L Prévention du cancer du sein chez les femmes porteuses

La Lettre du Sénologue No 60 - avril-mai-juin 2013 | 5
Population Vie
hormonale
alimentation
THS Densité
Birad 3 ou 4
Lésion
histo Fam
non
BRCA
BRCA1/2
100
80
60
40
20
0
Risque cumulé (%)
Figure 1. Risque cumulé de cancer du sein en fonction des facteurs de risque.
DOSSIER
Prévention du cancer du sein
chez les femmes porteuses
d’une mutation de BRCA1
ou de BRCA2
Breast cancer prevention in BRCA1 or BRCA2 mutation
carriers
P. Pujol*
* Unité d’oncogénétique, CHU de
Montpellier ; unité Inserm 896 CRCM
Val-d’Aurelle.
L
a prévention est aujourd’hui une question
majeure chez les femmes prédisposées au
cancer du sein, du fait de l’identifi cation crois-
sante des personnes porteuses d’une mutation de
BRCA1 (BReast CAncer gene 1) ou de BRCA2 lors des
consultations d’oncogénétique (près de 15 000 en
France selon le rapport d’activité oncogénétique de
l’Institut national du cancer [INCa]), du recours plus
fréquent à la mastectomie prophylactique (MP) et
de la validation récente de thérapeutiques médicales
préventives.
On connaît l’influence majeure des estro-
gènes sur la promotion de la cancérogenèse
mammaire sporadique. Elle se retrouve éga-
lement pour les prédispositions BRCA1 ou
BRCA2, comme le montre l’effet très impor-
tant de l’ovariectomie prophylactique avant la
ménopause sur le risque de cancer du sein des
femmes porteuses d’une mutation de BRCA1
ou de BRCA2 (1, 2).
L’hormonodépendance est la cible principale des
actions de prévention primaire. Celles-ci se déclinent
essentiellement en 2 aspects : la limitation de l’expo-
sition aux facteurs de risque et les thérapeutiques
antiestrogéniques.
Nous rappellerons dans cet article les grandes lignes
des recommandations en matière de chirurgie pro-
phylactique, puis discuterons de l’évolution des
pratiques et des problématiques nouvelles qui se
posent aujourd’hui au clinicien.
Risques
Notion de risque
Le risque est une préoccupation importante de
notre société. À l’échelon individuel, l’importance
réelle d’un facteur de risque se heurte cependant
à une interprétation subjective des probabilités. Il
est en effet difficile, pour une personne, de trans-
poser sur le plan individuel un risque collectif, car
la perception du risque est souvent assimilée à une
notion de “tout ou rien”. Cependant, les risques
relatifs (c’est-à-dire rapportés à ceux de la popu-
lation générale) sont en pratique très différents
en fonction du facteur considéré. En matière de
6 | La Lettre du Sénologue No 60 - avril-mai-juin 2013
Résumé
À l’heure où 15 000 personnes porteuses d’une mutation de BRCA1 ou de BRCA2 sont identifiées en France
et où on estime à plus de 100 000 le nombre total de personnes prédisposées, les données s’accumulent
sur le bénéfice de la prise en charge. Cet article fait le point sur les facteurs de risque, dans un contexte
de mutation de BRCA1 et de BRCA2, de la chirurgie préventive chez une femme indemne ou atteinte d’un
cancer du sein et sur les données récentes des essais de prévention médicale.
Mots-clés
Cancer du sein
Prévention
BRCA1
BRCA2
Summary
In France, 15000 BRCA1
or BRCA2 gene mutation
carriers have been identi-
ed over the last decade.
This article aims to review
the risk factors and the
preventive strategies in
women with a deleterious
BRCA1 or BRCA2 gene
mutation.
Keywords
Breast cancer
Prevention
BRCA1
BRCA2
cancer du sein, les facteurs de risque identifiés
varient dans un ordre de grandeur considérable
(figure 1, p. 5). Il faut tenir compte de la quanti-
fication de ces risques pour mesurer le bénéfice
potentiel des actions préventives (tableau). Les
antécédents familiaux représentent le principal
risque de cancer du sein. Les mutations BRCA1 et
BRCA2 confèrent des risques cumulés de 56 à 80 %,
qui sont les risques les plus forts identifiés.
Facteurs de risque
Âge
L’âge est un facteur de risque important du cancer
du sein : en France, le pic d’incidence se situe entre
50 et 60 ans. L’âge reste un facteur important chez
les femmes porteuses d’une mutation de BRCA1
ou de BRCA2.
