Le trouble d`hyperactivité, avec déficit de l`attention, chez l`enfant

ÉVÈNEMENT
Santé-MAG N°29 - Avril 2014
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INTRODUCTION
La problématique de l’enfant hyperac-
tif soulève, actuellement, beaucoup de
controverses et de débatsmédiatisés.L
hyperactivité est un symptôme qui ex-
prime diérents troubles sous-jacents.
Il concerne un type de comportement
dicile à mesurer, dépendant de la
tolérance des personnes quivivent avec
l’enfant, son entourage familial, ses en-
seignants. La frontière, entre le normal
et lepathologique, est, parfois, dicile à
définir, surtout entre l’âge de 2 et 4 ans,
période pendant laquelle l’enfant a une
activité exploratoire débordante, témoi-
gnant de son ouverture au monde qui
l’entoure.
Définition du trouble d’hyperactivité,
avec déficit de l’attention, chez l’enfant:
Le trouble d’hyperactivité avec déficit
de l’attention (THADA) est un phéno-
mène neurologique, qui se caractérise,
habituellement, par le manque d’atten-
tion, ou des problèmes de concentration
et parfois, par des comportements d’hy-
peractivité, ou d’impulsivité. Ce trouble
se manifeste dès l’enfance et peut en-
gendrer des dicultés scolaires et une
faible estime de soi qui, dans certains
cas, persisteront jusqu’à l’âge adulte.
Bien que le déficit d’attention soit, sou-
vent, diagnostiqué vers l’âge de 7 ans,
il semble que chez certains enfants, ses
manifestations sont présentes dès un
très jeune âge; voire, avant leur entrée
à l’école.
DIAGNOSTIC DUTHADA
Le diagnostic de THADA est, habituelle-
ment, facile. Plus dicile est de préciser
son étiologie: symptomatique d’un pro-
cessus pathogène sous-jacent, ou idio-
pathique. En eet, le syndrome hyper-
kinétique, avec déficit de l’attention,
peut être réactionnel à un environne-
ment, ou à une situation pathologique,
ou être la traduction d’un processus
psychopathologique, propre à l’enfant.
Il peut, aussi, s’intégrer dans un trouble
du neuro-développement plus global,
soit psychogénique, soit d’origine neu-
rologique (déficience intellectuelle).
L’instabilité psychomotrice est la mani-
festation la plus classique, qui amène
l’enfant à être vu, en consultation. As-
sociée, ou non, à un déficit de l’atten-
tion, elle est responsable de troubles
de l’intégration scolaire, ou familiale,
ou d’une situation d’échec scolaire, du
fait des troubles de l’apprentissage,
qui peuvent être, eux-mêmes, primitifs
ou secondaires. L’hyper-kinésie est la
résultante de facteurs psychoaectifs,
somatiques et neurobiologiques, cha-
cun influençant, de façon réciproque, les
fonctions cognitives (mémoire et atten-
tion), les fonctions motrices (trouble du
contrôle de la motricité fine), le langage
(dans son versant réceptif, ou expressif)
et enfin, la sociabilité (troubles de l’inté-
gration).
À l’inverse, une déficience intellectuelle
peut être responsable, par elle-même,
de troubles déficitaires de l’attention,
d’une instabilité psychomotrice, de
troubles du développement dulangage
et/ou de développement des capaci-
tés socio-adaptatives. Il apparaît, donc,
que les troubles hyper-kinétiques, avec
déficit de l’attention, ne doivent pas être
réduits à une approche univoque pédo-
psychiatrique ou neurologique, mais
s’intégrer dans une vision plus intégra-
tive, faisant appel à des concepts neu-
ro-pédiatriques, d’une part et pédopsy-
chiatriques, d’autre part.
En pratique clinique, le syndrome (c’est-
à-dire association de signes) répond à
une définitionsyndromique du DSM-IV.
Elle est critiquable, du fait de son carac-
tère «réductionniste» symptomatique,
mais a l’immense avantage de créer une
«référence» internationale.Le DSM-IV
définit le «trouble hyper-kinétique, avec
déficit de l’attention», comme l’associa-
tionde deux syndromes: neuf critères
pour «le déficit de l’attention» et neuf
critères pour«l’hyperactivité-impulsi-
vité». Six sont nécessaires, pour chaque
syndrome. L’activité motriceexagérée,
dont le trait le plus caractéristique est
Le trouble d’hyperactivité,
avec déficit de l’attention,
chez l’enfant
Par Berkouche Faïza
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Santé-MAG
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l’absence de finalité précise, donne une
impression de désorganisation.
