Chapitre 6
Formes quadratiques
6.1 Jauges sur un espace vectoriel
D´efinition 6.1.1 Soit Fun espace vectoriel sur C(ou IR). Une application p:F[0,]telle
que :
i) p(u+v)p(u) + p(v),u, v F,
ii) p(α u) = |α|p(u),uF,αC,
iii) p(u) = 0 u= 0 est appel´ee une jauge sur F.
Remarque On utilise l’extension habituelle des lois +,×et de la relation d’ordre de [0,+[
`a [0,+]] d´efinie par :
a+ += +
a×+=(+, a 6= 0,
0a= 0,
a+,a[0,+].
Exemples Toute norme sur Fest une jauge sur F.
Soit F=L2(IRn). Alors la fonction p(u) = (RIRn|∇u|2dx)1/2, si uL2,p(u) = +si
u /L2est une jauge.
A toute jauge est associ´e l’espace vectoriel E:= {uF|p(u)<∞}, qu’on peut aussi noter
D(p), et l’ensemble B(p) := {uF|p(u)1}.Emuni de pest une espace vectoriel norm´e.
B(p) est convexe ´equilibr´e,i.e. si u1, u2B(p), α1, u1+α2u2B(p), si |α1|+|α2| ≤ 1.
Inversement si BFest un ensemble convexe ´equilibr´e alors :
p(u) = 1
sup {λ|λu B}est une jauge.
On suppose maintenant que Fest un espace vectoriel topologique localement convexe. (Dans
la suite Fsera un Hilbert). On rappelle qu’une fonction f:F[0,+] est semi-continue
inf´erieurement si u0F,ε > 0, Uvoisinage de u0tel que p(u)p(u0)ε,uU.
D´efinition 6.1.2 Une jauge pest ferm´ee si Emuni de pest un espace de Banach.
Une jauge pest cœrcive si pour toute suite {fn} ∈ Etelle que p(fn)0on a fn0dans
F. De mani`ere ´equivalente pest cœrcive si B(p)est born´e dans F.
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Une jauge pcœrcive est fermable si pour toute suite {fn} ∈ Ede Cauchy pour p(.), et telle
que fn0dans F, on a p(fn)0.
Soit Ecle compl´et´e de Epour p.On v´erifie facilement en revenant `a la d´efinition de Ecen
termes de classes d’´equivalence de suites de Cauchy dans E, les faits suivants :
Proposition 6.1.1
i) pest ferm´ee ssi Ec=E.
ii) si pest cœrcive, il existe une application canonique EcF.
iii) si pest cœrcive, alors pest fermable si et seulement si cette application est injective, i.e. Ec
peut ˆetre consid´er´e comme un sous espace vectoriel de F.
Finalement on dit que la jauge pest eflexive si Ecest un espace de Banach r´eflexif.
Proposition 6.1.3 Soit pune jauge sur un espace vectoriel topologique localement convexe F.
Alors :
i) pest s.c.i. sssi B(p)est ferm´e.
ii) Soit pune jauge cœrcive sur un espace vectoriel topologique localement convexe F. Alors :
a) pest s.c.i. pest ferm´e et on a la propri´et´e de Fatou :
si {fn}est une suite dans F , fnfdans F ,
alors :
p(f)lim inf
np(fn).
b) pferm´ee et r´eflexive p est s.c.i.
emonstration i) est laiss´e en exercice (cf. Gelfaud-Vilenkin, Chap. 1, Sect. 1).
ii) La propri´et´e de Fatou suit de la semi continuit´e inf´erieure.
Soit (fn) une suite de Cauchy dans E. Comme pest cœrcive, fFavec fnf. Pour
tout ε > 0, Ntel que p(fnfm)ε,n, m N. Comme fnfm
m→∞ fnfdans F, par
Fatou, on a : p(fnf)ε.
En appliquant encore Fatou on a fE, et donc fnfdans E,i.e. Eest complet.
iii) Si pest ferm´ee, l’injection i:EFest continue. Elle est aussi continue pour les
topologies faibles (car F0E0). Comme Eest r´eflexif, B(p) est faiblement compact dans Eet
donc son image dans Fest faiblement compacte, donc faiblement ferm´ee donc ferm´ee. 2
6.2 Formes sesquilin´eaires, formes quadratiques
Soit Fun espace vectoriel sur C, DFun sous espace vectoriel de F. Une forme sesqui-
lin´eaire q:D×DC (avec la convention que qest lin´eaire `a droite, anti-lin´eaire `a gauche) est
appel´ee forme sesquilin´eaire sur F, de domaine D=: D(q).
