CANCER DU SEIN
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 3 - mai/juin 2001
e congrès de l’ASCO 2001 a été dominé par la vali-
dation clinique de thérapeutiques ciblées, dont les
résultats remarquables du STI 571 dans les sarcomes
du stroma digestif ont constitué une brillante démonstration.
De nombreuses présentations ont porté sur des études de
phases I et II d’inhibiteurs de tyrosine kinase, de récepteurs de
facteurs de croissance, d’anticorps monoclonaux anti-facteurs
de croissance, ou d’inhibiteurs de farnésyl-transférase. La
combinaison de ces agents entre eux, comme l’association
d’Herceptine®et d’un inhibiteur de tyrosine kinase, montre des
synergies prometteuses.
Cependant, cette année, dans le cancer du sein, aucun nouveau
concept n’est apparu. Les indications de prescription d’Her-
ceptin®ont été affinées : celle-ci n’est susceptible d’être effi-
cace que chez les patientes porteuses d’une amplification du
gène HER2, mise en évidence par une technique de type FISH,
plus spécifique que l’immunohistochimie. On peut établir un
parallèle avec les indications du STI, qui ne semble être effi-
cace que chez les patients ayant non seulement une expression
du CD117 à la surface de leur tumeur, mais également cer-
taines mutations sur un exon donné de l’oncogène c-kit (anti-
gène CD117). Les thérapeutiques ciblées seraient donc effi-
caces, mais elles nécessitent des diagnostics moléculaires très
précis, objectivant la présence de la cible.
Enfin, de nouveaux clous ont été plantés dans le cercueil de la
chimiothérapie intensifiée avec autogreffe dans le cancer du
sein, avec la présentation de nouvelles études négatives, à
l’exception de l’essai français PEGASE 01, pour lequel le
recul est cependant encore faible.
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
UPA et PAI 1
L’expression de facteurs d’invasivité comme les protéases a
été décrite comme un marqueur de mauvais pronostic dans le
cancer du sein. Plusieurs études ont montré la valeur péjorative
d’un taux élevé d’uPA (urokinase-like Plasminogen Activator)
et de son inhibiteur PAI 1 dans les extraits de tumeur mam-
maire. Le groupe d’étude des récepteurs et biomarqueurs de
l’EORTC a regroupé les résultats des dosages obtenus par
ELISA sur des broyats de tumeurs mammaires réalisés dans
différents laboratoires européens. Sur les 8 377 patientes étu-
diées, après un suivi médian de plus de 6 ans, uPA et PAI 1
apparaissent comme des facteurs pronostiques péjoratifs indé-
pendants du statut ganglionnaire, de la taille tumorale, du sta-
tut des récepteurs hormonaux, du grade histo-pronostique et du
traitement systémique adjuvant. Sur l’ensemble de la popula-
tion étudiée, ils constituent le deuxième facteur pronostique
après le statut ganglionnaire et le premier facteur dans le
groupe des 3 362 patientes sans envahissement ganglionnaire
histologique (pN–). Une étude d’indication du traitement adju-
vant (chimio- et/ou hormonothérapie) chez les patientes
N– en fonction de leurs taux d’uPA et de PAI 1 est en cours
dans le cadre de l’EORTC.
Une étude suédoise (Mocharnuk, abstr. 1173 ) a montré que,
dans le cancer du sein métastatique, une surexpression du
bFGF était associée à une augmentation de la survie, alors que
la surexpression du VEGF correspondait à une survie plus
courte.
