Le test du cancer du sein type Chimiothérapie ?

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Cellules tumorales
et ADN libre circulant
dossier
thématique
Applications cliniques des cellules
tumorales circulantes en cancérologie
mammaire
Clinical applications of circulating tumoral cells in breast cancer
Jean-Yves Pierga1,2, François-Clément Bidard1,3
du sein fait l’objet de recherches depuis de nombreuses années,
concernant d’abord les cellules tumorales disséminées (DTC) dans la
moelle osseuse puis la détection des cellules tumorales circulantes
(CTC) dans le sang et enfin, plus récemment, l’ADN tumoral circulant.
La valeur pronostique de la détection des CTC par la méthode
d’immunosélection CellSearch® est démontrée par plusieurs études
et une méta-analyse au stade métastatique. Les données cliniques
sont moins nombreuses en situation précoce mais valident aussi
la valeur pronostique. Le suivi des traitements au stade avancé par
les CTC fait l’objet d’études d’utilité clinique en cours. La détection
de cibles thérapeutiques comme HER2 sur les CTC même en cas
de tumeur primitive HER2 négative justifie la réalisation d’essais
thérapeutiques en situation précoce ou avancée. L’intérêt de l’ADN
tumoral circulant par rapport à l’utilisation des CTC doit faire l’objet
d’évaluations prospectives, en particulier pour le suivi de la maladie
métastatique, comme “biopsie liquide”.
Mots-clés : Cellules tumorales circulantes – Cancer du sein.
L
a dissémination métastatique, responsable de la
plupart des décès rapportés au cancer du sein,
est un processus complexe et encore mal compris. Chez les patientes non métastatiques (M0), les
décisions de traitement adjuvant sont actuellement
prises en fonction de facteurs pronostiques obtenus
par l’analyse de la tumeur primitive. La chimiothérapie
adjuvante, qui cible les potentielles cellules cancéreuses
déjà disséminées, est ainsi délivrée sans connaissance
du réel statut de dissémination micrométastatique de
chaque patient (1). Grâce aux innovations techniques
constantes, des méthodes de détection ont été récemment mises au point et validées pour isoler les cellules
cancéreuses dans le sang (cellules tumorales circulantes
[CTC]) et dans la moelle osseuse (cellules tumorales
disséminées [DTC]).
Summary
RÉSUMÉ
» La détection de la maladie micrométastatique dans le cancer
Detection of micrometastatic disease in breast cancer has
been studied for many years, first by looking for disseminated
tumor cells (DTC) in the bone marrow and circulating tumor
cells (CTC) in the blood, then, more recently, for circulating
tumor DNA. The prognostic value of CTC by CellSearch ®
immunoselection method is demonstrated by several studies
and a meta-analysis at the metastatic stage. The clinical
data are less numerous in early stages, but also validate the
prognostic value. Treatment monitoring in advanced stage
by CTC is currently being studied in order to demonstrate
clinical utility. Detection of HER2 as therapeutic target on CTC,
even in HER2-negative primary tumor, justifies conducting
clinical trials in early or advanced disease. The contribution
of circulating tumor DNA relative to the use of CTC must be
evaluated in prospective studies, in particular for monitoring
metastatic disease, as a “liquid biopsy”.
Keywords: Circulating tumor cells – Breast cancer.
Schématiquement, les CTC correspondent à l’étape de
circulation des cellules cancéreuses après leur intravasation, alors que les DTC correspondent à l’étape qui suit
l’extravasation. Les CTC sont généralement détectées
dans le sang périphérique, où la concentration en cellules
cancéreuses est censée être homogène.
Les premières études sur la détection de la maladie micrométastatique ont porté sur la recherche des DTC dans la
moelle osseuse. Plusieurs études ont rapporté, au cours
des années 1990 et au début des années 2000, que la
détection des DTC basée sur des anticorps anticytokératine était associée, durant la chirurgie mammaire, à un
pronostic plus défavorable. La méta-analyse publiée par
S. Braun en 2005 concernant plus de 4 700 patientes a
confirmé cette observation et le fait que ce paramètre est
indépendant des autres facteurs pronostiques standard
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
1. Institut Curie, Paris,
France.
2. Université Paris­
Descartes, Paris, France.
3. Memorial Sloan­
Kettering Cancer Center,
New York, États­Unis.
181
Cellules tumorales
et ADN libre circulant
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thématique
du cancer du sein, en particulier le statut ganglionnaire (2).
