thématique D La récidive

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D ossier
thématique
La récidive
de la maladie
initiale après
transplantation
rénale
● Récidive du syndrome hémolytique et urémique après transplantation
rénale : facteurs de risque, incidence et pronostic
C. Loirat, A.L. Sellier-Leclerc, A. Dragon-Durey,V. Fremeaux-Bacchi
● Récidive du syndrome néphrotique après transplantation rénale
P. Cochat, S. Fargue, A. Liutkus, B. Ranchin
Dans le prochain numéro :
“La récidive de la maladie initiale
après transplantation hépatique”
Coordinateur : F. Saliba
1re partie
Coordinateur : C. Loirat,
service de néphrologie,
hôpital Robert-Debré,
75019 Paris.
Récidive du syndrome hémolytique
et urémique après transplantation rénale :
facteurs de risque, incidence et pronostic
● C. Loirat*, A.L. Sellier-Leclerc*, A. Dragon-Durey**,
V. Fremeaux-Bacchi**
L
e syndrome hémolytique et urémique (SHU) est caractérisé par
la triade qui associe une anémie
hémolytique microangiopathique avec
présence de schizocytes, une thrombopénie et une insuffisance rénale aiguë,
secondaire à des lésions de microangiopathie thrombotique (MAT) [1]. Le
SHU dit typique ou post-diarrhée (D+),
forme la plus fréquente chez l’enfant,
est lié à une infection à Escherichia
coli producteur de Shigatoxine (Stx).
D’autres facteurs déclenchants de SHU
ont été identifiés, incluant Streptococcus pneumoniae, diverses bactéries, des
virus, des médicaments, les néoplasies,
la transplantation, en particulier rénale
ou médullaire, et les maladies autoimmunes. Les SHU primitifs, dits aty-
* Assistance publique-Hôpitaux de Paris, service de
néphrologie, hôpital Robert-Debré, 75019 Paris.
** Assistance publique-Hôpitaux de Paris, laboratoire d’immunologie biologique, hôpital européen
Georges-Pompidou, 75015 Paris.
148
piques ou sans diarrhée prodromique
(D-), ne représentent que 5 à 10 % des
SHU chez l’enfant, mais constituent la
forme la plus fréquente chez l’adulte.
Ils surviennent à n’importe quel âge,
de la période néonatale à l’âge adulte,
et peuvent être familiaux ou sporadiques (1-3). La variabilité du tableau
clinique a suggéré de longue date que
divers mécanismes physiopathologiques
étaient impliqués. L’identification des
déficits congénitaux en ADAMTS 13 a
conduit à reclasser un sous-groupe de
SHU D- comme des purpuras thrombotiques thrombocytopéniques congénitaux
(4). Il a par ailleurs été démontré que
les SHU D- étaient secondaires à une
dérégulation du système du complément
chez au moins un tiers des patients,
enfants ou adultes. Des mutations ont
été démontrées dans les gènes de trois
protéines régulatrices de la voie alterne
du complément : le facteur H (FH), la
membrane cofactor protein (MCP ou
CD46) et le facteur I (FI) [5, 6]. À côté
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thématique
de ces causes constitutionnelles de
dérégulation du complément, un déficit fonctionnel acquis en FH dû à des
anticorps anti-FH a été rapporté chez
trois enfants (7).
Nous analysons ici le risque de récidive
de SHU après transplantation rénale tel
qu’il est peut-être appréhendé d’après la
littérature et notre propre expérience. Il
apparaît que le risque de récidive après
greffe est pratiquement nul chez les
patients ayant eu un SHU D+, alors qu’il
est de l’ordre de 80 % en cas de mutation
du FH ou FI et d’environ 30 % en cas de
SHU D-inexpliqué, mais probablement
nul en cas de mutation de MCP.
