Régionale d’Orléans-Tours Réunion du 01 mars 2008 Treize collègues, adhérents de l’Appep ou non, se sont réunis à Tours, jeunes ou moins jeunes, ce qui est plutôt encourageant[1]. On peut évidemment toujours être déçu d’une participation qu’on voudrait plus forte, particulièrement dans la situation actuelle. Nous avons insisté auprès de nos collègues sur l’importance d’un engagement des professeurs de philosophie dans la vie associative. Redisons au passage ce qui a toujours été notre conviction, défendue ici comme au B.N. ou dans certaines discussions sur appepliste : c’est un dialogue entre collègues qui nous associe, en toute indépendance. Entrer à l’Appep n’est pas entrer en religion, au sens ordinaire de cette expression, même si nous sommes évidemment liés par quelques convictions fortes[2]. Nous ne croyons pas d’ailleurs que l’on pourrait travailler à l’amélioration de notre enseignement dans une atmosphère qui ne serait pas collégiale. C’est aussi une des conditions nécessaires à l’affrontement d’un métier difficile dont les conditions d’exercice ne tendent pas à s’améliorer. Sujet prévu d’abord comme devant faire partie des questions diverses, la suppression massive de postes dans beaucoup d’établissements nous a immédiatement occupés[3]. Nous ne pouvons y être indifférents. Ce sont autant les conditions de notre travail qui se dégradent ainsi que sa qualité vis-à-vis des élèves. Ces suppressions supposent dans tous les établissements un volume d’heures supplémentaires considérable. Dans de nombreux établissements les professeurs réagissent à cette situation en annonçant qu’ils refuseront toute heure supplémentaire au-delà de celle qui peut leur être imposée. Plusieurs collègues signalent des suppressions qui engendrent d’ailleurs de fortes réactions des professeurs et quelquefois aussi des élèves (en grève dans certains établissements). Au reste, et certains collègues présents en témoignent directement, cela signifie aussi le recours croissant aux TZR, qu’il s’agissait pourtant de supprimer, autant qu’à des vacataires ou des contractuels engagés par les établissements (voir plus loin la question des concours). Une discussion s’engage, qui sera notre principal sujet, sur l’avenir des filières, la possible introduction d’un horaire en Première. Nous informons nos collègues de ce que nous savons ou pas. Certains collègues font part de leur expérience en Première, évoquant tantôt le sentiment qu’un travail est possible tantôt la confrontation a une immaturité qui fait obstacle (surtout en conséquence d’un faible horaire)[4]. Chacun s’accorde sur le fait qu’il ne s’est jamais agi que de préparer à la terminale et qu’il y a alors contradiction entre une éventuelle introduction d’heures en Première et la diminution du volume horaire en Terminale. Faut-il sauver la terminale L ? En l’état sans doute pas. Reste qu’un enseignement philosophique trouve pleinement sa place dans l’horaire de huit heures. Ph. Blanc, par ses fonctions nationales, signale l’opposition des collègues de Lettres à notre présence en Première. Cl. Papp estime que nous perdrons notre âme à vouloir pallier en Première des manques qui relèvent du fait que les autres disciplines, par la faute de leurs programmes, ne sont pas pleinement enseignées. Si l’on veut parler de progressivité, c’est par un volume horaire conséquent en terminale qu’elle est possible, pas par l’étalement sur deux ans avec un volume au total amoindri. Nous rappelons que l’Appep n’a jamais eu d’opposition de principe à l’introduction en Première, et que nous avions accepté la proposition, qui nous avait été faite, d’une introduction dans la classe de 1ère L lors d’une rencontre avec M. Sherringham alors conseiller de M. Fillon au MEN, à la condition, acceptée alors, qu’on ne touche pas à la Terminale. Pour P. Cousquer l’effritement des L est accentué par un bac qu’il est devenu plus difficile d’obtenir dans cette section que dans d’autres et notamment d’obtenir au meilleur niveau (bien peu de mentions B ou TB en L). La L fait peur, et le coefficient comme la notation en philosophie n’y sont pas pour rien. A. Champseix pense que face à de probables changements il vaut mieux proposer que refuser. Nos gouvernants ne semblent pas savoir clairement ce qu’ils veulent, en dehors, semble-t-il, du souci de diminuer les dépenses : à nous, donc, de montrer que d’autres choix sont possibles même si le contexte européen, par exemple, qui pousse à l’harmonisation, pourrait rendre illusoire le maintien