D ossier thématique La récidive de la maladie initiale après transplantation rénale ● Récidive du syndrome hémolytique et urémique après transplantation rénale : facteurs de risque, incidence et pronostic C. Loirat, A.L. Sellier-Leclerc, A. Dragon-Durey,V. Fremeaux-Bacchi ● Récidive du syndrome néphrotique après transplantation rénale P. Cochat, S. Fargue, A. Liutkus, B. Ranchin Dans le prochain numéro : “La récidive de la maladie initiale après transplantation hépatique” Coordinateur : F. Saliba 1re partie Coordinateur : C. Loirat, service de néphrologie, hôpital Robert-Debré, 75019 Paris. Récidive du syndrome hémolytique et urémique après transplantation rénale : facteurs de risque, incidence et pronostic ● C. Loirat*, A.L. Sellier-Leclerc*, A. Dragon-Durey**, V. Fremeaux-Bacchi** L e syndrome hémolytique et urémique (SHU) est caractérisé par la triade qui associe une anémie hémolytique microangiopathique avec présence de schizocytes, une thrombopénie et une insuffisance rénale aiguë, secondaire à des lésions de microangiopathie thrombotique (MAT) [1]. Le SHU dit typique ou post-diarrhée (D+), forme la plus fréquente chez l’enfant, est lié à une infection à Escherichia coli producteur de Shigatoxine (Stx). D’autres facteurs déclenchants de SHU ont été identifiés, incluant Streptococcus pneumoniae, diverses bactéries, des virus, des médicaments, les néoplasies, la transplantation, en particulier rénale ou médullaire, et les maladies autoimmunes. Les SHU primitifs, dits aty- * Assistance publique-Hôpitaux de Paris, service de néphrologie, hôpital Robert-Debré, 75019 Paris. ** Assistance publique-Hôpitaux de Paris, laboratoire d’immunologie biologique, hôpital européen Georges-Pompidou, 75015 Paris. 148 piques ou sans diarrhée prodromique (D-), ne représentent que 5 à 10 % des SHU chez l’enfant, mais constituent la forme la plus fréquente chez l’adulte. Ils surviennent à n’importe quel âge, de la période néonatale à l’âge adulte, et peuvent être familiaux ou sporadiques (1-3). La variabilité du tableau clinique a suggéré de longue date que divers mécanismes physiopathologiques étaient impliqués. L’identification des déficits congénitaux en ADAMTS 13 a conduit à reclasser un sous-groupe de SHU D- comme des purpuras thrombotiques thrombocytopéniques congénitaux (4). Il a par ailleurs été démontré que les SHU D- étaient secondaires à une dérégulation du système du complément chez au moins un tiers des patients, enfants ou adultes. Des mutations ont été démontrées dans les gènes de trois protéines régulatrices de la voie alterne du complément : le facteur H (FH), la membrane cofactor protein (MCP ou CD46) et le facteur I (FI) [5, 6]. À côté Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006 D ossier thématique de ces causes constitutionnelles de dérégulation du complément, un déficit fonctionnel acquis en FH dû à des anticorps anti-FH a été rapporté chez trois enfants (7). Nous analysons ici le risque de récidive de SHU après transplantation rénale tel qu’il est peut-être appréhendé d’après la littérature et notre propre expérience. Il apparaît que le risque de récidive après greffe est pratiquement nul chez les patients ayant eu un SHU D+, alors qu’il est de l’ordre de 80 % en cas de mutation du FH ou FI et d’environ 30 % en cas de SHU D-inexpliqué, mais probablement nul en cas de mutation de MCP. RISQUE DE RéCIDIVE DU SHU APRèS GREFFE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE SHU D+ Dans une revue de la littérature réalisée en 2003, concernant 137 greffes pratiquées chez 118 enfants atteints de SHU D+, le taux de récidive après greffe de SHU D+ était inférieur à 1 % (8). En effet, un seul patient, atteint de SHU D+ à l’âge d’un an et greffé à 12 ans, avait eu une récidive du SHU sept jours après la transplantation, conduisant à la perte du greffon (9). Il est probable que ce patient avait une prédisposition génétique au SHU, dont la poussée initiale avait été déclenchée par un épisode diarrhéique. À notre connaissance, il n’a jamais été rapporté de récidive de SHU dans les cas prouvés comme associés à une infection à E. Coli producteurs de Stx. Le résultat des greffes n’est pas différent chez les patients atteints de SHU D+ et chez ceux transplantés pour une autre maladie rénale, et les anticalcineurines n’induisent pas un risque accru de récidive du SHU (8). L’utilisation d’un donneur vivant est licite dans ces cas. Pour notre part, nous conseillons néanmoins de vérifier l’absence de mutation de FH, FI et MCP chez les patients candidats à la transplantation rénale à la suite d’un SHU D+, dans l’hypothèse d’une éventuelle prédisposition génétique sousjacente, si improbable soit-elle. RISQUE DE RéCIDIVE DU SHU APRèS GREFFE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE SHU ATYPIQUES/DRésultats globaux L’étude coopérative publiée par A. Lahlou et al. en 2000 (10) soulignait le risque élevé de récidive après greffe chez les adultes atteints de SHU. Sur 16 patients, 9 (56 %) ont eu une récidive certaine après greffe et 4 (25 %) une récidive possible. La survie du greffon n’était que de 49 % à un an et 10 % à 5 ans en cas de récidive du SHU. Celleci était plus fréquente chez les patients porteurs de leurs reins natifs (taux de récidive 92 %) que chez ceux qui étaient néphrectomisés (taux de récidive 50 %), cette donnée étant controversée car non retrouvée dans d’autres séries. Dans une analyse issue du registre de la North American Pediatric Renal Transplant Cooperative Study (NAPRTCS), portant sur 68 greffes chez 61 patients de moins de 21 ans ayant eu un SHU, une récidive après greffe était survenue sur 6 greffons (8,8 %), ce chez 5 patients (8,2 %) [11]. Quatre de ces patients avaient eu un SHU D- et un un SHU D+, confirmant le risque accru de récidive dans les SHU D-. Cinq greffons sur 6 avaient été perdus à la suite de la récidive, en dépit d’un traitement par perfusions de plasma frais congelé (PFC) et/ou échanges plasmatiques (EP). Une autre série rapportée par M.A. Artz et al. (12) concernait 50 greffes chez 35 patients, dont 18 enfants. Parmi ces derniers, un seul (6 %) avait eu une récidive possible du SHU mais, au total, la survie des greffons à un an était similaire (78 %) chez les enfants greffés pour SHU et chez les contrôles. En revanche, parmi 17 adultes, 7 (41 %) avaient eu une récidive certaine du SHU après greffe, 3 (18 %) une récidive probable, et tous avaient perdu leur greffon, en moyenne 8 jours (de 0 jour à 29 semaines) après la récidive. L’utilisation de la ciclosporine était associée à un risque accru de récidive, tandis que la néphrectomie des reins natifs et le type de donneur étaient sans influence. Par ailleurs, les rejets aigus étaient plus fréquents chez les adultes atteints de SHU que chez les contrôles. Au total, la survie des greffons à un an n’était que de 29 % chez les adultes greffés pour SHU, contre 76 % chez les contrôles. Risque de récidive du SHU après greffe chez les patients atteints de SHU D- génotypés pour le FH, FI et MCP (tableau I) Parmi les patients atteints de SHU D-, 14 à 33 % ont une mutation du FH (6, 13, 14), le pourcentage étant de 24 % (11 cas sur 46) dans le registre pédiatrique français. Dans cette cohorte pédiatrique, 6 enfants sur 46 (13 %) ont une muta- Tableau I. Risque de récidive du SHU après greffe selon le type de SHU et selon le génotype. Littérature Type de SHU SHU D+ SHU D✓ mutation du FH ✓ mutation du FI ✓ mutation de MCP ✓ pas de mutation du FH, FI et MCP Registre pédiatrique français Référence Nombre de patients greffés Récidive N (%) Perte Nombre Récidive Perte du greffon de patients N (%) du greffon par récidive greffés par récidive N (%) N (%) (8) 118 1 (0,8 %) (19) (19) (18, 19) (6) 36 3 7 14 27 (74 %) 21/27 (78 %) 3 (100 %) 3/3 (100 %) 1** (14 %) 0 3 (21 %) 3/3 (100 %) 1/1 5* 2 1 8* 4 (80 %) 1 (50 %) 0 3 (37 %) 2/4 (50 %) 1/1 0 2/3 (75 %) * Greffes perdues par thrombose précoce exclues. ** Voir texte. 