sont subdivisés : certains enfants n’ont
que l’hyperactivité, d’autres seulement
le déficit d’attention, d’autres enfin uni-
quement l’impulsivité décrite dans ce
syndrome. C’est dire que probablement
beaucoup d’enfants peuvent entrer
dans les critères à une période de leur
vie ! Cela faillit être le cas pour l’un des
miens durant ce séjour au Québec : il se
rebellait quand d’autres élèves l’en-
nuyaient violemment ; il était donc im-
pulsif ! Nous avons dû refuser l’ordon-
nance de méthylphénidate.
Le rapport avec les enfants compte par-
mi ce qu’il y a d’agréable au Québec : on
encourage, on félicite, on cherche les
bons côtés, on ne crie pas, on ne dé-
nigre pas, on punit peu. Les enfants
québécois sont en retour souvent ou-
verts et communicatifs. Cette tendance
est parfois poussée à l’extrême… Les
Québécois eux-mêmes reconnaissent
l’existence de problèmes éducatifs dans
certaines familles où le système de l’en-
fant roi perdure. Beaucoup d’enfants
sont « natures », peu ou pas contrôlés,
jamais punis ou tout simplement peu
éduqués… comme chez nous !
Le Québec (et d’autres pays dont les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne) est-il
victime d’une épidémie de THADA
monstrueuse, touchant 10 % des enfants
(dont l’avenir est de ce fait incertain : ef-
fet à long terme des médicaments,
conséquences des troubles du comporte-
ment) ? La France échappe-t-elle à cette
épidémie ou les médecins français pas-
sent-ils à côté du diagnostic ?
Il ne s’agit pas de nier l’existence de ce
syndrome, qui est bien réel, mais de
comprendre qu’il existe un risque ma-
jeur de surestimation du nombre de
cas [1, 2]. Quel en est le mécanisme ?
Prenons des enfants turbulents, avec
des lacunes éducatives. Les parents
« craquent », ainsi que les enseignants.
Or, il existe une maladie réelle, très mé-
diatisée au Québec où elle est connue
de tous les parents, de tous les ensei-
gnants et de tous les médecins. Les
signes en sont peu spécifiques, car c’est
l’accumulation de « troubles » du com-
portement, fréquents chez l’enfant nor-
mal, qui fait évoquer le diagnostic. Au-
cun examen paraclinique formel ne
confirme ou n’infirme. Quand ce dia-
gnostic clinique est posé, exit les causes
éducatives et la culpabilité qui peut al-
ler avec : c’est une maladie qui a un trai-
tement, ce qui, en soi, peut améliorer le
fonctionnement de l’enfant et sa rela-
tion aux enseignants. Ce traitement, par
ailleurs, est susceptible de modifier le
comportement, voire d’« améliorer » des
enfants normaux.
En France, ce syndrome est encore peu
médiatisé, et son diagnostic et son trai-
tement se font par l’intermédiaire d’un
neuropédiatre : peut-être faut-il voir là
deux raisons de sa relative rareté ?
Mais, m’objectera le lecteur, il est im-
possible qu’une maladie soit diagnosti-
quée et traitée à tort chez tant d’en-
fants. Attendez la suite…
LE ROYAUME-UNI
ET LA « ME »
Deux ans auparavant (et c’est peut-être
ce qui m’a poussé à réfléchir aux diffé-
rences d’épidémiologie entre les pays),
j’ai fait un stage de trois mois au Royau-
me-Uni. Je suivais un « consultant » pé-
diatre dans ses activités. Dès les pre-
miers jours, j’entendis parler à de nom-
breuses reprises d’une maladie pour
moi mystérieuse nommée « ME ». Je me
rendis compte qu’il s’agissait d’une ma-
ladie grave, puisque des enfants deve-
naient grabataires à cause d’elle. Elle
était fréquente : on me dit que c’était la
première cause d’absentéisme scolaire
en Grande-Bretagne, et le CHU de Sou-
thampton en était en 1999 à une série
de 400 cas. Un centre spécialisé prenait
en charge ces enfants, qui pouvaient ré-
cupérer après de longs mois ou années
de maladie et de longues semaines de
rééducation.
Le nom de cette maladie est « encépha-
lomyélite myalgique ». Problème : cette
maladie m’était inconnue. Mes collègues
anglais s’étonnèrent de mon ignorance à
propos d’un problème si grave et fré-
quent… Après quinze ans d’expérience
dans un service de pédiatrie générale, je
n’avais jamais vu d’enfant souffrant des
mêmes symptômes, même avec un autre
diagnostic ! Une enquête menée au fil
des mois suivants auprès de nombreux
collègues français, belges, italiens,
suisses, roumains et nord-africains me
révéla qu’aucun d’entre eux n’avait ren-
contré de tels patients.
Je me suis donc renseigné davantage
sur ce mystérieux syndrome qui parais-
sait fréquent outre-Manche et absent
sur le continent. Il s’agit en fait d’une
forme pédiatrique du syndrome de fa-
tigue chronique (décrit en 1959), mais
qui ici touche des adolescents, souvent
après un syndrome viral. Ces adoles-
cents sont fatigués, au point de ne plus
aller à l’école, de perdre le contact avec
leurs pairs, de rester confinés à la mai-
son, où ils sont incapables d’effectuer la
moindre tâche. L’évolution se prolonge
parfois sur plusieurs années et peut
aboutir à un état grabataire. Le traite-
ment consiste en une rééducation pro-
gressive à l’effort, en la restructuration
des journées (heures de repas, de som-
meil, de cours) et en la remotivation
des enfants. J’ai vu moi-même un kiné-
sithérapeute, membre d’une équipe
multidisciplinaire, aider un jeune à
monter trois marches d’escalier, ce qu’il
n’avait pu faire depuis six mois !
Le syndrome de fatigue chronique est
connu chez l’adulte, et est en augmen-
tation, mais il est mal expliqué. Aucun
mécanisme physiopathologique n’est à
ce jour démontré ; aucun examen com-
plémentaire ne peut confirmer ou infir-
mer le diagnostic, qui repose sur un en-
semble de signes cliniques subjectifs :
fatigue intense, myalgies, céphalées,
maux de gorge. De nombreuses études
ont été menées pour tenter d’éclaircir ce
problème. Des résultats positifs ont été
signalés çà et là, mais souvent non
confirmés ou considérés comme consé-
quences plus que comme causes du syn-
drome. L’évolution est prolongée et au-
cun médicament n’a fait ses preuves. Du
point de vue pronostique, un patient a
d’autant moins de chances de guérir
qu’il pense que sa maladie est grave et
qu’il s’investit dans une association de
malades !
Ma surprise n’était pas liée cependant à
Médecine
& enfance
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