Le trouble d`hyperactivité, avec déficit de l`attention, chez l`enfant

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ÉVÈNEMENT
Le trouble d’hyperactivité,
avec déficit de l’attention,
chez l’enfant
Par Berkouche Faïza
INTRODUCTION
La problématique de l’enfant hyperactif soulève, actuellement, beaucoup de
controverses et de débatsmédiatisés.L’
hyperactivité est un symptôme qui exprime différents troubles sous-jacents.
Il concerne un type de comportement
difficile à mesurer, dépendant de la
tolérance des personnes quivivent avec
l’enfant, son entourage familial, ses enseignants. La frontière, entre le normal
et lepathologique, est, parfois, difficile à
définir, surtout entre l’âge de 2 et 4 ans,
période pendant laquelle l’enfant a une
activité exploratoire débordante, témoignant de son ouverture au monde qui
l’entoure.
Définition du trouble d’hyperactivité,
avec déficit de l’attention, chez l’enfant:
Le trouble d’hyperactivité avec déficit
de l’attention (THADA) est un phénomène neurologique, qui se caractérise,
habituellement, par le manque d’attention, ou des problèmes de concentration
et parfois, par des comportements d’hyperactivité, ou d’impulsivité. Ce trouble
se manifeste dès l’enfance et peut engendrer des difficultés scolaires et une
faible estime de soi qui, dans certains
cas, persisteront jusqu’à l’âge adulte.
Bien que le déficit d’attention soit, souvent, diagnostiqué vers l’âge de 7 ans,
il semble que chez certains enfants, ses
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manifestations sont présentes dès un
très jeune âge; voire, avant leur entrée
à l’école.
DIAGNOSTIC DUTHADA
Le diagnostic de THADA est, habituellement, facile. Plus difficile est de préciser
son étiologie: symptomatique d’un processus pathogène sous-jacent, ou idiopathique. En effet, le syndrome hyperkinétique, avec déficit de l’attention,
peut être réactionnel à un environnement, ou à une situation pathologique,
ou être la traduction d’un processus
psychopathologique, propre à l’enfant.
Il peut, aussi, s’intégrer dans un trouble
du neuro-développement plus global,
soit psychogénique, soit d’origine neurologique (déficience intellectuelle).
L’instabilité psychomotrice est la manifestation la plus classique, qui amène
l’enfant à être vu, en consultation. Associée, ou non, à un déficit de l’attention, elle est responsable de troubles
de l’intégration scolaire, ou familiale,
ou d’une situation d’échec scolaire, du
fait des troubles de l’apprentissage,
qui peuvent être, eux-mêmes, primitifs
ou secondaires. L’hyper-kinésie est la
résultante de facteurs psychoaffectifs,
somatiques et neurobiologiques, chacun influençant, de façon réciproque, les
fonctions cognitives (mémoire et attention), les fonctions motrices (trouble du
contrôle de la motricité fine), le langage
(dans son versant réceptif, ou expressif)
et enfin, la sociabilité (troubles de l’intégration).
À l’inverse, une déficience intellectuelle
peut être responsable, par elle-même,
de troubles déficitaires de l’attention,
d’une instabilité psychomotrice, de
troubles du développement dulangage
et/ou de développement des capacités socio-adaptatives. Il apparaît, donc,
que les troubles hyper-kinétiques, avec
déficit de l’attention, ne doivent pas être
réduits à une approche univoque pédopsychiatrique ou neurologique, mais
s’intégrer dans une vision plus intégrative, faisant appel à des concepts neuro-pédiatriques, d’une part et pédopsychiatriques, d’autre part.
En pratique clinique, le syndrome (c’està-dire association de signes) répond à
une définitionsyndromique du DSM-IV.
Elle est critiquable, du fait de son caractère «réductionniste» symptomatique,
mais a l’immense avantage de créer une
«référence» internationale.Le DSM-IV
définit le «trouble hyper-kinétique, avec
déficit de l’attention», comme l’associationde deux syndromes: neuf critères
pour «le déficit de l’attention» et neuf
critères
pour«l’hyperactivité-impulsivité». Six sont nécessaires, pour chaque
syndrome. L’activité motriceexagérée,
dont le trait le plus caractéristique est
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l’absence de finalité précise, donne une
impression de désorganisation.
