La Lettre du Cancérologue • Supplément 2 au vol. XXI - n° 6 - juin 2012 | 15
Résumé
Le point fort du congrès concernant le cancer du sein a été constitué par les résultats de l’étude EMILIA
montrant un bénéfice en survie sans progression et en survie globale du T-DM1 (combinaison de chimiothérapie
liée au trastuzumab) dans le cancer du sein métastatique surexprimant HER2 comparé à un traitement par
lapatinib et chimiothérapie. Le lapatinib semble inférieur au trastuzumab en association avec le paclitaxel
en première ligne métastatique mais semble potentialiser l’efficacité du trastuzumab en association en
situation néo-adjvuante. Le rôle des bisphosphonates en situation adjuvante reste discuté mais leur bénéfice
semble limité aux patientes ménopausées. L’iniparib, un inhibiteur de PARP, n’a montré aucune efficacité en
situation néo-adjuvante dans les tumeurs triple-négatives. Le paclitaxel hebdomadaire confirme son rôle en
situation adjuvante dans les tumeurs sans atteinte ganglionnaire et en situation métastatique par rapport
au nab-paclitaxel ou à l’ixabepilone. Enfin le cabozantinib, inhibiteur de Met et du VEGFR, semble prometteur
dans le cancer du sein.
Mots-clés
T-DM1
Bisphosphonates
Lapatinib
Inhibiteurs de PARP
Paclitaxel
Summary
The highlight of the American
meeting for breast cancer was
established by the EMILIA
study results demonstrating
a benefi t in progression-free
survival and overall survival
with T-DM1 (combination of
chemotherapy related to tras-
tuzumab) in metastatic breast
cancer overexpressing HER2
compared to treatment with
lapatinib and chemotherapy.
Lapatinib appears lower than
trastuzumab in combination
with paclitaxel in first line
metastatic but appears to
potentiate the trastuzumab
together in neoadjvuant
setting. The role of bisphospho-
nates in the adjuvant setting
remains controversial but its
benefi t appears to be limited
to postmenopausal women. The
PARP inhibitor iniparib showed
no effi cacy in neoadjuvant in
triple negative tumors. Weekly
paclitaxel confi rms its role in
the adjuvant setting in tumors
without lymph node involve-
ment and in metastatic setting
compared to nab-paclitaxel or
ixabepilone. Finally cabozan-
tinib, inhibitor of VEGFR and
met, shows promise in breast
cancer.
Keywords
T-DM1
Bisphosphonates
Lapatinib
PARP inhibitors
Paclitaxel
a porté uniquement sur 8 735 patientes ménopau-
sées ou âgées de plus de 50 ans. L’essai ABCSG-12
a été inclus, car toutes ses patientes recevaient un
agoniste de la LH-RH (Luteinizing Hormone-Releasing
Hormone). On observe une différence absolue en SSR
de 2,6 % (p = 0,0008) en faveur des bisphosphonates.
Cette étude, comme une autre présentée en poster
(Vidal L et al., abstr. 548), confi rme donc l’effet sur
la SSR et la SG de l’adjonction de bisphosphonates
en situation adjuvante, mais uniquement chez les
patientes ménopausées. Cependant, ces analyses
portent uniquement sur les données publiées et non
originelles ; par ailleurs, elles concernent des groupes
et des traitements hétérogènes, ce qui rend le chan-
gement des standards de traitement discutable.
Deux études présentées en session orale sont
venues illustrer cette question qui reste épineuse.
L’étude MA.27 avait comparé anastrozole et exémes-
tane en adjuvant chez plus de 7 000 patientes méno-
pausées RH+ (aucune différence à 4 ans). Plus de
2 700 patientes (36 %) avaient déclaré prendre un
traitement antiostéoporotique, alors que seules 17 %
présentaient une ostéoporose (Shepherd LE et al.,
abstr. 501). En analyse exploratoire multivariée,
dans le groupe prenant un traitement pour l’ostéo-
porose, la survie sans événement est signifi cative-
ment améliorée, avec une réduction du risque de 35 %
(HR = 0,65 ; p < 0,0001). Ce résultat est corroboré
par l’actualisation de l’étude AZURE (Marshall H et al.,
abstr. 502). Rappelons que le résultat global de cette
étude est négatif : l’acide zolédronique n’apporte,
sur l’ensemble de la population, aucun bénéfi ce (1).
L’analyse de ces résultats en fonction du statut méno-
pausique est déroutante : un bénéfi ce potentiel est
à nouveau montré pour les patientes ménopausées
(depuis au moins 5 ans), mais semble s’amenuiser
avec l’âge ; en revanche, il semble exister un effet
délétère chez les patientes non ménopausées.
Ces résultats ont été discutés par G. Hortobagyi, qui
a souligné la grande hétérogénéité de ces différentes
études, l’absence de données de SG (objectif majeur
en situation adjuvante !), l’absence d’interprétation
de l’interaction éventuellement délétère avec l’ostéo-
porose, le caractère généralement non préspécifi é
de ces analyses. Les données ne sont pas encore
suffisamment solides ni comprises pour indiquer
systématiquement un bisphosphonate en adjuvant.
Taxanes
Nous vivons peut-être les derniers grands essais
randomisés dans le cancer du sein au stade
précoce. L’essai NSABP B-38 a comparé, chez plus
de 4 500 patientes N+, 3 schémas : TAC (docétaxel,
doxorubicine, cyclophosphamide) × 6 cycles, ou AC
(doxorubicine, cyclophosphamide) dose dense +
paclitaxel dose dense, ou AC dose dense + paclitaxel-
gemcitabine dose dense (Swain S et al., LBA1000).
La survie sans progression (SSP) est, dans les
3 groupes, de 80 % à 5 ans, et la SG, de 90 % à 5 ans.
Il y a un discret surcroît de toxicité dans le bras TAC
(neutropénie fébrile, diarrhée, cardiotoxicité). Pour
les cancers du sein N− à haut risque (selon les critères
de Saint-Gallen de 1998), l’essai GEICAM a comparé,
chez plus de 1 800 patientes, FAC (5-FU, doxorubicine,
cyclophosphamide) × 6 cycles à FAC × 4 cycles suivi
de paclitaxel hebdomadaire × 9 cycles (à 100 mg/ m2 !)
[Martin M et al., abstr. 1001]. Malgré un taux d’arrêt
de traitement plus important dans le bras paclitaxel
en raison des effets indésirables, le bénéfi ce en SSP
est démontré avec un gain absolu de 3 % à 5 ans.
Ces 2 grands essais, commencés il y a 10 ans (une
autre époque !), représentent probablement une
espèce en voie de disparition, même s’ils confi rment
le standard adjuvant de type AC-taxanes, quel que
soit le statut ganglionnaire. En effet, le curage est
peut-être amené à disparaître, l’absence de valeur
ajoutée des autres agents cytotoxiques montre les
limites de l’exercice, l’absence de sous-groupes iden-
tifi ables souligne le besoin d’une stratifi cation préa-
lable solide, ce qui est encore amplifi é par l’excellente
survie de ces patientes dont le cas est dit “grave”.
On se concentre davantage, actuellement, sur la
problématique de la désescalade thérapeutique à la
recherche des signatures génomiques (MammaPrint®,
Oncotype Dx®) permettant de défi nir la population
qui n’aurait pas besoin de chimiothérapie adjuvante.
Traitement néo-adjuvant
Lapatinib
L’essai du NSABP B-41, présenté par A. Robidoux
et al. (LBA506), a évalué, en situation néo-adjuvante