bien comprendre les mécanismes impli-
qués pour proposer une prise en charge
adaptée. L’un des premiers éléments à
faire préciser est le moment de surve-
nue des difficultés : s’agit-il d’une diffi-
culté récente chez un enfant qui n’avait
pas de problème jusque-là (en cas d’hy-
pertrophie des amygdales par exemple)
ou d’un enfant qui n’a jamais réussi à
manger de morceaux. En effet, les diffi-
cultés d’acceptation des morceaux s’ins-
crivent souvent dans un continuum de
difficultés alimentaires que les parents
(et les soignants) n’avaient pas forcé-
ment repérées (problèmes d’oralité
chez le prématuré avec hypersensibilité
sensorielle par exemple).
BILAN CLINIQUE
Une consultation multidisciplinaire est la
démarche la plus efficace pour évaluer
les troubles de déglutition du jeune en-
fant. Le minimum requis est une consul-
tation ORL et un bilan orthophonique, si
possible réalisés conjointement.
ANAMNÈSE
L’anamnèse, fondamentale, permet de
comprendre le contexte. Cette anamnèse
recherche :
첸
les antécédents familiaux (troubles
des conduites alimentaires) ;
첸
les antécédents anténatals et périna-
tals (terme, déroulement de l’accouche-
ment, nécessité de ventilation méca-
nique et/ou d’alimentation entérale,
notamment chez le prématuré) ;
첸
les antécédents médicaux et chirurgi-
caux pouvant être à l’origine de difficul-
tés alimentaires (antécédents cardiaques,
malformation digestive).
Le déroulement initial des prises alimen-
taires est étudié (modalités de l’allaite-
ment et des tétées). L’âge de la diversifi-
cation (âge d’introduction de la cuillère,
puis des morceaux) est noté (périodes
sensibles respectées ?). Les textures ac-
tuellement acceptées sont analysées (sé-
lectivité ?), ainsi que le déroulement du
repas (installation, personne référente
faisant manger l’enfant, etc.).
La présence de fausses routes est re-
cherchée (fausse route à la salive, aux
liquides ou aux morceaux avec antécé-
dent de blocage alimentaire), ainsi que
l’existence d’une dysphagie (gêne au
passage pharyngé et œsophagien des
morceaux).
Enfin sont abordés :
첸
le vécu parental face à ces difficultés
d’alimentation de l’enfant (peur panique
d’étouffement et éviction de tout mor-
ceau, sentiment d’incompétence, etc.) ;
첸
le retentissement sur la vie sociale
de la famille (difficulté de mise en col-
lectivité du fait de l’absence de prise
de morceaux, projet d’accueil indivi-
dualisé, etc.).
PREMIER TEMPS DU BILAN
ORTHOPHONIQUE
Le bilan orthophonique débute par une
phase d’observation du comportement
de l’enfant vis-à-vis de sa bouche : suc-
cion du pouce, d’une tétine, etc. Il re-
cherche la persistance anormale des ré-
flexes oraux archaïques, la présence
d’un réflexe nauséeux trop marqué ou
trop antérieur, ainsi que d’autres hyper-
sensibilités sensorielles (tactiles, olfac-
tives, auditives ou visuelles). Il fait une
analyse des praxies bucco-labio-faciales
et verbales, puis s’intéresse au tonus et
à la motricité, et recherche des particu-
larités tonico-posturales. La déglutition
salivaire (bavage ?), le mode de respira-
tion (nasal ou buccal) et la posture lin-
guale de repos sont observés.
EXAMEN ORL
Eléments morphotypiques, paires crâ-
niennes et flux nasal sont analysés. La
cavité buccale est inspectée : articulé
dentaire, état bucco-dentaire, volume et
mobilité de la langue, brièveté du frein
de langue, intégrité du palais dur et du
voile du palais, présence d’une hyper-
trophie amygdalienne gênant le passa-
ge des morceaux et présence de salive
dans la cavité buccale.
L’examen se poursuit par une nasofibro-
scopie, sans puis avec essai alimentaire
si possible, dans un environnement sé-
curisé (matériel d’aspiration préparé,
ballon pour oxygénation avec masque
facial adapté à l’âge de l’enfant à dispo-
sition). Un jeûne de deux heures est
préférable pour éviter toute régurgita-
tion ou tout vomissement lors de l’exa-
men. Des nasofibroscopes pédiatriques
de moins de 3 mm de diamètre sont ac-
tuellement disponibles, permettant de
réaliser un examen atraumatique et non
douloureux. Le plus désagréable est le
passage des fosses nasales.
La nasofibroscopie est réalisée l’enfant
assis sur les genoux d’un parent, afin de
pouvoir proposer un essai alimentaire
en fin d’examen. Cet examen permet
d’analyser la filière aéro-digestive, des
fosses nasales au larynx. Il permet de
rechercher un obstacle anatomique,
une malformation, une inflammation
(signes indirects de reflux pharyngo-
laryngé), un trouble de la mobilité vé-
laire ou laryngée et la présence de
stases de salive ou de sécrétions pha-
ryngées. La qualité de la déglutition de
la salive est observée. La sensibilité pha-
ryngée peut être analysée en touchant
la paroi pharyngée postérieure si les cir-
constances le permettent.
Pour compléter l’examen, un essai ali-
mentaire est proposé [1, 2]. Cependant,
cet essai est contre-indiqué en cas de
problème de vigilance ou de troubles de
la déglutition sévères avec fausses routes
salivaires et stases.
Dans les cas favorables, plusieurs tex-
tures peuvent être essayées : liquides, li-
quides épaissis, aliments mixés, voire
morceaux, mais uniquement chez les en-
fants très coopératifs qui comprennent
l’examen. Pour une meilleure analyse, les
liquides utilisés sont colorés (lait, colo-
rant alimentaire ajouté à de l’eau, etc.).
Plusieurs contenants peuvent également
être utilisés (seringue, verre, cuillère,
paille pour les liquides). L’orthophoniste
gère la proposition des aliments et sur-
veille le temps buccal, en se plaçant à
hauteur de l’enfant. Si la déglutition est
correcte, avec une bonne coordination
oro-bucco-pharyngée, le passage de l’ali-
ment n’est pas visible au moment du
temps pharyngé de la déglutition, et c’est
par l’existence d’une stase résiduelle ou
la présence de colorant au niveau des
cordes vocales que des fausses routes
peuvent être suspectées. Un défaut de
continence de l’isthme vélo-pharyngé
Médecine
& enfance
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