Le Courrier de l’Observance thérapeutique Thérapeutique Tuberculose : les enjeux d’une bonne observance A vec plus de 5 000 cas déclarés par an, la tuberculose reste une des maladies infectieuses à déclaration obligatoire les plus fréquentes en France. La forme clinique la plus souvent rencontrée est la tuberculose pulmonaire. Face à une tuberculose pulmonaire bacillifère, l’enjeu est d’assurer un traitement efficace, bien toléré, en limitant les risques de contagiosité à l’entourage. Pour répondre à ces trois objectifs, l’information et l’éducation du patient vis-à-vis du risque infectieux, des contraintes et des effets secondaires du traitement sont indispensables dès la moindre suspicion diagnostique. SUSPICION DIAGNOSTIQUE Lors de cette suspicion diagnostique (clinique ou radiologique), le patient doit en effet être hospitalisé, isolé en chambre seule, porte fermée, avec mise en place de mesures de type “isolement respiratoire-port de masque” jusqu’à l’obtention du résultat de l’examen bactériologique direct des sécrétions respiratoires. En effet, s’il s’agit d’une tuberculose bacillifère (avec présence de bacilles dans les crachats), la contagiosité est maximale tant qu’un traitement efficace n’a pas été instauré. Ce risque de contagiosité concerne le personnel soignant, mais aussi, avec encore plus d’acuité, les patients fragilisés ou immunodéprimés hospitalisés dans le même secteur de soins. C’est la raison pour laquelle il faut, dès cette hospitalisation pour suspicion de tuberculose, isoler le patient avec des mesures strictes. Cet isolement doit être clairement expliqué au patient pour qu’il en comprenne la nécessité. * Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôtel-Dieu, 44093 Nantes Cedex 1. Lorsque les résultats de l’examen des sécrétions bronchiques (crachats) sont disponibles : ✓ s’ils sont négatifs, l’isolement peut être levé et le patient pris en charge dans les mêmes conditions que les autres patients du service ; ✓ s’ils sont positifs, il y a confirmation d’une tuberculose bacillifère. Dans ce cas, le patient doit être immédiatement informé pour bien comprendre les nécessités du maintien des mesures d’isolement respiratoire et du port de masque qui vont lui être imposées pendant une période minimale de deux semaines. Cet isolement respiratoire-port de masque doit être parfaitement suivi, non seulement par le patient et le personnel soignant, mais également par l’entourage. Cela constitue la plus grande difficulté en pratique, dans la mesure où la plupart des patients atteints de tuberculose bacillifère sont des patients ambulatoires, qui peuvent recevoir des visites de proches ou d’amis, et à qui il est parfois difficile de faire accepter des restrictions de déplacement ou de visites. En effet, cet isolement respiratoire-port de masque est défini par des règles strictes : ✓ Hospitalisation en chambre seule. ✓ La porte de la chambre doit rester fermée en permanence. ✓ Les visites doivent être interdites pendant la première semaine qui suit la mise en route du traitement. ✓ Le port du masque est obligatoire pour toutes les personnes entrant dans la chambre, personnel ou visiteur. Il faut utiliser des masques particulaires (bec de canard), afin d’éviter la contamination de la tuberculose qui se fait par voie aérienne. Les malades doivent être strictement éduqués à ne pas quitter leur chambre sauf avis médical impératif, ce qui est exceptionnel au cours de la première semaine du traitement. Si le malade doit quitter sa chambre, il doit avoir appris le réflexe de porter un masque antiprojections. ✓ Les masques sont à usage unique et doivent être jetés après chaque utilisation. 10 © Droits réservés ● F. Raffi* ✓ La chambre doit être régulièrement aérée par ouverture de la fenêtre au moins six fois par jour, en veillant à maintenir la porte bien fermée lors de ces aérations. La durée de l’isolement respiratoire est habituellement de deux à trois semaines (circulaire de la Direction générale de la santé). La levée de l’isolement est une décision médicale fondée sur une évolution clinique favorable. TRAITEMENT Le traitement antituberculeux fait appel à une multi-antibiothérapie comprenant trois ou quatre antituberculeux. Avant de commencer le traitement, il faut expliquer au patient les enjeux de celui-ci : en effet, la tuberculose est une maladie infectieuse qui nécessite un traitement prolongé (au minimum six mois), avec un risque, en cas d’inobservance, d’échec