Micrométastases dans le ganglion sentinelle
Nora M. Hansen (abstr. 91) a présenté les résultats d’une étude
réalisée au John Wayne Institute, à Santa Monica, portant sur
l’analyse par histologie standard (coloration hématoxyline et
éosine [H&E]) et par immunohistochimie, avec un anticorps
anti-cytokératine des micrométastases dans le ganglion senti-
nelle (GS) axillaire. Six cent quatre-vingt-trois patientes ayant
bénéficié d’une recherche du ganglion sentinelle, par injection
de bleu et/ou par injection de radiocolloïde, ont été incluses
dans cette étude. Si l’analyse par H&E était positive, les
patientes étaient classées dans le groupe “macro” (métastase
de plus de 2 mm) ou dans le groupe “micro” (métastase de
moins de 2 mm). Si cette première analyse était négative, une
immunohistochimie (IHC) était pratiquée et les patientes
étaient classées en IHC positive ou négative (Neg : groupe
H&E et IHC négative). En conclusion, après un suivi médian
de 44 mois, seules les métastases de plus de 2 mm dans le gan-
glion sentinelle avaient une valeur pronostique sur la survie
sans récidive (SSR) et sur la survie globale. Il est important de
relever que le résultat de la détection de micrométastases dans
le ganglion était transmis aux oncologues médicaux, ce qui a
influencé leur indication de traitement adjuvant.
Cancer du sein
J.Y. Pierga*, V. Diéras*
* Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris Cedex 05.
L
NSSR à 5 ans Survie à 5 ans
GS H&E– et IHC– Neg 419 98,01 % 98,83 %
GS H&E– et IHC+ IHC 56 96,67 % 100 %
GS H&E+ 2mmMicro 76 97,09 % 98,57 %
GS H&E+ > 2 mm Macro 132 73,56 % 91,77 %
p= 0,0001 p = 0,0036
BRCA2 et prévention par le tamoxifène
HER2
Prédiction de la réponse à Herceptin®
Étude H0648g
Les lames ou les blocs histologiques des 469 patientes incluses
dans l’étude “pivot” H0648g ont été repris pour une analyse de
l’amplification de HER2 par une technique de FISH (hybrida-
tion in situ en fluorescence). Les lames déjà marquées ou des
lames blanches ont pu être exploitées pour ce travail chez
451 patientes (Mass, abstr. 85 act.).
Une étude princeps (D.J. Slamon et al. N Engl J Med 2001 ;
344 : 783) a montré la supériorité de l’association chimiothéra-
pie-Herceptin®sur la chimiothérapie seule en première ligne
métastatique de cancer du sein, tant en termes de réponse que
de survie globale. Les résultats présentés à l’ASCO par
R. Mass ne trouvent une amplification de HER2 que chez
31 % des patientes classées initialement 2+ par immunohisto-
chimie. Cette amplification était présente chez 89 % des
patientes classées 3+. Au total, 76,5 % des patientes de l’étude
sélectionnées initialement sur leur positivité en IHC sont posi-
tives en FISH. Chez les patientes FISH+, la médiane de survie
est de 26,2 mois si elle reçoivent Herceptin®contre 20 mois si
elles n’en reçoivent pas (p = 0,007). Il n’y a aucune différence
en survie chez les patientes FISH–, qu’elles reçoivent ou non,
Herceptin®.
Études H0649g et H0650g
Cette analyse rétrospective du FISH a été pratiquée sur les
lames marquées ou sur des lames blanches des tumeurs de
patientes incluses dans deux essais de phase II d’Herceptin®
seul dans le cancer du sein métastatique : l’essai H0649g après
une ou deux lignes de chimiothérapie et l’essai H0650g en pre-
mière ligne de traitement non hormonal (Vogel, abstr. 86 act.).
Trois cent vingt résultats de FISH ont pu être obtenus chez les
336 patientes incluses dans ces deux essais. Cette étude montre
la quasi-absence de réponse à Herceptin®chez les patientes
FISH– et le bénéfice clinique réel chez les patientes FISH+
(tableau I).
Prédiction de la réponse aux anthracyclines
Dans l’analyse rétrospective d’un essai comparant du CMF
seul à un traitement séquentiel par doxorubicine dans un pre-
mier temps, suivie de CMF (CMF DOX), Moliterni (abstr. 89)
suggère que la supériorité de l’association CMF DOX ne serait
significative que chez les patientes HER2+, qui semblent être
plus sensibles à un traitement à base d’anthracyclines. Des
résultats similaires ont été obtenus dans l’essai italien GUN3
(De Laurentiis, abstr. 133).