Quatre autres paramètres sont néces-
saires, pour retenir le diagnostic:
le début des symptômes se situe, tou-
jours, avant 7 ans;
la durée des symptômes doit être su-
périeure à6 mois;
les troubles s’expriment dans, au
moins, deux circonstances, ou lieux dif-
férents (école, domicile, jeux);
il doit exister des preuves, nettes, de
manifestations cliniques, dans la vie
sociale.
Outre l’ensemble des critères sus-dé-
crits, des questionnaires, à remplir par
l’enseignant et les parents, ont été pro-
posés par les Anglo-Saxons, dans le but
de connaître le comportement del’en-
fant, à l’école et en famille. Les plus clas-
siques sont l’échelle comportementale
de C.K.Conners et l’échelle de Yale. Ce
type de quantification est critiqué par
certains, du fait de soncaractère réduc-
tionniste; mais, il a l’intérêt de pouvoir
faire un suivi longitudinal.
L’hyperactivité peut être masquée, au
début de la consultation, par une stabi-
lité paradoxale.
Plusieurs arguments para-cliniques sont
en faveur d’une base neurobiologique
cohérente, rendant compte de la phy-
siopathologie de ce syndrome.
DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS
Il y a lieu d’inscrire le tableau clinique
comportemental dans le contexte de
l’enfant; c’est-à dire, dans son environ-
nement familial et dans son histoire. Il
est nécessaire, aussi, d’investiguer ses
compétences et aptitudes, afin d’exclure
d’autres diagnostics.
1. Lenfant normal, mais turbulent
Certains sujets normaux sont très dyna-
miques, toujours d’accord pour faire
du roller, de la bicyclette,etc., préférant
les jeux d’extérieur aux jeux de société,
mais quand vient le temps d’étudier,
oude se mettre à table, ils se com-
portent comme les autres enfants; il
n’y a pas de conflit particulier.Demême,
l’intégration sociale et scolaire ne pose
pas de problème.
2. Lenfant rêveur
Il est créatif, imaginatif, souvent dans la
lune. Il peut paraître absent, inattentif;
mais, lorsqu’on évalue ses capacités,
elles sont normales.
3. Lenfant déficient mental
Il ne saisit pas bien le sens des consignes,
est dépassé par les tâches qu’on lui im-
pose, ne peuts’adapter, par manque de
compréhension et peut devenir dicile
et agressif.
4. Lenfant opposant
Il refuse toute demande. Il veut gérer sa
journée à sa guise et décider de tout à
la maison. Souvent, cecomportement
ne se retrouve pas en dehors du cadre
familial.Il est délibéré et témoigne d’une
diculté relationnelle. L’enfant oppo-
sant refuse les règles et les limites qu’on
veut lui imposer.
5. Lenfant-roi, l’enfant tyran
Il a, souvent, été très attendu. Chacun de
ses désirs a été satisfait et même, antici-
pé. Il n’a jamais vécuaucune frustration.
La relation parent/enfant est inversée:
l’enfant est tout puissant.Les parents
ontrenoncé à leur rôle éducatif; ils n’ont
aucune autorité et sont dans une rela-
tion de négociation permanente.
6. Lenfant déprimé
S’il se présente, souvent, comme apa-
thique, aboulique.Il peut, aussi, être irri-
table, colérique et agité.Dans ce cas, il y
a rupture avec le fonctionnement anté-
rieur; contrairement au trouble THADA,
qui estprécoce et permanent.
7. Lenfant anxieux
L’anxiété peut être envahissante, géné-
ralisée. Elle peut induire des mouve-
ments désordonnés et rendre l’enfant
non disponible pour apprendre. L’an-
xiété peut se manifester, surtout au mo-
ment des séparations, lorsque le sujet
est confronté à des situationsnouvelles.
Cette anxiété peut être réactionnelle à
des événements familiaux insécurisant.
Les symptômes doivent être analysés
en fonction de leur déroulement chro-
nologique, du contexte familial et social.