thérapeutique et surtout de sélection de souches bactériennes résistantes ou multirésistantes aux antituberculeux, ce qui peut avoir des conséquences préjudiciables non seulement pour le patient, mais aussi sur un plan collectif, avec diffusion épidémique de souches résistantes. Il faut également expliquer au patient la nécessité, du fait de la présence de rifampicine dans le schéma thérapeutique, de prendre son traitement en une prise à jeun, de préférence le matin, d’une surveillance régulière clinique et biologique pour s’assurer, outre de l’efficacité du traitement, de l’absence d’effets secondaires ou de toxicité. Le patient doit être aussi clairement informé Vol. 1 - nos 1-2 - janvier-juin 2001 Le Courrier de l’Observance thérapeutique Thérapeutique des conséquences du traitement sur la coloration des urines (qui deviennent rougeorangé avec la rifampicine) et du risque de coloration également rouge-orangé des lentilles cornéennes, ainsi que des risques d’interaction médicamenteuse, notamment avec les anticoagulants oraux et les estroprogestatifs, l’efficacité contracep-tive de ces derniers étant diminuée par la rifampicine. L’exposition de l’ensemble de ces éléments au patient, par une information objective, lui permettra d’accepter et de s’approprier plus facilement le traitement qu’il devra suivre pendant plusieurs mois. Afin de simplifier les schémas thérapeutiques, les traitements antituberculeux existent sous forme associée (combinaison dans le même comprimé de deux ou trois antituberculeux). Le suivi du traitement doit parfaitement être organisé avec le patient dès la levée de l’isolement respiratoire. Pour des patients qui sont souvent en situation socio-économique précaire, cela nécessite un accompagnement social et psychologique complémentaire. Le patient doit en effet comprendre qu’à la sortie de l’hôpital il n’est pas encore “guéri” de sa tuberculose, qu’il doit poursuivre de manière régulière le traitement et ”satisfaire“ au suivi qui lui est proposé : visites de surveillance clinique, examens biologiques pour surveiller notamment la tolérance hépatique, surveillance ophtalmologique en cas de prescription d’éthambutol dans le régime antituberculeux. Enfin, il doit être sensibilisé à la prévention des cas secondaires, c’est-à-dire au dépistage des cas de tuberculose dans son entourage proche. CONCLUSION La tuberculose représente une infection bactérienne fréquente qui se caractérise par son haut pouvoir de contagiosité, son caractère chronique subaigu nécessitant un traitement antibiotique prolongé permettant la guérison. Les conditions particulières de la prise en charge (isolement initial en milieu hospitalier dans des conditions strictes, multi-antibiothérapie continue, gestion de la surveillance de la tuberculose et de son traitement) ainsi que le profil socio-économique souvent défavorisé de la population concernée rendent nécessaire une approche multidisciplinaire (médecin, pharmacien, personnel soignant, assistante sociale, psychologue) pour faciliter une observance optimale des patients dans toutes ■ les composantes de la prise en charge. P o u r e n s a v o i r p l u s – Dautzenberg B. Tuberculose : prévention, isolement, hygiène. Med Mal Infect 1995 ; 25 : 392-401. – Bouvet E, Desenclos JC. Recommandations pour la prévention de la transmission de la tuberculose dans les lieux de soins. BEH 1994 ; 53 : 251-2. – Groupe de travail sur la tuberculose. La place des masques dans la prévention de la transmission de Mycobacterium tuberculosis dans les lieux de soins. BEH 1993 ; 19 : 85-6. – Desenclos JC. La place des masques, de la ventilation et des ultraviolets dans la prévention de la transmission nosocomiale de la tuberculose dans les lieux de soins. BEH 1994 ; 15 : 65-7. – Synthèse et recommandations des groupes de travail du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (1995-1996). Tuberculose : traitement et prévention. BEH 1997 ; janvier, numéro spécial. – Comité technique national des infections nosocomiales. Société française d’hygiène hospitalière. Isolement septique. Recommandations pour les établissements de soins. 1998. Les articles publiés dans “Le Courrier de l’Observance thérapeutique” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © octobre 2000 - Da Te Be Éditions - SR Teleperformance Média Santé Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois - Dépôt légal 2e trimestre 2001 11 Vol. 1 - nos 1-2 - janvier-juin 2001