Fluctuation de la relation Etat-Entreprises publiques dans les pays en transition. Cas de l’Algérie
AHMED ZAID Malika, Laboratoire REDYL - UMMTO
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LA THEORIE DE LA REGULATION A L’EPREUVE DES CRISES
Paris, 10-12 juin 2015
Fluctuation de la relation Etat-Entreprises publiques dans les pays en transition.
Cas de l’Algérie
Malika AHMED ZAID-CHERTOUK
Professeur des universités, Directrice du Laboratoire REDYL
Réformes économiques et dynamiques locales
Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, Algérie
Faculté des sciences économiques, commerciales et de gestion
malika-ahmedzaid@ummto.dz
Fluctuation de la relation Etat-Entreprises publiques dans les pays en transition. Cas de l’Algérie
AHMED ZAID Malika, Laboratoire REDYL - UMMTO
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Fluctuation de la relation Etat-Entreprises publiques dans les pays en transition.
Cas de l’Algérie
Mots clés : Rôle de l’Etat – Entreprises Publiques Pourvoyeur de fonds Régulation Algérie.
Résumé : Sous l’effet de contraintes externes (FMI, Banque mondiale) et internes (cessation
de paiement), l’Algérie s’est vue engagée dans des processus de transformations multiformes,
à la fois politiques, institutionnelles et économiques dans les décennies 1980, 1990 et 2000.
Ces transformations devaient être accompagnées de mutations dans les relations
Etat/Entreprises publiques et dans le rôle de l’Etat dans ces entreprises à travers des
évolutions radicales dans son comportement et ses principales fonctions. A l’Etat-providence,
pourvoyeur et employeur devait se substituer un Etat régulateur et distributeur. Dès lors, son
rôle et ses formes d’intervention dans les entreprises publiques devait être reconfigurés et
réduits à la lumière de ces nouvelles fonctions. En d’autres termes, il devait se désengager
progressivement de sa main mise totale sur ces entreprises pour les voir se consacrer à des
impératifs de production dans un environnement ouvert à la concurrence, excepté
éventuellement pour les entreprises fournissant des services d’intérêt général.
Sujettes à des processus de restructuration et de privatisation, les entreprises publiques
se trouvent à chaque fois confrontées à des difficultés financières et loin d’atteindre les
objectifs qui leur sont assignés si bien qu’après quatre cennies de réformes, l’Etat garde sa
suprématie sur la majeure partie des entreprises qui y ont survécu. Dans un contexte de
processus de réformes inachevés empreint d’hésitations, les entreprises publiques font figure
d’interfaces singulières aux mains d’un Etat qui n’arrive pas à opérer sa propre mue.
Ballottées d’abord entre la logique des industrialistes et celle des financiers, puis entre la
dynamique des réformateurs et le statisme des conservateurs, et loin de s’inscrire dans une
stratégie de développement clairement définie, les entreprises publiques demeurent toujours
dépendantes de l’Etat qui conserve de larges pouvoirs de cision, de financement et
d’intervention. L’on est alors en mesure de s’interroger sur l’invariabilité du rôle de l’Etat
dans les entreprises publiques et les raisons majeures de cette attitude ambivalente conduisant
ainsi à un statu quo dans le sort réservé aux entreprises publiques.
Fluctuation of atypical relationship between the State and the Public Enterprise
in transitional economy. Case of Algeria
Key words: Role of State Public Enterprises Sustainer of funds Regulation Algeria.
Abstracts: Under the influence of external constraints (IMF, World Bank) and internal
constraints (insolvency), Algeria has been engaged in multiform transformations both in the
political, institutional and economic frameworks, in the 1980s, 1990s and 2000s. These
transformations were to be accompanied by changes in the relationships between the State and
Public Enterprises and the role of the state in these firms, through radical changes in its
behavior and its main functions. A welfare State, provider and employer would be replaced by
a distributor and regulator State. Therefore, its role and its forms of intervention in public
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enterprises should be reduced and reconfigured in the light of these new functions. In other
words, it should gradually withdraw of its total stranglehold on these enterprises to see them
devoted themselves to production requirements in an open competition, except for enterprises
providing services of general interest.
Subject to restructuring and privatization, public enterprises are whenever confronted
with financial difficulties and far from achieving the objectives assigned to them so that, after
four decades of reforms, the State retains its supremacy on the majority of enterprises which
have survived. In a context of unfinished reform process marked by hesitation, public
enterprises became singular interfaces at the hands of State that cannot operate its own moult.