Prédiction de la réponse aux inhibiteurs de l’aromatase
Ali (abstr. 87) a montré que des taux sériques élevés de la
partie soluble d’HER2 étaient prédictifs d’une faible réponse
à un traitement hormonal dans le cancer du sein métasta-
tique : 18 % de réponses (RC + RP + stabilité) contre 48 %
en cas de taux sérique bas. Un taux élevé d’HER2 est un fac-
teur de mauvais pronostic. Cette étude a porté sur un essai
randomisé comparant le létrozole au mégestrol. La survie
sans progression des patientes recevant du létrozole était très
significativement moindre si les taux sériques d’HER2
étaient augmentés. En revanche, les taux sériques d’HER2
n’avaient pas d’influence sur la réponse et sur la survie sous
traitement par le mégestrol.
Prédiction de la réponse aux taxanes
Une analyse rétrospective par FISH de l’amplification d’HER2
a été réalisée sur les lames des tumeurs primitives de 272 des
481 patientes évaluables pour la réponse incluses dans un essai
randomisé de première intention de chimiothérapie dans le
cancer du sein métastatique (Konecny, abstr. 88 act.). Cet essai
avait été présenté l’année dernière à l’ASCO (Luck et al. Proc.
ASCO 2000 ; 19 : abstr. 280) et comparait une association épi-
rubicine (60 mg/m2J1) et cyclophosphamide (600 mg/m2J1)
(EC) toutes les 3 semaines à une association épirubicine (60
mg/m2J1) et paclitaxel (175 mg/m2J1) (ET).
Le taux de réponse à l’ET est significativement supérieur à
celui de l’EC chez les patientes HER2+ (71 % contre 47 %,
p=0,031) alors que la différence n’est pas significative chez
les patientes HER2– (48 % contre 33 %, p = 0,092). La diffé-
rence de survie sans progression et surtout de survie globale
est significativement supérieure chez les patientes recevant le
bras ET comparativement à celles recevant le bras EC,
lorsqu’elles ont une amplification d’HER2 (médiane de survie
de deux ans contre un an). La survie est d’environ un an et
demi, quel que soit le bras de chimiothérapie chez les patientes
sans amplification d’HER2. Cette étude pourrait montrer le
rôle prédictif de réponse à une chimiothérapie comportant des
taxanes du statut HER2.
Une analyse rétrospective des facteurs prédictifs de la réponse
histologique complète à une chimiothérapie néoadjuvante
comportant des taxanes a été présentée par G.G. Steger
(abstr. 154). Soixante-treize patientes recevant une association
épirubicine-docétaxel et G-CSF ont été regroupées avec
44 patientes ayant reçu épirubicine-paclitaxel et G-CSF en
néoadjuvant. Sur ces 117 patientes, le taux de réponses histolo-
giques complètes était de 4 % chez les patientes HER2– alors
qu’il était de 50 % chez les patientes HER2+. Dans l’analyse
multivariée, la négativité des récepteurs aux estrogènes était
également associée à un taux de réponses histologiques plus
élevé (22 % contre 6 %). Ces données corroborent d’autres
études (Konecny) qui indiquent que la positivité d’HER2 serait
un facteur prédictif de réponse aux taxanes.
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 3 - mai/juin 2001
Essais H0649g H0650g
FISH+ FISH– FISH+ FISH–
Patientes évaluables 173 36 82 29
RC 8 0 7 0
RP 25 0 21 2
RC +RP 33 (19 %) 0 (0 %) 28 (34 %) 2 (7 %)
IC 95 % 14-26 % 0-10 % 24-45 % 1-23 %
RC + RP + stable > 8 mois 41 (24 %) 0 (0 %) 39 (48 %) 3 (10 %)
Tableau I.