Quatre autres paramètres sont nécessaires, pour retenir le diagnostic:
le début des symptômes se situe, toujours, avant 7 ans;
la durée des symptômes doit être supérieure à6 mois;
les troubles s’expriment dans, au
moins, deux circonstances, ou lieux différents (école, domicile, jeux);
il doit exister des preuves, nettes, de
manifestations cliniques, dans la vie
sociale.
Outre l’ensemble des critères sus-décrits, des questionnaires, à remplir par
l’enseignant et les parents, ont été proposés par les Anglo-Saxons, dans le but
de connaître le comportement del’enfant, à l’école et en famille. Les plus classiques sont l’échelle comportementale
de C.K.Conners et l’échelle de Yale. Ce
type de quantification est critiqué par
certains, du fait de soncaractère réductionniste; mais, il a l’intérêt de pouvoir
faire un suivi longitudinal.
L’hyperactivité peut être masquée, au
début de la consultation, par une stabilité paradoxale.
Plusieurs arguments para-cliniques sont
en faveur d’une base neurobiologique
cohérente, rendant compte de la physiopathologie de ce syndrome.
DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS
Il y a lieu d’inscrire le tableau clinique
comportemental dans le contexte de
l’enfant; c’est-à dire, dans son environnement familial et dans son histoire. Il
est nécessaire, aussi, d’investiguer ses
compétences et aptitudes, afin d’exclure
d’autres diagnostics.
1. L’enfant normal, mais turbulent
Certains sujets normaux sont très dynamiques, toujours d’accord pour faire
du roller, de la bicyclette,etc., préférant
les jeux d’extérieur aux jeux de société,
mais quand vient le temps d’étudier,
oude se mettre à table, ils se comportent comme les autres enfants; il
n’y a pas de conflit particulier.Demême,
l’intégration sociale et scolaire ne pose
pas de problème.
2. L’enfant rêveur
Il est créatif, imaginatif, souvent dans la
lune. Il peut paraître absent, inattentif;
mais, lorsqu’on évalue ses capacités,
elles sont normales.
3. L’enfant déficient mental
Il ne saisit pas bien le sens des consignes,
est dépassé par les tâches qu’on lui impose, ne peuts’adapter, par manque de
compréhension et peut devenir difficile
et agressif.
4. L’enfant opposant
Il refuse toute demande. Il veut gérer sa
journée à sa guise et décider de tout à
la maison. Souvent, cecomportement
ne se retrouve pas en dehors du cadre
familial.Il est délibéré et témoigne d’une
difficulté relationnelle. L’enfant opposant refuse les règles et les limites qu’on
veut lui imposer.
5. L’enfant-roi, l’enfant tyran
Il a, souvent, été très attendu. Chacun de
ses désirs a été satisfait et même, anticipé. Il n’a jamais vécuaucune frustration.
La relation parent/enfant est inversée:
l’enfant est tout puissant.Les parents
ontrenoncé à leur rôle éducatif; ils n’ont
aucune autorité et sont dans une relation de négociation permanente.
6. L’enfant déprimé
S’il se présente, souvent, comme apathique, aboulique.Il peut, aussi, être irritable, colérique et agité.Dans ce cas, il y
a rupture avec le fonctionnement antérieur; contrairement au trouble THADA,
qui estprécoce et permanent.
7. L’enfant anxieux
L’anxiété peut être envahissante, généralisée. Elle peut induire des mouvements désordonnés et rendre l’enfant
non disponible pour apprendre. L’anxiété peut se manifester, surtout au moment des séparations, lorsque le sujet
est confronté à des situationsnouvelles.
Cette anxiété peut être réactionnelle à
des événements familiaux insécurisant.
Les symptômes doivent être analysés
en fonction de leur déroulement chronologique, du contexte familial et social.
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
L’approche diagnostique de l’instabilité
doit être rigoureuse et multimodale, afin
d’éviter les excès constatés en Amérique
du Nord, qui dénaturent ce syndrome et
diabolisent les thérapeutiques médicamenteuses.
La consultation doit débuter par une
reconstitutionde l’anamnèse, à la recherche d’antécédents médico-psychologiques, de carences affectives ou
d’affections parentales somatiques ou
psychiques, tandis qu’elle précise l’histoire dutrouble.