149 Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006 D ossier thématique tion du FI, proportion plus importante que celle rapportée par D. Kavanagh et al. de 2 cas sur 76 (2,6 %), probablement surtout des adultes (15), par J. EsparzaGordillo et al. (14) de 1 cas sur 41 (2 %) et par J. Caprioli et al. (6) de 7 cas sur 156 (4,5 %). La proportion de patients avec une mutation de MCP est de 10 à 15 %, chez les enfants et les adultes (6, 14, 16-18). Globalement, le résultat des greffes chez les patients atteints de SHU D-génotypés est mauvais. E. Bresin et al., dans une revue récente, observaient que, sur 40 patients, 67 % avaient eu au moins un échec de greffe, dû à une récidive du SHU dans 81,5 % des cas et à des phénomènes de rejet dans 18,5 % des cas (19). Le taux de survie des greffons à un an était de 32 % pour les transplantations avec donneurs décédés et de 50 % pour celles avec donneurs vivants. Le taux global de récidive du SHU était de 60 %, conduisant à une perte du greffon dans 91,6 % des cas. Le délai entre la transplantation et la perte du greffon par récidive était inférieur ou égal à un an dans 82,6 % des cas, allant de 3 jours à 2 ans. Le taux de perte du greffon par récidive du SHU était de 42,8 % lorsque le SHU avait débuté dans l’enfance, 62,5 % lorsqu’il avait débuté à l’âge adulte. Le fait d’éviter les inhibiteurs des anticalcineurines n’améliorait pas le taux de succès (19). Des résultats défavorables sont également constatés dans la cohorte pédiatrique française génotypée par le FH, FI et MCP : 15 enfants ont reçu 24 transplantations rénales, dont 23 avec un donneur décédé et 23 après néphrectomie bilatérale. Dix de ces 15 enfants (66 %) ont eu au moins un échec de greffe. En effet, 8 greffes sur 24 (33 %) seulement sont fonctionnelles, avec un recul de un à 12 ans, et 16 sur 24 (67 %) ont échoué, dont 12 avant la fin de la première année postgreffe. Sur ces 12 échecs précoces, 8 étaient dus à une thrombose du greffon survenue 0 à 45 jours après l’intervention, 3 à la récidive du SHU, et un à une infection à cytomégalovirus (CMV). Cette fréquence inhabituelle des thromboses (8 échecs sur 16 – 50 % – dont 8 des 12 échecs précoces, 67 %) n’a pas été rapportée dans la littérature (19), et suggère un risque thrombogène des anomalies du complément ou l’existence des facteurs de risque de thrombose additionnels. Dans cette série pédiatrique, le taux de récidive du SHU après transplantation a été de 33 % (8 greffes sur 24), sous la forme d’un SHU complet (6 cas, récidive aux 3e, 8e, 15e, 30e, 60e jours et 7e mois après greffe) ou d’une récidive histologique de MAT sur une biopsie rénale faite pour une augmentation modérée de la créatininémie (2 cas, un an et demi et 12 ans après greffe). Sur ces 8 récidives, 3 ont entraîné la perte immédiate du greffon, 2 une perte retardée 3,5 et 5,5 ans après la récidive, les trois derniers greffons étant fonctionnels 1, 2,4 et 12 ans après la récidive. Au total, 5 des 8 greffons (62 %) avec récidive du SHU ont fonctionné au moins pendant un an, alors que le SHU initial avait entraîné d’emblée une insuffisance rénale terminale. La raison pour laquelle la récidive du SHU est éventuellement moins sévère que le SHU primitif est incertaine. On peut s’interroger sur le rôle de polymorphismes de MCP du greffon dans la sévérité de la récidive (14, 20). Les patients porteurs de mutations du FH et du FI ont l’évolution la plus défavorable après greffe. Dans la série pédiatrique française, 6 enfants avec mutation du FH ont eu 7 transplantations. Deux