On note par q(u) = q(u, u) la forme quadratique associ´ee, et on peut r´ecup´erer la forme
sesquilin´eaire par l’identit´e de polarisation :
q(u, v) = 1
4
3
X
k=0
ikq(u+ikv), u, v D .
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D´efinition 6.2.1
i) Soient q1, q2deux forme sesquilin´eaires. On dit que q1q2si D(q1)D(q2)et q1(u) = q2(u),
uD(q1). On dit que q2est une extension de q1.
ii) Une forme est sym´etrique si q(u, v) = q(v, u),u, v D(q), i.e. q(u)IR,uD(q).
iii) Soient q1, q2deux formes sesquilin´eaires sym´etriques. On dit que q1q2si D(q2)D(q1)
et
q1(u)q2(u), u D(q2).
iv) Une forme quadratique sym´etrique qest born´ee inf´erieurement si cIR tel que
ckuk2q(u), u D(q).
6.3 Formes ferm´ees, formes fermables
Dans cette section et la suivante on ne consid`ere que des formes sym´etriques, born´ees
inf´erieurement sur un espace de Hilbert H. Sans perte de g´en´eralit´e (en remplacant q(u) par
q(u) + ckuk2
H) on supposera que q(u)≥ kuk2.
On a alors l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz
|q(u, v)| ≤ q(u)1/2q(v)1/2
et
p:u(q(u)1/2, u D(q)
+, u /D(q)est une jauge .
De plus pest cœrcive car q(u)≥ kuk2, et r´eflexive car pest une norme hilbertienne sur D(p).
On consid´erera q(u) comme d´efinie sur tout Havec q(u) = +si u /D(q).
D´efinition 6.3.1 Soit qune forme sym´etrique, born´ee inf´erieurement.
qest ferm´ee si la jauge p(u) = q1/2(u) + ckukest ferm´ee.
qest fermable si la jauge p(u) = q1/2(u) + ckukest fermable.
Comme pour les op´erateurs lin´eaires, on peut caract´eriser ces propri´et´es en termes de suites :
qest ferm´ee ssi pour toute suite (fn)D(q) avec unu,q(unum)
n,m→∞ 0, alors
uD(q), q(unu)0.
qfermable ssi pour toute suite (fn)D(q) avec un0, q(unum)0, on a q(un)0.
D´efinition 6.3.2 Soit qune forme sym´etrique, born´ee inf´erieurement.
Un sous espace D0D(q)est un cœur pour qsi D0est dense dans D(q)pour la topologie
de p.
Proposition 6.3.3
i) qest fermable ssi qa une extension ferm´ee.
ii) Si qest fermable, qposs`ede une plus petite extension ferm´ee, not´ee q, d´efinie par :
D(q) = {u∈ H | ∃(un)D(q), q Cauchy, unudans H}
q(u) = lim
n→∞ q(un).
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emonstration
Soit qfermable. On a vu alors qu’il existe une injection canonique j:D(q)c→ H ou D(q)c
est le compl´et´e de D(q) pour la norme q(u)1/2. Clairement ps’´etend en une norme sur D(q)c.
On d´efinit alors qpar :
D(q) = j D(q)c, q(u) = p(u)2, u D(q).
qest ´evidemment ferm´ee car D(q)cest complet pour p. Il est facile de voir que qest la plus
petite extension ferm´ee de q: si qq1,q1ferm´ee, j D(q)cD(q1), q(u) = q1(u)qq1.
Il reste `a montrer que si qa une extension ferm´ee, qest fermable, ce qui est ´evident. 2
Proposition 6.3.4 Soit {qα}αIune famille de formes sym´etriques born´ees inf´erieurement et
ferm´ees. Supposons la famille {qα}αIfiltrante croissante pour la relation , c’est `a dire que
pour tous α1,α2Iil existe α3Itel que αiα3pour i= 1,2. Alors : q:= sup
αqαest une
forme quadratique ferm´ee.
emonstration Sans perte de g´en´eralit´e, on peut supposer qα0, αI. Soient {pα}et
B(pα) les jauges et ensembles associ´es `a qα, on a : B(p) = P
αI
B(pα) qui est donc ferm´e si tous
les B(pα) sont ferm´es. D’autre part supαqαest bien une forme quadratique, si la famille qαest
filtrante croissante. 2
6.4 Perturbations de formes quadratiques
D´efinition 6.4.1 Soit q0une fonction quadratique sym´etrique born´ee inf´erieurement. Une forme
qest dite q0born´ee si il existe b, c IR tel que :
|q|(u)b q0(u) + ckuk2.(6.4.1)
La borne inf´erieure des btelle que (6.4.1) a lieu est la borne relative de qpar rapport `a q0.
