Une approche biopsychosociale au rétablissement sexuel après le traitement du cancer de la prostate : suggestions pour la pratique infirmière en oncologie par Lauren M. Walker, Andrea M. Beck, Amy J. Hampton et John W. Robinson Abrégé Au cours des dix dernières années, de nombreuses nouvelles études ont fait surface sur l’impact, sur les relations intimes, du dysfonctionnement érectile (DE) induit par le traitement du cancer de la prostate (CP). Malgré les importants progrès dans le traitement du DE—grâce aux inhibiteurs de phosphodiestérase, aux pompes à vide pour pénis et aux injections intracaverneuses—les patients et leurs partenaires continuent d’avoir des difficultés à maintenir une vie sexuelle gratifiante. Seuls la moitié des patients atteints d’un CP sont disposés à tenter un traitement contre le DE, et moins de la moitié des patients qui constatent des résultats positifs à la suite d’un tel traitement continuent de l’utiliser à long terme. Bien qu’il existe des stratégies efficaces qui s’enseignent aux patients pour surmonter les obstacles associés à l’application des traitements contre le DE, la plupart des patients, s’ils sont laissés à euxmêmes, se découragent et abandonnent rapidement. Les infirmières jouent un rôle important dans l’éducation et le counselling aux patients, tant en ce qui concerne leur préparation avant le traitement du CP qu’à l’étape du suivi. Elles sont donc bien placées pour promouvoir le rétablissement sexuel des patients atteints de CP et pour ainsi accroître le taux de réussite parmi les patients et leurs partenaires en matière de sexualité. Les infirmières sont formées pour dispenser des soins Au sujet des auteurs Lauren M. Walker, Ph.D., Faculté de médecine, Université de Calgary, Calgary, Alberta; Département des Ressources psychosociales, Tom Baker Cancer Centre, Calgary, Alberta Andrea M. Beck, Ph.D., R.Psych., Prostate Cancer Centre Calgary, Independent Contractor Amy J. Hampton, MA, Département de psychologie, Université de Regina, Regina, Saskatchewan John W. Robinson, R.Psych., Faculté de médecine, Université de Calgary, Calgary, Alberta; Département des Ressources psychosociales, Tom Baker Cancer Centre, Calgary, Alberta; Département de psychologie, Université de Calgary, Calgary, Alberta Auteure à qui adresser la correspondance : Lauren Walker, PhD, Department of Psychosocial Resources, Tom Baker Cancer Centre, 1339-29 St NW, Calgary, AB Tél. : 403-355-3214 264 CONJ • RCSIO Fall/Automne 2014 biopsychosociaux holistiques, une approche qui complète les traitements biomédicaux contre le DE et qui répond à un besoin bien réel. Dans un premier temps, nous offrons aux infirmières des suggestions qui visent à renforcer leur capacité de discuter, d’évaluer et d’intervenir dans le domaine des difficultés d’ordre sexuel. S’ensuivent des recommandations précises—basées sur la documentation scientifique sur le CP—visant à aider les infirmières à soutenir les patients qui reçoivent un traitement contre le DE. Nous offrons en outre des conseils sur des méthodes d’éducation des patients qui favorisent le développement d’attentes réalistes face aux traitements. Non seulement ces suggestions devraient-elles aider à améliorer l’adhésion aux traitements contre le DE, mais encore elles devraient aider les patients à réfléchir de façon plus globale au processus de rétablissement sexuel et à élaborer des objectifs de rétablissement au-delà de la simple restauration du fonctionnement érectile. La souplesse dans les pratiques sexuelles semble être importante pour la renégociation fructueuse du fonctionnement sexuel. Par conséquent, on devrait suggérer aux patients des stratégies sexuelles sans pénétration—qui ne requièrent donc pas d’érections—dans le cadre de la pratique clinique de routine. Outre les stratégies visant à surmonter les obstacles particuliers comme la perte de libido et de moral liée à l’échec du traitement, il convient d’offrir des recommandations concernant la communication de couple, la persistance dans le processus thérapeutique et le travail de deuil par rapport à la perte de fonctionnement sexuel. Mots clés : cancer de la prostate, dysfonctionnement érectile, adaptation sexuelle, counselling, éducation du patient Introduction Le traitement du cancer de la prostate (CP) entraîne souvent un déclin important du fonctionnement érectile (Barry, Gallagher, Skinner & Fowler, 2012; Johansson et al., 2011; Steinsvik et al., 2012; Stephenson et al., 2005). Les taux de dysfonctionnement érectile (DE) sont d’environ 90 % après la prostatectomie radicale (Barry et al., 2012) et de 71 % après une radiothérapie (Wiegner & King, 2010). De plus, la perte du fonctionnement érectile est souvent un des enjeux de survie au cancer les plus difficiles, car elle affecte les relations intimes et contribue au déclin de la qualité de vie pour les patients et leurs partenaires (Badr & Carmack-Taylor, 2009; Crowe & Costello, 2003; Le et al., 2010; Manne, Badr, Zaider, Nelson & Kissane, 2010; Penson, 2001). Malgré la prévalence élevée et les effets négatifs du DE, les patients indiquent souvent être mal préparés à composer avec le DE après leur traitement contre le CP et manifestent dans bien des cas un manque de connaissances au sujet de la santé sexuelle et des traitements contre le DE (Boberg et al., 2003; Letts, Tamlyn & Byers, 2010; Lintz et al., 2003; Rivers et al., 2011; Steginga et al., 2001; Stephenson et al., 2005; Wittmann, Montie, Hamstra, Sandler & Wood, 2009). Les approches actuelles de réadaptation sexuelle pour les patients atteints du CP sont généralement axées sur les facteurs biologiques liés au DE, et ne tiennent