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 3 - mai/juin 2001
TRAITEMENTS ADJUVANTS ET NÉOADJUVANTS
Hormonothérapie
Interaction raloxifène-tamoxifène
Une étude in vitro montrerait un effet antagoniste entre ces
deux hormonothérapies (O’Regan, abstr. 95). Les résultats des
études chez l’animal seraient en faveur d’une induction de la
prolifération tumorale par le raloxifène après traitement par
tamoxifène. La conclusion essentielle, avant d’obtenir des don-
nées chez l’homme, est d’éviter de prescrire du raloxifène
comme traitement des manifestations de la ménopause après
5ans de traitement par tamoxifène chez les patientes en rémis-
sion d’un cancer du sein.
Bénéfice de la chimiothérapie de type CAF en plus du
tamoxifène (INT 0100)
Les objectifs de l’étude INT 0100 étaient de comparer l’apport
de la chimiothérapie à celui du tamoxifène seul chez des
patientes ménopausées avec une atteinte ganglionnaire et dont
la tumeur était hormonosensible (RE+ et/ou RP+), et d’obser-
ver la différence entre des utilisations séquentielle ou conco-
mitante de l’hormonothérapie et de la chimiothérapie. Les don-
nées en survie globale comparant les bras avec chimiothérapie
(CAFT) au bras avec tamoxifène seul ont été présentées avec
un suivi de 4 ans supplémentaires par rapport à la présentation
de l’ASCO 1997. Le CAF consistait en une association cyclo-
phosphamide 100 mg/m2/j pendant 14 jours, adriamycine
30 mg/m2à J1 et J8 et 5-FU 500 mg/m2/j J1 et J8 tous les
28 jours pendant 6 cycles. Après ajustement sur les facteurs de
stratification (1-3 N+/4N+, RP+/RP–, délai par rapport à la
chirurgie), le bénéfice de la chimiothérapie associée à l’hormo-
nothérapie est très largement significatif comparé au tamoxi-
fène seul (84 % contre 79 % de survie à 5 ans, p = 0,006).
Vingt-trois patientes (2,1 %) ont présenté une insuffisance car-
diaque avec la chimiothérapie contre une seule avec le tamoxi-
fène (0,3 %) ; les taux de thromboses et de cancers utérins
étaient équivalents entre les bras.
S.E. Rivkin (abstr. 102) a présenté les résultats, avec un suivi
médian de 15 ans, de l’étude 7827 du SWOG de traitement
hormonal et/ou chimiothérapique en adjuvant chez
1725 patientes (dont 1 597 éligibles) opérées pour un cancer
du sein avec une atteinte ganglionnaire (tableau II).
Le CMFVP consistait en cyclophosphamide 60 mg/m2per os
tous les jours pendant un ou deux ans, méthotrexate 15 mg/m2
hebdomadaire pendant un ou deux ans, 5-FU 400 mg/m2heb-
domadaire pendant un ou deux ans, vincristine 0,625 mg/m2
hebdomadaire pendant les 10 premières semaines et predni-
sone 30 mg/m2/j pendant les 6 premières semaines à doses
décroissantes. La durée de la chimiothérapie (1 ou 2 ans)
n’influe pas sur la survie globale des patientes RE–. Chez les
patientes RE+ non ménopausées, la castration n’apporte pas
d’avantage en survie par rapport au CMFVP seul. Chez les
patientes RE+ ménopausées, les trois bras s’avèrent équiva-
lents en survie. Le tamoxifène seul est donc équivalent à la
chimiothérapie seule ou à la combinaison des deux chez les
patientes RE+ ménopausées.
Herceptin®+ Taxol®en néoadjuvant
Entre mars 1999 et novembre 2000, 40 patientes présentant
des tumeurs mammaires aux stades II ou III HER2+ en immu-
nohistochimie ont reçu une association paclitaxel-trastuzumab
en néoadjuvant (Burstein, abstr. 100). Le traitement compor-
tait 4 cycles de paclitaxel 175 mg/2toutes les 3 semaines asso-
cié à du trastuzumab 4 mg/kg en dose de charge puis 2 mg/m2
toutes les semaines pendant 12 semaines. Après la chirurgie
mammaire, les patientes recevaient 4 cures d’AC (adriamycine
60 mg/m2et cyclophosphamide 600 mg/m2). Une fraction
d’éjection ventriculaire gauche était réalisée lors du bilan ini-
tial, avant la chirurgie, puis tous les 2 cycles d’AC. Le taux de
réponses cliniques était de 73 % (84 % chez les patientes 3+)
et le taux de réponses histologiques complètes était de 18 %.