transplantations sur 7 (28 %) n’ont eu aucun événement défavorable, avec un recul de 5 et 12 ans. La cause de perte précoce (moins d’un an après transplantation) a été une récidive du SHU dans un cas et une thrombose de l’artère rénale dans 2 cas. La récidive a conduit à la perte du greffon au bout de 3 ans et demi dans un autre cas, tandis que 2 greffons sont fonctionnels en dépit d’une récidive, avec un recul de 18 mois et de 12 ans. Au total, 4 des 5 greffons non perdus précocement par thrombose, soit 80 %, ont eu une récidive de SHU clinique ou histologique, conduisant à la perte du greffon dans 2 cas sur 4 (50 %). Dans la revue de E. Bresin et al. 150 (19), une récidive du SHU est survenue dans 27 cas sur 36 (74 %) porteurs d’une mutation du FH, conduisant à la perte du greffon dans 21 cas sur 27 (78 %). La non-prescription d’inhibiteurs de la calcineurine, le type de donneur, le taux du FH circulant, le type et la position de la mutation dans le gène du FH étaient sans influence sur le risque et l’évolution de la récidive du SHU. Dans la série pédiatrique française, deux enfants porteurs d’une mutation du FI ont été transplantés. L’un n’a eu aucun problème et a une fonction normale du greffon 3 ans et 6 mois après la transplantation. L’autre a eu une récidive du SHU au 15e jour postgreffe, mais a conservé une fonction rénale suffisante jusqu’au retour en dialyse 5 ans et 6 mois après la transplantation. Dans la littérature, les 3 patients porteurs d’une mutation du FI greffés ont tous récidivé après greffe et ont perdu leur greffon à la suite de la récidive (19). Le seul enfant porteur d’une mutation de MCP transplanté dans la série pédiatrique française n’a pas récidivé après greffe mais a perdu son greffon 5 ans et 6 mois après la transplantation par rejet lié à une non-compliance thérapeutique. Ce cas s’ajoute aux 7 cas transplantés publiés, dont un seul a eu une récidive après greffe (16, 18, 19). L’absence usuelle de récidive est logique, puisque le greffon est censé apporter la MCP normale. Le seul patient qui a eu une récidive a un profil complémentaire suggérant la présence d’une mutation d’une autre protéine régulatrice du complément, associée à la mutation de MCP (18). Dix enfants de la série pédiatrique française atteints d’un SHU D- inexpliqué (pas de mutation du FH, FI ni de MCP) ont reçu 14 transplantations. Dix d’entre elles (71 %) ont échoué, par thrombose du greffon dans 6 cas, récidive du SHU dans 2 cas, rejet par non-compliance dans un cas, infection à cytomégalovirus dans un cas. Au total, une récidive du SHU est survenue dans 3 des 8 greffes non Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006 D ossier thématique perdues par thrombose précoce (37 %), avec perte rapide du greffon dans 2 cas sur 3 (75 %), le 3e cas gardant un greffon fonctionnel avec un recul de 18 mois après la récidive. De même, le taux de récidive après transplantation chez les patients ayant un SHU D- inexpliqué (pas de mutation du FH, FI ou MCP), est de l’ordre de 30 % dans la littérature (6, 19), conduisant à la perte du greffon dans environ 90 % des cas. Traitement des récidives de SHU Daprès transplantation rénale Aucune mesure préventive n’a jusqu’à présent fait la preuve de son efficacité. E. Bresin et al., dans leur revue de la littérature, confirmaient l’absence d’effet significatif sur le taux de récidive après greffe du type de donneur (décédé ou vivant apparenté), de l’utilisation ou non de ciclosporine ou de tacrolimus, du caractère familial ou sporadique du SHU, de l’âge de survenue du SHU (19). La néphrectomie des reins propres est souvent réalisée, mais cela ne semble pas prévenir la récidive dans la majorité des cas. La seule thérapeutique actuellement disponible est constituée par la plasmathérapie, le PFC apportant du FH, du FI et peut-être