07 ST 02 P / 02-07 Nous faisons de vos spécialités Nous faisons de vos spécialités notrespécialité spécialité notre É ditorial Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson Travail et psychiatrie La Lettre du Psychiatre Rédacteurs en chef : Pr C.S. Peretti (Paris) - Dr P. Nuss (Paris) Comité de rédaction Prs et Drs E. Bacon (Strasbourg) - F.J. Baylé (Paris) R. de Beaurepaire (Paris) - M. Benoit (Nice) - O. Blin (Marseille) P. Delbrouck (Saint-Nazaire) - M. Godfryd (Aulnay-sous-Bois) J.M. Havet (Reims) - C. Lançon (Marseille) - P.M. Llorca (ClermontFerrand) - P. Martin (Paris) - P.O. Mattei (Paris) - P. Robert (Nice) D. Servant (Lille) - F. Thibaut (Rouen) - B. Verrecchia (Brest) Comité scientifique Prs et Drs J.F. Allilaire, Paris (France) - C. Ballüs, Barcelone (Espagne) H. Beckmann, Wurzbürg (Allemagne) - G. Besançon, Nantes (France) D. Clark, Oxford (Grande-Bretagne) - G.B. Cassano, Pise (Italie) L. Colonna, Rouen (France) - J. Cottraux, Lyon (France) - J.M. 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Deschamps* Éditorial La Lettre du Psychiatre L e génie et la maladie mentale ont souvent été associés. Des hommes au nom ou au titre prestigieux ont souffert durant une partie ou la totalité de leur existence de troubles mentaux avérés. Parmi les plus illustres contemporains, il faut citer John Forbes Nash, chez lequel fut diagnostiquée une schizophrénie et qui obtint le prix Nobel d’économie en 1994. Sur un plan plus historique, un trouble bipolaire fut a posteriori diagnostiqué chez Isaac Newton, Paul Gauguin, Virginia Woolf, Edgar Poe, sans oublier, même si cela reste plus discutable, Victor Hugo, Charles Dickens, ou Friedrich Nietzsche. Quant à Camille Claudel, elle fut prise en charge pour une psychose paranoïaque. Handicap, travail et création ne sont donc pas incompatibles. Néanmoins, la maladie mentale constitue de nos jours un frein majeur à l’insertion professionnelle. De tout temps, la plupart des malades atteints de pathologie mentale sévère ont été considérés comme incapables d’assurer une activité professionnelle sur le long terme. Si quelques expériences isolées ont pu voir le jour en des temps reculés, ce n’est qu’au cours du xxe siècle que la société a reconnu à ces patients un droit à l’existence, un droit au travail, un droit à la rémunération, c’est-à-dire un droit à l’autonomie. Par ailleurs, le travail peut également être à l’origine d’un certain nombre de maladies regroupées sous l’intitulé “souffrance au travail”. L’explosion du nombre de consultations pour ce motif est soulignée aussi bien par les partenaires sociaux que par le corps médical. Il est d’ailleurs difficile d’évaluer, sur le plan épidémiologique, la prévalence du burnout, ou syndrome d’épuisement professionnel, du harcèlement moral en milieu professionnel, des syndromes anxio-dépressifs, conséquences d’ambiances de travail délétères, sans oublier le Karoshi, maladie identifiée pour la première fois au pays du soleil levant, et traduisible mot pour mot par “mort par le travail”. Des critères sont d’ailleurs notifiés pour justifier de cette maladie : en effet, une victime du Karoshi (ou sa famille) doit justifier d’une journée de 24 heures de travail continu la veille du décès ou de 18 heures par jour durant la semaine précédant l’épisode fatal. Le travail est donc ambivalent, à la fois facteur d’insertion et de désinsertion sociétale. Sur un plan purement médical, le rôle du réseau constitué par le psychiatre, le médecin traitant, le médecin du travail, sans oublier le médecin * Unité fonctionnelle de pathologie fonctionnelle et santé au travail, hôpital Sébastopol, Reims. La Lettre du Psychiatre - Vol. IV - n° 5 - septembre-octobre 2008 123 Éditorial É ditorial 124 de la caisse de Sécurité sociale est déterminant dans le cadre d’une insertion professionnelle en adéquation avec les capacités du patient, mais aussi pour éviter d’hypothéquer le capital santé du salarié ou de tout autre actif. Le monde du travail contemporain possède également sa part de schizophrénie. En effet, il est ouvert aux personnes handicapées, aux victimes de troubles mentaux, favorisant le financement total ou partiel de l’adaptation de leur poste de travail, réduisant les charges des employeurs, allégeant et adaptant le travail de l’intéressé. Ces mesures ne cessent de se renforcer depuis la première loi de 1975 concernant les travailleurs handicapés, intégrant les travailleurs