8 | La Lettre du Sénologue • No 60 - avril-mai-juin 2013
Prévention du cancer du sein chez les femmes porteuses d’une mutation
de BRCA1 ou de BRCA2
DOSSIER
Prise en charge des seins
d’une “femme mutée”
LIBER, inclut aujourd’hui environ 160 femmes (sur un
total de 330 prévues). Ces résultats sont attendus,
car ils pourraient permettre d’offrir à ces personnes
à très haut risque une alternative à la MP.
Prévention chirurgicale
La MP constitue, malgré son caractère mutilant,
une méthode de prévention du cancer du sein
aujourd’hui validée dans certaines situations à très
haut risque. Les recommandations en matière de
chirurgie prophylactique en France ont fait l’objet
d’un travail de consensus mené sous l’égide de
l’INCa (8).
◆Quelles sont les femmes concernées ?
Les principales prédispositions génétiques sont liées
aux gènes BRCA1 et BRCA2. Pour une femme por-
teuse d’une mutation de BRCA1, le risque absolu de
cancer du sein est de l’ordre de 80 % (12). Ces situa-
tions ne sont plus rares aujourd’hui. De nos jours,
en France, plus de 10 000 femmes sont porteuses
d’une mutation de BRCA1 ou de BRCA2 identifi ée,
selon le rapport d’activité oncogénétique de l’INCa.
Parmi elles, un tiers environ ont déjà été touchées
par le cancer du sein et un autre tiers le seront au
cours de la vie.
À côté de ce risque génétique identifi able, il existe
d’autres situations familiales dans lesquelles
l’analyse génétique ne permet pas de caractérisa-
tion moléculaire du risque. Ces situations sont les
plus fréquentes. Notons que, pour les 15 000 per-
sonnes porteuses d’une mutation identifi ée, plus
de 50 000 ont eu des tests parce que leur histoire
familiale a été retenue comme évocatrice lors des
consultations d’oncogénétique. Le risque familial
doit faire l’objet d’une évaluation et d’une réfl exion
dans le cadre d’un programme personnalisé de prise
en charge ou de surveillance, y compris en l’absence
de mutations de BRCA1 et de BRCA2. Dans certains
cas, le risque de cancer du sein cumulé, qui peut être
estimé par différents modèles de calcul de risque,
est très élevé (supérieur à 30 %). Lorsque le patient
demande un traitement préventif, la chirurgie pro-
phylactique peut être discutée dans ces situations
rares où le risque familial, même s’il ne peut être
établi précisément, est très élevé (8).
Les carcinomes canalaires in situ (CCIS) peuvent
également faire l’objet d’une chirurgie radicale, en
particulier dans les formes étendues ou lorsque
les berges chirurgicales ne sont pas saines. Cette
chirurgie radicale du sein atteint par une lésion
préinvasive s’apparente à un traitement préventif
du cancer du sein invasif. Parfois, la patiente est
demandeuse d’une prophylaxie, notamment en cas
de risque familial. Aux États-Unis, une forte aug-
mentation du nombre de mastectomies controla-
térales dans les CCIS a été observée ces dernières
années [13].
◆Augmentation du recours à la mastectomie
prophylactique
Variation dans le temps
Le recours à la MP est en augmentation sensible ces
dernières années dans différents pays (13, 14). Cette
pratique était initialement plus fréquente dans les
pays anglo-saxons et d’Europe du Nord, probablement
pour des raisons socioculturelles (15). Elle reste encore
assez marginale en France, mais une évolution récente
est sensible. Dans la cohorte française GENEPSO,
on estime à 6 % (55 femmes sur 922 indemnes) le
nombre de MP bilatérales et à 13 % (75 femmes sur
583 atteintes) le nombre de mastectomies préven-
tives controlatérales chez les femmes porteuses d’une
mutation de BRCA1 ou de BRCA2 (versus 4 et 6 %
respectivement il y a 5 ans, selon la cohorte GENEPSO,
Dr Noguès, communication : groupe génétique et
cancer 2011). Cette évolution est à mettre en parallèle
avec la tendance générale actuelle à l’augmentation
des mastectomies totales par rapport aux mastec-
tomies conservatrices ces dernières années dans les
cancers invasifs [16]. La préférence d’un traitement
chirurgical radical, dans des situations où le traite-
ment conservateur a montré qu’il était aussi valide
pour le contrôle locorégional de la maladie, pose la
question d’une chirurgie dont l’objectif est davantage
une prophylaxie d’un second cancer homolatéral que
de la récidive (17).
Variation géographique
L’étude de K.A. Metcalfe et al. a montré que le taux
de MP varie beaucoup selon les pays (fi gure 3) [14].
Cependant, quel que soit le pays d’origine, la majo-
rité des femmes porteuses d’une mutation n’opte
pas pour la chirurgie prophylactique. Les autres
options de dépistage personnalisé et d’évaluation
de la prévention médicale gardent donc une large
place.
◆Quel bénéfi ce en termes d’incidence
et de mortalité ?
Incidence
L’effi cacité en termes de réduction du risque est
estimée entre 90 et 98 % (18-20). Bien qu’il n’existe
pas d’études comparatives des différents types de