Une cardiotoxicité de grade 2 (diminution de la FE de plus de
20 %) a été observée chez 13 % des patientes à la fin de toute
la séquence thérapeutique. Cet essai montre la faisabilité et
l’intérêt de l’utilisation du trastuzumab en néoadjuvant dans le
cancer du sein, sous réserve d’une surveillance cardiologique
rapprochée.
J. Vinholes (abstr. 101), de Porto Alegre (Brésil), a présenté
un essai de phase III comparant en néoadjuvant l’association
AT (doxorubicine 50 mg/m2, docétaxel 75 mg/m2) à l’asso-
ciation FAC (doxorubicine 50 mg/m2, 5-FU 500 mg/m2et
cyclophosphamide 500 mg/m2) chez des patientes porteuses
de tumeurs localement avancées, inopérables (stade IIIA T3
ou stade IIIB), sans métastase à distance. Quatre cycles de
chimiothérapie étaient délivrés à raison d’un cycle toutes les
3semaines. Quatre cent sept patientes ont été incluses dans
l’étude et les données sont disponibles pour 362 patientes
avec un suivi médian de 3,5 mois. Le taux de réponses cli-
niques était de 72 % dans le bras AT (142/198) et de 64 %
(105/164) dans le bras FAC (p = 0,10). Les taux de réponses
histologiques ne sont disponibles que sur une partie des
patientes, avec un taux de réponses complètes de 23 % pour
le bras AT (92 patientes évaluées) et de 31 % dans le bras
FAC (62 patientes évaluées). Les taux de survie sans pro-
gression dans les bras AT et FAC sont respectivement de
8,3 mois et 6,9 mois. La toxicité hématologique est plus éle-
vée dans le bras AT, avec 71 % de neutropénies de grades 3
et 4 contre 24 % dans le bras FAC, et 10 % de neutropénies
fébriles pour l’AT contre aucune pour le FAC. Un suivi plus
long et l’analyse de l’ensemble des réponses cliniques et his-
tologiques sont nécessaires avant de conclure à l’intérêt de
l’association AT en traitement néoadjuvant des tumeurs
mammaires inopérables.
CANCER DU SEIN
Patientes RE– CMFVP 1 an
CMFVP 2 ans
Patientes RE+ Non ménopausées CMFVP 1 an
CMFVP 1 an + castration
Patientes RE+ Ménopausées CMFVP 1 an
CMFVP 1 an et tamoxifène 1 an
Tamoxifène 1 an
Tableau II. SWOG 7827.
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 3 - mai/juin 2001
AUTOGREFFE
En adjuvant
Étude de Gianni
L’essai présenté par A. Gianni (abstr. 80) avait pour but
d’évaluer l’impact sur la survie de la chimiothérapie à haute
dose (HD) avec autogreffe chez des patientes de moins de
60 ans ayant un envahissement axillaire de plus de trois gan-
glions. Le bras de référence était l’association séquentielle
d’une monochimiothérapie par épirubicine (120 mg/m2) toutes
les 3 semaines pendant 3 cycles, suivie de 6 cures de CMF.
Toutes les patientes, quel que soit le statut des récepteurs hor-
monaux de la tumeur, ont reçu du tamoxifène pendant 5 ans.
Avec un suivi de 5 ans et une analyse en intention de traiter,
cette étude ne montre pas de bénéfice en survie sans récidive
ou en survie globale chez les patientes ayant reçu la chimio-
thérapie intensifiée. Une analyse en sous-groupe montrerait
une tendance (non significative) à l’augmentation de la survie
sans récidive chez les patientes les plus jeunes (moins de
45 ans) et chez celles ayant entre 4 et 9 N+. Une aménorrhée
définitive était constante dans le bras HD et n’est apparue que
chez 50 % des patientes du bras “standard”.