Proposition 6.4.2 Soit q0une forme quadratique sym´etrique born´ee inf´erieurement, q0une
fonction quadratique sym´etrique q0born´ee avec borne relative b < 1. alors la forme q=q0+q0
de domaine D(q0)est ferm´ee (resp. fermable) si q0est ferm´ee (resp. fermable).
emonstration c’est ´evident car on erifie imm´ediatement que qet q0d´efinissent la mˆeme
topologie sur D(q0), si b < 1. 2
6.5 Formes quadratiques et op´erateurs
Th´eor`eme 6.5.1 (Lax-Milgram) Soit Hun espace de Hilbert, qune forme sesquilin´eaire
born´ee sur H. Notons par H0l’espace des formes anti-lin´eaires continues sur Het par h., .ile
crochet d’antidualit´e entre Het H0. On associe `a ql’op´erateur born´e
Lq:H → H0,
hv, Lq(u)i:= q(v, u), u, v ∈ H.
Alors si |q(u, u)| ≤ ckuk2(i.e. |q|1/2cœrcive) Lqest une bijection continue entre Het H0.
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emonstration 1) Lqest injective : Lqu= 0 ⇒ hu, Lq(u)i=q(u, u) = 0 u= 0.
2) Im Lqdense : si hv, Lq(u)i= 0, u∈ H on a hv, Lq(v)i= 0 v= 0.
Im Lqferm´ee : fn=Lqun, avec fnfdans H0. Alors :
|hunum, fnfmi| ≥ ckunumk2
H0
et
|hunum, fnfmi| ≤ c1kunumkHkfnfmkH0.
Donc (un) est de Cauchy, unudans H,f=Lqu.2
Th´eor`eme 6.5.2 Soit qune forme quadratique sym´etrique born´ee inf´erieurement `a domaine
dense et ferm´ee.
Il existe un unique op´erateur auto-adjoint Havec :
D(H)D(q), q(u, v) = (u, Hv), v D(H), u D(q).
De plus D(H)est un cœur pour q.
On appelle Hl’op´erateur associ´e `a la forme quadratique q.
emonstration Soit q1(u) = q(u) + ckuk2,c1 de telle sorte que q1(u)≥ kuk2.
qest ferm´ee donc Hq:= D(q) muni du produit scalaire q1(·,·) est un espace de Hilbert. De
plus, q1est ´evidemment cœrcive et born´ee sur Hq. Soit A:Hq→ H0
ql’op´erateur associ´e `a q1,
qui est inversible par le Th´eor`eme 6.5.1.
Comme Hqest dense dans H, on a une injection canonique de Hdans H0
qnot´ee j, d´efinie
par : hv, jui:= (v, u), u∈ H,v∈ Hq.
Soit B=A1j. Clairement BB(H) et Best injectif.
Montrons que BHest dense dans H. Soit v∈ Hqorthogonal pour q1`a BH. On a :
(v, A1ju)q=q1(v, A1ju) = hv, jui= (v, u) = 0 ,u∈ H,
et donc v= 0. Donc BHest dense dans Hqet donc dans H.
On a aussi :
(v, A1ju) = (A1ju, v) = hA1ju, jvi=hA1ju, A A1jvi(6.5.2)
=q1(A1ju, A1jv) = q1(A1jv, A1ju), u, v ∈ H,
et donc comme q1est sym´etrique :
(v, A1ju) = (A1jv, u), u, v ∈ H.
L’op´erateur Best donc born´e, auto-adjoint, injectif, d’image dense.
Par le Lemme 6.5.3, l’op´erateur B1:D(B1) := BH → H est auto-adjoint.
Soit alors H=B1c1l. On d´eduit de (6.5.2) que :
q1(v, u) = (v, B1u), u D(B1), v ∈ Hq
et donc
q(v, u) = (v, Hu), u D(H), v ∈ Hq.
On a vu que D(H) est dense dans Hq. L’unicit´e de Hest facile et laiss´ee en exercice. 2
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