RISQUE DE RéCIDIVE DU SHU APRèS
GREFFE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS
DE SHU D+
Dans une revue de la littérature réalisée
en 2003, concernant 137 greffes pratiquées chez 118 enfants atteints de SHU
D+, le taux de récidive après greffe de
SHU D+ était inférieur à 1 % (8). En
effet, un seul patient, atteint de SHU D+
à l’âge d’un an et greffé à 12 ans, avait eu
une récidive du SHU sept jours après la
transplantation, conduisant à la perte du
greffon (9). Il est probable que ce patient
avait une prédisposition génétique au
SHU, dont la poussée initiale avait été
déclenchée par un épisode diarrhéique.
À notre connaissance, il n’a jamais été
rapporté de récidive de SHU dans les
cas prouvés comme associés à une infection à E. Coli producteurs de Stx. Le
résultat des greffes n’est pas différent
chez les patients atteints de SHU D+ et
chez ceux transplantés pour une autre
maladie rénale, et les anticalcineurines
n’induisent pas un risque accru de récidive du SHU (8). L’utilisation d’un donneur vivant est licite dans ces cas. Pour
notre part, nous conseillons néanmoins
de vérifier l’absence de mutation de FH,
FI et MCP chez les patients candidats
à la transplantation rénale à la suite
d’un SHU D+, dans l’hypothèse d’une
éventuelle prédisposition génétique sousjacente, si improbable soit-elle.
RISQUE DE RéCIDIVE DU SHU APRèS
GREFFE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS
DE SHU ATYPIQUES/DRésultats globaux
L’étude coopérative publiée par A. Lahlou et al. en 2000 (10) soulignait le
risque élevé de récidive après greffe
chez les adultes atteints de SHU. Sur
16 patients, 9 (56 %) ont eu une récidive certaine après greffe et 4 (25 %) une
récidive possible. La survie du greffon
n’était que de 49 % à un an et 10 % à
5 ans en cas de récidive du SHU. Celleci était plus fréquente chez les patients
porteurs de leurs reins natifs (taux de
récidive 92 %) que chez ceux qui étaient
néphrectomisés (taux de récidive 50 %),
cette donnée étant controversée car non
retrouvée dans d’autres séries.
Dans une analyse issue du registre de la
North American Pediatric Renal Transplant Cooperative Study (NAPRTCS),
portant sur 68 greffes chez 61 patients
de moins de 21 ans ayant eu un SHU,
une récidive après greffe était survenue sur 6 greffons (8,8 %), ce chez
5 patients (8,2 %) [11]. Quatre de
ces patients avaient eu un SHU D- et
un un SHU D+, confirmant le risque
accru de récidive dans les SHU D-.
Cinq greffons sur 6 avaient été perdus
à la suite de la récidive, en dépit d’un
traitement par perfusions de plasma
frais congelé (PFC) et/ou échanges
plasmatiques (EP).
Une autre série rapportée par M.A. Artz
et al. (12) concernait 50 greffes chez
35 patients, dont 18 enfants. Parmi
ces derniers, un seul (6 %) avait eu
une récidive possible du SHU mais,
au total, la survie des greffons à un an
était similaire (78 %) chez les enfants
greffés pour SHU et chez les contrôles. En revanche, parmi 17 adultes, 7
(41 %) avaient eu une récidive certaine
du SHU après greffe, 3 (18 %) une
récidive probable, et tous avaient perdu
leur greffon, en moyenne 8 jours (de
0 jour à 29 semaines) après la récidive.
L’utilisation de la ciclosporine était
associée à un risque accru de récidive,
tandis que la néphrectomie des reins
natifs et le type de donneur étaient sans
influence. Par ailleurs, les rejets aigus
étaient plus fréquents chez les adultes
atteints de SHU que chez les contrôles.
Au total, la survie des greffons à un
an n’était que de 29 % chez les adultes
greffés pour SHU, contre 76 % chez
les contrôles.