d’autres facteurs non encore identifiés. L’efficacité des perfusions de PFC (10 ml/kg) sur le SHU initial a été constatée dans quelques cas liés à des mutations homozygotes du FH, situation exceptionnelle (21-23). Il semble qu’en cas de mutation hétérozygote, situation la plus fréquente, des doses très importantes de PFC (40 à 45 ml/kg au moins une fois par semaine à titre préventif) soient nécessaires. De telles quantités de PFC entraînent une hyperprotidémie et doivent donc être associées à des EP (24). J. Caprioli et al. ont rapporté que chez les patients avec mutation du FH, la plasmathérapie, réalisée dans la plupart des cas, est associée à une rémission de l’épisode aigu dans 67 % des cas (6). L’effet de la plasmathérapie en cas de mutation du FI est peu documenté : que les patients soient ou non traités par PFC, 50 % des épisodes de SHU évoluent vers la rémission (6). En revanche, la plasmathérapie ne paraît pas utile en cas de mutation de MCP, la rémission des épisodes étant observée dans 91 % des épisodes traités par plasmathérapie et 100 % des épisodes non traités (6). L’observation de K.H. Olie et al. (25) est intéressante : chez un enfant ayant une mutation hétérozygote du FH, les EP avec FFP (40 ml/kg/j x 7 jours) ont été réalisés avant et après la transplantation rénale, puis progressivement espacés à un EP tous les 15 jours, pendant 10 mois. Deux récidives survenues au 10e et 12e mois lors d’infections à CMV ont été enrayées par intensification de la plasmathérapie (EP quotidiens) pendant un mois et 10 jours respectivement. Les EP ont été réespacés ensuite jusqu’à un EP par semaine, et la fonction du greffon est normale 2 ans après la greffe. En pratique, il est à notre avis justifié de commencer les EP avec du PFC avant la greffe en cas de mutation du FH ou du FI. La plasmathérapie est à conduire selon le schéma indiqué ci-dessus (25). En cas de SHU D- inexpliqué, où le taux de récidive est moins important, la mise en route différée de la plasmathérapie, dès l’apparition des premiers signes de récidive, est licite. Le FH étant synthétisé dans le foie, une transplantation hépatique a été réalisée chez 4 enfants atteints de SHU avec mutation du FH. Le premier cas (greffe foie + rein) a présenté une défaillance hépatique à J26, par rejet humoral. Une retransplantation hépatique a permis la rémission du SHU, l’enfant gardant des séquelles neurologiques de la période de défaillance hépatique entre les deux transplantations (26). Un autre patient est décédé en postopératoire par nonfonction primaire du foie (27). Ces échecs de la transplantation hépatique liés à des phénomènes thrombotiques et ischémiques suggèrent une sensibilité hépatique à l’égard des complications thrombotiques et ischémiques, vraisemblablement en liaison avec l’ano- 151 malie du complément. Le troisième enfant a eu une greffe de foie isolée qui a permis la rémission du SHU, mais l’enfant est décédé au 10e mois à la suite d’infections répétées et d’un syndrome lymphoprolifératif (28). Dans un quatrième cas publié récemment (29), une transplantation hépatique et rénale a été réalisée sous couvert d’un échange plasmatique (50 ml/kg) immédiatement avant l’intervention et une perfusion de PFC (19 ml/kg) en peropératoire. Avec un recul de 2 ans, le résultat est excellent. Il apparaît donc que la transplantation hépatique nécessite d’être réévaluée sous couvert d’une plasmathérapie intensive. L’administration de FH sera à court terme une option thérapeutique plus facile. L’autre option thérapeutique pourrait être l’administration d’inhibiteurs du complément, comme l’eculizumab, anticorps monoclonal humanisé antiC5, dont l’efficacité est démontrée dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (20). RISQUE DE SHU CHEZ LE DONNEUR VIVANT APPARENTé Le SHU atypique peut apparaître comme