Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIX - n° 7 - septembre 2015
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Éditorial
Sauver la sécu en généralisant
la prise en charge à 100 % !
Save social security by extending the 100% repayment!
V
oilà une proposition à première vue para-
doxale alors que les recettes de la Sécurité
sociale liées à l’emploi (pour un peu plus de
50 %) reculent parallèlement à la montée du chômage,
et que les dépenses de l’Assurance maladie continuent
d’augmenter en raison du vieillissement de la population
et du progrès médical. Notre système de santé − hérité
du compromis historique de 1945 − est un système
mixte comportant un coût de gestion exorbitant et un
défaut congénital de régulation. En effet, contrairement
à ce quon entend souvent dire, ce système, de soins
plus que de santé, n’est pas l’application du programme
du Conseil national de la Résistance mais le résultat
d’un double compromis entre l’État et les syndicats
de la médecine libérale, et entre la Sécurité sociale et les
mutuelles. On a concédé à la Mutualité, pour la rallier à
la cause de la Sécurité sociale, le ticket modérateur de
20 % qui par définition n’a jamais rien “modéré puisquil
est remboursé. Ainsi, pour chaque patient, pour chaque
acte ou prescription médicale, il y a 2 cofinanceurs
et donc 2 dossiers et 2 procédures de remboursement,
avec 400 assurances privées, mutualistes ou non. Si l’on
ajoute le coût des 18 agences sanitaires employant
24 000 personnes (2,5 milliards par an), on comprend
pourquoi nous dépensons pour la gestion du système
de santé, selon les chiffres sous-évalués de l’OCDE, 7 %
du budget de la santé soit plus de 16 milliards par an.
Le double de la moyenne des pays de l’OCDE ! La polé-
mique actuelle sur la question du tiers payant a ainsi
2 dimensions. D’abord, une dimension idéologique,
puisque selon le credo libéral, le fait que le client n’ait
plus à avancer l’argent (qui lui est remboursé secon-
dairement), induit inévitablement des abus. Ensuite,
une dimension simplement pragmatique, le médecin
ne voulant pas avoir à gérer lors de ses consultations
les liens des malades avec leurs assureurs. Quoi qu’il
en soit, ce système mixte non régulé a donné satisfac-
tion à tout le monde pendant les Trente Glorieuses,
mais à l’heure de la réduction des dépenses publiques,
chaque groupe professionnel pense que les autres
devraient faire un effort. Le plus simple pour un gou-
vernement est de privatiser les dépenses. En effet, à y
regarder de plus près, les États-Unis, l’Angleterre et la
France ont la même dépense publique de santé, soit
environ 9 % du PIB auxquels il faut ajouter la dépense
privée, soit 9 % du PIB pour les États-Unis, moins de
1 % pour l’Angleterre, et 3 % pour la France. La dépense
totale est donc de 18 % pour les États-Unis, de moins
de 10 % pour l’Angleterre et de 12 % pour la France.
Choisir le transfert des dépenses publiques vers les
dépenses privées, comme semble vouloir le faire le gou-
vernement qui a rendu obligatoire l’assurance complé-
mentaire pour les salariés (en la subventionnant), c’est
faire le choix d’accroître les inégalités sociales de santé,
mais c’est aussi accepter d’augmenter le coût global
pour la société, en transformant la prime d’assurance
complémentaire en une sorte d’impôt privé. Privé
et injuste. Plus grave, ce choix fait peser à terme une
menace sur la solidarité. Les personnes bien portantes
appartenant aux classes moyennes en auront bientôt
assez de payer 2 fois pour la santé : une fois la “sécu au
titre de la solidarité avec les personnes les plus pauvres
et avec les patients ayant les maladies les plus graves,
et une autre fois leur assurance complémentaire pour
eux-mêmes et pour leur famille. D’autant que la dite
complémentaire sera devenue en réalité pour eux
l’assurance principale et que ses primes ne cesseront
d’augmenter. Il faudrait pouvoir choisir : plus de sécu
ou plus d’assurances privées ? Hélas, notre système suit
sa plus grande pente, sans débat. L’autre solution serait
de définir un panier de soins solidaire de qualité, rem-
boursé à 100 % par lAssurance maladie obligatoire, en
transformant les complémentaires” en assurances “sup-
plémentaires. Ainsi les cures thermales (150 millions
par an) ne seraient plus remboursées par la Sécurité
sociale mais par les supplémentaires”, même chose
pour l’homéopathie (250 millions) et ainsi pour toutes
les prestations et les actes non inclus dans le panier
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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIX - n° 7 - septembre 2015
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Éditorial
de soins solidaire. Lorsqu’il existe des médicaments
génériques, le surcoût du princeps serait à la charge
de l’assurance supplémentaire, le médecin n’aurait pas à
inscrire sur lordonnance à la demande du patient-client
“non substituable et la Sécurité sociale n’aurait plus à
verser 1 milliard par an aux pharmaciens d’officine pour
qu’ils exercent leur droit de substitution. Et pour en finir
avec la tyrannie productiviste de la T2A et du paiement
à l’acte qui contraint les professionnels au toujours plus,
il faudrait, pour la prise en charge des patients atteints
de maladies chroniques, revenir à l’hôpital à la dota-
tion globale modulée par l’activité et passer en ville au
paiement à la capitation. Les patients garderaient le droit
de changer de médecin traitant mais seulement tous les
ans. Cela permettrait aux médecins d’appliquer le prin-
cipe éthique du “juste soin pour le patient au moindre
coût pour la collectivité. Reste une question essen-
tielle : quelles seraient les modalités de définition du
panier de soins solidaire de qualité ? Les représentants
des patients et des usagers, les professionnels de santé
et les autorités de santé devraient faire des propositions
à la représentation nationale. La démocratie sanitaire
pourrait alors être autre chose qu’un slogan. Ainsi, la
santé resterait un bien commun financé par la solidarité
et les riches seraient soignés aussi bien que les pauvres.
Utopie certes, mais utopie réaliste !
André Grimaldi
Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
L’auteur n’a pas précisé
seséventuels liens d’intérêts.
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© La Lettre du Neurologue
2015;3(XIX):47-48.
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