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
L’approche diagnostique de l’instabilité
doit être rigoureuse et multimodale, afin
d’éviter les excès constatés en Amérique
du Nord, qui dénaturent ce syndrome et
diabolisent les thérapeutiques médica-
menteuses.
La consultation doit débuter par une
reconstitutionde l’anamnèse, à la re-
cherche d’antécédents médico-psy-
chologiques, de carences aectives ou
d’aections parentales somatiques ou
psychiques, tandis qu’elle précise l’his-
toire dutrouble.
Lexamen clinique recherche des anoma-
lies cliniques évocatrices d’une aection
neurologique, ou génétique (dysmor-
phies faciales, micro-ou macrocéphalie,
syndrome cérébelleux…).Il peut mettre
en évidence des signes neurologiques
mineurs, tels que syncinésies et di-
cultés à maintenir un équilibre unipodal,
qui évoquent un retard de maturation,
fréquent chez ces enfants.
Lentretienpsychologique, en présence
des parents, puis seul avec l’enfant,
évalue le retentissement de l’instabilité
sur la qualité de vie familiale. Il permet,
en outre, d’appréhender la perception,
par le jeune patient, de ses dicultés
et l’existence, éventuelle, de troubles de
l’humeur, ou de la personnalité.
Le recueilde la symptomatologie,in vivo,
au cabinet du praticien est, souvent,
peu informatif, car les enfants porteurs
de déficit d’attention sont capables
d’inhiber leur hyperactivité, en situation
nouvelle et duelle, quand l’attrait de la
nouveauté et la réduction des distrac-
teurs favorisent la vigilance; seulement
20% des enfants sourant de THADA
présenteraient une hyperactivité, lors
d’unepremière consultation.
Les observations directes,en milieu sco-
laire, ou àl’hôpital, seraient idéales, mais
ellessont rarement possibles.
Les questionnaires de comporte-
ment, remplis par lepère, la mère et
les enseignants deviennent,alors, indis-
pensables. On utilise,le plus souvent,
l’échelle de Conners, résumés dans une
versionabrégée à 10 items (tableau I).
Spécifiquede l’enfant hyperactif, l’échel-
lede Conners est considérée commea-
normale, lorsque le score est supérieur à
15.Elle permet, en outre, de suivrel’évo-
lution du trouble, en fonction dessitua-
tions, ou lorsqu’un traitement aété mis
en place.
D’autres outils sontdisponibles, comme
le questionnaire d’Achenbach (Child
Behavior Check-List), précieux pour
le diagnostic diérentiel.Plus complet,
construit autourde 113 questions, il éva-
lue le comportementglobal de l’enfant
et repèrel’existence de symptômes
anxieux etdépressifs, de troubles de la
pensée etde l’intégration sociale, ou en-
core, deplaintes somatiques et d’agres-
sivité.
Les décisions thérapeutiques sont large-
mentfacilitées par ce type d’instruments,
qui objectivent la symptomatologie,en
dehors de tout prérequis théorique.
Le THADA est envisagédevant la per-
manence des troubles, quelles que
soient les situations. À l’inverse, des
disparités entre les sources(père contre
mère, famille contreécole…) amènent à
réévaluer le diagnosticd’hyperactivité
«constitutionnelle», et orientent vers un
troublesecondaire qui peut être objec-
tivé pardes outils spécifiques (échelles
dedépression, tests de personnalité).
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Enfin, il est parfois nécessaire deconfir-
mer l’existence d’un troublecognitif pri-
mordial.
Des tests neuropsychologiquesvont
évaluer la qualitédes ressources atten-
tionnelles, la sensibilitéaux distracteurs,
ou l’ecacitédes mécanismes contrô-
lant l’impulsivité.Ce bilan peut, aussi,
comporterune évaluation du quotient
intellectuelà l’aide du test de Weschler
(WISC IV, pour les enfants de 6 à 17 ans).
Au-delà des compétences globales,
c’est leprofil spécifique de l’enfant qui
estrévélé par l’analyse comparative des-
subtests du QI; un échec significatifdans
les épreuves sollicitant les processusat-
tentionnels (symboles,codes, arithmé-
tique, mémoire deschires) est haute-
ment évocateur deTHADA.