pas compte des facteurs psychosociaux. Elles mettent l’accent sur la réadaptation du pénis et sur l’utilisation de traitements visant à produire des érections (Althof & Needle, 2007; Montorsi et al., 2010; Nelson, Scardino, Eastham & Mulhall, doi:10.5737/1181912x244264271 2013; Schover et al., 2002). Cette orientation purement biologique se doit sans doute à la nature biomédicale des options de traitement : inhibiteurs de la phosphodiestérase, injections intracaverneuses, pompes à vide pour le pénis et implants péniens (Kirby et al., 2014; Montorsi et al., 2010). Lorsque le rétablissement sexuel est trop axé sur les stratégies biomédicales, les taux de satisfaction et d’adhésion aux traitements contre le DE ont tendance à être faibles (Althof, 2002; Gray et al., 2002; McCarthy & Fucito, 2005; Stephenson et al., 2005). On estime qu’entre 50 et 73 % des patients cessent d’utiliser ces traitements, malgré le fait que ces mêmes patients indiquent que ces traitements améliorent leur capacité érectile (Althof, 2002; Bergman, Gore, Penson, Kwan & Litwin, 2009; Matthew et al., 2005; Salonia et al., 2008; Schover et al., 2004). L’écart entre l’efficacité des traitements contre le DE et le taux d’utilisation à long terme semble indiquer que la réponse érectile physiologique n’est pas un indicateur suffisant de la réussite du traitement contre le DE. Les interventions de réadaptation sexuelle les plus efficaces en oncologie empruntent une approche multidisciplinaire et insistent sur une interaction dynamique entre les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux (Sadovsky et al., 2010; Schover et al., 2014). Cette approche biopsychosociale au rétablissement sexuel offre un contexte plus complet pour les difficultés sexuelles et permet ainsi de mieux les cerner, évaluer et traiter (Berry & Berry, 2013). Une telle approche favorise tout particulièrement l’évaluation des obstacles aux traitements et offre de multiples points de vue en matière d’intervention (Wittmann, Foley & Balon, 2011). Il existe de nombreux obstacles psychosociaux complexes à l’utilisation fructueuse des traitements contre le DE, dont les suivants : 1) la quantité de temps que les couples laissent s’écouler avant de chercher un traitement; 2) les attitudes du patient et de son/sa partenaire, les attentes et le degré de préparation face aux protocoles de traitement; 3) la signification du recours à une intervention médicale pour restaurer l’activité sexuelle, la qualité de la relation de couple en dehors du contexte sexuel; 4) la présence de dysfonctionnement sexuel chez le/ la partenaire; 5) le manque de désir sexuel chez le patient ou son/sa partenaire; et 6) le manque d’occasions sexuelles (Althof, 2002; Fisher, Eardley, McCabe & Sand, 2009; Klotz, Mathers, Klotz & Sommer, 2005; Shindel, Quayle, Yan, Husain & Naughton, 2005; Wittmann, Foley, & Balon, 2011; Wittmann et al., 2014). De plus, seuls 50 % des patients sont disposés à tenter un traitement contre le DE après un traitement contre le CP (Bergman et al., 2009; Schover et al., 2002). On sait que certains patients choisissent de mettre fin à l’activité sexuelle plutôt que d’entreprendre un traitement contre le DE, bien qu’ils perçoivent souvent ce choix comme une perte. Certains choisissent de trouver de nouvelles façons—non sexuelles—de créer de l’intimité dans leur relation de couple, tandis que d’autres avaient déjà une vie sexuelle inactive avant d’amorcer leur traitement contre le CP. Cependant, une importante proportion de patients sont fermés aux traitements biomédicaux contre le DE ou ne s’y intéressent pas (Letts et al., 2010), mais souhaitent tout de même demeurer actifs sexuellement. De plus, les obstacles à l’utilisation des traitements contre le DE sont nombreux, ce qui révèle un besoin de compléter les interventions biomédicales contre le DE de séances de counselling afin de répondre aux besoins et préoccupations psychosociaux complexes qui font surface dans ce contexte. De plus, les patients devraient se voir offrir des options autres que les traitements axés exclusivement sur la restauration de la capacité érectile. Cependant, les consultations de suivi après un traitement contre le CP sont relativement brèves alors que les questions à aborder sont nombreuses (préoccupations d’ordre général, taux d’antigènes spécifiques prostatiques, évaluation des effets secondaires d’autres traitements comme les troubles intestinaux et/ou vésicaux et démarrage d’interventions contre ces effets secondaires). Il n’y a pas beaucoup de temps à accorder au counselling lié aux traitements contre le DE. Les patients sont donc rarement adéquatement préparés à l’utilisation fructueuse des traitements contre le DE (Davison, Matthew, Elliott, Breckon & Griffin, 2012; Wittmann et al., 2009). doi:10.5737/1181912x244264271 Les infirmières jouent un rôle de plus en plus important dans le counselling lié à la gestion des répercussions sexuelles des traitements contre le cancer (Julien, Thom & Kline, 2010; Kotronoulas, Papdopoulou & Patiraki, 2009; Mick, 2007). La charge de travail des médecins étant sans cesse à la hausse, ils comptent réellement sur les infirmières pour tout ce qui concerne l’éducation et le counselling aux patients. De plus, les infirmières sont bien placées pour compléter l’orientation souvent excessivement biomédicale des traitements de rétablissement érectile et peuvent ainsi accorder une attention particulière aux besoins psychosociaux des patients atteints du CP— et de leurs partenaires—qui reçoivent un traitement contre le DE. Bien que la plupart des infirmières semblent théoriquement disposées à aborder les besoins