Étude du CALGB
L’étude coopérative du CALGB, du SWOG et du NCIC, ran-
domisée et prospective, comparait deux combinaisons d’alky-
lants en consolidation (CPB haute dose + greffe ou CPB à
dose intermédiaire) après un CAF chez des patientes présen-
tant un cancer du sein de stades II ou IIIA avec plus de 10 gan-
glions envahis (Peters, abstr. 81). Cette étude, présentée à
l’ASCO 1999, a inclus 884 patientes et a maintenant un suivi
médian de plus de 5 ans. La chimiothérapie à haute dose utili-
sée dans le conditionnement pour la greffe était particulière-
ment toxique, avec 32 décès toxiques dans le bras autogreffe
contre aucun dans l’autre bras. Le taux de récidives de la
maladie était inférieur dans le bras haute dose ; cependant, en
raison des décès toxiques à court et à long terme, la survie sans
événement n’est pas différente entre les groupes. La survie
globale est identique, avec un taux de 70 % à 5 ans et de 62 %
à 10 ans. Dans une analyse en sous-groupe, la survie sans évé-
nement chez les patientes de moins de 50 ans tend à être légè-
rement supérieure (p = 0,09) dans le bras intensifié. Au total,
cet essai ne montre pas de bénéfice de l’autogreffe dans le trai-
tement adjuvant des patientes à haut risque (> 10 N+). On peut
noter que la survie globale des patientes dans le bras de réfé-
rence (CPB à dose intermédiaire) est particulièrement bonne
en comparaison historique avec les séries antérieures du
groupe.
L’essai PEGASE 01
Cette étude multicentrique française présentée par H. Roché
(abstr. 102) a comparé, chez 314 patientes avec un envahisse-
ment ganglionnaire de plus de 8 ganglions, une chimiothérapie
adjuvante conventionnelle de 4 cures de FEC 100, suivie ou
non d’une intensification avec réinjection de cellules souches
périphériques + tamoxifène si RH+. Le régime de conditionne-
ment pour la greffe consistait en cyclophosphamide
120 mg/kg, mitoxantrone 45 mg/m2et alkéran 140 mg/m2
(CMA). Le suivi médian est de 39 mois. La différence en sur-
vie sans récidive à 3 ans est significativement supérieure dans
le bras HD par rapport au bras standard (respectivement 71 %
et 55 %, p = 0,02). La survie globale à 3 ans n’est pas diffé-
rente (85 % et 84 %). Au cours de la discussion qui a suivi la
présentation de poster de H. Roché, F.J. Esteva, du MD
Anderson, a présenté la superposition des courbes de l’essai du
CALGB 9082 (Peters) et de l’essai PEGASE 01.
Cette comparaison laisse supposer que le bras de référence du
protocole PEGASE 01, c’est-à-dire 4 cures de FEC 100, est
inférieur à une chimiothérapie plus forte comme le CPB à dose
intermédiaire sans intensification.
Une étude japonaise (Tokuda, abstr. 148) de 97 patientes a
comparé 6 cures de FAC à 6 FAC suivis d’une intensification
dans les cancers du sein avec une atteinte ganglionnaire supé-
rieure à 10 N+. En analyse en intention de traiter, avec un
recul médian de 4 ans, la survie n’était pas significativement
différente entre le bras standard et le bras haute dose : respecti-
vement 66 % et 68 %.