Au terme de cette approche multimo-
dale, la confrontation desdonnées cli-
niques, anamnestiques etécologiques
fournit des argumentssolides, pour le
diagnostic. Si certainesinstabilités psy-
chomotrices de l’enfantsont, eecti-
vement, liées à un déficit d’attention,
d’autres paraissent clairement réaction-
nelles, avec des enjeux thérapeutiques
fort diérents.
LE TRAITEMENT
La population des sujets THADA est
très hétérogène. Le trouble a, le plus
souvent, une originemultifactorielle et
une large comorbidité. Une évaluation
multidisciplinaire clinique est indispen-
sable, afin d’orienter la prise en charge
thérapeutique.
L’approche cognitivo-comportementa-
leva s’attacher aux symptômes compro-
mettant l’intégrationfamiliale et scolaire
de l’enfant. Lenfant et sa famille vont
être entraînés à utiliser des stratégies,
qui corrigent les attitudes négatives et
renforcent les comportements adaptés.
Ce type d’approche est très ecace,
en ce qui concerne la socialisation et
les apprentissages. Il estindispensable
d’intégrer, également, les enseignants,
qui sont, souvent, démunis devant ces
enfants perturbateurs.
Soutien psychothérapeutique
Il arrive que l’enfant hyperactif soit
dépressif ou anxieux, que ces aects
soient primaires, ou secondaires aux
symptômes THADA. Très souvent, aussi,
l’enfant hyperactif soure d’un senti-
ment de dévalorisation. Dans ce cas, une
psychothérapie plus interprétative peut
s’indiquer. Rééducation des troubles
spécifiques d’apprentissage associés.
Bon nombre d’enfants THADA ont, aus-
si, des troubles d’apprentissage, de type
dyslexie, dysorthographie, dyscalculie,
dus à des déficits instrumentaux asso-
ciés. Ceux-ci doivent bénéficier d’une
rééducation logopédique; voire, d’un
enseignement adapté.
Guidance éducative parentale
Elle est indiquée, lorsque l’enfant est
dans la toute-puissance et que ses pa-
rents sont incapables de lui imposer des
interdits, des limites.
Traitement médicamenteux
Il résout, rarement, tous les problèmes,
mais est d’un apport indéniable. Les
psychostimulants et en
particulier, le méthylphénidate, s’avèrent
les plus ecaces, comme le démontrent
les nombreuses étudescontrôlées. Le
méthylphénidate (Rilatine® à courte
durée d’action, Concerta® ou Rilatine®
MR à actionprolongée) agit en inhibant
la recapture de dopamine et de nora-
drénaline à un niveau pré-synaptique.
C’est une molécule très bien tolérée. Les
eets secondaires à court terme sont,
surtout, une diminution de l’appétit. Un
retard de croissance, à long terme, n’a
pas été démontré.
Dans certains cas, le traitement entraîne
l’émergence de tics, mais il pourrait
s’agir plutôt d’une comorbidité
Bibliographie
- Delion P (2006), «Lenfant hyperactif»,
ministère de la communauté française,
Bruxelles.
- Doyen C, Mouren-Siméoni M-C (1994),
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- Raman P (2005), «Hyperactivité infan-
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une proposition méthodologique», Le
Carnet psy, France, ERES .pp 89-94.
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chopathologie», 8ème édition, France,
Elsevier, Masson.
* Berkouche Faïza,
Psychologue clinicienne, Université
d’Alger 2 (doctorante).
Questionnaire abrégé de Conners pour les parents
Au-delà de 15, le score est considéré comme pathologique
Identité de l’enfant
Nom:.................................................................................. Prénom:..................................................................................
Date de naissance:..................................................................................
• Questionnaire complété par: la mère le père les deux
Le:..................................................................................(date à laquelle le questionnaire est rempli)
Placer une croix dans la colonne qui décrit le mieux cet enfant
Observation
Pas du tout 0Un petit Peu 1Beaucoup 2Énormément 3
1. Agité ou très actif
2. Nerveux, impulsif
3. Ne finit pas ce qu’il commence,
attention de courte durée
4. Toujours remuant
5. Perturbe les autres enfants
6. Inattentif, facilement distrait
7. Ses demandes doivent être
immédiatement satisfaites:
facilement frustré
8. Pleure souvent et facilement
9. Changements d’humeur rapides
et marqués
10. Accès de colère, comportement
explosif et imprévisible
Tableau 1
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