de santé sexuelle des patients, un examen de la documentation sur les attitudes des infirmières en la matière révèle de nombreux obstacles (Kotronoulas et al., 2009). Ceux-ci comprennent : 1) Une formation inadéquate, ce qui implique souvent une base de connaissances ou d’expérience insuffisante; 2) Une faible confiance en soi, un sentiment d’embarras ou d’inconfort de la part des infirmières; 3) La perception, chez le patient, d’un sentiment d’embarras ou d’inconfort; 4) L’idée préconçue que les questions sur la sexualité constituent un envahissement de la vie privée du patient; 5) Des préoccupations ou de l’incertitude concernant les croyances culturelles ou religieuses des patients en matière de sexualité; et, 6) Le fait de supposer que les questions liées à la sexualité tombent sous la responsabilité d’autres membres de l’équipe de soins (Arrington, 2004; Bober & Sanchez Varela, 2012; Hordern, 2008; Katz, 2005; Kotronoulas et al., 2009). L’éducation continue est donc un outil important pour accroître les compétences et la confiance des infirmières face aux préoccupations de santé sexuelle parmi les patients en oncologie. Au Canada, on encourage les infirmières qui souhaitent suivre des formations spécialisées dans ce domaine à considérer les cours de santé sexuelle offerts par le Projet d’éducation à distance en oncologie psychosociale interprofessionnelle (http://www.capo.ca/ipode-project/) ou encore le Programme intensif de formation en thérapie sexuelle (Intensive Sex Therapy Training Program) offert chaque année à l’Université de Guelph (http://guelphsexualityconference.ca/). Les infirmières qui n’ont pas encore d’expérience de counselling dans le domaine de la sexualité peuvent commencer par l’approche en plusieurs étapes décrite par Kontronoulas et al. (2009). Ces auteurs proposent de commencer par une étude de la documentation scientifique, suivie de cours d’éducation médicale continue et de formations spécialisées. Ils suggèrent en outre aux infirmières de rechercher les occasions de consultation ou de mentorat et de participer à des interventions cliniques sous forme de séances successives brèves qui permettent aux infirmières de trouver d’autres ressources et renseignements entre les séances (Kotronoulas et al., 2009). Une bonne ressource pour amorcer ce genre d’étude personnelle est l’ensemble de lignes directrices de Sadovsky et al., (2010) spécialisées en intervention sexuelle auprès des patients atteints de cancer. Il peut être initialement difficile d’aborder les préoccupations sexuelles des patients. Il peut donc être bon pour les infirmières d’apprendre à amorcer des conversations sur la sexualité avec leurs patients. Dans leur article exhaustif, Bober et Sanchez Varela offrent des suggestions précises, y compris des exemples de questions qui peuvent être utilisées pour initier des conversations au sujet de la sexualité (Bober & Sanchez Varela, 2012). Mick (2007) offre une liste de dix stratégies qui visent à améliorer l’évaluation de la sexualité dans la pratique infirmière. En bref : s’éduquer en matière de sexualité; aborder l’inconfort personnel; faire de l’évaluation sexuelle une composante normale du processus d’évaluation globale; écouter de façon objective; éviter les suppositions; et fournir de l’information aux patients tout en encourageant ces derniers à poser des questions. Une autre ressource utile, tant pour les patients que pour les fournisseurs de soins, est le livret Sexualité et cancer de la Société canadienne du cancer (Société canadienne du cancer, 2012), qui contient de l’information et des CONJ • RCSIO Fall/Automne 2014 265 suggestions simples liées à des difficultés sexuelles courantes parmi les patients atteints de cancer. De plus, on devrait encourager les infirmières à se familiariser avec un de ces modèles utiles d’évaluation et de discussion autour des difficultés sexuelles (p. ex. ALARM, Anderson, 1990; PLISSIT, Annon, 1976; BETTER, Mick, Hughes & Cohen, 2007) et à commencer à effectuer de façon routinière des évaluations de la sexualité auprès de leurs patients. En plus de mener des évaluations de l’aspect sexuel dans le cadre des soins holistiques de routine, les infirmières peuvent contribuer à l’éducation et au counselling aux patients relativement aux défis bien documentés qui se présentent au cours du processus de rétablissement sexuel. Une foule d’études documentant l’impact psychosocial du DE sur les couples a fait surface au cours des dix dernières années. Cependant, le passage de la théorie à la pratique est un processus qui a tendance à être lent (Agency for Healthcare Research and Quality, 2001; Straus, Tetroe & Graham, 2009). Un des facteurs qui expliquent ce retard est le fait que les fournisseurs de soins ont besoin de temps pour s’informer des nouvelles études et pour évaluer de façon critique les résultats de la recherche primaire en vue de les appliquer dans leur contexte clinique (Straus, Tetroe & Graham, 2009). Nous offrons donc les recommandations suivantes (résumées dans le tableau 1), basées sur notre recension de la documentation scientifique et sur l’expérience de clinique et de recherche des auteures. Ces suggestions constituent un guide personnalisé qui vise à aider les infirmières à anticiper et aborder les défis particuliers qui peuvent faire surface pour les patients atteints de CP ou leurs partenaires au cours du processus de rétablissement sexuel. Commencer à préparer les couples au rétablissement sexuel avant le traitement contre le CP Le counselling lié aux traitements contre le DE et au rétablissement sexuel devrait commencer avant le traitement contre le CP (Althof & Needle, 2007; Schover et al., 2002). Cette approche rendra probablement les attentes plus réalistes. De plus, elle permet d’anticiper et d’aborder les enjeux et obstacles avant qu’ils ne surviennent. Les attentes avant le traitement étant trop optimistes (Wittmann, Chang et al., 2011), les patients sont mal préparés à composer avec les défis liés au traitement contre le DE qui les attendent. Par exemple, les patients supposent souvent que leurs érections reviendront d’elles-mêmes après un traitement contre le CP et que, en cas de DE, les traitements biomédicaux restaureront facilement leurs érections (Mulhall, Bella, Briganti, McCullouh & Brock, 2010). Il est donc important que les fournisseurs de soins aident les patients et leurs partenaires à développer des attentes positives mais réalistes en ce qui concerne le rétablissement sexuel (McCarthy & Fucito, 2005; McCarthy & Thestrup, 2009). Les patients devraient être informés des taux de rétablissement érectile (Salonia et al., 2012). Par exemple, environ 50 % de l’ensemble des patients qui subissent une prostatectomie mettent deux ans— et 25 % mettent plus de trois ans—à recouvrer une fonction érectile partielle (Rabbani et al., 2010; Tal, Alphs, Krebs, Nelson & Mulhall, 2009). Pour leur part, les hommes qui subissent une radiothérapie connaissent un déclin graduel du fonctionnement sexuel, qui semble se stabiliser environ trois ans après le traitement (Wiegner & King, 2010). Les patients devraient également être avisés que le chemin du rétablissement sexuel, avec ou sans traitements contre le DE, peut prendre des mois, voire des années, et peut nécessiter persistance et souplesse tout au long du processus (Beck, Robinson & Carlson, 2013). De plus, l’éducation et l’intervention devraient être fournies dans le contexte des couples. Selon la recherche, une approche dyadique mène à une utilisation plus efficace des traitements contre le DE, ainsi qu’à une meilleure acceptation de ces traitements (Carvalheira, Pereira, Maroco & Forjaz, 2012). L’attitude des partenaires joue un rôle important dans le fait d’aborder ou non les fournisseurs de soins au sujet du DE et a également une incidence élevée sur la persistance des patients en matière de recherche de traitements efficaces (Wittmann et al., 2014). Étant donné le fait que la priorisation des besoins sexuels 266 CONJ • RCSIO Fall/Automne 2014 des patients et de leurs partenaires favorise le rétablissement sexuel (Sadovsky et al., 2010), on devrait encourager les couples à contextualiser le processus de rétablissement sexuel en tant qu’expérience partagée nécessitant efforts mutuels et acceptation (Wittmann et al., 2014). Promouvoir la persistance dans le processus de rétablissement sexuel Les patients qui sont disposés à tenter plus d’un traitement contre le DE sont plus susceptibles d’en trouver un qui fonctionne (Schover et al., 2002). La plupart des patients ne réalisent pas que la recherche d’un traitement efficace ou d’une combinaison de traitements efficaces, est un processus qui exige des efforts soutenus (Beck, Robinson & Carlson, 2013). Il est donc normal que cette démarche par tâtonnement s’accompagne d’expériences de traitements qui ne produisent pas d’érections. Malheureusement, les « échecs » répétés peuvent rapidement démoraliser les couples et peuvent avoir un effet négatif cumulatif sur les attentes. Il convient donc d’aider les patients à s’attendre à des échecs et à réaliser que la persistance est essentielle au rétablissement (Beck, 2011; Beck, 2011; Beck, Robinson & Carlson, 2013). Le fait d’avoir des attentes réalistes par rapport au succès des traitements contre le DE et aux défis éventuels peut pallier le sentiment d’échec des patients lorsque les traitements contre le DE ne fonctionnent pas (Beck, 2011; Beck, Robinson & Carlson, 2013). Faciliter la communication au sein du couple La promotion de la communication et d’une responsabilité partagée et réciproque face au processus de rétablissement sexuel contribuera à renforcer le couple et à générer un sentiment de soutien (Badr & Carmack-Taylor, 2009; Ezer, Chachamovich & Chachamovich, 2011; Lambert et al., 2012; Li & Loke, 2013; Regan et al., 2014). De nombreux couples indiquent que la communication au sujet de l’activité sexuelle et des préférences sexuelles est un défi (Wittmann et al., 2014). Cependant, la communication sexuelle en couple est associée à un meilleur fonctionnement sexuel, tant pour les hommes que pour les femmes qui vivent avec le cancer (Perz, Ussher & Gilbert, 2014). La conversation ouverte et candide entre un patient (ou son/sa partenaire) et son infirmière peut offrir un excellent modèle pour les couples en ce qui concerne la communication au sujet de cet enjeu d’abord difficile. Les patients peuvent ainsi se baser sur le langage, la nature et les thèmes de ces conversations pour communiquer avec leurs partenaires. Nous recommandons en outre d’encourager les patients et leurs partenaires à tenir ces conversations au sujet de la sexualité en dehors de la chambre à coucher, et surtout pas dans un moment d’intimité sexuelle. Il se peut que le risque de vexation ou de mauvaise interprétation augmente dans un contexte d’espoirs élevés et d’émotions fortes. De plus, les couples ont tout à gagner s’ils se préparent ensemble à faire face aux difficultés sexuelles à mesure qu’elles se manifestent (Regan et al., 2014). La liste de questions au tableau 2 peut aider les couples à se préparer à l’adaptation de leurs pratiques sexuelles (Wassersug, Walker & Robinson, 2014, p. 107). Tableau 1 : Suggestions pour la promotion du rétablissement sexuel chez les patients