Facteurs nutritionnels et sédentarité
La quantité totale de calories consommées et
l’obésité après 30 ans sont des facteurs de risque
établis pour les cancers postménopausiques dans la
population générale (3). La consommation d’alcool
augmente le risque de cancer du sein (au-delà de
20 g, soit plus de 2 verres de vin par 24 heures) [4].
La consommation importante de fruits et légumes
semble diminuer le risque (RR > 0,6), possiblement
par un effet antioxydant. Un exercice physique
modéré régulier diminuerait également le risque
(RR ≈ 0,70) [4]. Chez les femmes présentant une
mutation, une relation entre risque et indice de
masse corporelle (IMC) a pu être retrouvée (5).
Facteurs hormonaux
Exogènes
Dans la population générale, le traitement hormonal
de la ménopause représente un risque relatif de 1,4
au-delà de 5 ans (6). Certaines études retrouvent
une augmentation du risque modérée chez les uti-
lisatrices de contraception orale (4). Ces risques
sont encore controversés chez les femmes porteuses
d’une mutation (7, 8).
Endogènes
La puberté précoce et la ménopause tardive sont
des facteurs de risque bien établis, de même qu‘une
première grossesse tardive (4). L’allaitement protège
Tableau. Risque relatif et bénéfi ce potentiel de la prévention en fonction des facteurs de risque.
Facteurs
de risque RR Intervention Faisabilité
Effets indésirables
Bénéfi ce en termes
de réduction Validation
Alimentation OH
(> 2 verres/j)
1,3
Alimentation riche en fi bres,
pauvre en graisse animale
Diffi cile en dehors de recommandation globale
(OMS)
0,3
Non
Surpoids Sédentarité
1,3
Absence de surpoids,
exercice physique régulier
0,3
Oui
Allaitement Parité
1,2-1,4
Durée d’allaitement,
grossesses jeune, multiples
Diffi cile en pratique
0,3
Non
CO
Faible
Éviter
Diffi cile en pratique
0,1
Non
THS
1,3
Éviter
Diffi cile en pratique
0,3
Oui
Gail score>1,66
> 1,66
Tamoxifène
Prévention médicale
Effets indésirables :
thrombophlébite, cancer de l’utérus
0,4
Oui
Gail score>1,66
> 1,66
Raloxifène
Prévention médicale
Effets indésirables
thromboemboliques
0,4
Oui
Gail score>1,66
> 1,66
Exémestane
Prévention médicale
Peu d'effets indésirables sévères : ostéopénie,
altération modérée de la qualité de vie
0,65
Oui
BRCA1/2
10
Chirurgie prophylactique mammaire
Intégrité physique, psychologie
0,95-0,98
Oui
CO : contraception orale ; OH : alcool ; THS : traitement hormonal substitutif.
100
Pas de
traitement Tamoxifène Tamoxifène
70 %
IA
Cancer du sein controlatéral
NSABP-P1
italienne
Marsden
Ibis 1
80
60
40
20
0
PETO
ATAC
MA17
IES
BIG
ARNO
Figure 2. Effi cacité de la prévention hormonale par le tamoxifène et les IA.
IA : inhibiteurs d’aromatase.
La Lettre du Sénologue No 60 - avril-mai-juin 2013 | 7
DOSSIER
du risque de cancer du sein. Cet effet protecteur aug-
mente avec la durée de l’allaitement (4). L’infl uence
de ces facteurs nest pas bien établie chez les femmes
présentant une mutation (1, 5).
Prévention
Prévention médicale
Actions sur les facteurs de risque
Le bénéfi ce potentiel des actions de prévention pri-
maire est représenté dans le tableau. En pratique,
la mise en œuvre et la puissance de ces mesures
restent assez limitées (diffi culté d’agir sur les fac-
teurs nutritionnels, tendance sociétale moderne
pour la vie reproductive de la femme, risque relatif
faible de chaque facteur pris isolément). Chez les
femmes présentant une mutation de BRCA1 ou
de BRCA2, une perte de poids (de 4,5 kg entre 18
et 30 ans) semblait associée à une réduction du
risque de cancer du sein avant 40 ans (9). De plus,
l’infl uence des facteurs de la vie reproductive (gros-
sesse, allaitement, parité) reste controversée chez
les femmes porteuses de ces mutations (1, 5). Il n’y a
donc pas de recommandations spécifi ques à ce sujet.