First buffeted between the logic of the industrialists and that of the financiers, and then
between the dynamics of the reformers and the quadrature droop of conservatives, and far
from being part of a clearly defined development strategy, public enterprises are still
dependent on the State that retains wide powers of decision-making, funding and action. This
leads us to reflect on the invariability of the role of the State in public enterprises and the
major reasons for this ambivalent attitude thereby leading to a statu quo in the fate of public
enterprises.
After setting the theoretical framework of the study and retracing the historical process of the
evolution of Algerian public enterprises, the first section will be devoted to the analysis of
changes induced by the transformation processes involved in the relationship between the
State and public enterprises and the role of the State in these enterprises. In the second
section, we attempt to analyze what are the factors that led to the status quo and that made
these changes remain unfinished like processes from which they may arise. In the third
section we will try to show how public enterprises are kept under perfusion and transformed
into singular interfaces involved in maintaining the political regime and social peace but also
into an instrument of rent capture.
PLAN ET DEMARCHE
Après avoir défini le cadre théorique de l’étude et rappelé le processus historique
d’évolution des entreprises publiques algériennes, la première section sera consacrée à
l’analyse des mutations induites par les processus de transformations engagés dans les
relations entre l’Etat et les entreprises publiques et dans le rôle de l’Etat dans ces entreprises.
Dans la deuxième section, on tentera d’analyser quelles sont les raisons qui ont conduit au
statu quo et qui ont fait que ces mutations demeurent inachevées à l’instar des processus qui
devaient les enfanter. Dans la troisième section on essaiera de montrer comment les
entreprises publiques sont maintenues sous perfusion et transformées en interfaces singulières
qui participent au maintien du régime politique en place et la paix sociale, mais aussi en
instrument de la capture de la rente.
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La littérature économique montre que l’abondance en ressources naturelles telles que
le pétrole et le gaz peut décourager les activités productives innovantes et porteuses de
croissance à long terme en favorisant les activités de recherche de rente au détriment de celle
d’entrepreneur. Dans ces conditions, les secteurs productifs tels que l’industrie
manufacturière, ont non seulement une taille et un poids réduits dans l’économie, mais ils ne
peuvent pas jouer le rôle de moteur de la croissance à long terme.
Les pays producteurs et exportateurs d’hydrocarbures génèrent d’importants revenus
extérieurs grâce à la vente de ces ressources. Il en est qui en font un usage vertueux, dans le
sens ils sont investis pour développer un secteur productif créateur d’emplois et moteur de
croissance conjugué au réel bien être des populations. Il en est d’autres qui dilapident ces
revenus dans des investissements improductifs à travers des projets imposants gonflant ainsi
le volume des dépenses publiques au détriment du secteur productif entraînant l’émergence de
phénomènes pervers tels que la spéculation et l’économie informelle, la corruption et la
culture de la recherche de la rente.
Dans l’analyse qui suit, nous nous servirons de l’exemple algérien pour tenter d’illustrer
comment les comportements pervers d’agents et d’acteurs, dans une situation l’abondance
de revenus extérieurs issus de la vente d’une ressource naturelle, le pétrole, entretiennent le
déclin du secteur productif, plus particulièrement du secteur manufacturier qui participe pour
peu dans la croissance économique1. De ce fait, nous envisageons à partir de cet exemple, une
étude exploratoire de ces comportements inadéquats qui se développent dans les pays rentiers,
sous tendus par de nombreux facteurs inhérents en majeure partie à des déficits de
gouvernance favorisant ainsi la dilapidation de la rente engrangée. Ces comportements et
facteurs font le lit aux réseaux de chasseurs de rente et favorisent l’émergence d’une culture
de recherche de la rente à travers pratiquement tous les rouages et institutions de l’Etat se
traduisant par une prédominance du politique sur l’économique, l’empiètement de l’économie
informelle sur le reste des secteurs, avec leurs corollaires : la corruption, l’interruption de
processus de réformes, la multiplication de conflits et le confinement de l’Etat dans une
fonction de distribution au détriment de ses autres fonctions garantes des principaux
équilibres économiques. De nombreuses analyses ont tenté d’aborder ce paradoxe notamment
par la théorie et les modèles du syndrome hollandais mais leurs résultats montrent que cette
théorie est inopérante : soit que les hypothèses du modèle ne sont pas toutes remplies, soit que
les indicateurs utilisés, tel que l’évolution du TCER, exhibent un comportement plutôt positif
relativement aux attentes du modèle [DJOUFELKIT, 2008]. Ici, on s’appuiera sur des travaux
1 Les parts des divers secteurs hors hydrocarbures dans la structure du PIB n’ont cessé de régresser. En 1988, elles se présentent comme
suit : Hydrocarbures (20%) ; Agriculture (15%) ; Industries hors hydrocarbures (17%) ; BTP (16%) ; Transport & communication (7%) ;
Commerce (17%) ; Services (6%) ; STTP (2%) tandis qu’en 2008 elles s’établissent comme suit : Hydrocarbures (53%) ; Agriculture (8%) ;
Industries hors hydrocarbures (5%) ; BTP (10%) ; Transport & communication (10%) ; Commerce (11%) ; Services (2%) ; STTP (1%) montrant
ainsi la dépendance croissante de l’économie algérienne vis-à-vis des hydrocarbures [AINAS, 2012].