atteints de CP •Commencer à préparer les couples au rétablissement sexuel avant le début du traitement contre le CP •Promouvoir la persistance dans le processus de rétablissement sexuel •Faciliter la communication au sein du couple •Encourager la souplesse et la renégociation des pratiques sexuelles •Aborder activement le deuil lié à la perte de fonctionnement sexuel •Encourager les couples à adapter le but de leurs activités sexuelles •Faciliter la résilience sexuelle en introduisant le modèle du sexe suffisamment bon •Encourager l’activité sexuelle même lorsqu’il n’y a pas de désir spontané doi:10.5737/1181912x244264271 Encourager la souplesse et la renégociation des pratiques sexuelles Bien que de nombreux patients soient initialement déterminés à maintenir leur activité sexuelle, peu d’entre eux apprécient réellement, avant le traitement, l’ampleur des ajustements que cela nécessitera (Boehmer & Babayan, 2004; Fergus, Gray & Fitch, 2002; Klaeson, Sandell & Bertero, 2012; Wittmann et al., 2009). Wittmann et ses collègues (2009) recommandent d’encourager les patients à redéfinir l’activité sexuelle de façon plus large, de manière à inclure des activités qui ne requièrent pas de pénétration. Étant donné que l’érection n’est pas nécessaire pour l’orgasme, on peut encourager les couples à explorer différentes activités sexuelles sans pénétration qui favorisent le plaisir. De telles stratégies peuvent inclure le massage sensuel sur la totalité du corps, la masturbation en présence du/de la partenaire, les attouchements génitaux, le sexe oral, le frottement intergénital et l’utilisation d’accessoires sexuels comme les vibrateurs ou godemichés. On peut également proposer aux couples des formes de coït qui ne nécessitent pas d’érection, grâce au godemiché à ceinture (un pénis prothétique attaché aux hanches de l’homme au moyen d’une ceinture). La pénétration devient ainsi possible, et le/la partenaire peut stimuler manuellement les organes génitaux de l’homme afin d’accroître le plaisir (Gray & Klotz, 2004). La combinaison du mouvement simultané des deux corps (poussées pelviennes, contact physique) et de la stimulation sexuelle peut mener à l’orgasme, et le plaisir est apparemment très semblable à celui qui accompagne la pénétration conventionnelle (Warkentin, Gray & Wassersug, 2006). Si les couples explorent ces stratégies, il convient de les aviser que la stimulation d’un pénis sans érection peut requérir un effort soutenu. L’utilisation d’un lubrifiant à base d’eau ou de silicone—en vente dans la plupart des supermarchés et pharmacies—aidera à éviter l’irritation de la peau. Hawkins et ses collaborateurs soutiennent que les fournisseurs de santé devraient encourager les patients atteints d’un cancer à expérimenter avec de nouvelles activités sexuelles d’une façon qui évite ou met au défi les « sentiments de culpabilité ou d’inadéquation » (2009, p. 8). Une infirmière qui discute ouvertement de ces options avec ses patients témoigne qu’il existe des options de rechange viables, acceptables et satisfaisantes qui ne requièrent pas d’érection. L’élargissement du répertoire sexuel de façon à inclure de nouvelles activités peut aider les couples à poursuivre une vie sexuelle épanouie et gratifiante, même en l’absence d’érections. Bien que de nombreux couples arrivent à terme à s’adonner au coït avec pénétration, l’expansion du répertoire d’activités sexuelles Tableau 2 : Questions visant à promouvoir la communication dans le couple au sujet de la renégociation sexuelle (Wassersug, Walker & Robinson, 2014, p. 107) Questions potentielles du patient pour son/sa partenaire : •Qu’est-ce qu’on devrait faire quand tu es excité(e) et pas moi? •Est-ce que ça va si je te donne un orgasme au moyen de caresses manuelles ou orales même si je n’ai plus d’érections complètes? •Que penses-tu de l’idée que j’utilise ou que j’explore des traitements contre le DE et/ou des accessoires sexuels? Questions potentielles du ou de la partenaire pour le patient : •Aimes-tu encore que je te touche même si tu n’atteins pas un niveau d’excitation élevé? •De quelles façons préfères-tu que je te touche à présent? Questions réciproques potentielles : •Es-tu à l’aise si seulement l’un de nous atteint l’orgasme? •Que penses-tu d’un scénario dans lequel nous nous touchons, caressons et serrons dans nos bras sans orgasme ou même tentative d’orgasme? •Que penses-tu de l’idée d’acheter et d’utiliser des accessoires sexuels? doi:10.5737/1181912x244264271 est associée à une satisfaction accrue et à une déception moindre lorsque les rencontres sexuelles ne mènent pas au coït et à l’orgasme (Beck, 2011; Reese, Keefe, Somers & Abernethy, 2010). Bon nombre de patients ont réussi à redéfinir leur vie sexuelle d’une façon qui accorde davantage de place au toucher, aux caresses et aux activités sexuelles sans pénétration, et moins d’importance à la pénétration et à l’orgasme (Barsky, Friedman & Rosen, 2006; Beck, 2011; Reese et al., 2010; Ussher, Perz, Gilbert, Wong & Hobbs, 2013; Walker & Robinson, 2011a). Cependant, le processus de renégociation sexuelle peut présenter des défis. On estime que seuls 15 % des couples arrivent réellement à renégocier leur sexualité par eux-mêmes (Gilbert et al., 2009). Il semblerait donc que la plupart des couples aient besoin d’aide en la matière. La communication est un des facteurs clés d’une renégociation fructueuse (Gilbert, Ussher & Hawkins, 2009; Reese et al., 2010). Les stratégies qui visent à améliorer la communication dans ce domaine peuvent donc s’avérer utiles (voir le tableau 1 pour des suggestions). Ce processus de redéfinition d’une activité qui, avant le