Risque de récidive du SHU après greffe
chez les patients atteints de SHU
D- génotypés pour le FH, FI et MCP
(tableau I)
Parmi les patients atteints de SHU D-,
14 à 33 % ont une mutation du FH (6,
13, 14), le pourcentage étant de 24 %
(11 cas sur 46) dans le registre pédiatrique
français. Dans cette cohorte pédiatrique,
6 enfants sur 46 (13 %) ont une muta-
Tableau I. Risque de récidive du SHU après greffe selon le type de SHU et selon le génotype.
Littérature
Type
de SHU
SHU D+
SHU D✓ mutation du FH
✓ mutation du FI
✓ mutation de MCP
✓ pas de mutation
du FH, FI et MCP
Registre pédiatrique français
Référence
Nombre
de
patients
greffés
Récidive
N (%)
Perte
Nombre Récidive
Perte
du greffon de patients N (%)
du greffon
par récidive
greffés
par récidive
N (%)
N (%)
(8)
118
1 (0,8 %)
(19)
(19)
(18, 19)
(6)
36
3
7
14
27 (74 %) 21/27 (78 %)
3 (100 %) 3/3 (100 %)
1** (14 %)
0
3 (21 %) 3/3 (100 %)
1/1
5*
2
1
8*
4 (80 %)
1 (50 %)
0
3 (37 %)
2/4 (50 %)
1/1
0
2/3 (75 %)
* Greffes perdues par thrombose précoce exclues.
** Voir texte.
149
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thématique
tion du FI, proportion plus importante
que celle rapportée par D. Kavanagh et
al. de 2 cas sur 76 (2,6 %), probablement
surtout des adultes (15), par J. EsparzaGordillo et al. (14) de 1 cas sur 41 (2 %)
et par J. Caprioli et al. (6) de 7 cas sur
156 (4,5 %). La proportion de patients
avec une mutation de MCP est de 10 à
15 %, chez les enfants et les adultes (6,
14, 16-18).
Globalement, le résultat des greffes chez
les patients atteints de SHU D-génotypés est mauvais. E. Bresin et al., dans
une revue récente, observaient que, sur
40 patients, 67 % avaient eu au moins
un échec de greffe, dû à une récidive
du SHU dans 81,5 % des cas et à des
phénomènes de rejet dans 18,5 % des
cas (19). Le taux de survie des greffons
à un an était de 32 % pour les transplantations avec donneurs décédés et de 50 %
pour celles avec donneurs vivants. Le
taux global de récidive du SHU était de
60 %, conduisant à une perte du greffon
dans 91,6 % des cas. Le délai entre la
transplantation et la perte du greffon par
récidive était inférieur ou égal à un an
dans 82,6 % des cas, allant de 3 jours à
2 ans. Le taux de perte du greffon par
récidive du SHU était de 42,8 % lorsque le SHU avait débuté dans l’enfance,
62,5 % lorsqu’il avait débuté à l’âge
adulte. Le fait d’éviter les inhibiteurs
des anticalcineurines n’améliorait pas
le taux de succès (19).
