Tuberculose : les enjeux d’une bonne observance Thérapeutique

Thérapeutique
Le Courrier de l’Observance thérapeutique
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Vol. 1 - n
os
1-2 - janvier-juin 2001
Tuberculose : les enjeux d’une bonne observance
vec plus de 5 000 cas déclarés par an, la
tuberculose reste une des maladies
infectieuses à déclaration obligatoire les plus
fréquentes en France.
La forme clinique la plus souvent rencontrée
est la tuberculose pulmonaire. Face à une
tuberculose pulmonaire bacillifère, l’enjeu
est d’assurer un traitement efficace, bien
toléré, en limitant les risques de contagiosité
à l’entourage.
Pour répondre à ces trois objectifs, l’informa-
tion et l’éducation du patient vis-à-vis du
risque infectieux, des contraintes et des
effets secondaires du traitement sont indis-
pensables dès la moindre suspicion diagnos-
tique.
SUSPICION DIAGNOSTIQUE
Lors de cette suspicion diagnostique (cli-
nique ou radiologique), le patient doit en
effet être hospitalisé, isolé en chambre seule,
porte fermée, avec mise en place de mesures
de type “isolement respiratoire-port de
masque” jusqu’à l’obtention du résultat de
l’examen bactériologique direct des sécré-
tions respiratoires. En effet, s’il s’agit d’une
tuberculose bacillifère (avec présence de
bacilles dans les crachats), la contagiosité est
maximale tant qu’un traitement efficace n’a
pas été instauré. Ce risque de contagiosité
concerne le personnel soignant, mais aussi,
avec encore plus d’acuité, les patients fragili-
sés ou immunodéprimés hospitalisés dans le
même secteur de soins. C’est la raison pour
laquelle il faut, dès cette hospitalisation
pour suspicion de tuberculose, isoler le
patient avec des mesures strictes. Cet isole-
ment doit être clairement expliqué
au patient pour qu’il en comprenne la néces-
sité.
Lorsque les résultats de l’examen des sécré-
tions bronchiques (crachats) sont dispo-
nibles :
s’ils sont négatifs, l’isolement peut être
levé et le patient pris en charge dans les
mêmes conditions que les autres patients du
service ;
s’ils sont positifs, il y a confirmation d’une
tuberculose bacillifère. Dans ce cas, le
patient doit être immédiatement informé
pour bien comprendre les nécessités du
maintien des mesures d’isolement respiratoi-
re et du port de masque qui vont lui être
imposées pendant une période minimale de
deux semaines.
Cet isolement respiratoire-port de masque
doit être parfaitement suivi, non seulement
par le patient et le personnel soignant, mais
également par l’entourage. Cela constitue la
plus grande difficulté en pratique, dans la
mesure où la plupart des patients atteints de
tuberculose bacillifère sont des patients
ambulatoires, qui peuvent recevoir des
visites de proches ou d’amis, et à qui il est
parfois difficile de faire accepter des restric-
tions de déplacement ou de visites. En effet,
cet isolement respiratoire-port de masque
est défini par des règles strictes :
Hospitalisation en chambre seule.
La porte de la chambre doit rester fermée
en permanence.
Les visites doivent être interdites pendant
la première semaine qui suit la mise en route
du traitement.
Le port du masque est obligatoire pour
toutes les personnes entrant dans la
chambre, personnel ou visiteur. Il faut utiliser
des masques particulaires (bec de canard),
afin d’éviter la contamination de la tubercu-
lose qui se fait par voie aérienne. Les
malades doivent être strictement éduqués à
ne pas quitter leur chambre sauf avis médical
impératif, ce qui est exceptionnel au cours
de la première semaine du traitement. Si le
malade doit quitter sa chambre, il doit avoir
appris le réflexe de porter un masque anti-
projections.
Les masques sont à usage unique et doi-
vent être jetés après chaque utilisation.
La chambre doit être régulièrement aérée
par ouverture de la fenêtre au moins six fois
par jour, en veillant à maintenir la porte bien
fermée lors de ces aérations.
La durée de l’isolement respiratoire est habi-
tuellement de deux à trois semaines (circulaire
de la Direction générale de la santé). La levée
de l’isolement est une décision médicale fon-
dée sur une évolution clinique favorable.