DE, n’avait pas besoin d’être défini, exige des discussions de la part du couple, ainsi qu’une nouvelle définition consensuelle de l’intimité sexuelle. Les infirmières doivent aider les patients et leurs partenaires à redéfinir et élargir leurs pratiques sexuelles (en leur donnant plus d’options) afin de favoriser l’adaptation de leur vie sexuelle. Aborder activement le deuil lié à la perte de fonctionnement sexuel Tout changement dans l’activité sexuelle requiert une période d’adaptation. L’apprentissage d’un nouveau répertoire sexuel nécessite un effort. Les patients et leurs partenaires peuvent avoir du mal à s’adapter au changement, et bon nombre d’entre eux font état d’un sentiment écrasant de perte et de deuil (Gilbert et al., 2009; Walker & Robinson, 2011b; Wittmann, Foley, & Balon, 2011). Tant que les couples s’attendent à retrouver le même genre de relation sexuelle qu’ils avaient avant le traitement, ils sont susceptibles d’être déçus. Le désir de rétablissement de la même relation sexuelle est alimenté par la façon dont les médias présentent les traitements contre le DE. Nommément, ils laissent souvent croire aux couples qu’un certain traitement permettra aux hommes de fonctionner comme auparavant (Irvine, 2006). Mais en réalité, les patients sont confrontés à une importante perturbation de leur sentiment de masculinité (Fergus et al., 2002; Gannon, Guerro-Blanco, Patel & Abel, 2010). Selon de nombreux patients, une des causes principales d’abandon complet de la sexualité après le traitement est le fait qu’ils sont confrontés, chaque fois qu’ils s’adonnent à une activité sexuelle, à leur immense perte parce qu’ils n’ont pas retrouvé leur capacité d’avant (Beck, 2011; Fergus et al., 2002; Walker & Robinson, 2011b; Wittmann et al., 2014). Par voie de comparaison, certaines personnes qui ont subi une lésion de la moelle épinière refusent d’utiliser un fauteuil roulant parce qu’elles croient que cela fait d’eux des « invalides ». Cette attitude les empêche de retrouver une mobilité. Pourtant, en faisant le deuil de la perte de leurs jambes, et en embrassant l’utilisation du fauteuil roulant, ces personnes, bien qu’elles ne recouvrent pas le fonctionnement de leurs jambes, trouvent une nouvelle forme de mobilité. Ce processus requiert assurément un certain degré d’acceptation face à la perte (d’Ardenne, 2004; Perez, Skinner & Meyerowitz, 2002). Le deuil est une étape importante du processus d’acceptation. À notre avis, les patients trouveront leur nouvelle vie sexuelle insatisfaisante tant qu’ils n’arriveront pas à faire le deuil de leur ancienne vie sexuelle. Il convient d’avertir les couples que le deuil est un élément à la fois sain et encouragé du processus de rétablissement sexuel (Wittmann, Foley, & Balon, 2011). Les infirmières peuvent fournir un soutien aux patients (et à leurs partenaires) en normalisant et validant ce processus de deuil. De plus, de nombreux centres de soins tertiaires contre le cancer comptent des professionnels de la santé psychosociale (p. ex. psychologues et travailleurs sociaux) qui sont formés en counselling aux personnes en deuil. Il peut donc être utile de consulter ces professionnels ou d’aiguiller vers eux certains patients particulièrement affectés par le deuil ou la dépression. CONJ • RCSIO Fall/Automne 2014 267 Encourager les couples à adapter le but de leurs activités sexuelles La redéfinition des objectifs de façon à les rendre atteignables est un élément clé de l’adaptation à la maladie chronique (Wrosch & Scheier, 2003; Wrosch, Miller, Scheier & de Pontet, 2007). Dans le contexte sexuel, les objectifs inatteignables devront être abandonnés et remplacés par de nouveaux objectifs plus réalistes. Bien que la pénétration ne soit peut-être plus possible, le plaisir sexuel et l’intimité relationnelle demeurent tout à fait possibles. Une bonne dose d’acceptation de la nouvelle situation est nécessaire avant de pouvoir embrasser une nouvelle réalité sexuelle. Plus les couples perçoivent leur activité sexuelle comme un moyen d’accroître leur intimité relationnelle, plus ils feront preuve de souplesse par rapport aux nouvelles options en matière de pratiques sexuelles (Beck, Robinson & Carlson, 2013). Les infirmières peuvent aider les couples à cerner leurs motivations face à leur sexualité. Par exemple, Meston & Buss font état de quatre catégories de motivation sexuelle : 1) Physique, p. ex. réduction du stress, plaisir, désir physique et recherche d’expériences; 2) Atteinte d’objectifs, p. ex. ressources, statut social, revanche et but utilitaire; 3) Émotionnel, p. ex. amour, engagement et expression; et 4) Insécurité, dont le renforcement de l’estime de soi, un sentiment de devoir/pression et la peur de perdre son/sa partenaire (Meston & Buss, 2007). Les motivations positives—dont bon nombre sont d’ordre physique et émotionnel—comme le plaisir, l’attirance, l’expression de l’engagement et l’amour peuvent toutes être considérées comme des buts désirables et atteignables de l’intimité sexuelle. Il se peut que le patient doive faire le deuil de ses anciens objectifs avant de pouvoir en embrasser de nouveaux. Un tel changement peut à la fois aider à promouvoir l’acceptation et contribuer au processus de renégociation de la sexualité. Faciliter la résilience sexuelle en introduisant le modèle du « sexe suffisamment bon » La résilience sexuelle est un terme qui décrit le fait de vivre des événements et des expériences qui mettent au défi la relation sexuelle, de s’y adapter et d’y trouver des solutions (Beck & Robinson, sous presse). La renégociation sexuelle et l’ajustement des objectifs, comme on l’a déjà mentionné, sont