Des résultats défavorables sont également
constatés dans la cohorte pédiatrique française génotypée par le FH, FI et MCP :
15 enfants ont reçu 24 transplantations
rénales, dont 23 avec un donneur décédé
et 23 après néphrectomie bilatérale. Dix
de ces 15 enfants (66 %) ont eu au moins
un échec de greffe. En effet, 8 greffes sur
24 (33 %) seulement sont fonctionnelles,
avec un recul de un à 12 ans, et 16 sur
24 (67 %) ont échoué, dont 12 avant la
fin de la première année postgreffe. Sur
ces 12 échecs précoces, 8 étaient dus à
une thrombose du greffon survenue 0
à 45 jours après l’intervention, 3 à la
récidive du SHU, et un à une infection à
cytomégalovirus (CMV). Cette fréquence
inhabituelle des thromboses (8 échecs sur
16 – 50 % – dont 8 des 12 échecs précoces, 67 %) n’a pas été rapportée dans
la littérature (19), et suggère un risque
thrombogène des anomalies du complément ou l’existence des facteurs de
risque de thrombose additionnels. Dans
cette série pédiatrique, le taux de récidive
du SHU après transplantation a été de
33 % (8 greffes sur 24), sous la forme
d’un SHU complet (6 cas, récidive aux
3e, 8e, 15e, 30e, 60e jours et 7e mois après
greffe) ou d’une récidive histologique de
MAT sur une biopsie rénale faite pour une
augmentation modérée de la créatininémie (2 cas, un an et demi et 12 ans après
greffe). Sur ces 8 récidives, 3 ont entraîné
la perte immédiate du greffon, 2 une perte
retardée 3,5 et 5,5 ans après la récidive,
les trois derniers greffons étant fonctionnels 1, 2,4 et 12 ans après la récidive.
Au total, 5 des 8 greffons (62 %) avec
récidive du SHU ont fonctionné au moins
pendant un an, alors que le SHU initial
avait entraîné d’emblée une insuffisance
rénale terminale. La raison pour laquelle
la récidive du SHU est éventuellement
moins sévère que le SHU primitif est
incertaine. On peut s’interroger sur le rôle
de polymorphismes de MCP du greffon
dans la sévérité de la récidive (14, 20).
Les patients porteurs de mutations
du FH et du FI ont l’évolution la plus
défavorable après greffe. Dans la série
pédiatrique française, 6 enfants avec
mutation du FH ont eu 7 transplantations. Deux transplantations sur 7 (28 %)
n’ont eu aucun événement défavorable,
avec un recul de 5 et 12 ans. La cause
de perte précoce (moins d’un an après
transplantation) a été une récidive du
SHU dans un cas et une thrombose de
l’artère rénale dans 2 cas. La récidive a
conduit à la perte du greffon au bout de
3 ans et demi dans un autre cas, tandis
que 2 greffons sont fonctionnels en dépit
d’une récidive, avec un recul de 18 mois
et de 12 ans. Au total, 4 des 5 greffons
non perdus précocement par thrombose,
soit 80 %, ont eu une récidive de SHU
clinique ou histologique, conduisant
à la perte du greffon dans 2 cas sur 4
(50 %). Dans la revue de E. Bresin et al.
150
(19), une récidive du SHU est survenue
dans 27 cas sur 36 (74 %) porteurs d’une
mutation du FH, conduisant à la perte
du greffon dans 21 cas sur 27 (78 %).
La non-prescription d’inhibiteurs de la
calcineurine, le type de donneur, le taux
du FH circulant, le type et la position de
la mutation dans le gène du FH étaient
sans influence sur le risque et l’évolution
de la récidive du SHU.
Dans la série pédiatrique française, deux
enfants porteurs d’une mutation du FI
ont été transplantés. L’un n’a eu aucun
problème et a une fonction normale du
greffon 3 ans et 6 mois après la transplantation. L’autre a eu une récidive du SHU
au 15e jour postgreffe, mais a conservé
une fonction rénale suffisante jusqu’au
retour en dialyse 5 ans et 6 mois après
la transplantation. Dans la littérature, les
3 patients porteurs d’une mutation du FI
greffés ont tous récidivé après greffe et
ont perdu leur greffon à la suite de la
récidive (19).
Le seul enfant porteur d’une mutation
de MCP transplanté dans la série pédiatrique française n’a pas récidivé après
greffe mais a perdu son greffon 5 ans et
6 mois après la transplantation par rejet
lié à une non-compliance thérapeutique.
Ce cas s’ajoute aux 7 cas transplantés
publiés, dont un seul a eu une récidive
après greffe (16, 18, 19). L’absence
usuelle de récidive est logique, puisque
le greffon est censé apporter la MCP
normale. Le seul patient qui a eu une
récidive a un profil complémentaire
suggérant la présence d’une mutation
d’une autre protéine régulatrice du
complément, associée à la mutation
de MCP (18).
