Un partenariat sans développement ?
La réunion du Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien s’est soldée par un bilan “littéraire”.
Des protocoles d’accord et des déclarations d’intention, mais rien qui puisse mériter le nom de projet et la
qualité de concret. Si ce n’est l’ébauche d’une coopération en matière de formation.
S’il suffisait de la réalisation d’un laboratoire médical et d’une usine automobile à capacité réduite pour que
Sellal puisse proclamer que “sur le plan économique, les projets que nous avons lancés ensemble connaissent
une appréciable évolution”, c’est que le partenariat algéro-français n’a pas péché par excès d’ambition. Ayrault
ne fut pas en reste, lui qui s’enthousiasmait de ce qui est “pour nos deux pays un motif de grande satisfaction”.
La diplomatie fait ce qu’elle peut pour donner du contenu à un partenariat de toasts.
En réalité, et nonobstant le pays partenaire, la coopération avec l’Algérie se heurtera immanquablement aux
limites imposées à son développement économique par la nature même de son régime. Un partenariat
économique a l’ampleur que peuvent avoir le rythme et la qualité du développement des partenaires. Or, le
nôtre est hypothéqué par des contraintes strictement politiques.
Sellal a raison de brandir notre aisance financière et la “stabilité” (c’est-à-dire la pérennité du clan, ainsi
transformée en argument promotionnel) aux yeux de nos partenaires. Mais ce n’est pas le potentiel de
développement qui est en cause ; c’est la volonté politique.
Quand bien même le pouvoir voudrait bien concevoir un dessein de développement pour le pays, il ne
parviendrait pas à franchir le pas de sa mise en œuvre. Car, en régime rentier, le pouvoir est conçu pour
maîtriser l’allocation de la manne minière, allocation qui, à son tour, structure le système de solidarité politique
autour du pouvoir. Dans cette logique selon laquelle les ressources naturelles du pays sont aussi les ressources
politiques du pouvoir. Et celui-ci a besoin de maintenir sa gestion autoritaire des circuits et de l’usage de cette
rente.
Aucun autre centre de décision ne doit venir perturber le monopole de la production et de l’allocation des
richesses. Or, le modèle de développement exclusivement étatique ayant été condamné par l’histoire, un
mouvement de développement économique soutenu viendrait parasiter ce privilège exclusif du pouvoir de
détention et de distribution de la richesse nationale.
Par sa fonction politique, la rente ne doit pas servir au développement d’un capitalisme délié de dépendance
politique vis-à-vis du pouvoir. C’est pour cela que l’entreprenariat national est maintenu dans un état rachitique
par le truchement des blocages autoritaires et bureaucratiques. Quand un régime, parce que son autorité
repose sur la détention des cordons de la bourse, perçoit la virtualité d’une économie libre et puissante comme
une menace, il ne peut que la combattre. Il préfère subventionner des entreprises publiques et des importations
plutôt que de prendre le risque de partager le pouvoir économique, toujours susceptible de se convertir en
pouvoir politique.
Ce n’est pas par défaut de méthode ou de volonté politique qu’un partenariat “de haut niveau” est impossible,
mais par manque de perspective de développement. Celui-ci étant structurellement bloqué par la nature
rentière et autoritaire du régime.
M. H.
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