
Dossier thématique
Dossier thématique
161
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007
La transmission de ce virus a lieu par voie sexuelle, certes, mais
75 % des patientes le rencontrent entre 18 et 25 ans, d’où la haute
prévalence des lésions de bas grade dans cette tranche d’âge avec
une clairance du virus de l’ordre de 80 % après 24 mois chez un
sujet immunocompétent.
Il est donc important d’insister sur le décalage entre la trans-
mission sexuelle qui a lieu le plus souvent au début de l’activité
sexuelle et le développement d’un précurseur, qui demande
plusieurs années au cours desquelles la persistance d’une activité
sexuelle n’a plus rien à voir avec le développement de la lésion
dysplasique cervicale.
Il n’est absolument pas nécessaire, tant en matière de récurrence
qu’en matière d’évolutivité, d’envisager un examen du partenaire
actuel, car le dépistage par une péniscopie ne change rien, ni à
l’évolution naturelle des lésions chez la femme, ni au risque de
récidive. Il n’est pas non plus nécessaire d’envisager de rapports
protégés car la mise en place de préservatif ne protège pas
complètement du risque de transmission du virus HPV, notam-
ment pour les virus à haut risque, et ne change rien à l’histoire
naturelle des lésions cervicales.
L’annonce des résultats doit être associée à des explications
complètes sur la surveillance à long terme, la nécessité d’une stra-
tégie thérapeutique ou de surveillance, d’ailleurs essentiellement de
surveillance dans les lésions de bas grade. Rappelons la nécessité
d’expliquer l’absence de conséquences sérieuses du traitement sur
la sexualité, la fertilité ou l’avenir obstétrical. Enfi n, il est important
de prendre en charge les conséquences psychologiques de notre
discours, surtout depuis la mise en place des tests HPV pratiqués
dans le triage des anomalies mineures du frottis.
La présence d’un virus HPV à haut risque peut donner à la
patiente une inquiétude quant à son avenir gynécologique, mais
également sur sa sexualité personnelle. En eff et, la présence
d’un virus à haut risque, surtout non traité (dans les stratégies
de surveillance), donne une impression de portage chronique
d’un virus dangereux pour lequel il pourrait y avoir un senti-
ment de “souillure”, de punition d’une activité sexuelle passée,
mais également jeter le discrédit sur le partenaire actuel ou au
contraire inhiber pour les partenaires futurs chez les patientes
ayant peur de transmettre un virus oncogène.
Il est donc indispensable d’expliquer le rôle de la fréquence de
transmission du virus au début de l’activité sexuelle, portage du
virus puis action de l’immunité, comme pour toute infection
virale, seule l’immunité et probablement des facteurs de suscep-
tibilité individuelle permettent d’aboutir à la clairance du virus
et ainsi à la disparition d’un portage persistant d’un HPV à haut
risque, d’où la nécessité d’une surveillance régulière et prolongée
en raison des variations possibles du statut immunitaire.
COMMENT GÉRER LES RÉCIDIVES ?
Les récidives ne sont pas toujours liées comme on vient de le
voir à une réinfection (mais parfois à la réactivation d’un virus
présent, mais en quantité trop faible pour être détectable), preuve
en est la haute prévalence de lésions à HPV chez les sujets
immunodéprimés, de façon iatrogène (greff es rénales, lupus,
corticothérapie) ou infectieuse (HIV).
En revanche, il n’existe aucune immunité croisée entre les diff é-
rents types d’HPV. Il est donc possible d’avoir une réinfection
par un virus de type diff érent à des dates diff érentes de sa vie
sexuelle, d’où la nécessité d’une surveillance prolongée et régu-
lière chez toute patiente ayant présenté une atypie cytologique
quelle qu’en soit la gravité.
QUELS SONT LES COFACTEURS
QUI PEUVENT FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT
D’UNE INFECTION À HPV
L’activité sexuelle et la multiplication du nombre de partenaires
ainsi que l’âge moins élevé aux premiers rapports sont autant de
facteurs liés à la possibilité de rencontrer le virus HPV (le nombre
de partenaires et le statut immunitaire encore incompétent à
un âge précoce aux premiers rapports). Un autre cofacteur qui
peut être exogène et sur lequel il est possible d’avoir une action
est la consommation tabagique, responsable d’une altération des
défenses immunitaires à la fois locale et générale. Une infec-
tion à HPV est plus fréquente et plus longue chez les patientes
consommatrices de tabac qui est un facteur de risque indépen-
dant pour l’infection à HPV quel que soit le nombre de parte-
naires et l’âge aux premiers rapports. Enfi n, plus récemment,
la contraception orale semble augmenter le risque de cancer
du col chez les patientes HPV positif et ce, indépendamment
des autres facteurs de risque du cancer du col.
CONCLUSION
Il est extrêmement important de tenir compte de l’eff et d’annonce
d’une infection à HPV comme d’un précurseur du cancer du col.
Les conséquences sur les patientes souvent très jeunes peuvent
être lourdes tant sur le plan de leur sexualité actuelle que sur
les conséquences de leur sexualité future.
Les inquiétudes qu’elles peuvent véhiculer sont susceptibles
d’être majorées par la mise en place récente des tests à HPV
chez des patientes mal informées et chez des médecins encore
très souvent mal formés sur la physiopathologie et l’histoire
naturelle des lésions à HPV. Les précurseurs du cancer du col
risquent d’accroître cette inquiétude et pousser à la fois les
médecins et les patientes vers des thérapeutiques chirurgicales
souvent lourdes de conséquences, surtout lorsqu’elles sont mal
adaptées et répétées (parfois sur la seule foi de tests à HPV
plusieurs fois positifs).
Il est indispensable que l’ensemble des gynécologues puisse
avoir une attitude à la fois cohérente et collective afi n d’éviter
un discours souvent discordant dont la divergence est parfois
source d’aff olement chez les patientes.
■
Pour en savoir plus, pour ceux qui seraient intéressés par une bibliographie complète,
vous pouvez consulter le cédérom édité par le Collège national de gynécologie obsté-
trique français (CNGOF) où l’état actuel de l’information peut être retrouvé.