Dix enfants de la série pédiatrique française atteints d’un SHU D- inexpliqué
(pas de mutation du FH, FI ni de MCP)
ont reçu 14 transplantations. Dix d’entre
elles (71 %) ont échoué, par thrombose
du greffon dans 6 cas, récidive du SHU
dans 2 cas, rejet par non-compliance dans
un cas, infection à cytomégalovirus dans
un cas. Au total, une récidive du SHU
est survenue dans 3 des 8 greffes non
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perdues par thrombose précoce (37 %),
avec perte rapide du greffon dans 2 cas
sur 3 (75 %), le 3e cas gardant un greffon
fonctionnel avec un recul de 18 mois
après la récidive. De même, le taux de
récidive après transplantation chez les
patients ayant un SHU D- inexpliqué
(pas de mutation du FH, FI ou MCP),
est de l’ordre de 30 % dans la littérature
(6, 19), conduisant à la perte du greffon
dans environ 90 % des cas.
Traitement des récidives de SHU Daprès transplantation rénale
Aucune mesure préventive n’a jusqu’à
présent fait la preuve de son efficacité.
E. Bresin et al., dans leur revue de la
littérature, confirmaient l’absence d’effet
significatif sur le taux de récidive après
greffe du type de donneur (décédé ou
vivant apparenté), de l’utilisation ou
non de ciclosporine ou de tacrolimus,
du caractère familial ou sporadique du
SHU, de l’âge de survenue du SHU (19).
La néphrectomie des reins propres est
souvent réalisée, mais cela ne semble
pas prévenir la récidive dans la majorité
des cas.
La seule thérapeutique actuellement
disponible est constituée par la plasmathérapie, le PFC apportant du FH, du FI
et peut-être d’autres facteurs non encore
identifiés. L’efficacité des perfusions de
PFC (10 ml/kg) sur le SHU initial a été
constatée dans quelques cas liés à des
mutations homozygotes du FH, situation
exceptionnelle (21-23). Il semble qu’en
cas de mutation hétérozygote, situation
la plus fréquente, des doses très importantes de PFC (40 à 45 ml/kg au moins
une fois par semaine à titre préventif)
soient nécessaires. De telles quantités
de PFC entraînent une hyperprotidémie et doivent donc être associées à des
EP (24). J. Caprioli et al. ont rapporté
que chez les patients avec mutation du
FH, la plasmathérapie, réalisée dans
la plupart des cas, est associée à une
rémission de l’épisode aigu dans 67 %
des cas (6). L’effet de la plasmathérapie
en cas de mutation du FI est peu documenté : que les patients soient ou non
traités par PFC, 50 % des épisodes de
SHU évoluent vers la rémission (6). En
revanche, la plasmathérapie ne paraît
pas utile en cas de mutation de MCP,
la rémission des épisodes étant observée dans 91 % des épisodes traités par
plasmathérapie et 100 % des épisodes
non traités (6).
L’observation de K.H. Olie et al. (25)
est intéressante : chez un enfant ayant
une mutation hétérozygote du FH, les
EP avec FFP (40 ml/kg/j x 7 jours) ont
été réalisés avant et après la transplantation rénale, puis progressivement espacés à un EP tous les 15 jours, pendant
10 mois. Deux récidives survenues au
10e et 12e mois lors d’infections à CMV
ont été enrayées par intensification de la
plasmathérapie (EP quotidiens) pendant
un mois et 10 jours respectivement. Les
EP ont été réespacés ensuite jusqu’à un
EP par semaine, et la fonction du greffon
est normale 2 ans après la greffe.
En pratique, il est à notre avis justifié de
commencer les EP avec du PFC avant
la greffe en cas de mutation du FH ou
du FI. La plasmathérapie est à conduire
selon le schéma indiqué ci-dessus (25).