L’examen clinique recherche des anomalies cliniques évocatrices d’une affection
neurologique, ou génétique (dysmorphies faciales, micro-ou macrocéphalie,
syndrome cérébelleux…).Il peut mettre
en évidence des signes neurologiques
mineurs, tels que syncinésies et diffi-
cultés à maintenir un équilibre unipodal,
qui évoquent un retard de maturation,
fréquent chez ces enfants.
L’entretienpsychologique, en présence
des parents, puis seul avec l’enfant,
évalue le retentissement de l’instabilité
sur la qualité de vie familiale. Il permet,
en outre, d’appréhender la perception,
par le jeune patient, de ses difficultés
et l’existence, éventuelle, de troubles de
l’humeur, ou de la personnalité.
Le recueilde la symptomatologie,in vivo,
au cabinet du praticien est, souvent,
peu informatif, car les enfants porteurs
de déficit d’attention sont capables
d’inhiber leur hyperactivité, en situation
nouvelle et duelle, quand l’attrait de la
nouveauté et la réduction des distracteurs favorisent la vigilance; seulement
20% des enfants souffrant de THADA
présenteraient une hyperactivité, lors
d’unepremière consultation.
Les observations directes,en milieu scolaire, ou àl’hôpital, seraient idéales, mais
ellessont rarement possibles.
Les questionnaires de comportement, remplis par lepère, la mère et
les enseignants deviennent,alors, indispensables. On utilise,le plus souvent,
l’échelle de Conners, résumés dans une
versionabrégée à 10 items (tableau I).
Spécifiquede l’enfant hyperactif, l’échellede Conners est considérée commeanormale, lorsque le score est supérieur à
15.Elle permet, en outre, de suivrel’évolution du trouble, en fonction dessituations, ou lorsqu’un traitement aété mis
en place.
D’autres outils sontdisponibles, comme
le questionnaire d’Achenbach (Child
Behavior Check-List), précieux pour
le diagnostic différentiel.Plus complet,
construit autourde 113 questions, il évalue le comportementglobal de l’enfant
et repèrel’existence de symptômes
anxieux etdépressifs, de troubles de la
pensée etde l’intégration sociale, ou encore, deplaintes somatiques et d’agressivité.
Les décisions thérapeutiques sont largementfacilitées par ce type d’instruments,
qui objectivent la symptomatologie,en
dehors de tout prérequis théorique.
Le THADA est envisagédevant la permanence des troubles, quelles que
soient les situations. À l’inverse, des
disparités entre les sources(père contre
mère, famille contreécole…) amènent à
réévaluer le diagnosticd’hyperactivité
«constitutionnelle», et orientent vers un
troublesecondaire qui peut être objectivé pardes outils spécifiques (échelles
dedépression, tests de personnalité).
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Enfin, il est parfois nécessaire deconfirmer l’existence d’un troublecognitif primordial.
Des tests neuropsychologiquesvont
évaluer la qualitédes ressources attentionnelles, la sensibilitéaux distracteurs,
ou l’efficacitédes mécanismes contrôlant l’impulsivité.Ce bilan peut, aussi,
comporterune évaluation du quotient
intellectuelà l’aide du test de Weschler
(WISC IV, pour les enfants de 6 à 17 ans).
Au-delà des compétences globales,
c’est leprofil spécifique de l’enfant qui
estrévélé par l’analyse comparative dessubtests du QI; un échec significatifdans
les épreuves sollicitant les processusattentionnels (symboles,codes, arithmétique, mémoire deschiffres) est hautement évocateur deTHADA.
Au terme de cette approche multimodale, la confrontation desdonnées cliniques, anamnestiques etécologiques
fournit des argumentssolides, pour le
diagnostic. Si certainesinstabilités psychomotrices de l’enfantsont, effectivement, liées à un déficit d’attention,
d’autres paraissent clairement réactionnelles, avec des enjeux thérapeutiques
fort différents.
LE TRAITEMENT
La population des sujets THADA est
très hétérogène. Le trouble a, le plus
souvent, une originemultifactorielle et
une large comorbidité. Une évaluation
multidisciplinaire clinique est indispensable, afin d’orienter la prise en charge
thérapeutique.