En situation métastatique
L’étude multicentrique canadienne MA6 a porté sur l’intérêt
d’une chimiothérapie à haute dose après une chimiothérapie
d’induction conventionnelle en première ligne de traitement du
cancer du sein métastatique. Les patientes recevaient 4 cycles
de chimiothérapie contenant des anthracyclines et/ou des
taxanes. En cas de réponse, elles étaient randomisées entre la
poursuite de la même chimiothérapie pendant encore 2 à
4cycles, soit un à deux cycles du même traitement suivis
d’une intensification par cyclophosphamide, carboplatine et
mitoxantrone, elle-même suivie de réinjection de cellules
souches périphériques. Sept décès toxiques sont survenus dans
le bras intensifié contre aucun dans le bras conventionnel. La
survie sans progression est significativement améliorée dans le
bras avec intensification (médiane de 1 an contre 0,7 an,
p=0,0143). La survie globale, en revanche, n’est pas diffé-
rente entre les deux bras (2 ans dans le bras HD et 2,3 ans dans
le bras standard, p = 0,95). Au total, la chimiothérapie inten-
sive n’a pas montré de bénéfice en termes de survie globale
chez les patientes métastatiques. L’avantage en termes de sur-
vie sans progression est discutable en raison de la toxicité du
traitement à haute dose.
CANCER DU SEIN MÉTASTATIQUE
Étude UKCCCR
Dans cet essai multicentrique britannique, 705 patientes en
première ligne de traitement pour un cancer du sein métasta-
tique ont été randomisées entre une association ET (épirubi-
cine 75 mg/m2et paclitaxel 200 mg/m2) et une association EC
(épirubicine 75 mg/m2et cyclophosphamide 600 mg/m2). Les
patientes recevaient un cycle toutes les 3 semaines. Six cycles
étaient prévus. La stratification s’effectuait en tenant compte
des traitements antérieurs en adjuvant par anthracyclines, des
sites métastatiques, de la maladie mesurable et de l’indice de
CANCER DU SEIN
performance. Les taux de toxicités de grades 3 et 4 étaient
comparables entre les bras ET et EC, sauf pour les mucites
sévères (6 % contre 2 % respectivement, p = 0,02) et la neuro-
toxicité (5 % contre 1 % respectivement, p = 0,003). Le taux
de réponses était plus élevé dans le bras ET : 65 % contre
55 % (p = 0,017). En revanche, aucune différence n’a été
observée en termes de survie sans progression (6,5 mois et
6,8 mois, p = 0,58) et de survie globale (13,7 mois et
13,8 mois, p = 0,94) respectivement entre ET et EC.
Étude ET versus FEC 75
Cette étude multicentrique française de phase II randomisée a
comparé une association docétaxel-épirubicine (ET) à une
association classique de FEC 75 en première ligne dans le can-
cer du sein métastatique. Les patientes pouvaient avoir reçu
des anthracyclines en adjuvant ou en néoadjuvant à condition
que l’intervalle libre soit supérieur à un an. Cent quarante-
deux patientes ont été incluses dans l’étude, dont 130 sont éva-
luables. Le taux de réponses objectives est de 62,5 % dans le
bras ET contre 31,3 % dans le bras FEC, et la survie sans pro-
gression paraît plus élevée dans le bras ET (8,6 mois contre
6,1 mois) (tableau III). Les deux associations ont une toxicité
acceptable. La toxicité principale dans le bras ET a été l’héma-
totoxicité, avec 26 % de neutropénies fébriles contre aucune
dans le bras FEC. Cependant, moins de 25 % des patientes ont
dû avoir une réduction de dose ou un traitement par G-CSF.
Trastuzumab
Une association dans une étude de phase II du trastuzumab
avec du docétaxel et du carboplatine dans le cancer du sein
métastatique surexprimant HER2 a été présentée par D.J. Sla-
mon (abstr. 193). La synergie observée entre les sels de platine
et le trastuzumab en phase préclinique constituait la base de
cette étude. Soixante-deux patientes, HER2+ en immunohisto-
chimie, ont reçu du docétaxel 75 mg/m2et du carboplatine à
une AUC de 6 toutes les 3 semaines, associés à du trastuzumab
2 mg/kg toutes les semaines après une dose de charge de
4mg/m2. Le taux de réponses était de 54 % (31 patientes sur
57 évaluables). Après analyse rétrospective par FISH de toutes
les patientes, 39 sur 62 étaient FISH+ et 4 n’étaient pas encore
analysées. Le taux de réponses était de 61 % (22/36) chez les
patientes FISH+ et de 41 % (7/17) chez les patientes FISH–.