d’un horaire de philosophie de 8 heures. Il faut montrer la nécessité de la philosophie en renouvelant la réflexion sur les fins de l’école. Il s’agit donc d’apporter dans le débat public les idées qui justifient notre présence plus que de simplement défendre le statu quo. Y. Prouët fait part des nombreuses plaintes de professeurs qui ont aujourd’hui des L, concernant le niveau des élèves et même leur comportement. Cl. Papp soulignait auparavant que notre enseignement n’a pas particulièrement sa place avec des élèves se destinant à l’étude des langues. Il y a un décalage énorme entre ce qu’on attend de cette classe, par son horaire et son programme, et ce qu’on peut y faire effectivement. Y. Prouët va dans le sens des positions du BN de l’Appep en disant que nous n’avons plus rien qui nous attache particulièrement à cette série[5]. Il faut proposer un horaire de cinq heures dans toutes les terminales générales avec possibilité d’une option avantageuse pour ceux qui la choisiraient. Par ailleurs, s’il fallait aller en première, en conséquence de la discussion que nous avons eue un moment sur la notion de préparation, il pense, sur le modèle qu’il connaît des prépas HEC, qu’une année de culture générale préparant précisément à ce dont ont besoin nos cours en Terminale serait la meilleure solution. Plusieurs d’entre nous se prononcent en ce sens et plus particulièrement pour la proposition d’un horaire commun à toutes les terminales générales, avec option, qui est accueillie très favorablement (plutôt qu’une défense de l’actuelle L). Ch. Béal n’est pas contre des heures en Première. La condition en serait qu’elles permettent une préparation à la Terminale, donc qu’elles permettent d’exercer les élèves à la dissertation (à partir de la lecture de textes philosophiques par exemple). Il ne serait pas cohérent que cela ait lieu aux dépens de la Terminale. Cela supposerait un volume horaire conséquent en Première. J. Coudurier-Abaléa défend un point de vue particulier : nous devrions selon lui avoir une position beaucoup plus offensive et proposer notre présence y compris en Seconde, à la manière des Sciences économiques, quitte à changer nos méthodes. Il évoque en ce sens le modèle portugais et sa réussite. Cela assurerait en même temps notre présence dans les conseils de Seconde et nous donnerait la possibilité d’influer sur l’orientation des élèves contre le choix d’aller en S pour de mauvaises raisons. Odile Roche voit d’abord la nécessité de disciplines qui préparent à la culture dont nos élèves ont besoin. Cette discussion se termine par une réflexion sur nos conditions de travail, point sur lequel l’accord est unanime. On sait déjà à quel sort sont condamnés des collègues se trouvant dans des lycées techniques, confrontés au plus grand nombre de classes là où les élèves sont, très souvent, les plus en difficulté et les plus difficiles. Avec l’introduction éventuelle d’un horaire en Première en parallèle avec une diminution de l’horaire en Terminale, avoir six classes, si l’on est agrégé, deviendrait une situation de privilégié, ce qui permet d’imaginer la situation d’un professeur certifié. Il est inutile de détailler à ceux qui enseignent dans le secondaire les conséquences multiples que cela aurait et qui rendraient leur travail plus épuisant encore qu’il n’est. Aucune réforme ne peut ignorer cela et encore moins si elle prétend défendre notre enseignement.[6] Nous en sommes venus ensuite à la question du temps de correction du baccalauréat. Chacun est ici d’accord sur ce qu’il y a d’insupportable dans la situation prévue cette année. Soit l’on revient à une anticipation de l’épreuve (avec reprise des autres cours après), soit chaque professeur devra voir diminuer considérablement le nombre de copies qu’il aura à corriger. Au minimum, les professeurs présents se disent prêts cette année à ne participer qu’à une sur deux des journées d’harmonisation, bien qu’ils les jugent, absolument parlant, chacune nécessaire, en même temps qu’ils s’inquiètent de l’impossibilité dans laquelle ils risquent d’être d’assurer le retour des notes dans les temps habituellement prévus[7]. À chacun il apparaît stupéfiant qu’une telle modification de la date du bac ait pu se faire sans que soit envisagée cette question, qui est celle de la qualité de la correction et cela, qui plus est, dans une discipline à laquelle on ne se prive pas pourtant de faire des reproches. Les professeurs de philosophie ont entrepris depuis plusieurs années un