L Infection à HPV : comment informer les patientes ? D

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D ossier
Infection à HPV : comment informer les patientes ?
HPV infection: how to inform the patients?
» J.-L. Mergui *
L
a vague de publicités et d’informations des médias grand
public annonçant : “Cancer du col et papillomavirus : un
cancer sexuellement transmissible”, récemment mise en
place à travers des journaux féminins, des émissions télévisées
ou radiophoniques, à l’occasion du développement et bientôt
de la mise sur le marché du vaccin anti-HPV et, par ailleurs,
l’utilisation des tests de dépistage du virus par les techniques
de biologie moléculaire ne manqueraient pas d’inquiéter la
plus sereine des patientes.
Bien entendu, les patientes s’interrogent via des sites Internet
d’informations médicales, à la lecture superficielle d’articles
scientifiques traitant de l’HPV et des précurseurs du cancer du
col, lesquels pourraient laisser penser que le cancer du col serait
une maladie uniquement liée à la transmission d’un virus : le
papillomavirus (HPV). D’autant que depuis la mise en place des
tests d’identification du génome viral, il est question aujourd’hui
d’HPV potentiellement oncogène dont la présence, sur un prélèvement, peut jeter le désarroi à la fois chez la patiente, dans
son couple, voire chez le médecin traitant lui-même.
Il convient donc aujourd’hui de tenter d’unifier notre discours
vis-à-vis des patientes pour ce qui concerne le dépistage et la
prévention du cancer du col.
Cette information est d’autant plus difficile à unifier que, à la
disposition de la patiente, de multiples sources d’information
existent : son médecin traitant, son gynécologue, le laboratoire de cytopathologie (pour ce qui est du discours médical) en
concurrence avec les sources non médicales : les sites Internet,
les amis, les parents puis évidemment la presse grand public et,
particulièrement, la presse féminine.
Il est également nécessaire de fournir une information cohérente
tant à la patiente qu’à son entourage lorsque ce dernier est présent lors de la consultation, notamment le conjoint pour lequel
le caractère sexuellement transmissible de l’affection n’est pas
sans laisser de traces, voire de séquelles psychologiques.
Comment annoncer la nature des lésions ?
LES PRÉCURSEURS DU CANCER DU COL
La mise en route d’une information concernant le dépistage et la
prévention du cancer du col commence lors du premier résultat
de frottis atypique. Rappelons à ce propos qu’il est indispensable de réduire le délai de la consultation entre le prélèvement
* Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction, hôpital Tenon, 4, rue de
la Chine, 75020 Paris.
La Lettre du Gynécologue - n° 317 - décembre 2006
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du frottis, la réception du résultat et la transmission de celui-ci
à la patiente. Ce délai au cours duquel la patiente est informée
de son résultat (mais n’a pas eu l’examen permettant d’identifier
les lésions responsables) est une première source d’angoisse. Ces
résultats doivent être transmis, si possible par courrier (avec
une notice explicative, sur la colposcopie par exemple). Il est
d’autre part indispensable de demander aux laboratoires de
cytologie et d’histologie d’unifier leur terminologie en utilisant
la classification dite de Bethesda.
Il n’est évidemment pas question d’envisager une information
similaire pour les lésions dites de bas grade, ou de haut grade
(CIN 2 et CIN 3), pour les cancers micro-invasifs, voire les
cancers invasifs du col utérin.
Les premières lésions (dites de bas grade : CIN1 ou lésions
condylomateuses pures) peuvent être considérées comme
infectieuses ; leur régression spontanée est le plus souvent
l’évolution naturelle, surtout chez les femmes très jeunes, de
moins de 25 ans (80 % de régressions en 24 mois), mais elles
font planer le spectre du cancer pour lequel il faut rapidement
dédramatiser la situation.
En ce qui concerne les lésions de haut grade, il est indispensable
d’insister :
– sur la lenteur de l’évolution – il n’existe jamais d’urgence à
traiter ;
– sur les conséquences du traitement, notamment en matière
de fertilité et du devenir obstétrical ;
– enfin, dès le bilan initial, il faut insister d’une part sur la guérison quasi complète des lésions, d’autre part sur la nécessité d’une
surveillance prolongée, seul garant d’une sécurité absolue.
L’évolution d’un CIN 1 vers une lésion invasive du col est exceptionnelle, inférieure à 1 %, mais nécessite une surveillance particulière.
LES CAUSES DES PRÉCURSEURS DU CANCER DU COL
Une fois les résultats annoncés et les lésions identifiées grâce
à la colposcopie et aux biopsies dirigées, la première question
posée par les patientes est : “À quoi sont dus ces précurseurs
du cancer du col ?”
La réponse est le plus souvent trop directe, car l’infection à HPV,
bien que nécessaire, n’est pas suffisante au développement d’un
cancer invasif du col utérin.
Il convient dès lors d’expliquer aux patientes la nécessité de la
présence d’un virus HPV dont certains groupes sont à haut risque
de développement d’une lésion précurseur d’un cancer du col.
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La transmission de ce virus a lieu par voie sexuelle, certes, mais
75 % des patientes le rencontrent entre 18 et 25 ans, d’où la haute
prévalence des lésions de bas grade dans cette tranche d’âge avec
une clairance du virus de l’ordre de 80 % après 24 mois chez un
sujet immunocompétent.
Il est donc important d’insister sur le décalage entre la transmission sexuelle qui a lieu le plus souvent au début de l’activité
sexuelle et le développement d’un précurseur, qui demande
plusieurs années au cours desquelles la persistance d’une activité
sexuelle n’a plus rien à voir avec le développement de la lésion
dysplasique cervicale.