sporadique chez un patient sans antécédents familiaux de SHU, mais on sait qu’il y a dans ces familles des sujets sains porteurs du même défaut génétique que le patient. Cela est bien établi pour les mutations du FH, de FI et de MCP, et existe très probablement pour d’autres anomalies génétiques prédisposant au SHU. Il y a donc un risque qu’un donneur vivant apparenté développe lui-même un SHU après avoir donné un rein à un membre de sa famille. Des événements de ce type ont été rapportés dans quatre familles, dans lesquelles quatre adultes âgés de 21 à 31 ans ont eu un SHU 3 semaines à 3 mois après qu’ils aient donné un rein à un de leurs frères et sœurs ou à leur enfant (31). Le don de rein semble être l’élément déclenchant du SHU, suggérant que la néphrectomie unilatérale et la réduction de la masse rénale Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006 D ossier thématique pourraient être à l’origine de lésions endothéliales déclenchant les SHU chez le donneur prédisposé par une mutation à risque. Cela rejoint l’observation d’un patient porteur d’une mutation du FH chez qui le SHU est apparu après une néphrectomie justifiée par un traumatisme rénal lors d’un accident de la circulation (19). TRANSPLANTATION RéNALE CHEZ LES PATIENTS AYANT UN SHU DAVEC ANTICORPS ANTI-FH Chez une enfant de notre service, les EP ont permis la négativation du taux d’anticorps anti-FH avant la greffe. Celle-ci, faite sous EP, a été un succès, sans récidive avec un recul d’un an. TRANSPLANTATION RéNALE EN CAS DE PURPURA THROMBOTIQUE THROMBOCYTOPéNIQUE CONGéNITAL LIé à UN DéFICIT CONSTITUTIONNEL EN ADAMTS 13 Un seul patient atteint d’un déficit congénital en ADAMTS 13 (syndrome de Schulman-Upshow) a eu une transplantation rénale, à l’âge de 14 ans (32). Une anémie hémolytique avec schizocytes, une thrombocytopénie et une insuffisance rénale sont survenues 5 jours après la transplantation, avec des lésions de microangiopathie thrombotique à la biopsie du greffon. L’enfant a également eu une amaurose transitoire liée à une ischémie rétinienne et un accident vasculaire cérébral 35 jours après la transplantation. Les EP avec du PFC, commencés empiriquement 7 jours après la transplantation, ont été efficaces et ont été poursuivis tous les 15 jours pendant 9 ans, si bien que le patient n’est retourné en dialyse qu’à l’âge de 23 ans. Après identification du déficit complet en ADAMTS 13, une deuxième transplantation rénale a été réalisée sous perfusions de PFC, maintenues par la suite tous les 15 jours. La greffe est fonctionnelle avec un recul de plusieurs années. Il est en effet bien établi que les patients qui ont un déficit constitutionnel en ADAMTS 13 doivent être traités par les perfusions de PFC qui apportent l’ADAMTS 13 (4). CONCLUSION Le risque de récidive du SHU après transplantation rénale est pratiquement nul en cas de SHU D-, et les résultats sont dans ces cas similaires à ceux obtenus après transplantation rénale pour une autre maladie. Aussi, lorsque le diagnostic de SHU D+ est certain, une transplantation avec donneur vivant apparenté peut être envisagée. En revanche, le risque de récidive après greffe est extrêmement élevé en cas de SHU D-, particulièrement en cas de mutation du FH et du FI, mais il semble nul ou très faible en cas de mutation de MCP. En pratique, les patients atteints de SHU D- doivent bénéficier d’une recherche de mutation du FH, FI et de MCP avant la transplantation rénale, pour cerner le risque de récidive et d’échec de la greffe. Le risque de perte du greffon par récidive du SHU étant très élevé en cas de mutation du FH et du FI, l’indication même de la transplantation rénale est discutable dans ces cas, alors que la transplantation peut raisonnablement être envisagée chez les patients porteurs d’une mutation de MCP. Toutefois, tous les patients