L’approche cognitivo-comportementaleva s’attacher aux symptômes compromettant l’intégrationfamiliale et scolaire
de l’enfant. L’enfant et sa famille vont
être entraînés à utiliser des stratégies,
qui corrigent les attitudes négatives et
renforcent les comportements adaptés.
Ce type d’approche est très efficace,
en ce qui concerne la socialisation et
les apprentissages. Il estindispensable
d’intégrer, également, les enseignants,
qui sont, souvent, démunis devant ces
enfants perturbateurs.
Soutien psychothérapeutique
Il arrive que l’enfant hyperactif soit
dépressif ou anxieux, que ces affects
soient primaires, ou secondaires aux
symptômes THADA. Très souvent, aussi,
l’enfant hyperactif souffre d’un sentiment de dévalorisation. Dans ce cas, une
psychothérapie plus interprétative peut
s’indiquer. Rééducation des troubles
spécifiques d’apprentissage associés.
Bon nombre d’enfants THADA ont, aussi, des troubles d’apprentissage, de type
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dyslexie, dysorthographie, dyscalculie,
dus à des déficits instrumentaux associés. Ceux-ci doivent bénéficier d’une
rééducation logopédique; voire, d’un
enseignement adapté.
Guidance éducative parentale
Elle est indiquée, lorsque l’enfant est
dans la toute-puissance et que ses parents sont incapables de lui imposer des
interdits, des limites.
Traitement médicamenteux
Il résout, rarement, tous les problèmes,
mais est d’un apport indéniable. Les
psychostimulants et en
particulier, le méthylphénidate, s’avèrent
les plus efficaces, comme le démontrent
les nombreuses étudescontrôlées. Le
méthylphénidate (Rilatine® à courte
durée d’action, Concerta® ou Rilatine®
MR à actionprolongée) agit en inhibant
la recapture de dopamine et de noradrénaline à un niveau pré-synaptique.
C’est une molécule très bien tolérée. Les
effets secondaires à court terme sont,
surtout, une diminution de l’appétit. Un
retard de croissance, à long terme, n’a
pas été démontré.
Dans certains cas, le traitement entraîne
l’émergence de tics, mais il pourrait
s’agir plutôt d’une comorbidité
Bibliographie
- Delion P (2006), «L’enfant hyperactif»,
ministère de la communauté française,
Bruxelles.
- Doyen C, Mouren-Siméoni M-C (1994),
«Le déficit attentionnel chez l’enfant»
n°02, Journal de pédiatrie et de puériculture, France.
- Raman P (2005), «Hyperactivité infantile à l’épreuve des méthodes projectives,
une proposition méthodologique», Le
Carnet psy, France, ERES .pp 89-94.
- Revol O, Fourneret (2002), «Approche
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revue du praticien, n °52, France.
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avec hyperkinésie chez l’enfant, Approche
neuro-pédiatrique», Le Carnet Psy, France,
ERES, pp 63-72.
- Wetzburger C (2005), «L’enfant hyperactif», revue médicale de Bruxelles,
Belgique.
- Marcelli D (2009), «Enfance et psychopathologie», 8ème édition, France,
Elsevier, Masson.
* Berkouche Faïza,
Psychologue clinicienne, Université
d’Alger 2 (doctorante).
Tableau 1
Questionnaire abrégé de Conners pour les parents
Au-delà de 15, le score est considéré comme pathologique
Identité de l’enfant
Nom:.................................................................................. Prénom:..................................................................................
Date de naissance:..................................................................................
• Questionnaire complété par: la mère le père
les deux
Le:.................................................................................. (date à laquelle le questionnaire est rempli)
Placer une croix dans la colonne qui décrit le mieux cet enfant
Observation
1. Agité ou très actif
2. Nerveux, impulsif
3. Ne finit pas ce qu’il commence,
attention de courte durée
4. Toujours remuant
5. Perturbe les autres enfants
6. Inattentif, facilement distrait
7. Ses demandes doivent être
immédiatement satisfaites:
facilement frustré
8. Pleure souvent et facilement
9. Changements d’humeur rapides
et marqués
10. Accès de colère, comportement
explosif et imprévisible
Pas du tout 0
Un petit Peu 1
Beaucoup 2
Énormément 3
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