Cependant, malgré le niveau I de preuve sur la validité
clinique des DTC, elles ne sont toujours pas utilisées en
clinique de routine, probablement parce que la procédure n’est pas standardisée, qu’elle est lourde et que la
ponction osseuse n’est pas facilement acceptée par les
patients. À noter que, depuis 2010, la classification TNM
du cancer du sein intègre un nouveau niveau M, “cM0i+”,
qui correspond aux patientes qui présentent un cancer du
sein non métastatique, mais chez qui des cellules tumorales sont détectées dans la moelle osseuse (ou le sang).
Détection des CTC dans le cancer du sein
La détection des CTC dans le sang peut être réalisée par
de nombreuses techniques, qui utilisent des moyens
d’enrichissement, de détection et de caractérisation
moléculaire hétérogènes. La plus grande simplicité des
prélèvements sanguins pour les patients a suscité un
grand enthousiasme des cliniciens pour cette approche
de la détection de la maladie micrométastatique. Les
2 principaux obstacles à la détection des CTC sont, d’une
part, la rareté de ces cellules (généralement moins de
1 cellule par millilitre de sang) et, d’autre part, l’absence
de marqueur moléculaire spécifique de l’origine tumorale des cellules détectées. Il est important de noter
que les résultats obtenus avec une technique ne sont
souvent pas extrapolables à d’autres techniques. Les
techniques de détection les plus anciennes reposent
sur la détection d’ARNm de gènes épithéliaux (cytokératines, mammaglobine, MUC1, etc.) dans le sang.
Ces techniques ont connu un grand essor dans les
années 1990, après la mise au point des techniques
de RT-qPCR (3). La sensibilité de ces techniques semble
bonne, mais s’accompagne malheureusement d’une
spécificité suboptimale, du fait de la présence de transcrits illégitimes dans les leucocytes, tout particulièrement chez les patients cancéreux (4).
Les techniques de détection cytologiques reposent
sur un enrichissement préalable des CTC. Deux types
d’enrichissement existent, qui utilisent soit l’expression d’antigènes membranaires, que ce soit sur les
CTC (enrichissement positif des CTC par anticorps
anti-MUC1, EpCAM, HER2, etc.) ou sur les leucocytes
(enrichissement positif des CTC par déplétion des leucocytes CD45+), soit les propriétés physiques des CTC
(taille plus importante que les leucocytes, charge membranaire, etc.) [5]. Les cellules isolées après enrichissement sont marquées par un ou plusieurs anticorps
reconnaissant des protéines épithéliales (cytokératines, mammaglobine, MUC1, etc.), avec généralement un comarquage nucléaire (DAPI, par exemple).
Actuellement, les 2 principales techniques utilisées
sont : la technique CellSearch® (Janssen Diagnostics)
et la technique de filtre ISET® (RareCell) [6]. La technique CellSearch® est une technique semi-automatisée
commercialisée depuis une dizaine d’années, qui utilise un enrichissement par EpCAM puis un marquage
en fluorescence par DAPI et cytokératines, et permet
d’analyser les prélèvements sanguins de manière centralisée dans les 4 jours suivant la prise de sang. Il faut
noter que, en principe, les CTC n’exprimant pas ou peu
EpCAM ne seront pas ou peu détectées par cette technique. Du fait de sa facilité d’utilisation dans le cadre
des essais cliniques, elle a permis l’étude d’importantes
cohortes de patientes, et est à l’origine de la quasi-totalité des données cliniques disponibles dans le cancer
du sein localisé et métastatique.
Validité clinique des CTC
dans le cancer du sein métastatique
La validité clinique de la quantification des CTC a
été elle aussi largement prouvée au travers de différentes études cliniques faites depuis 2004 avec
le système CellSearch® (7-13) [tableau]. Une méta-
Tableau. Corrélation entre détection des CTC, variations des CTC sous traitement et survie globale et sans progression.
Référence
Année
n
Taux initial et survie
sans progression
Taux initial et survie
globale
Cristofanilli (7)
2004
177
Oui
Oui
Nolé (8)
2008
80
Oui
Oui
III
Liu (9)
2009
74
Oui
Oui
III (II ?)