atteints de mutation du FH et du FI, ou de SHU inexpliqué, n’ont pas de récidive et quelques-uns gardent un greffon fonctionnel pendant plusieurs années malgré la récidive. La fréquence des accidents thrombotiques en cas de mutation du FH et de SHU D- inexpliqué suggère un rôle thrombogène de la dysfonction complémentaire, ou l’existence d’autres facteurs thrombogènes à ce jour inconnus. La transplantation rénale avec donneur vivant est extrêmement discutable en 152 cas de mutation du FH, du FI et de SHU inexpliqué, en raison du risque de perte du greffon par récidive, mais aussi du risque que le donneur ait lui-même un SHU après le don de rein. La plasmathérapie intensive pour prévenir ou traiter la récidive de SHU est actuellement la principale option thérapeutique. La greffe hépatique combinée à la greffe rénale mériterait d’être réévaluée sous couvert d’une plasmathérapie intense. L’administration de FH concentré chez les patients ayant une mutation du FH sera une option plus facile dans un avenir proche. L’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-C5 devra aussi être évaluée. ■ R é f é r e n c e s b i b l i o g r a p h i q u e s 1. Noris M, Remuzzi G. Hemolytic uremic syndrome. J Am Soc Nephrol 2005;16:1035-50. 2. Constantinescu AR, Bitzan M, Weiss LS et al. Non-enteropathic hemolytic uremic syndrome: causes and short-term course. Am J Kidney Dis 2004;43:976-82. 3. Taylor CM, Chua C, Howie AJ, Risdon RA, British Association for Paediatric Nephrology. Clinico-pathological findings in diarrhoea-negative haemolytic uraemic syndrome. Pediatr Nephrol 2004;19:419-25. 4. Loirat C, Veyradier A, Girma JP, Ribba AS, Meyer D. Thrombotic thrombocytopenic purpura associated with von Willebrand factor-cleaving protease (ADAMTS13) deficiency in children. Semin Thromb Hemost 2006;32:90-7. 5. Dragon-Durey MA, Fremeaux-Bacchi V. Atypical haemolytic uraemic syndrome and mutations in complement regulator genes. Springer Semin Immunopathol 2005;27:359-74. Epub 2005 Nov 11. 6. Caprioli J, Noris M, Brioschi S et al. Genetics of HUS: the impact of MCP, CFH and IF mutations on clinical presentation, response to treatment, and outcome. Blood 2006;108(4):1267-79. 7. Dragon-Durey MA, Loirat C, Cloarec S et al. Anti-factor H autoantibodies associated with atypical hemolytic uremic syndrome. J Am Soc Nephrol 2005;16:555-63. 8. Loirat C, Niaudet P. The risk of recurrence of hemolytic uremic syndrome after renal transplantation in children. Pediatr Nephrol 2003;18:1095-101. Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006 D ossier thématique 9. Miller RB, Burke BA, Schmidt WJ et al. Recurrence of haemolytic-uraemic syndrome in renal transplants: a single-centre report. Nephrol Dial Transplant 1997;12:14525-30. 17. Noris M, Brioschi S, Caprioli J, et al. Familial haemolytic uraemic syndrome and MCP mutation. Lancet 2006;362:1542-7. 10. Lahlou A, Lang P, Charpentier B et al. Hemolytic uremic syndrome. Recurrence after renal transplantation. Groupe coopératif de l’Ile-de-France (GCIF). Medicine (Baltimore) 2000;79:90-102. 18. Fremeaux-Bacchi V, Moulton EA, Kavanagh D et al. Genetic and functional analysis of membrane Cofactor Protein (CD46) mutations in atypical tomolytic uremic syndrome. J Am Soc Nephrol 2006;17:2017-25. 11. Quan A, Sullivan EK, Alexander SR. Recurrence of hemolytic syndrome after renal transplantation in children: a report of the North American Pediatric Renal Transplant Cooperative Study. Transplantation 2001;742-5. 19. Bresin E, Daina E, Noris M et al. Outcome of renal transplantation in patients with Non-ShigaToxin associated hemolytic syndrome: prognostic significance of genetic background. Clin J Am Soc Nephrol 2006;1:88-9. 12. Artz MA, Steenbergen EJ, Hoitsma AJ et al. Renal transplantation in patients with hemolytic syndrome: high rate of recurrence and increased incidence of acute rejections. Transplantation 2003;76:821-6. 