travail, souci d’équité avant tout, que vient complètement contredire le temps qui leur est laissé cette année. De plus, comme le fait remarquer un collègue, ce calendrier très resserré, donne au bac l’esprit d’un concours, contraignant les élèves à deux épreuves dans la même journée. Nous discutons finalement d’une possible suppression des concours de recrutement des professeurs (voir l’éditorial d’Edouard Aujaleu, L’Enseignement philosophique, janvierfévrier 2008). À plusieurs il apparaît que la création d’un master d’enseignement n’est pas en soi un mal. Tout dépendrait de la qualité de la sélection opérée à son entrée. Ce qu’on peut craindre, c’est davantage le type de recrutement qui risque d’en découler. Par un étrange masochisme, alors même qu’on veut s’interdire toute auto-flagellation, la France qui pourrait s’enorgueillir de son mode de recrutement des professeurs et le proposer en modèle, semble séduite par le modèle inquiétant d’un recrutement direct par les établissements. Ce n’est pas seulement alors la garantie des qualités intellectuelles qui serait perdue, mais l’indépendance nécessaire des professeurs, que garantit le statut de fonctionnaire, relativement aux pouvoirs politiques et religieux. Plusieurs collègues remarquent en ce sens que l’engagement de vacataires ou de contractuels se banalise. Ph. Blanc fait part de réactions d’étudiants plutôt favorables à ce master. La raréfaction des postes aux concours n’y est pas pour rien. Y. Prouët s’étonne comme d’autres de la répartition des postes offerts en philosophie entre Capes et agrégation. Il ajoute que l’existence de deux concours ne se justifie d’ailleurs pas dans cette discipline. Nous procédons au renouvellement du Bureau de la régionale (voir site et revue). S. Perrier reste président mais fait remarquer qu’il faudra songer à son remplacement. Nous croyons d’ailleurs que, même si ce n’est pas toujours facile, le renouvellement assez régulier des responsables de régionales est une bonne chose. La substantialisation de bureaux régionaux peut décourager la participation de nouveaux collègues. Notre Régionale, sur plusieurs années, a régulièrement eu quelques nouveaux adhérents. C’est pour le moment très nettement insuffisant. Cette année se montre encourageante de ce point de vue. Souhaitons qu’il en soit durablement ainsi en ces temps difficiles pour notre discipline. Pour le Bureau, S. Perrier. Notes : [1] En plus de l’annonce dans notre revue de cette réunion, chaque collègue de l’académie a été individuellement informé par message électronique envoyé dans tous les établissements, privés ou publics. [2] Signalons, par exemple, comme cela est venu dans la discussion, que la dissertation, pour des raisons pédagogiques fortes, parce que nous avons le souci de nos élèves, nous apparaît, à tous, comme un exercice dont nous voulons défendre l’existence. [3] L’exemple nous est donné de 17 postes dans un établissement, 20 dans un autre… [4] C’est par ailleurs une chose d’aller en première L avec des élèves ayant la perspective de huit heures de cours l’année suivante et d’un coefficient 7, et une autre, bien différente, d’aller dans des premières, L S ou ES, pour y avoir le statut d’une matière mineure, se surajoutant aux autres, sans la perspective immédiate d’un examen et relativement à un coefficient faible en terminale. Dans le premier cas, on pourrait même envisager sans difficulté qu’aucune évaluation, pendant cette préparation, ne motive les élèves. Dans le second, les professeurs de philosophie devront se préparer, de ce point de vue aussi, à une dégradation certaine de leurs conditions de travail. [5] Rappelons que le BN de l’Appep a toujours dit qu’une introduction en Première ne devrait pas se limiter à la terminale L alors que vont en S des élèves que leur goût porte tout autant vers les matières qu’on a pris l’habitude de nommer « littéraires ». [6] Ajoutons qu’on peut se lasser d’avoir à discuter relativement à des intentions que nous ignorons. L’avant-dernière rumeur en date, pourtant issue apparemment de bonne source, nous faisait savoir que l’introduction d’un horaire, en 1ère L exclusivement, était décidée, indifféremment donc à notre accord ou désaccord. La dernière voudrait que, faute de moyens, il ne soit même plus question d’aucune introduction. Et pour ce qui importe le plus, la classe terminale, nous ne savons rien. [7] À ce jour, un courrier envoyé au Rectorat concernant ce problème et demandant ce qui est prévu n’a reçu aucune réponse.