Quoi que les dirigeants européens fassent, à présent, ce sera une erreur. S’ils essayent de
consolider l’euro, ce sera une charge intolérable pour les ressources financières de l’UE.
Cela se traduira par des années et des décennies de coupes budgétaires et d’austérité. La
lutte des classes s’intensifiera en conséquence. Mais si l’euro s’effondre, ce sera une
catastrophe économique qui plongera toute l’Europe – et pas seulement la zone euro –
dans une crise encore plus profonde.
Ce dilemme provoque des divisions et des tensions entre les différentes bourgeoisies
nationales, en particulier entre la France et l’Allemagne. François Hollande a remporté les
élections présidentielles et parlementaires. Il sera sous pression pour mener à bien au
moins quelques-unes des réformes annoncées au cours de sa campagne électorale. Mais il a
aussi promis de très vite ramener le déficit public à 3 %. Or ces deux objectifs s’excluent
mutuellement.
Angela Merkel exige la pleine application des plans d’austérité et des coupes budgétaires.
La bourgeoisie allemande demande une discipline et un équilibre des budgets. Hollande
demande des mesures pour la croissance, Merkel exige des coupes. Plus précisément, la
classe dirigeante française veut que la classe dirigeante allemande paye pour stimuler
l’économie des autres pays européens, tandis que la classe dirigeante allemande veut que
les dirigeants des autres pays capitalistes fassent payer la crise à leurs travailleurs.
Comment peuvent-ils se mettre d’accord ? De fait, il y a une scission ouverte au sein de
l’UE.
Le pessimisme de la classe dirigeante est bien exprimé dans un article Larry Elliot,
journaliste au Guardian, lors du dernier sommet du G20 : « Il serait naïf d’imaginer que le
G20 prépare un plan pour la croissance mondiale ou que la crise de la zone euro sera bientôt
terminée. Les banques centrales sont en alerte maximale pour faire face aux conséquences
des élections grecques. Pourquoi ? Parce qu’en ce moment, l’économie mondiale est
constituée de nations qui sont soit en récession, soit sur le point d’entrer en récession, soit
enfin en train de rapidement décélérer. Pour le moment, il n’y a pas de bons résultats
économiques, seulement des mauvais – et même très mauvais ». (The Guardian, 17 juin 2012)
La question de la dette
L’expression la plus évidente de la crise est la dette publique. Cependant, ce n’est pas la
cause de la crise, mais seulement un symptôme de la maladie du capitalisme. La dette
publique et, surtout, les déficits budgétaires ont massivement augmenté suite au
« sauvetage » des banques et à la récession économique elle-même (qui diminue les recettes
fiscales, tandis qu’elle augmente les dépenses sociales du type allocations chômage, etc.).
Dans chaque phase d’expansion capitaliste, il y a un élément de spéculation qui ne se révèle
pleinement qu’au début de la crise. La seule différence avec cette crise, c’est l’ampleur
colossale de la spéculation. Au cours des trente dernières années, la bourgeoisie a tenté
d’éviter la crise au moyen d’une expansion sans précédent du crédit. En particulier, la
bourgeoisie des États-Unis s’est engagée dans une véritable orgie spéculative basée sur une
énorme expansion du crédit à faible taux d’intérêt. Cela fut activement promu par Alan
Greenspan et la Réserve Fédérale, à l’époque.