atteints de troubles mentaux, et, récemment, une entité omnipotente dans ce domaine, à savoir la maison départementale des personnes handicapées, a été créée. Le monde professionnel est donc un Janus à deux faces. L’autre visage procède de la mondialisation, qui durcit les critères permettant à un salarié de se faire embaucher, impliquant une notion de rentabilité accrue. Ce phénomène a d’ailleurs été aggravé en France, tout facteur politique mis à part, par les 35 heures, qui ont conduit les entreprises à un gain de productivité de plus de 10 %, resserrant l’étau de l’efficacité. Le rendement et son corollaire, la rentabilité, sans oublier l’absence de reconnaissance, y compris sur le plan financier, conduisent à exacerber le dystress décrit par J. Siegrist et R. Karasek. Une demande forte, une faible autonomie et une récompense (financière ou promotionnelle) qui n’est pas au rendez-vous sont des moteurs de frustration, de démotivation et, plus souvent, de dépression. Dans la pratique quotidienne des consultations de maladie professionnelle, nos avis et nos recommandations concernent la définition du profil d’employabilité en adéquation avec les caractéristiques personnelles du patient demandeur d’emploi, mais surtout de son projet professionnel. Depuis moins d’un quinquennat, nous assistons, presque impuissants, à la litanie des patients victimes des conséquences de conflits les opposant à leur hiérarchie ou à des collègues de travail, générant un syndrome anxio-dépressif. La plupart s’en extirpent difficilement par un avis médical d’inaptitude au poste, formulé par le médecin du travail. Les séquelles sont conséquentes, pouvant conduire dans un nombre non négligeable de cas à envisager une invalidité pour des sujets qui sont très loin de disposer du nombre de trimestres nécessaires pour faire valoir leur droit à la retraite. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place une consultation de souffrance au travail. Non seulement elle permet d’identifier les stresseurs, mais elle fournit aussi une aide précieuse aux patients afin qu’ils puissent faire le point sur leur situation professionnelle et décider de gérer ces stresseurs ou, au contraire, de se séparer de leur entreprise. Ces consultations animées par deux psychologues du travail sont d’une efficience qui ne cesse de nous étonner ; elles sont d’ailleurs totalement embolisées par le nombre de demandes. La petite cinquantaine de patients qui en ont bénéficié ont tous pu reprendre pied (avec le sourire) dans la vie professionnelle, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise. Une collègue médecin du travail (1) a étudié, il y a peu de temps, le niveau d’insertion professionnelle en milieu ordinaire d’un échantillon de salariés atteints de pathologie mentale (troubles bipolaires, schizophrénie, psychose hallucinatoire chronique, délire paranoïaque ou état délirant aigu). Cette enquête a été menée grâce aux psychiatres et aux médecins du travail d’une région. Un échantillon représentatif de la population visée dans cette région a pu être étudié. La prévalence des patients atteints de l’une des pathologies précédemment mentionnées et travaillant en milieu ordinaire est de 0,15 %. Les actifs atteints de troubles bipolaires sont, de loin, les plus nombreux, suivis de la population des schizophrènes. En règle générale, ces patients occupent des postes étiquetés “peu à moyennement qualifiés”, essentiellement dans le secteur administratif et, de façon plus anecdotique, dans l’industrie, à des postes de fabrication. Ces insertions professionnelles ont nécessité des aménagements de poste dans environ deux tiers des cas. Les patients atteints d’un état délirant aigu sont peu nombreux à poursuivre une carrière professionnelle en milieu ordinaire. Le chiffre de 1,5 salarié pour 1 000 insérés en milieu ordinaire est à comparer aux centaines de milliers de personnes en âge de travailler et traitées pour ces pathologies mentales. Le chemin à parcourir pour obtenir le droit au travail, rémunéré ou non, de tous ceux qui sont en mesure de rendre un service à notre société postindustrielle est semé d’obstacles qui ne sont pas incontournables. référence bibliographique 1. Chabanais-Motin J, Venier AC, Lesage FX, Deschamps F. Insertion professionnelle des salariés atteints d’une pathologie mentale sévère. Pratique en santé mentale 2006;4 :39-45. La Lettre du Psychiatre - Vol. IV - n° 5 - septembre-octobre 2008