Il n’est absolument pas nécessaire, tant en matière de récurrence
qu’en matière d’évolutivité, d’envisager un examen du partenaire
actuel, car le dépistage par une péniscopie ne change rien, ni
à l’évolution naturelle des lésions chez la femme, ni au risque
de récidive. Il n’est pas non plus nécessaire d’envisager de rapports protégés car la mise en place de préservatif ne protège
pas complètement du risque de transmission du virus HPV,
notamment pour les virus à haut risque, et ne change rien à
l’histoire naturelle des lésions cervicales.
L’annonce des résultats doit être associée à des explications complètes sur la surveillance à long terme, la nécessité d’une stratégie
thérapeutique ou de surveillance, d’ailleurs essentiellement de
surveillance dans les lésions de bas grade. Rappelons la nécessité
d’expliquer l’absence de conséquences sérieuses du traitement sur
la sexualité, la fertilité ou l’avenir obstétrical. Enfin, il est important
de prendre en charge les conséquences psychologiques de notre
discours, surtout depuis la mise en place des tests HPV pratiqués
dans le triage des anomalies mineures du frottis.
La présence d’un virus HPV à haut risque peut donner à la
patiente une inquiétude quant à son avenir gynécologique, mais
également sur sa sexualité personnelle. En effet, la présence
d’un virus à haut risque, surtout non traité (dans les stratégies
de surveillance), donne une impression de portage chronique
d’un virus dangereux pour lequel il pourrait y avoir un sentiment de “souillure”, de punition d’une activité sexuelle passée,
mais également jeter le discrédit sur le partenaire actuel ou au
contraire inhiber pour les partenaires futurs chez les patientes
ayant peur de transmettre un virus oncogène.
Il est donc indispensable d’expliquer le rôle de la fréquence de
transmission du virus au début de l’activité sexuelle, portage du
virus puis action de l’immunité, comme pour toute infection
virale, seule l’immunité et probablement des facteurs de susceptibilité individuelle permettent d’aboutir à la clairance du virus
et ainsi à la disparition d’un portage persistant d’un HPV à haut
risque, d’où la nécessité d’une surveillance régulière et prolongée
en raison des variations possibles du statut immunitaire.
immunodéprimés, de façon iatrogène (greffes rénales, lupus,
corticothérapie) ou infectieuse (HIV).
En revanche, il n’existe aucune immunité croisée entre les différents types d’HPV. Il est donc possible d’avoir une réinfection
par un virus de type différent à des dates différentes de sa vie
sexuelle, d’où la nécessité d’une surveillance prolongée et régulière chez toute patiente ayant présenté une atypie cytologique
quelle qu’en soit la gravité.
QUELS SONT LES COFACTEURS
QUI PEUVENT FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT
D’UNE INFECTION À HPV
L’activité sexuelle et la multiplication du nombre de partenaires ainsi
que l’âge moins élevé aux premiers rapports sont autant de facteurs
liés à la possibilité de rencontrer le virus HPV (le nombre de partenaires et le statut immunitaire encore incompétent à un âge précoce
aux premiers rapports). Un autre cofacteur qui peut être exogène
et sur lequel il est possible d’avoir une action est la consommation
tabagique, responsable d’une altération des défenses immunitaires
à la fois locale et générale. Une infection à HPV est plus fréquente et
plus longue chez les patientes consommatrices de tabac qui est un
facteur de risque indépendant pour l’infection à HPV quel que soit
le nombre de partenaires et l’âge aux premiers rapports. Enfin, plus
récemment, la contraception orale semble augmenter le risque de
cancer du col chez les patientes HPV positif et ce, indépendamment
des autres facteurs de risque du cancer du col.
CONCLUSION
COMMENT GÉRER LES RÉCIDIVES ?
Il est extrêmement important de tenir compte de l’effet d’annonce
d’une infection à HPV comme d’un précurseur du cancer du col.
Les conséquences sur les patientes souvent très jeunes peuvent
être lourdes tant sur le plan de leur sexualité actuelle que sur
les conséquences de leur sexualité future.
Les inquiétudes qu’elles peuvent véhiculer sont susceptibles
d’être majorées par la mise en place récente des tests à HPV
chez des patientes mal informées et chez des médecins encore
très souvent mal formés sur la physiopathologie et l’histoire
naturelle des lésions à HPV. Les précurseurs du cancer du col
risquent d’accroître cette inquiétude et pousser à la fois les
médecins et les patientes vers des thérapeutiques chirurgicales
souvent lourdes de conséquences, surtout lorsqu’elles sont mal
adaptées et répétées (parfois sur la seule foi de tests à HPV
plusieurs fois positifs).
Il est indispensable que l’ensemble des gynécologues puisse
avoir une attitude à la fois cohérente et collective afin d’éviter
un discours souvent discordant dont la divergence est parfois
source d’affolement chez les patientes.
N
Les récidives ne sont pas toujours liées comme on vient de le
voir à une réinfection (mais parfois à la réactivation d’un virus
présent, mais en quantité trop faible pour être détectable), preuve
en est la haute prévalence de lésions à HPV chez les sujets
Pour en savoir plus, pour ceux qui seraient intéressés par une bibliographie
complète, vous pouvez consulter le cédérom édité par le Collège national de
gynécologie obstétrique français (CNGOF) où l’état actuel de l’information
peut être retrouvé.
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