20. Fremeaux-Bacchi V, Kemp EJ, Goodship JA et al. The development of atypical haemolyticuraemic syndrome is influenced by susceptibility factors in factor H and membrane cofactor protein: evidence from two independent cohorts. J Med Genet 2005;42:852-6. 13. Neumann HP, Salzmann M, Bohnert-Iwan B et al. Haemolytic uraemic syndrome ad mutations of the factor H gene: a registry-based study of German speaking countries. J Med Genet 2003; 40:676-81. 14. Esparza-Gordillo J, Goicoechea de Jorge E, Buil A et al. Predisposition to atypical hemolytic uremic syndrome involves the concurrence of different susceptibility alleles in the regulators of complement activation gene cluster in 1q32. Hum Mol Gene 2005;14:703-12. 21. Nathanson S, Fremeaux-Bacchi V, Deschenes G. Successful plasma therapy in hemolytic syndrome with factor H deficiency. Pediatr Nephrol 2001;16:554-6. 22. Landau D, Shalev H, Levy-Finer G et al. Familial hemolytic uremic syndrome associated with complement factor H deficiency. J Pediatr 2001; 138;412-7. 15. Kavanagh D, Kemp Ej, Mayland E et al. Mutations in complement factor I predispose to development of atypical haemolytic uremic syndrome. J Am Soc Nephrol 2005;16:2150-5. 23. Licht C, Weyersberg A, Heinen S et al. Successful plasma therapy for atypical hemolytic uremic syndrome caused by factor H deficiency owing to a novel mutation in the complement cofactor protein domain 15. Am J Kidney Dis 2005;45:415-21. 16. Richards A, Kemp EJ, Liszewski MK et al. Mutations in human complement regulator, membrane cofactor protein (CD46), predispose to development of familial hemolytic uremic syndrome. Proc Natl Acad Sci USA 2003;100: 12966-71. 24. Filler G, Radhakrishnan S, Strain L, Hill A, Knoll G, Goodship TH. Challenges in the management on infantile factor H associated hemolytic uremic syndrome. Pediatr Nephrol 2004;19: 908-11. 25. Olie KH, Goodship TH, Verlaak R et al. Posttransplantation cytomegalovirus-induced recurrence of atypical hemolytic uremic syndrome associated with a factor H mutation: successful treatment with intensive plasma exchanges and ganciclovir. Am J Kidney Dis 2005;45:12-5. 26. Remuzzi G, Ruggenenti P, Codazzi D et al. Combined kidney and liver transplantation for familial haemolytic uraemix syndrome. Lancet 2002;359:1671-2. 27. Remuzzi G, Ruggenenti P, Colledan M et al. Hemolytic uremic syndrome: a fatal outcome after kidney and liver transplantation performed to correct factor h gene mutation. Am J Transplant 2005;5:1146-50. 28. Cheong HI, Lee BS, Kang HG et al. Attempted treatment of factor H deficiency by liver transplantation. Pediatr Nephrol 2004;19:454-8. 29. Saland JM, Emre SH, Shneider BL et al. Favorable long-term outcome after liver-kidney transplant for recurrent hemolytic uremic syndrome associated with a factor H mutation. Am J Transplant 2006;6:1948-52. 30. Hillmen P, Hall C, Marsh JC et al. Effect of eculizumab on hemolysis and transfusion requirements in patients with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. N Engl J Med 2004;350: 552-9. 31. Donne RL, Abbs I, Barany P et al. Recurrence oh hemolytic uremic syndrome after live related renal transplantation associated with subsequent de novo disease in the donor. Am J Kidney Dis 2002;40:E22. 32. Deschenes G, Veyradier A, Cloarec S et al. Plasma therapy in von Willebrand factor protease deficiency. Pediatr Nephrol 2002;17:867-70. Les articles publiés dans Le Courrier de la Transplantation le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © juin 2001 - DaTeBe SAS Imprimé en France - ÉDIPS, 21800 Quetigny - Dépôt légal à parution Ce numéro est routé avec une Infos Congrès “Actualités sur l’évérolimus (ISHLT-WTC)” - 12 pages 153 Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006