des exemples de résilience sexuelle. Une des façons de promouvoir la résilience sexuelle est d’encourager les patients à adopter le modèle du « sexe suffisamment bon », qui élargit la définition du sexe en remettant en question l’idée selon laquelle une relation sexuelle réussie doit inclure le coït ou l’orgasme (McCarthy & Fucito, 2005; McCarthy & Thestrup, 2008). Les auteures soutiennent que les hommes, femmes et couples sexuellement résilients « sont ouverts à des scénarios de rechange en matière de sensualité et d’érotisme ». Ces expériences sont gratifiantes et agréables, même lorsqu’il n’y a pas d’érections (McCarthy & Thestrup, 2009, p. 593). Les « scénarios sensuels » sont considérés comme des moments d’intimité qui ne comprennent pas de stimulation sexuelle (p. ex. donner un massage sensuel, partager un repas intime, danser, s’étendre nus côte à côte, s’amuser avec son/sa partenaire), tandis que les « scénarios érotiques » sont des activités génératrices de plaisir sexuel sans pénétration (McCarthy, 2001). Les couples qui éliminent cette attitude d’échec/réussite face à l’activité sexuelle et qui sont ouverts à de nouvelles expériences peuvent être moins déçus lorsque les rencontres sexuelles ne se déroulent pas comme ils l’avaient espéré et afficher des taux de satisfaction plus élevés à l’égard des traitements contre le DE. Les auteures soutiennent qu’une sexualité saine inclut des rencontres sexuelles qui sont satisfaisantes pour les deux partenaires, d’autres qui sont plus satisfaisantes pour un des deux partenaires, d’autres qui sont médiocres et d’autres qui « échouent ». Selon elles, la résilience est renforcée lorsque les patients apprennent à s’attendre à—et à accepter—un certain degré de dysfonctionnement érectile en tant que variation normale (McCarthy, 2001). De plus, cette approche du « sexe suffisamment bon » peut mener à des taux de réussite plus élevés en ce qui concerne l’adoption de stratégies sexuelles sans pénétration. Ces « scénarios érotiques » peuvent être perçus comme étant tout aussi valables et gratifiants que le coït. Bien qu’il existe 268 CONJ • RCSIO Fall/Automne 2014 de nombreuses études démontrant les avantages du coït pénis-vagin pour la santé des couples hétérosexuels (Brody, 2010; Brody & Weiss, 2011; Costa & Brody, 2012), les couples indiquent que le maintien de pratiques sexuelles de rechange (les scénarios érotiques; McCarthy, 2001) joue un rôle important sur toute une gamme de volets psychosociaux de leur vie, dont la satisfaction conjugale, l’intimité relationnelle et le plaisir physique (Beck, 2011). De plus, il peut être avantageux pour les patients de savoir que les difficultés d’ordre sexuel sont courantes et que la probabilité de dysfonctionnement sexuel augmente avec l’âge (Laumann et al., 2005). Par exemple, même les couples qui sont satisfaits de leur relation sexuelle disent avoir entre un et trois problèmes sexuels (Lindau et al., 2007). Les difficultés sur le plan sexuel n’empêchent pas automatiquement les couples d’avoir une relation sexuelle satisfaisante, surtout dans le contexte du rétablissement après un traitement contre le CP. De plus, on peut encourager les patients et leurs partenaires à réfléchir à ce qu’ils considèrent important dans l’activité sexuelle (p. ex. l’intimité, le plaisir, la proximité, le divertissement, le fait d’être désiré(e), le sentiment d’être attirant(e), le soulagement du stress, etc.). Le fait de cerner leurs valeurs aide les couples à déterminer si ces aspects importants de l’expérience sexuelle peuvent être maintenus malgré la perte de fonction érectile ou de la possibilité de coït. Encourager l’activité sexuelle même lorsqu’il n’y a pas de désir spontané Le traitement contre le CP entraîne souvent une baisse de la libido (Le et al., 2010; Potosky et al., 2004), et cette baisse est particulièrement marquée parmi les patients qui subissent une hormonothérapie androgénosuppressive. Par conséquent, toute activité sexuelle nécessitera sans doute une stimulation sexuelle pour provoquer de l’excitation chez l’homme. Nous avons trouvé utile de rappeler aux patients que, bien qu’ils ne ressentent pas forcément de désir sexuel spontané avant une activité sexuelle, ils peuvent choisir consciemment de s’adonner à une telle activité et d’ainsi faire monter l’excitation sexuelle (Basson, 2005; Basson & Schultz, 2007). De nombreux patients trouvent ce processus plus facile lorsqu’ils ont cerné au préalable ce qu’ils considèrent comme important dans l’intimité sexuelle (Meston & Buss, 2007). Plus ces valeurs sont larges, plus les patients devraient être motivés à s’adonner à des activités sexuelles « renégociées » ou à des pratiques sexuelles sans pénétration. Ainsi, les activités renégociées sont souvent davantage axées sur l’intimité relationnelle, c.