En cas de SHU D- inexpliqué, où le taux
de récidive est moins important, la mise
en route différée de la plasmathérapie,
dès l’apparition des premiers signes de
récidive, est licite.
Le FH étant synthétisé dans le foie, une
transplantation hépatique a été réalisée
chez 4 enfants atteints de SHU avec
mutation du FH. Le premier cas (greffe
foie + rein) a présenté une défaillance
hépatique à J26, par rejet humoral. Une
retransplantation hépatique a permis la
rémission du SHU, l’enfant gardant des
séquelles neurologiques de la période
de défaillance hépatique entre les deux
transplantations (26). Un autre patient
est décédé en postopératoire par nonfonction primaire du foie (27). Ces
échecs de la transplantation hépatique
liés à des phénomènes thrombotiques et
ischémiques suggèrent une sensibilité
hépatique à l’égard des complications
thrombotiques et ischémiques, vraisemblablement en liaison avec l’ano-
151
malie du complément. Le troisième
enfant a eu une greffe de foie isolée
qui a permis la rémission du SHU,
mais l’enfant est décédé au 10e mois
à la suite d’infections répétées et d’un
syndrome lymphoprolifératif (28). Dans
un quatrième cas publié récemment
(29), une transplantation hépatique
et rénale a été réalisée sous couvert
d’un échange plasmatique (50 ml/kg)
immédiatement avant l’intervention et
une perfusion de PFC (19 ml/kg) en
peropératoire. Avec un recul de 2 ans,
le résultat est excellent. Il apparaît
donc que la transplantation hépatique
nécessite d’être réévaluée sous couvert
d’une plasmathérapie intensive. L’administration de FH sera à court terme
une option thérapeutique plus facile.
L’autre option thérapeutique pourrait
être l’administration d’inhibiteurs du
complément, comme l’eculizumab,
anticorps monoclonal humanisé antiC5, dont l’efficacité est démontrée
dans l’hémoglobinurie paroxystique
nocturne (20).
RISQUE DE SHU CHEZ LE DONNEUR
VIVANT APPARENTé
Le SHU atypique peut apparaître
comme sporadique chez un patient sans
antécédents familiaux de SHU, mais
on sait qu’il y a dans ces familles des
sujets sains porteurs du même défaut
génétique que le patient. Cela est bien
établi pour les mutations du FH, de FI
et de MCP, et existe très probablement
pour d’autres anomalies génétiques
prédisposant au SHU. Il y a donc un
risque qu’un donneur vivant apparenté
développe lui-même un SHU après
avoir donné un rein à un membre de
sa famille. Des événements de ce type
ont été rapportés dans quatre familles,
dans lesquelles quatre adultes âgés de
21 à 31 ans ont eu un SHU 3 semaines
à 3 mois après qu’ils aient donné un
rein à un de leurs frères et sœurs ou à
leur enfant (31). Le don de rein semble être l’élément déclenchant du SHU,
suggérant que la néphrectomie unilatérale et la réduction de la masse rénale
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pourraient être à l’origine de lésions
endothéliales déclenchant les SHU chez
le donneur prédisposé par une mutation
à risque. Cela rejoint l’observation d’un
patient porteur d’une mutation du FH
chez qui le SHU est apparu après une
néphrectomie justifiée par un traumatisme rénal lors d’un accident de la
circulation (19).
TRANSPLANTATION RéNALE
CHEZ LES PATIENTS AYANT UN SHU DAVEC ANTICORPS ANTI-FH
Chez une enfant de notre service, les EP
ont permis la négativation du taux d’anticorps anti-FH avant la greffe. Celle-ci,
faite sous EP, a été un succès, sans récidive avec un recul d’un an.
