CONJ • RCSIO Fall/Automne 2014 265
2013; Schover et al., 2002). Cette orientation purement biologique se
doit sans doute à la nature biomédicale des options de traitement :
inhibiteurs de la phosphodiestérase, injections intracaverneuses,
pompes à vide pour le pénis et implants péniens (Kirby et al., 2014;
Montorsi et al., 2010). Lorsque le rétablissement sexuel est trop axé
sur les stratégies biomédicales, les taux de satisfaction et d’adhé-
sion aux traitements contre le DE ont tendance à être faibles (Althof,
2002; Gray et al., 2002; McCarthy & Fucito, 2005; Stephenson et al.,
2005). On estime qu’entre 50 et 73 % des patients cessent d’utiliser
ces traitements, malgré le fait que ces mêmes patients indiquent
que ces traitements améliorent leur capacité érectile (Althof, 2002;
Bergman, Gore, Penson, Kwan & Litwin, 2009; Matthew et al., 2005;
Salonia et al., 2008; Schover et al., 2004). L’écart entre l’efficacité des
traitements contre le DE et le taux d’utilisation à long terme semble
indiquer que la réponse érectile physiologique n’est pas un indicateur
suffisant de la réussite du traitement contre le DE.
Les interventions de réadaptation sexuelle les plus efficaces en
oncologie empruntent une approche multidisciplinaire et insistent
sur une interaction dynamique entre les facteurs biologiques, psy-
chologiques et sociaux (Sadovsky et al., 2010; Schover et al., 2014).
Cette approche biopsychosociale au rétablissement sexuel offre un
contexte plus complet pour les difficultés sexuelles et permet ainsi
de mieux les cerner, évaluer et traiter (Berry & Berry, 2013). Une
telle approche favorise tout particulièrement l’évaluation des obs-
tacles aux traitements et offre de multiples points de vue en matière
d’intervention (Wittmann, Foley & Balon, 2011).
Il existe de nombreux obstacles psychosociaux complexes à l’utili-
sation fructueuse des traitements contre le DE, dont les suivants : 1) la
quantité de temps que les couples laissent s’écouler avant de chercher
un traitement; 2) les attitudes du patient et de son/sa partenaire, les
attentes et le degré de préparation face aux protocoles de traitement;
3) la signification du recours à une intervention médicale pour restau-
rer l’activité sexuelle, la qualité de la relation de couple en dehors du
contexte sexuel; 4) la présence de dysfonctionnement sexuel chez le/
la partenaire; 5) le manque de désir sexuel chez le patient ou son/sa
partenaire; et 6) le manque d’occasions sexuelles (Althof, 2002; Fisher,
Eardley, McCabe & Sand, 2009; Klotz, Mathers, Klotz & Sommer, 2005;
Shindel, Quayle, Yan, Husain & Naughton, 2005;
Wittmann, Foley, &
Balon,
2011; Wittmann et al., 2014). De plus, seuls 50 % des patients
sont disposés à tenter un traitement contre le DE après un traitement
contre le CP (Bergman et al., 2009; Schover et al., 2002). On sait que cer-
tains patients choisissent de mettre fin à l’activité sexuelle plutôt que
d’entreprendre un traitement contre le DE, bien qu’ils perçoivent sou-
vent ce choix comme une perte. Certains choisissent de trouver de nou-
velles façons—non sexuelles—de créer de l’intimité dans leur relation
de couple, tandis que d’autres avaient déjà une vie sexuelle inactive
avant d’amorcer leur traitement contre le CP. Cependant, une impor-
tante proportion de patients sont fermés aux traitements biomédicaux
contre le DE ou ne s’y intéressent pas (Letts et al., 2010), mais sou-
haitent tout de même demeurer actifs sexuellement. De plus, les obs-
tacles à l’utilisation des traitements contre le DE sont nombreux, ce qui
révèle un besoin de compléter les interventions biomédicales contre le
DE de séances de counselling afin de répondre aux besoins et préoccu-
pations psychosociaux complexes qui font surface dans ce contexte. De
plus, les patients devraient se voir offrir des options autres que les trai-
tements axés exclusivement sur la restauration de la capacité érectile.
Cependant, les consultations de suivi après un traitement contre
le CP sont relativement brèves alors que les questions à aborder
sont nombreuses (préoccupations d’ordre général, taux d’antigènes
spécifiques prostatiques, évaluation des effets secondaires d’autres
traitements comme les troubles intestinaux et/ou vésicaux et démar-
rage d’interventions contre ces effets secondaires). Il n’y a pas beau-
coup de temps à accorder au counselling lié aux traitements contre le
DE. Les patients sont donc rarement adéquatement préparés à l’uti-
lisation fructueuse des traitements contre le DE (Davison, Matthew,
Elliott, Breckon & Griffin, 2012; Wittmann et al., 2009).
