme une avancée majeure pour le diagnostic de cette
pathologie (diapositive1). Ceci d’autant plus que la symptomatologie et l’imagerie (scanner
pulmonaire) des atteintes pulmonaires ne permettent pas de distinguer une mucormycose
d’une aspergillose invasive, alors que la prise en charge thérapeutique est radicalement
différente : voriconazole pour l’aspergillose invasive (inefficace sur les mucormycoses) versus
amphotéricineB liposomale, voire posaconazole (non disponiblei.v.) pour la mucormycose.
Dans cette étude, les auteurs ont rétrospectivement évalué les performances d’une combi-
naison de 3PCR quantitatives, permettant la détection de l’ensemble des genres à l’origine
de mucormycoses. Pour ce faire, ils ont utilisé les sérums de 10patients pour lesquels une
mucormycose prouvée avait été diagnostiquée à l’hôpital de Besançon, entre janvier 2004 et
juin 2012 (histologie et/ou culture ou biologie moléculaire de la biopsie). Comme témoins,
ils ont inclus 51patients [diapositive2].
Résultats
Pour les 10patients avec une mucormycose prouvée, les facteurs favorisants, les formes
cliniques des infections et les résultats des PCR sont résumés sur la diapositive3. On
peut remarquer, bien qu’il s’agisse d’un petit effectif, que le facteur de risque le plus
fréquent (7/10) est une hémopathie, comme on pouvait s’y attendre. Dans 9cas sur10, les
PCR ont permis le diagnostic et, pour les formes disséminées, toujours avant l’histologie,
de−3à−49jours. Cela montre non seulement que la PCR du sérum est très performante
pour le diagnostic, mais qu’elle peut permettre d’établir précocement le diagnostic, ce qui
est essentiel au pronostic, car, compte tenu du caractère angio-invasif de cette pathologie,
un geste chirurgical associé au traitement antifongique, lorsqu’il est possible, est capital
pour assurer un pronostic favorable.
Pour les 51témoins, les PCR ont toujours été négatives (100 % de spécificité). Les auteurs
ont, par ailleurs, vérifié l’absence de réaction croisée avec l’ADN de champignons responsables
d’infections fongiques invasives comme Aspergillus, Fusarium et Candida. C’est important
car il a été estimé que, pour 1/3 des mucormycoses, une infection mixte était possible. II
Commentaire
Pour conclure (diapositive 4), ce nouveau test non
invasif pourrait permettre une amélioration de la
prise en charge de cette pathologie émergente, par
dépistage précoce des patients d’hématologie les
plus à risque. Les auteurs ont d’ailleurs commencé
une étude prospective avec une détection 2 fois
par semaine chez les patients à risque (leucémie
aiguë, lymphome nécessitant une chimiothérapie
intensive, aplasie et allogreffés de J0 à J35).
Référence bibliographique
Millon L, Larosa F, Lepiller Q et al. Quantitative polymerase
chain reaction detection of circulating DNA in serum for
early diagnosis of mucormycosis in immunocompromised
patients. Clin Infect Dis 2013;56(10):e95-101.