Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
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Applications cliniques des cellules tumorales circulantes en cancérologie mammaire
Les résultats d’une méta-analyse portant sur plusieurs
milliers de patientes seront rapportés au congrès de
San Antonio en décembre 2013 et devraient confi rmer
ces données (Bidard F.C. et al.). Celles-ci s’inscrivent
dans le cadre plus global de la détection de la mala-
die micrométastatique et ouvrent la voie à des essais
adjuvants, néoadjuvants et postnéoadjuvants ciblant
cette catégorie de patientes à fort risque métastatique.
Il faut bien sûr rappeler qu’il n’existe actuellement, hors
protocoles de recherche, aucune raison de fonder une
décision d’escalade ou de désescalade thérapeutique
adjuvante en fonction de la présence de CTC ou de
DTC. La persistance des CTC en situation adjuvante,
compte tenu de leur demi-vie courte, pose la question
de la provenance de ces CTC. Il est très probable que
la moelle osseuse puisse jouer un rôle de réservoir.
L’implication d’autres organes que la moelle osseuse
(foie, poumons, etc.) reste très plausible, mais n’a pas
été clairement démontrée. Des données précliniques
sur l’auto-ensemencement des cellules tumorales ont
été publiées par le laboratoire de J. Massagué (23), et
suggèrent que la dissémination tumorale ne se réalise
pas que sur un mode unidirectionnel (de la tumeur
primitive vers les [micro-]métastases), mais qu’il existe
une circulation multidirectionnelle des cellules entre
tumeur primitive, métastases et compartiments (sang,
moelle, etc.) considérés comme indemnes ; cette recir-
culation jouerait un rôle important dans la croissance
de la tumeur primitive mais aussi des métastases. Dans
le cas du cancer du sein, cette recirculation pourrait
expliquer notamment pourquoi les DTC sont associées
à un risque relatif augmenté de rechute métastatique
à distance (extramédullaire) mais aussi de rechute
locale (24).
Biopsie liquide
L’étude du phénotype et du génotype des CTC fait
l’objet de nombreuses tentatives pour mieux carac-
tériser ces cellules. Ainsi, la démonstration du fait que
la surexpression d’HER2 à la surface des CTC pouvait
être dissociée du statut de la tumeur primitive et plus
fréquente pourrait avoir un intérêt thérapeutique (25).
Plusieurs études portent sur l’utilisation de traitements
ciblés anti-HER2 seuls ou associés à la chimiothérapie
en cas de détection de CTC HER2 positives (15). Ainsi,
2 essais s’intéressent aux patientes ayant un cancer
du sein métastatique considéré comme HER2 néga-
tif, mais qui présentent des CTC HER2 positives. Ces
patientes seront traitées soit de manière randomisée
par chimiothérapie avec ou sans lapatinib dans l’étude
de phase III allemande DETECT III (NCT01619111), soit
par T-DM1 (trastuzumab-emtansine) dans l’étude de
phase II française CirCe T-DM1 (1, 15). De plus, l’EORTC
a commencé cette année un essai interventionnel
(TREAT-CTC) visant à administrer 3 mois de trastuzu-
mab en complément du traitement adjuvant de can-
cers cM0(i+) sans amplifi cation d’HER2 sur la tumeur
primitive mais dont les CTC exprimeraient la protéine
HER2, quel que soit le niveau d’expression. Cela se
fonde sur l’idée que le trastuzumab pourrait inhiber
la migration cellulaire dans laquelle la protéine HER2
joue un rôle, même en l’absence de surexpression, ce
qui expliquerait les données de Paik sur l’effi cacité du
trastuzumab en situation adjuvante chez des patientes
HER2 négatives (26).
La transition épithélio-mésenchymateuse (TEM),
qui semble impliquée dans la migration cellulaire,
serait une cause de perte d’expression sur les CTC
des marqueurs épithéliaux et de l’absence de détec-
tion des CTC. L’équipe de Haber, à Boston, a montré
récemment qu’il était possible d’étudier le phéno-
type épithélial ou mésenchymateux des CTC avec
une nouvelle technique de détection. Elle a montré
que le phénotype mésenchymateux des CTC était
plus souvent associé aux tumeurs primitives triple-
négatives et que, au cours de l’évolution sous chimio-
thérapie, les CTC avaient plus souvent un phénotype
mésenchymateux en phase de progression et plutôt
luminal, donc bien différencié, en phase de réponse
thérapeutique (27).
L’intérêt du suivi des CTC dans le cancer du sein méta-
statique a été également remis en question par une
comparaison avec l’analyse de l’ADN tumoral circu-
lant (28) par une équipe de Cambridge. Ils ont montré
que, sur un petit groupe de 30 patientes, les variations
du taux d’ADN tumoral semblaient mieux corrélées
à la réponse thérapeutique ou à la progression que
les taux de CTC, et que l’ADN tumoral circulant était
plus souvent détectable que les CTC. Cependant, une
mutation spécifi que de l’ADN tumoral circulant utili-
sable pour le suivi n’a été identifi ée que chez 30 des
52 patientes initialement incluses. De plus, en dehors
des cas où les mutations les plus fréquentes dans le
cancer du sein, comme celles de P53 ou des PI3KCA,
étaient présentes, un séquençage de la totalité du
génome de la tumeur était nécessaire pour permettre
d’identifi er un marqueur de suivi pour une patiente
donnée, ce qui est encore loin d’être envisageable en
routine. Le suivi de l’ADN tumoral circulant en cours
de traitement pourrait permettre de voir apparaître
de nouvelles mutations potentiellement associées à
l’apparition de résistances au traitement (29).