Les infirmières jouent un rôle de plus en plus important dans
le counselling lié à la gestion des répercussions sexuelles des trai-
tements contre le cancer (Julien, Thom & Kline, 2010; Kotronoulas,
Papdopoulou & Patiraki, 2009; Mick, 2007). La charge de travail des
médecins étant sans cesse à la hausse, ils comptent réellement sur
les infirmières pour tout ce qui concerne l’éducation et le counselling
aux patients. De plus, les infirmières sont bien placées pour complé-
ter l’orientation souvent excessivement biomédicale des traitements
de rétablissement érectile et peuvent ainsi accorder une attention
particulière aux besoins psychosociaux des patients atteints du CP—
et de leurs partenaires—qui reçoivent un traitement contre le DE.
Bien que la plupart des infirmières semblent théoriquement
disposées à aborder les besoins de santé sexuelle des patients, un
examen de la documentation sur les attitudes des infirmières en
la matière révèle de nombreux obstacles (Kotronoulas et al., 2009).
Ceux-ci comprennent : 1) Une formation inadéquate, ce qui implique
souvent une base de connaissances ou d’expérience insuffisante; 2)
Une faible confiance en soi, un sentiment d’embarras ou d’inconfort
de la part des infirmières; 3) La perception, chez le patient, d’un
sentiment d’embarras ou d’inconfort; 4) L’idée préconçue que les
questions sur la sexualité constituent un envahissement de la vie
privée du patient; 5) Des préoccupations ou de l’incertitude concer-
nant les croyances culturelles ou religieuses des patients en matière
de sexualité; et, 6) Le fait de supposer que les questions liées à la
sexualité tombent sous la responsabilité d’autres membres de
l’équipe de soins (Arrington, 2004; Bober & Sanchez Varela, 2012;
Hordern, 2008; Katz, 2005; Kotronoulas et al., 2009).
L’éducation continue est donc un outil important pour accroître
les compétences et la confiance des infirmières face aux préoccupa-
tions de santé sexuelle parmi les patients en oncologie. Au Canada,
on encourage les infirmières qui souhaitent suivre des formations
spécialisées dans ce domaine à considérer les cours de santé sexuelle
offerts par le Projet d’éducation à distance en oncologie psychoso-
ciale interprofessionnelle (http://www.capo.ca/ipode-project/) ou
encore le Programme intensif de formation en thérapie sexuelle
(Intensive Sex Therapy Training Program) offert chaque année à
l’Université de Guelph (http://guelphsexualityconference.ca/). Les
infirmières qui n’ont pas encore d’expérience de counselling dans
le domaine de la sexualité peuvent commencer par l’approche en
plusieurs étapes décrite par Kontronoulas et al. (2009). Ces auteurs
proposent de commencer par une étude de la documentation scienti-
fique, suivie de cours d’éducation médicale continue et de formations
spécialisées. Ils suggèrent en outre aux infirmières de rechercher
les occasions de consultation ou de mentorat et de participer à des
interventions cliniques sous forme de séances successives brèves qui
permettent aux infirmières de trouver d’autres ressources et rensei-
gnements entre les séances (Kotronoulas et al., 2009). Une bonne res-
source pour amorcer ce genre d’étude personnelle est l’ensemble de
lignes directrices de Sadovsky et al., (2010) spécialisées en interven-
tion sexuelle auprès des patients atteints de cancer.
Il peut être initialement difficile d’aborder les préoccupations
sexuelles des patients. Il peut donc être bon pour les infirmières
d’apprendre à amorcer des conversations sur la sexualité avec leurs
patients. Dans leur article exhaustif, Bober et Sanchez Varela offrent
des suggestions précises, y compris des exemples de questions qui
peuvent être utilisées pour initier des conversations au sujet de la
sexualité (Bober & Sanchez Varela, 2012). Mick (2007) offre une liste de
dix stratégies qui visent à améliorer l’évaluation de la sexualité dans la
pratique infirmière. En bref : s’éduquer en matière de sexualité; aborder
l’inconfort personnel; faire de l’évaluation sexuelle une composante
normale du processus d’évaluation globale; écouter de façon objective;
éviter les suppositions; et fournir de l’information aux patients tout en
encourageant ces derniers à poser des questions. Une autre ressource
utile, tant pour les patients que pour les fournisseurs de soins, est le
livret Sexualité et cancer de la Société canadienne du cancer (Société
canadienne du cancer, 2012), qui contient de l’information et des
doi:10.5737/1181912x244264271