164 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - no 5 - septembre-octobre 2013
Dengue : diagnosticclinique etbiologique etpriseencharge en France
MISE AU POINT
du virus et de dissémination locale secondaire (cas
autochtones) dans des pays tempérés où le vecteur
compétent, A. albopictus, est implanté, comme cela
a été décrit en Europe (Italie, France, Croatie), aux
États-Unis et en Australie (6, 11). L’évolution clinique
est généralement favorable, les formes graves étant
exceptionnelles chez les voyageurs (4-6, 12-14).
◆France
L’infection par le virus de la dengue présente des
profils épidémiologiques très variés selon le territoire
français considéré (10).
Départements ultramarins
➤Départements français d’Amérique
D’une situation de type endémo-épidémique, initia-
lement due à la circulation d’un seul sérotype, l’épi-
démiologie de la dengue dans la zone des Caraïbes
a évolué vers une situation hyperendémique avec,
désormais, une cocirculation de plusieurs sérotypes
viraux. Au cours des 10 dernières années, les Antilles
et la Guyane ont connu 5 épidémies importantes
(1997, 2001, 2005, 2007 et 2010), liées chacune à
la circulation de 1 ou 2 sérotypes prédominants. Ces
épidémies durent en général 4 à 6 mois et peuvent
toucher jusqu’à 10 % de la population (40 000 cas
estimés en Martinique en 2010) [10].
Océan Indien
Les virus de la dengue circulent de façon épisodique
dans les îles de la Réunion et de Mayotte. Des cas
autochtones ont été décrits ces dernières années à
la suite d’une épidémie aux Comores.
Pacifique
En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, la circulation
de la dengue se fait sur un mode endémoépidé-
mique : des épidémies surviennent environ tous les
5 ans, liées à l’introduction ou à la réintroduction
d’un seul sérotype, suivies de périodes interépidé-
miques de faible transmission.
Métropole
Le nombre de cas annuels importés de dengue varie
selon le contexte épidémiologique international
et le flux des voyageurs des zones endémiques.
Depuis 2004, le moustique vecteur A. albopictus
s’est implanté dans plusieurs départements médi-
terranéens, puis il a étendu son implantation vers
le nord et l’ouest. En mai 2013, il était implanté
dans 17 départements : Alpes-Maritimes, Alpes-
de-Haute-Provence, Var, Haute-Corse, Corse-du-
Sud, Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Gard, Hérault,
Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Lot-
et-Garonne, Drôme, Ardèche, Isère et Rhône. La
présence de ce moustique entraîne un risque de
dissémination de la dengue à partir de patients
infectés lors de séjours en zone de circulation virale,
et virémiques à leur retour dans ces départements,
comme cela a été constaté en septembre 2010 à
Nice, où les 2 premiers cas autochtones ont été
documentés (10, 14). Ce risque de dissémination
n’existe que pendant la période d’activité du vecteur
(après sortie de la diapause), c’est-à-dire entre le
1er mai et le 30 novembre de chaque année. Dans
le cadre du plan antidissémination, la surveillance
de la dengue repose sur 3 dispositifs complémen-
taires : la déclaration obligatoire (DO) depuis 2006,
un réseau de laboratoires et un dispositif de surveil-
lance renforcée régionale de mai à novembre dans les
départements où A. albopictus est implanté (8, 9).
Manifestations cliniques
La dengue est caractérisée par son polymorphisme
clinique et une évolution souvent imprévisible. Les
formes asymptomatiques (apyrétiques) ou pauci-
symptomatiques sont majoritaires (75 à 90 % des
cas) ; elles contrastent avec les rares formes graves,
voire létales (1, 3, 11).
Forme typique
Après une période d’incubation de 4 à 7 jours
(extrêmes : 2-14 jours) apparaît une fièvre brutale.
Cette fièvre élevée dure entre 2 et 6 jours et s’associe
à une asthénie intense et à une composante algique :
céphalées rétro-orbitaires, myalgies, arthralgies,
lombalgies. Un exanthème maculeux ou maculo-
papuleux, faciotronculaire, est présent dans la
moitié des cas. Volontiers purpurique aux membres
inférieurs, il peut être de localisation palmaire ou
palmoplantaire et prurigineux. Des signes digestifs
à type d’anorexie, nausées, vomissements, douleurs
abdominales et diarrhées peuvent être observés. Des
signes hémorragiques mineurs dont la valeur pronos-
tique est incertaine sont possibles : pétéchies (signe
du tourniquet), purpura, épistaxis, gingivorragies.
Le signe du tourniquet (apparition de pétéchies à la
suite de l’application d’un brassard à tension gonflé
autour du bras), pris en compte dans la classifica-
tion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),
témoigne d’une augmentation de la fragilité capillaire.
Il n’est ni sensible ni spécifique (15). La présence d’une
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