Nakamura (10)
2010
107
Bidard (13)
2010
67
Oui
Pierga (12)
2012
267
Oui
Oui
Müller (11)
2012
221
Non
Oui
182
Changements et survie Changements
sans progression
et survie globale
Oui
Oui
Oui
Niveau
de preuve (LOE)
III
III – II
Non
Oui
III
Oui
I
II
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
Applications cliniques des cellules tumorales circulantes en cancérologie mammaire
ana lyse des essais européens a été rapportée au
congrès de l’ECCO-ESMO en 2013 ; elle portait sur
près de 2 000 patientes. Avec le seuil établi en situation métastatique (≥ 5 CTC/7,5 ml), le décompte des
CTC permet de définir une population à risque de
progression et de décès précoce (14). De plus, les changements en cours de traitement, après seulement
1 cycle de chimiothérapie, sont associés à la survie
des patientes, ouvrant la perspective d’un emploi en
tant que marqueur sanguin précoce de la réponse au
traitement (figure 1) [12]. À noter que la méta-analyse
a aussi démontré la supériorité, en termes de validité clinique, du compte de CTC et de ses variations
par rapport aux marqueurs sériques habituellement
utilisés, l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) et le
CA15-3. La caractérisation moléculaire des cibles
thérapeutiques exprimées par les CTC a permis, par
ailleurs, de décrire une importante hétérogénéité
moléculaire (génomique, protéomique) entre CTC,
ce qui ne rend pas évidente une utilisation clinique.
Utilité clinique dans le cancer
du sein métastatique
Plusieurs essais cliniques sont en cours pour tenter de
démontrer l’utilité clinique des CTC, et donc permettre
Survie sans progression
(%)
100
C1 < 5/C2 < 5
C1 ≥ 5/C2 < 5
C1 ≥ 5/C2 ≥ 5
80
leur passage en clinique (15). L’utilité clinique de la
valeur pronostique avant traitement est testée par une
étude de phase III française, STIC CTC (NCT01710605),
qui inclut des patientes présentant un cancer du sein
hormonodépendant, HER2 négatif, en rechute métastatique. Les patientes reçoivent un traitement de
première ligne (chimiothérapie ou hormonothérapie)
soit selon le choix du clinicien (bras standard), soit
selon le niveau de CTC (bras CTC).
Les changements précoces des CTC en cours de traitement font l’objet de 2 essais de phase III (15). L’essai
américain SWOG 0500 (NCT00382018) compare la
prise en charge standard à une prise en charge intégrant les changements des CTC en première ligne
métastatique. Les résultats seront communiqués
au prochain congrès de San Antonio en décembre
2013, mais cet essai risque de manquer de puissance
(seules 120 patientes ont été randomisées) pour
montrer une différence en survie globale. L’essai de
phase III français CirCe 01 (NCT01349842) repose
sur un principe globalement similaire, mais se situe
en troisième ligne de chimiothérapie. Le but est
d’arrêter plus tôt une chimiothérapie inefficace, soit
pour tester plus rapidement un nouveau traitement,
soit pour permettre une prise en charge purement
symptomatique plus précoce pour améliorer la qualité de vie.
80
60
60
40
40
20
20
0
0
3
6
9 12 15 18 21 24 27 30
Mois
Patients à risque (n)
109 96 90 67 44 31 17
56 50 40 23 14 5 3
34 25 21 10 4 1 0
7
0
0
4
0
0
3
0
0
0
0
0
Survie globale
(%)
100
0
0
3
6
9 12 15 18 21 24 27 30
Mois
Patients à risque (n)
106 105 100 89 63 46 32 16 13 6
55 53 51 40 27 14 9 5 3 1
33 29 25 18 10 7 4 2 2 0
p < 0,0001
3
0
0
p < 0,0001
Figure 1. Valeur pronostique de la variation précoce du taux des CTC en cours de traitement à la phase métastatique (courbe
violette) [12].
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thématique
Survie sans progression
100
Survie globale
100
94,2 %
90
97,3 %
90
87,9 %
80
70
93,2 %
80
p = 0,0002
70
p < 0,0001
60
60
50
50
0
12
24
36
Mois
≥ 1 CTC+ (n = 436)
CTC = 0 (n = 1 589)
CTC+
Récidives
41/436
Taux de survie moyen 38,6 mois
CTC–
72/1 589
41,5 mois
48
0
12
24
36
Mois
≥ 1 CTC+ (n = 436)
CTC = 0 (n = 1 589)
Récidives
CTC+
23/436
48
CTC–
33/1 589
Suivi médian de 36 mois
Figure 2. Valeur pronostique des CTC en situation adjuvante dans l’essai allemand SUCCESS (20).
