La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n
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7-8 - septembre-octobre 2001
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TRIBUNE LIBRE
Le CRPV se doit donc d’être au service des professionnels de
santé de son établissement pour remplir au quotidien une triple
mission :
"Recueillir les notifications d’effets indésirables, les ana-
lyser et les valider. L’imputabilité est standardisée au moyen
de la méthode française (2). L’observation est rendue anonyme
en ce qui concerne à la fois le patient et le notificateur, infor-
matisée dans la banque de données gérée par l’unité de phar-
macovigilance de l’AFSSaPS. La déclaration se fait au moyen
d’une fiche de type cerfa disponible dans un classeur des vigi-
lances diffusé dans toutes les unités fonctionnelles du CHU
et/ou envoyée au professionnel de santé lors d’une notification
téléphonique.
"Compléter une observation clinique en se rendant dans les
services hospitaliers où l’effet a été dépisté, discuter avec les
praticiens concernés, les alternatives thérapeutiques adaptées
au cas par cas et proposer une solution thérapeutique du
“moindre risque thérapeutique”.
"Apporter une aide personnalisée au diagnostic d’effet
indésirable médicamenteux et répondre à toute demande d’in-
formation concernant un médicament en matière de pharma-
cologie, de thérapeutique et de bon usage. Ainsi, chaque centre
régional de pharmacovigilance est un centre de renseignements,
et les praticiens qui y travaillent exercent un véritable rôle de
consultant, en matière de médicament et de bon usage, auprès
des professionnels de santé de leur région.
Dans le cas d’une notification d’administration d’un médica-
ment possiblement à risque pendant la grossesse, le cas fait
l’objet d’un suivi tout au long de la grossesse et pendant les
premiers mois de vie de l’enfant. Une banque locale de don-
nées est constituée à partir de ces cas.
MISSIONS D’UN PRATICIEN EN PHARMACOVIGILANCE
À l’heure actuelle, la majeure partie des tâches de pharmacovi-
gilance est orientée vers l’alerte conduisant à la réévaluation per-
manente au niveau national de la sécurité et du rapport béné-
fice/risque du médicament et à la modification éventuelle de
l’information qui accompagne le produit (3). Dans la démarche
actuelle de prévention des risques, le médecin praticien en phar-
macovigilance devra poursuivre cette tâche, et participer plus que
jamais à quatre étapes fondamentales de la pharmacovigilance :
le signalement de l’effet indésirable ; l’analyse et l’établisse-
ment de l’imputabilité ; l’évaluation des pratiques ; la mise en
place d’actions de prévention des risques, qui consiste à entre-
prendre des actions correctives et préventives permettant d’amé-
liorer la qualité des pratiques et des soins. Le suivi de ces pro-
cédures s’inscrit dans la démarche d’assurance qualité.
Le suivi et l’efficacité des actions de prévention au moyen
d’indicateurs évolutifs sont à créer.
Le pharmacovigilant peut apporter son expérience dans les pro-
cessus d’évaluation des risques collectifs liés au médicament,
et participer en tant qu’expert du risque médicamenteux aux
deux premières phases de gestion du risque dans l’établissement
auquel il est rattaché et dans sa région. Cette démarche ne peut
être entreprise qu’en coordination avec les autres vigilances
(CLIN, réactovigilance, hémovigilance, matériovigilance…),
de façon à simplifier les circuits d’information locaux, à iden-
tifier rapidement les principaux dysfonctionnements et à établir
des priorités. Le médecin praticien en pharmacovigilance est un
des acteurs du comité de la vigilance de son établissement.
SPÉCIFICITÉS ET PROFIL D’UN BON PRATICIEN
EN PHARMACOVIGILANCE
La démarche de pharmacovigilance est une démarche de méde-
cine clinique, qui doit être pratiquée par un médecin spécialiste
du médicament. Les candidats doivent posséder non seulement
des connaissances en pharmacologie générale et spécialisée, mais
aussi des compétences médicales leur permettant d’étayer un
diagnostic différentiel et de valider des alternatives thérapeu-
tiques conduisant à un meilleur rapport bénéfice/risque pour
le patient. Ils doivent également avoir des connaissances de phar-
macologie fondamentale pour diriger l’orientation du diagnostic
d’effet indésirable en mettant en place toutes les investigations
biologiques ciblées complémentaires nécessaires, et éventuelle-
ment initier des recherches expérimentales explicatives.
En résumé, la pharmacovigilance a besoin de praticiens hospi-
taliers, titulaires d’un DES, d’une maîtrise de pharmacologie et
si possible d’un DEA, ayant acquis une compétence spécifique
en pharmacologie expérimentale et clinique (par exemple en
exerçant les fonctions d’AHU dans un service de pharmacolo-
gie), capables de mener à bien une complexe mission hospita-
lière spécialisée d’alerte, de surveillance, de suivi, mais aussi de
formation et d’information des praticiens correspondants.
CONCLUSION
En France, la pharmacovigilance régionale et nationale est mise
en place et fonctionne depuis plusieurs années. À l’échelon
local, sa mise en œuvre obéit à une logique de conformité régle-
mentaire et, pour la sécurité des personnes, à une démarche auto-
nome de gestion des risques au sein de chaque établissement.
Cette démarche contribue à l’amélioration de la qualité de la
prestation hospitalière. La nomination de praticiens hospitaliers
pharmacologues est indispensable pour répondre aux objectifs
principaux de la gestion du risque médicamenteux : réduire par
des mesures de prévention la survenue des effets indésirables ;
combattre les conséquences dommageables de ces événements ;
rendre inutile le dépôt de plaintes ; contrôler les coûts. #
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Décret n° 95-278 du 13 mars 1995 relatif à la pharmacovigilance et modifiant le
code de la santé publique. Journal Officiel du 14 mars 1995 ; 3935-8.
2. Bégaud B, Évreux JC, Jouglard J, Lagier G. Imputabilité des effets inattendus ou
toxiques des médicaments. Actualisation de la méthode utilisée en France. Therapie
1985 ; 40 : 111-8.
3. Bonnes pratiques de pharmacovigilance. Agence du Médicament, Saint-Denis. Édi-
tion décembre 1994 et Therapie 1995 ; 50 : 547-55.
Cet article constituant une libre opinion de l’auteur,
Pascale Jolliet invite les lecteurs à lui faire part
de leurs points de vue personnels.