
230 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue ̐ Vol. XIV - n° 6 - novembre-décembre 2011
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancer du rectum Traitement périopératoire ducancer du rectum :
place des traitements néoadjuvant et adjuvant
radiochimiothérapie préopératoire a également été
comparée à la radiochimiothérapie postopératoire
dans l’essai CAO/ARO/AIO-94 du German Rectal
Cancer Group (8). Même si l’objectif principal de
l’étude n’était pas atteint (survie globale à 5 ans :
76 % dans le groupe préopératoire versus 74% dans
le groupe postopératoire ; p = 0,80), on notait 2 fois
moins de récidive locale à 5 ans dans le groupe
radiochimiothérapie préopératoire (13 versus 6 % ;
p = 0,006), principalement grâce à une meilleure
tolérance du protocole néoadjuvant.
Ces 3 études pivots ont démontré les résultats
bénéfiques sur la récidive locale de la radiochimio-
thérapie préopératoire dans le traitement du cancer
du rectum localement avancé (tableau I, p. 229).
L’association radiochimiothérapie concomitante
(ARCC) associant 50,4 Gy et 5-FU est actuellement
le standard thérapeutique. Récemment, 2 études
ont permis de valider la capécitabine comme une
alternative orale satisfaisante au 5-FU intraveineux,
simplifiant le traitement pour les patients (9, 10).
Option : radiothérapie exclusive
préopératoire
Des essais de phase III plus anciens avaient montré
l’intérêt de la radiothérapie néoadjuvante exclu-
sive en termes d’efficacité et de tolérance chez les
patients atteints d’un cancer du rectum localement
avancé.
Dans une étude suédoise qui fait référence,
1 168 patients avaient été randomisés entre un bras
court de 25 Gy fractionnés en 5 Gy par jour pendant
5 jours (appelé schéma 5 × 5) suivi une semaine
après de la résection chirurgicale (n = 583), et un
bras chirurgie seule (n = 585). L’excision totale du
mésorectum n’était pas systématique, et les résultats
avaient été communiqués après un suivi médian
de plus de 5 ans. Le schéma 5 × 5 a non seulement
réduit le risque de récidive locale de plus de 50 %
(11 versus 27 % ; p < 0,001), mais également amélioré
la survie globale de 21 % à 5 ans par rapport à la
chirurgie seule (58 versus 48 % ; p = 0,004), avec
un HR de 0,79 (IC
95
: 0,66-0,92). En revanche, les
taux de récidive métastatique (23 versus 25 %)
n’étaient pas différents dans les 2 bras (11). Une
fois l’exérèse totale du mésorectum généralisée,
la question qui se posait était de savoir si la radio-
thérapie apportait toujours un bénéfice à la chirurgie
du cancer du rectum. Le Dutch Colorectal Cancer
Group a reproduit dans son essai le schéma suédois
en s’assurant que l’exérèse totale du mésorectum
soit systématiquement réalisée. Mille huit cent
soixante et un patients atteints d’un cancer du
rectum, majoritairement de stade II ou III, ont été
inclus, et les premiers résultats ont été publiés après
une médiane de suivi de 2 ans. Comme dans l’étude
suédoise, la radiothérapie apportait un bénéfice
significatif à la chirurgie sur le risque de récidive
locale (2,4 versus 8,2 % ; p < 0,001), mais pas sur la
survie globale (82 versus 81,8 % ; p = 0,84) ni sur la
récidive métastatique (14,8 versus 16,8 % ; p = 0,87).
Après analyse par sous-groupes, la radiothérapie
5 × 5 n’apportait pas de bénéfice en cas de tumeur
du haut rectum (à plus de 10 cm de la marge anale)
[p = 0,17] ni en cas de cancer de stade I (p = 0,15)
ou IV (p = 0,25) [12]. Une mise à jour des données
après plus de 12 ans de suivi a confirmé le bénéfice
de la radiothérapie sur le risque de récidive locale
(5 versus 11 % ; p < 0,0001) [13]. La radiothérapie
exclusive préopératoire a également été comparée
à la radiochimiothérapie postopératoire sélective
dans un essai anglais de phase III. Après un suivi
médian de 4 ans, le taux de récidive locale était
significativement moins élevé chez les patients du
bras radiothérapie exclusive (27 versus 72 %), alors
que la survie globale n’était pas différente dans les
2 bras (HR : 0,91 ; IC95 : 0,73-1,13 ; p = 0,40) [2].
En résumé, si la radiochimiothérapie concomitante
est le standard actuel dans de nombreux pays
comme la France, il est clair que la radiothérapie
exclusive garde une place dans le traitement préo-
pératoire des cancers du rectum localement avancés
du moyen et du bas rectum. Même si aucune étude
à ce jour n’a directement comparé ces 2 schémas,
la radiothérapie exclusive est une alternative en cas
de contre-indication ou de mauvaise tolérance de la
chimiothérapie (notamment chez les sujets âgés).
La radiothérapie courte sera préférée si la tumeur
est d’emblée résécable (distance tumeur-fascia
mésorectal > 2 mm sur l’IRM initiale) ; dans le cas
contraire, une radiothérapie longue sans chimio-
thérapie pourra être proposée.
Les traitements néoadjuvants
actuellement évalués
Intensification de la radiochimiothérapie
par l’oxaliplatine (tableau II)
Suite aux essais de phase II qui ont montré la faisabi-
lité de l’association 5-FU et oxaliplatine avec la radio-
thérapie (14,15), plusieurs groupes se sont intéressés