Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 3 - mai-juin 2009
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Concepts et avancées en chronopharmacologie
L’application de ces données à l’homme malade
conduit à la possibilité de choisir le meilleur moment
d’administration du médicament pour une meilleure
efficacité et/ou une meilleure tolérance en optimisant
le rapport bénéfice/risque. La prescription des corti-
coïdes est actuellement l’une des applications chrono-
thérapeutiques les plus anciennes utilisée en pratique
médicale courante : une administration le matin (en
respectant le rythme physiologique du cortisol dont
le pic de sécrétion se situe entre 7 heures et 9 heu-
res) assure une meilleure tolérance et une meilleure
efficacité. Dans l’asthme corticodépendant, l’efficacité
des corticoïdes est, elle aussi, supérieure lorsque le
maximum de la dose quotidienne est donné le matin
(et non le soir) pour soulager la crise qui survient sept
fois sur dix dans la deuxième partie de la nuit (13).
Dans le domaine de la cancérologie, l’apport de nou-
velles technologies (pompes implantables ou portables
dont le débit peut être programmé) permet l’appli-
cation de ces données. En effet, ces pompes rendent
possible une distribution temporelle des médicaments
anticancéreux, de manière à délivrer le minimum de
la dose journalière au moment où l’organisme est le
plus sensible afin d’en améliorer la tolérance : ainsi, la
chimiothérapie associant le 5-Fu (5 fluorouracile) et
des dérivés du platine par chrono modulation permet
d’améliorer la tolérance du traitement et d’augmenter
le taux de réponse jusqu’à 66 % dans les métastases des
cancers colorectaux (14). En rhumatologie, la meilleure
tolérance de l’indométacine, anti-inflammatoire non
stéroïdien, s’observe lorsqu’il est pris le soir. Plus récem-
ment, R.C. Hermida et al. (15) ont démontré, dans un
essai prospectif randomisé en double aveugle chez
plus de 330 sujets présentant une hypertension modé-
rée, la supériorité des effets de l’acide acétylsalicylique
lorsqu’il est administré le soir au coucher.
Les perspectives
Le nouvel élan apporté par la génétique à l’étude des
rythmes biologiques offre d’importantes avancées chro-
nopharmacologiques. Deux exemples dans le domaine
de la diabétologie peuvent l’illustrer :
La découverte d’une association entre un variant
✓
du gène MTN R1B, codant pour l’un des récepteurs
de la mélatonine, hormone de régulation des ryth-
mes biologiques au niveau du pancréas, et la glycé-
mie, font penser que la mélatonine pourrait réguler
la sécrétion circadienne d’insuline par inhibition
directe sur les cellules bêta (16). L’intervention de la
mélatonine dans le développement du diabète de
type 2 permet ainsi d’envisager de nouvelles voies
thérapeutiques.
Récemment, il a également été montré qu’un récep-
✓
teur nucléaire, PPAR gamma, cible des antidiabétiques
de la classe des thiazolidinediones, intervenait dans la
régulation de la rythmicité circadienne du système vas-
culaire. L’activation de PPAR gamma stimule l’expression
de Bmal1, facteur de transcription intervenant dans le
contrôle de l’horloge au niveau des vaisseaux sanguins.
L’effet protecteur cardio-vasculaire des thiazolidinediones
pourrait alors s’expliquer par une restauration des ryth-
mes circadiens (17).
On le voit maintenant, la considération des rythmes
biologiques devient incontournable dans l’évaluation
des effets des médicaments. La distribution tempo-
relle des médicaments (18) prenant en compte le
moment d’administration permet de rechercher dans
de nombreuses pathologies, par une approche dif-
férente et plus rationnelle de la thérapeutique, une
meilleure efficacité et une meilleure tolérance des
médicaments en améliorant leur rapport bénéfice/
risque.
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Références