Validité clinique dans le cancer
du sein localisé
Taux de détection des DTC > 0
Taux de détection des CTC > 0
Taux de détection (%)
80
70 %
60 %
60
40
35 %
24 %
22 %
20 %
20
t
an
jd uv
M1
M0
M0
a
t
an
jd uv
a
éo
n
M0
ad
éo
n
M0
m
fla
t in
an
v
ju
re
toi
a
m
M1
0
Figure 3. Taux de détection des DTC dans la moelle par des anticorps anticytokératine en situation
adjuvante (2) ou métastatique (30).
Taux de détection des CTC en situation adjuvante (20-22), néoadjuvante (17, 18), inflammatoire (19) et métastatique (7, 12).
184
Les données ont été très majoritairement obtenues avec
le système CellSearch®. En situation néoadjuvante, l’essai
français REMAGUS02 est, pour l’instant, le seul à avoir
rapporté ses données de survie, qui montrent une valeur
pronostique forte et indépendante pour la survie globale
de la détection des CTC, avec un seuil d’une seule CTC
détectée, sur une série de 118 patientes (16). Un autre
essai clinique, GeparQuattro, dans le cancer du sein non
métastatique traité par chimiothérapie néoadjuvante,
retrouve un taux de détection remarquablement similaire,
de l’ordre de 20 à 22 % (17, 18), confirmant la reproductibilité du système CellSearch®. Une étude sur 50 patientes
recevant une chimiothérapie néoadjuvante pour un cancer du sein inflammatoire HER2+ a rapporté un taux de
détection de 35 % des CTC et l’absence de corrélation avec
la réponse histologique au traitement néoadjuvant (19).
En situation adjuvante, l’étude allemande SUCCESS a rapporté, elle aussi, une valeur pronostique indépendante,
sur plus de 2 000 patientes, de la détection des CTC (seuil
de 1 CTC/7,5 ml de sang) pour la survie sans rechute et
la survie globale (figure 2) [20]. Une série américaine
d’environ 300 patientes (21) et une série hollandaise de
plus de 400 patientes confirment également la valeur
pronostique péjorative (22). L’ensemble des incidences de
détection des CTC et des DTC est résumé dans la figure 3.
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Applications cliniques des cellules tumorales circulantes en cancérologie mammaire
Les résultats d’une méta-analyse portant sur plusieurs
milliers de patientes seront rapportés au congrès de
San Antonio en décembre 2013 et devraient confirmer
ces données (Bidard F.C. et al.). Celles-ci s’inscrivent
dans le cadre plus global de la détection de la maladie micrométastatique et ouvrent la voie à des essais
adjuvants, néoadjuvants et postnéoadjuvants ciblant
cette catégorie de patientes à fort risque métastatique.
Il faut bien sûr rappeler qu’il n’existe actuellement, hors
protocoles de recherche, aucune raison de fonder une
décision d’escalade ou de désescalade thérapeutique
adjuvante en fonction de la présence de CTC ou de
DTC. La persistance des CTC en situation adjuvante,
compte tenu de leur demi-vie courte, pose la question
de la provenance de ces CTC. Il est très probable que
la moelle osseuse puisse jouer un rôle de réservoir.
L’implication d’autres organes que la moelle osseuse
(foie, poumons, etc.) reste très plausible, mais n’a pas
été clairement démontrée. Des données précliniques
sur l’auto-ensemencement des cellules tumorales ont
été publiées par le laboratoire de J. Massagué (23), et
suggèrent que la dissémination tumorale ne se réalise
pas que sur un mode unidirectionnel (de la tumeur
primitive vers les [micro-]métastases), mais qu’il existe
une circulation multidirectionnelle des cellules entre
tumeur primitive, métastases et compartiments (sang,
moelle, etc.) considérés comme indemnes ; cette recirculation jouerait un rôle important dans la croissance
de la tumeur primitive mais aussi des métastases. Dans
le cas du cancer du sein, cette recirculation pourrait
expliquer notamment pourquoi les DTC sont associées
à un risque relatif augmenté de rechute métastatique
à distance (extramédullaire) mais aussi de rechute
locale (24).
Biopsie liquide
L’étude du phénotype et du génotype des CTC fait
l’objet de nombreuses tentatives pour mieux caractériser ces cellules. Ainsi, la démonstration du fait que
la surexpression d’HER2 à la surface des CTC pouvait
être dissociée du statut de la tumeur primitive et plus
fréquente pourrait avoir un intérêt thérapeutique (25).