-à-d. qu’elles visent à renforcer la connexion avec le/la partenaire ou à créer un sentiment de proximité et de confort (Beck et al., 2013). Ainsi, l’activité sexuelle peut être motivée par ce genre de facteurs plutôt que par le plaisir physique, qui dépend plus lourdement du désir physiologique spontané. De plus, les patients et leurs partenaires qui sont motivés à s’adonner à des activités sexuelles pour des raisons d’intimité relationnelle constatent souvent que la stimulation sexuelle mène dans bien des cas à l’excitation sexuelle (Basson, 2005). De plus, une fois l’activité sexuelle commencée, le processus de découverte des sensations d’excitation physique autres que les érections (p. ex. hausse du rythme cardiaque, vasocongestion, sensibilité cutanée accrue) devrait également aider à augmenter la capacité de détecter l’excitation. De plus, on peut encourager les couples à programmer des séances régulières d’activité sexuelle en vue de pallier la baisse de libido. De la même façon que le fait de regarder l’horloge peut rappeler à une personne qui n’a pas faim qu’il est temps de manger, une routine d’activités sexuelles aide les patients à toujours avoir en tête les avantages d’une telle activité. Cela peut ensuite motiver les hommes à s’adonner de nouveau à des activités sexuelles (Robinson & Lounsberry, 2010). Un programme d’activité sexuelle routinière complète la discussion au sujet des valeurs sexuelles et contribue à maintenir le lien affectif et intime entre partenaires. De plus, lorsque le déclenchement de l’activité sexuelle dépend en grande partie de la libido de l’homme, il peut être très difficile pour le/la partenaire d’assumer le rôle d’initiateur (Wittmann et al., 2014). Voilà pourquoi un calendrier d’activité doi:10.5737/1181912x244264271 sexuelle permet aux couples de ne pas devoir attendre l’apparition d’envies spontanées qui ne surviendront peut-être jamais. Afin d’encourager la planification d’activités sexuelles, on peut inviter les patients à réfléchir au fait que très peu d’activités importantes dans la vie des gens ne sont pas planifiées (p. ex. prendre des vacances, voir des amis, jouer au golf, aller au restaurant). Étant donné qu’une des raisons les plus souvent citées pour l’interruption des traitements contre le DE au Sildenafil est le manque d’occasions sexuelles (Klotz et al., 2005), la planification d’activités sexuelles peut aider à pallier cet obstacle. La programmation d’une activité en fait une priorité. Pour certains, le fait de voir leur partenaire mettre fidèlement du temps de côté pour l’intimité sexuelle leur donne un sentiment d’importance aux yeux du/de la partenaire et peut améliorer l’expérience sexuelle globale (Beck, 2011). Conclusion Les patients qui sont atteints de DE après un traitement contre le CP disposent de nombreuses options biomédicales pour les aider à restaurer le fonctionnement érectile. Cependant, les patients indiquent souvent être mal préparés à composer avec les difficultés liées à ces traitements. De plus, la grande majorité des traitements contre le DE sont de nature biomédicale et sont présentés aux patients d’une façon qui ignore les préoccupations d’ordre psychosocial. Cela est probablement une des raisons clés qui expliquent les faibles taux de satisfaction à l’égard des traitements contre le DE. Quelque 50 % de l’ensemble des patients sont disposés à tenter un traitement contre le DE. Cela signifie qu’une importante proportion des patients ne subissent pas de traitement contre le DE. Il convient donc d’offrir aux patients des stratégies de maintien de l’intimité sexuelle qui ne dépendent pas d’une érection. Ces stratégies ne devraient pas être offertes uniquement en cas d’échec des traitements contre le DE, mais plutôt comme façon pratique et viable de conserver une activité sexuelle sans besoin d’érections. RÉFÉRENCES Agency for Health Research and Quality (2001). Making health care safer: A critical analysis of patient safety practices. Evidence Report/Technology Assessment, No. 43. Althof, S., & Needle, R. (2007). Sex therapy in male sexual dysfunction. In J. P. Mulhall, L. Incrocci, I. Goldstein & R. C. Rosen (Eds.), Cancer and sexual health (pp. 731-739). New York, New York: Humana Press. Althof, S.E. (2002). When an erection alone is not enough: Biopsychosocial obstacles to lovemaking. International Journal of Impotence Research, 14(Suppl 1), S99–S104. 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En matière de rétablissement du fonctionnement érectile et d’enjeux sexuels en général, elles peuvent aller au-delà de l’approche purement biomédicale et offrir aux patients un point de vue psychosocial. Bien que des formations additionnelles en counselling sexuel jouent un rôle important dans le rehaussement de la confiance et des compétences des infirmières face aux enjeux d’ordre sexuel, ces dernières peuvent tout de même avoir un impact considérable sur le rétablissement sexuel des patients atteints de CP par le biais de l’éducation aux patients. En effet, elles ont l’occasion de fournir de l’information aux patients avant le commencement du traitement, et donc bien avant le DE. Dans de nombreux cas, les infirmières participent en outre au suivi continu des patients; la familiarisation avec des stratégies et des suggestions précises les aidera à offrir un soutien continu aux patients atteints de CP engagés dans un processus de rétablissement sexuel. Ces stratégies, conçues spécialement pour les patients atteints de CP, visent à augmenter les taux de réussite des traitements contre le DE et à promouvoir le rétablissement sexuel en général. L’encouragement de la préparation et du développement d’attentes réalistes, ainsi que la persistance, la communication, la souplesse, le travail de deuil actif, l’ajustement des objectifs et l’exploration des facteurs de motivation qui sous-tendent l’activité sexuelle constituent autant de façons pratiques de promouvoir le rétablissement sexuel des patients atteints de CP. Basson, R. & Schultz, W.W. (2007). Sexual sequelae of general medical disorders. Lancet, 369(9559), 409–424. Beck, A.M. & Robinson, J.W. (in press). Sexual resilience in couples. Beck, A.M., Robinson, J.W., & Carlson, L.E. (2013). Sexual values as the key to maintaining satisfying sex after prostate cancer treatment: The physical pleasure-relational intimacy model of sexual motivation. Archives Sexual Behavior, 42, 1637–47. 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