Aucune toxicité de grade 4 n’a été observée et une seule
patiente a eu une diminution de plus de 20 % de sa fraction
d’éjection ventriculaire gauche. Dans le même poster, les don-
nées actualisées de l’étude de T. Pienkowski (abstr. 2030)
étaient présentées. Cette étude, fondée sur le même schéma,
comportait du cisplatine au lieu du carboplatine. Le taux de
réponses était dans cette série de 62 patientes, de 84 % (52/62),
avec 86 % chez les 28 FISH+ et 81 % chez les 16 FISH–.
Cette association offre une alternative à l’utilisation séquen-
tielle d’anthracyclines et de trastuzumab en adjuvant, dont la
cardiotoxicité pose problème. Cette association docétaxel, sels
de platine et trastuzumab constitue un des bras de l’essai de
phase III multicentrique du BCIRG 006 en adjuvant et du
BCIRG 007 au stade métastatique.
La pharmacocinétique du trastuzumab en injection toutes les
3semaines associé à du paclitaxel a été évaluée (Gelmon,
abstr. 271). Cette étude montre qu’avec une injection de
charge de trastuzumab de 8 mg/kg suivie d’une injection de
6mg/kg toutes les 3 semaines, les taux sériques obtenus sont
comparables à ceux nécessaires pour obtenir une activité in
vitro ; le temps de demi-vie du trastuzumab paraît supérieur à
3 semaines. Les effets secondaires sont similaires à ceux
observés avec des injections hebdomadaires.
Nouvelles molécules
Une étude de phase II de la vinorelbine orale dans le cancer du
sein métastatique a été menée par V. Trillet-Lenoir
(abstr. 185). Une dose de 60 mg/m2puis de 80 mg/m2était
donnée toutes les semaines chez 64 patientes (dont 63 éva-
luables). Le taux de réponses était de 31 % (IC 95 % :
19-43 %), avec une survie sans progression de 17,4 semaines.
La tolérance était comparable à celle de la vinorelbine hebdo-
madaire en intraveineux.
L’étude de phase II du pemetrexed (Alimta®) chez 42 patientes
évaluables traitées par anthracyclines et capécitabine a montré
4 réponses et 16 stabilisations (abstr. 194).
Une étude de phase II d’UFT + acide folinique chez des
patientes en échec des anthracyclines et/ou des taxanes a mon-
tré une bonne tolérance et 11 % de réponses objectives.
L’étude 10951 de phase II randomisée de l’EORTC (Dirix,
abstr. 114) a comparé l’exemestane (25 mg/j) au tamoxifène
(20 mg/j) chez 122 patientes avec un cancer du sein métasta-
tique RE+ et/ou PR+ ou inconnu avec un intervalle libre de
plus de 2 ans. Le taux de réponses objectives est de 40,9 %
dans le bras exemestane et de 13,6 % dans le bras tamoxifène.
La durée de réponse était équivalente : 79 et 86 semaines res-
pectivement. La tolérance était très bonne, permettant la mise
en place d’une étude de phase III dans le cadre des essais de
l’EORTC.
TRAITEMENTS ASSOCIÉS
Traitement des effets indésirables
Un essai randomisé en double aveugle a comparé du G-CSF
pégylé (pegfilgrastime) en 1 injection par cycle versus 1 injec-
tion quotidienne de G-CSF chez 157 patientes ayant un cancer
du sein de stade II à IV et recevant une chimiothérapie par
docétaxel et doxorubicine (Green, abstr. 90). Cette forme sta-
bilisée par une molécule de polyéthylène glycol (PEG) de
94
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 3 - mai/juin 2001
ET FEC 75
Nombre de patientes 63 67
RC 2 (3,1 %) 2 (3,0 %)
RP 38 (59,4 %) 19 (28,3 %)
Réponses objectives 40 (62,5 %) 21 (31,3 %)
Durée médiane de réponse 8,8 mois 7,8 mois
Durée médiane de survie sans progression 8,6 mois 6,1 mois
Tableau III.
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