TRANSPLANTATION RéNALE EN CAS
DE PURPURA THROMBOTIQUE
THROMBOCYTOPéNIQUE CONGéNITAL
LIé à UN DéFICIT CONSTITUTIONNEL
EN ADAMTS 13
Un seul patient atteint d’un déficit
congénital en ADAMTS 13 (syndrome de Schulman-Upshow) a eu une
transplantation rénale, à l’âge de 14 ans
(32). Une anémie hémolytique avec
schizocytes, une thrombocytopénie et
une insuffisance rénale sont survenues
5 jours après la transplantation, avec des
lésions de microangiopathie thrombotique à la biopsie du greffon. L’enfant a
également eu une amaurose transitoire
liée à une ischémie rétinienne et un
accident vasculaire cérébral 35 jours
après la transplantation. Les EP avec
du PFC, commencés empiriquement
7 jours après la transplantation, ont été
efficaces et ont été poursuivis tous les
15 jours pendant 9 ans, si bien que le
patient n’est retourné en dialyse qu’à
l’âge de 23 ans. Après identification du
déficit complet en ADAMTS 13, une
deuxième transplantation rénale a été
réalisée sous perfusions de PFC, maintenues par la suite tous les 15 jours. La
greffe est fonctionnelle avec un recul de
plusieurs années.
Il est en effet bien établi que les patients
qui ont un déficit constitutionnel en
ADAMTS 13 doivent être traités par
les perfusions de PFC qui apportent
l’ADAMTS 13 (4).
CONCLUSION
Le risque de récidive du SHU après
transplantation rénale est pratiquement
nul en cas de SHU D-, et les résultats
sont dans ces cas similaires à ceux obtenus après transplantation rénale pour
une autre maladie. Aussi, lorsque le
diagnostic de SHU D+ est certain, une
transplantation avec donneur vivant
apparenté peut être envisagée. En revanche, le risque de récidive après greffe
est extrêmement élevé en cas de SHU
D-, particulièrement en cas de mutation du FH et du FI, mais il semble
nul ou très faible en cas de mutation
de MCP.
En pratique, les patients atteints de
SHU D- doivent bénéficier d’une
recherche de mutation du FH, FI et
de MCP avant la transplantation rénale,
pour cerner le risque de récidive et
d’échec de la greffe. Le risque de
perte du greffon par récidive du SHU
étant très élevé en cas de mutation du
FH et du FI, l’indication même de la
transplantation rénale est discutable
dans ces cas, alors que la transplantation peut raisonnablement être envisagée chez les patients porteurs d’une
mutation de MCP. Toutefois, tous les
patients atteints de mutation du FH et
du FI, ou de SHU inexpliqué, n’ont pas
de récidive et quelques-uns gardent un
greffon fonctionnel pendant plusieurs
années malgré la récidive.
La fréquence des accidents thrombotiques en cas de mutation du FH et de
SHU D- inexpliqué suggère un rôle
thrombogène de la dysfonction complémentaire, ou l’existence d’autres facteurs
thrombogènes à ce jour inconnus.
La transplantation rénale avec donneur
vivant est extrêmement discutable en
152
cas de mutation du FH, du FI et de SHU
inexpliqué, en raison du risque de perte
du greffon par récidive, mais aussi du
risque que le donneur ait lui-même un
SHU après le don de rein.
La plasmathérapie intensive pour prévenir ou traiter la récidive de SHU est
actuellement la principale option thérapeutique. La greffe hépatique combinée
à la greffe rénale mériterait d’être réévaluée sous couvert d’une plasmathérapie
intense. L’administration de FH concentré chez les patients ayant une mutation
du FH sera une option plus facile dans un
avenir proche. L’utilisation d’anticorps
monoclonaux anti-C5 devra aussi être
évaluée.
■
R
é f é r e n c e s
b i b l i o g r a p h i q u e s
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Ce numéro est routé avec une Infos Congrès “Actualités sur l’évérolimus (ISHLT-WTC)” - 12 pages
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