TRAITEMENT
Le traitement antituberculeux fait appel à
une multi-antibiothérapie comprenant trois
ou quatre antituberculeux. Avant de com-
mencer le traitement, il faut expliquer au
patient les enjeux de celui-ci : en effet, la
tuberculose est une maladie infectieuse qui
nécessite un traitement prolongé (au mini-
mum six mois), avec un risque, en cas d’inob-
servance, d’échec thérapeutique et surtout
de sélection de souches bactériennes résis-
tantes ou multirésistantes aux antitubercu-
leux, ce qui peut avoir des conséquences pré-
judiciables non seulement pour le patient,
mais aussi sur un plan collectif, avec diffusion
épidémique de souches résistantes.
Il faut également expliquer au patient la
nécessité, du fait de la présence de rifampicine
dans le schéma thérapeutique, de prendre
son traitement en une prise à jeun, de préfé-
rence le matin, d’une surveillance régulière
clinique et biologique pour s’assurer, outre
de l’efficacité du traitement, de l’absence
d’effets secondaires ou de toxicité. Le
patient doit être aussi clairement informé
A
F. Raffi*
* Service des maladies infectieuses et tropi-
cales, Hôtel-Dieu, 44093 Nantes Cedex 1.
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des conséquences du traitement sur la colo-
ration des urines (qui deviennent rouge-
orangé avec la rifampicine) et du risque de
coloration également rouge-orangé des len-
tilles cornéennes, ainsi que des risques d’in-
teraction médicamenteuse, notamment avec
les anticoagulants oraux et les estroproges-
tatifs, l’efficacité contracep-tive de ces der-
niers étant diminuée par la rifampicine.
L’exposition de l’ensemble de ces éléments
au patient, par une information objective,
lui permettra d’accepter et de s’approprier
plus facilement le traitement qu’il devra
suivre pendant plusieurs mois. Afin de sim-
plifier les schémas thérapeutiques, les traite-
ments antituberculeux existent sous forme
associée (combinaison dans le même compri-
mé de deux ou trois antituberculeux).
Le suivi du traitement doit parfaitement être
organisé avec le patient dès la levée de l’iso-
lement respiratoire. Pour des patients qui
sont souvent en situation socio-économique
précaire, cela nécessite un accompagnement
social et psychologique complémentaire. Le
patient doit en effet comprendre qu’à la sor-
tie de l’hôpital il n’est pas encore “guéri” de
sa tuberculose, qu’il doit poursuivre
de manière régulière le traitement et ”satis-
faire“ au suivi qui lui est proposé : visites de
surveillance clinique, examens biologiques
pour surveiller notamment la tolérance
hépatique, surveillance ophtalmologique en
cas de prescription d’éthambutol dans le
régime antituberculeux.
Enfin, il doit être sensibilisé à la prévention des
cas secondaires, c’est-à-dire au dépistage des
cas de tuberculose dans son entourage proche.
CONCLUSION
La tuberculose représente une infection
bactérienne fréquente qui se caractérise
par son haut pouvoir de contagiosité, son
caractère chronique subaigu nécessitant un
traitement antibiotique prolongé permet-
tant la guérison. Les conditions particulières
de la prise en charge (isolement initial en
milieu hospitalier dans des conditions
strictes, multi-antibiothérapie continue,
gestion de la surveillance de la tuberculose
et de son traitement) ainsi que le profil
socio-économique souvent défavorisé de la
population concernée rendent nécessaire
une approche multidisciplinaire (médecin,
pharmacien, personnel soignant, assistante
sociale, psychologue) pour faciliter une
observance optimale des patients dans toutes
les composantes de la prise en charge.
Pour en savoir plus
– Dautzenberg B. Tuberculose : prévention, isolement,
hygiène. Med Mal Infect 1995 ; 25 : 392-401.
– Bouvet E, Desenclos JC. Recommandations pour la pré-
vention de la transmission de la tuberculose dans les
lieux de soins. BEH 1994 ; 53 : 251-2.
– Groupe de travail sur la tuberculose. La place des
masques dans la prévention de la transmission de
Mycobacterium tuberculosis dans les lieux de soins. BEH
1993 ; 19 : 85-6.
– Desenclos JC. La place des masques, de la ventilation et
des ultraviolets dans la prévention de la transmission
nosocomiale de la tuberculose dans les lieux de soins.
BEH 1994 ; 15 : 65-7.
– Synthèse et recommandations des groupes de travail
du Conseil supérieur d’hygiène publique de France
(1995-1996). Tuberculose : traitement et prévention. BEH
1997 ; janvier, numéro spécial.
– Comité technique national des infections nosoco-
miales. Société française d’hygiène hospitalière.
Isolement septique. Recommandations pour les établis-
sements de soins. 1998.
Les articles publiés dans
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