Plusieurs études portent sur l’utilisation de traitements
ciblés anti-HER2 seuls ou associés à la chimiothérapie
en cas de détection de CTC HER2 positives (15). Ainsi,
2 essais s’intéressent aux patientes ayant un cancer
du sein métastatique considéré comme HER2 négatif, mais qui présentent des CTC HER2 positives. Ces
patientes seront traitées soit de manière randomisée
par chimiothérapie avec ou sans lapatinib dans l’étude
de phase III allemande DETECT III (NCT01619111), soit
par T-DM1 (trastuzumab-emtansine) dans l’étude de
phase II française CirCe T-DM1 (1, 15). De plus, l’EORTC
a commencé cette année un essai interventionnel
(TREAT-CTC) visant à administrer 3 mois de trastuzumab en complément du traitement adjuvant de cancers cM0(i+) sans amplification d’HER2 sur la tumeur
primitive mais dont les CTC exprimeraient la protéine
HER2, quel que soit le niveau d’expression. Cela se
fonde sur l’idée que le trastuzumab pourrait inhiber
la migration cellulaire dans laquelle la protéine HER2
joue un rôle, même en l’absence de surexpression, ce
qui expliquerait les données de Paik sur l’efficacité du
trastuzumab en situation adjuvante chez des patientes
HER2 négatives (26).
La transition épithélio-mésenchymateuse (TEM),
qui semble impliquée dans la migration cellulaire,
serait une cause de perte d’expression sur les CTC
des marqueurs épithéliaux et de l’absence de détection des CTC. L’équipe de Haber, à Boston, a montré
récemment qu’il était possible d’étudier le phénotype épithélial ou mésenchymateux des CTC avec
une nouvelle technique de détection. Elle a montré
que le phénotype mésenchymateux des CTC était
plus souvent associé aux tumeurs primitives triplenégatives et que, au cours de l’évolution sous chimiothérapie, les CTC avaient plus souvent un phénotype
mésenchymateux en phase de progression et plutôt
luminal, donc bien différencié, en phase de réponse
thérapeutique (27).
L’intérêt du suivi des CTC dans le cancer du sein métastatique a été également remis en question par une
comparaison avec l’analyse de l’ADN tumoral circulant (28) par une équipe de Cambridge. Ils ont montré
que, sur un petit groupe de 30 patientes, les variations
du taux d’ADN tumoral semblaient mieux corrélées
à la réponse thérapeutique ou à la progression que
les taux de CTC, et que l’ADN tumoral circulant était
plus souvent détectable que les CTC. Cependant, une
mutation spécifique de l’ADN tumoral circulant utilisable pour le suivi n’a été identifiée que chez 30 des
52 patientes initialement incluses. De plus, en dehors
des cas où les mutations les plus fréquentes dans le
cancer du sein, comme celles de P53 ou des PI3KCA,
étaient présentes, un séquençage de la totalité du
génome de la tumeur était nécessaire pour permettre
d’identifier un marqueur de suivi pour une patiente
donnée, ce qui est encore loin d’être envisageable en
routine. Le suivi de l’ADN tumoral circulant en cours
de traitement pourrait permettre de voir apparaître
de nouvelles mutations potentiellement associées à
l’apparition de résistances au traitement (29).
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
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Cellules tumorales
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Conclusion
Les auteurs déclarent
avoir des liens d’intérêts
avec Roche
et Janssen Diagnostics.
Le développement clinique des CTC dans le cancer
du sein est un exemple de développement de biomarqueur (première cohorte de patientes publiée en
2004), notamment parce qu’il n’a pas été développé
en “compagnon” d’une thérapeutique nouvelle. Si la
robustesse de la technique CellSearch® a permis de
produire un corpus important de connaissances, il
faudra probablement attendre plusieurs années les
résultats des essais cliniques en cours. L’ensemble de
ces essais devrait permettre de mieux comprendre
dans quelle situation – et pour quel surcoût – la détection de CTC pourrait être utile en clinique et justifier
une prise en charge par les systèmes de santé. L’analyse
des CTC permettrait également une caractérisation de
la maladie métastatique au moyen d’une prise de sang,
mais la pertinence du ciblage thérapeutique des CTC
doit être validée par les essais en cours portant, par
exemple, sur HER2. Enfin, l’apport de l’ADN tumoral circulant dans le suivi de la maladie métastatique semble
prometteur, mais sera probablement seulement complémentaire des CTC, selon les caractéristiques de la
tumeur et la situation clinique.
■
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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013
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