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entrepris dans le cadre de la théorie de la recherche de la rente ou rent-seeking pour faire le
lien entre les phénomènes observés dans les comportements des agents et acteurs dans une
économie rentière qui seront analysés dans le premier paragraphe en relation avec les facteurs
favorisant ou alimentant la recherche de la rente et, partant sa dilapidation, dans le second
paragraphe.
1. Les comportements rentiers des acteurs :
Une généralisation de la théorie de la recherche de rente peut être envisagée pour l'ensemble
des transferts de revenus qui transitent par l'Etat, ce qui conduit à considérer nombre de pays
en développement comme de véritables « sociétés de recherche de rente ». La présence de
rente a une influence sur le comportement des agents économiques mais aussi sur les
institutions politiques. Ces deux aspects sont intimement liés et interagissent mutuellement
pour favoriser l’essor des activités de recherche de rentes, lesquelles sont des activités de
transferts et non de création de richesses. L’abondance en certaines formes de ressources
notamment celles dont l’exploitation connait une forte concentration entre les mains d’une
minorité et qui est difficile d’accès aux nouveaux entrants, comme le pétrole et le gaz est
associée à des institutions fragiles, encourageant le comportement de recherche de rentes.
Mais en pratique, il est difficile d’isoler l’effet de la rente proprement dite sur les pays
exportateurs de ressources naturelles ; tout de même, on peut admettre que leurs économies
sont sensibles aux fluctuations et à la volatilité des cours, en particulier aux chocs provoqués
par les hausses ou les baisses brutales et à leurs effets sur le taux de change et sur l’emploi
[TALAHIT, 2012]. Pour ces pays exportateurs, c’est par le biais des revenus d’exportation
que ces fluctuations peuvent se diffuser, avec des effets sur le budget de l’Etat par la fiscalité
(redevance, impôt sur les bénéfices des compagnies pétrolières), mais aussi sur les réserves de
change, et ces effets seront d’autant plus amplifiées que la part des hydrocarbures dans les
exportations sera élevée. Une baisse importante et brutale des revenus pétroliers exerce un
choc sur l’économie. A l’opposé, une hausse importante de ces revenus qui peut être la
conséquence d’une augmentation de la demande d’énergie, consécutive à la croissance de
l’économie mondiale, ou de tensions politiques et géopolitiques se traduisant par des tensions
sur les marchés pétroliers, peut se manifester de manière diverse selon la structure de cette
économie et sa capacité à absorber ces revenus (consommation, investissement, placements
financiers). Ces effets se manifestent sur la fiscalité, le budget de l’Etat, la politique de
redistribution et plus largement sur la politique économique et peuvent amplifier des
phénomènes comme le gaspillage, la corruption, l’augmentation des dépenses improductives.
C’est à ce titre que l’étude des comportements des agents à travers les différents segments du
processus de redistribution de la rente notamment, la culture qui en résulte et les lieux de
capture de la rente où se constituent et se pérennisent les groupes de pression, s’avère
intéressante ainsi que leur connexion avec le politique et l’institutionnel.
On saisit donc que les agents qui tirent un gain extra du captage de la rente ont intérêt à
s’opposer au changement qui tend à entraver leur démarche, quitte à se constituer en groupes
de pression. De plus, s’il y a collusion entre ces groupes de pression et l’élite politique d’un
pays, ils deviennent alors hostiles à toute tentative de réforme des institutions qui, non
seulement, réduirait leurs rentes économiques mais menacerait même leur assise politique,
voire leur existence. L’école virginienne a étudié le comportement de ces coalitions du point
de vue de leur capacité à capter une rente supplémentaire, cette dernière étant définie comme
une activité politique normale d’individus ou de groupes qui consacrent des ressources rares
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