De même, l’usage de la contraception hormonale
chez les femmes jeunes porteuses d’une mutation
de BRCA1 ou de BRCA2 n’est pas contre-indiqué. Si
la contraception pourrait augmenter le risque de
cancer du sein, elle semble diminuer l’incidence du
cancer de l’ovaire chez les femmes porteuses d’une
mutation (7).
Hormonoprévention
L’hormonothérapie (HT) par les antiestrogènes
(tamoxifène et raloxifène) a fait la preuve de son
efficacité préventive chez des femmes à risque
élevé dans des essais cliniques randomisés (IBIS1,
STAR, etc.) [figure 2]. Leur prescription pour la
prévention du cancer du sein a été approuvée par
les autorités médicales aux États-Unis, mais il n’y
a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM)
en France dans cette indication, du fait d’effets
indésirables rares mais graves : possible cancer
de l’utérus, phlébites et embolies pulmonaires.
La famille des inhibiteurs d’aromatase (IA) est
devenue l’HT de référence pour prévenir les réci-
dives de cancer de sein survenant après la méno-
pause. Dans cette indication, les IA se sont révélés
plus efficaces et moins toxiques que le tamoxifène.
Leur efficacité dans la prévention du cancer contro-
latéral est supérieure à celle du tamoxifène, comme
le montre la figure 2.
MAP.3 est un essai de prévention par les IA qui
a récemment livré ses résultats (10). Au total,
4 560 femmes ménopausées présentant un risque
de cancer du sein (antécédents familiaux, score de
Gail supérieur à 1,66, hyperplasie atypique, etc.) ont
été randomisées et ont reçu soit de l’exémestane,
soit un placebo. Après 3 ans, une réduction de 65 %
des cancers invasifs – conformément à l’hypothèse
initiale − a été observée dans le groupe recevant de
l’exémestane par rapport à celui recevant le placebo.
Les effets indésirables les plus fréquents dans le
groupe recevant l’exémestane étaient des douleurs
articulaires, des bouffées de chaleur et de la fatigue.
Cependant, la surincidence de ces effets indésirables,
dans le groupe traité par exémestane par rapport au
groupe contrôle, n’était respectivement que de 3,
8 et 2 % (30 versus 27 %, 40 versus 32 % et 23 versus
21 %). Aucune toxicité cardiovasculaire ou osseuse
n’a été observée, ni d’excès d’autres cancers sur la
période d’observation limitée de l’essai de 3 ans (10).
Parallèlement, les données de toxicité à long terme
sont rassurantes dans les essais d’HT adjuvante.
IBIS 2 est un autre essai thérapeutique international
qui s’adresse aux femmes opérées par traitement
conservateur pour un carcinome intracanalaire (CIS)
dont les récepteurs hormonaux (RH) sont positifs,
ainsi qu’à des femmes à risque. Pour celles ayant eu
un CIS, 5 ans de tamoxifène (1 comprimé/j, traite-
ment standard) sont comparés à 5 ans d’anastro-
zole (traitement en évaluation). Chez les femmes
à risque, l’anastrozole a été comparé à un placebo.
Aucun de ces 2 essais ne cible le risque majeur : celui
des femmes porteuses d’une mutation de BRCA1 ou
de BRCA2. Pour celles ayant une mutation de BRCA1,
le risque absolu de cancer du sein est de l’ordre de
70 à 80 %. Un essai randomisé de prévention par
le létrozole chez la femme ménopausée porteuse
d’une mutation de BRCA1 ou de BRCA2 est actuel-
lement en cours en France (11). Cet essai, appelé
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Prévention du cancer du sein chez les femmes porteuses d’une mutation
de BRCA1 ou de BRCA2
DOSSIER
Prise en charge des seins
d’une “femme mutée”
LIBER, inclut aujourd’hui environ 160 femmes (sur un
total de 330 prévues). Ces résultats sont attendus,
car ils pourraient permettre d’offrir à ces personnes
à très haut risque une alternative à la MP.
Prévention chirurgicale
La MP constitue, malgré son caractère mutilant,
une méthode de prévention du cancer du sein
aujourd’hui validée dans certaines situations à très
haut risque. Les recommandations en matière de
chirurgie prophylactique en France ont fait l’objet
d’un travail de consensus mené sous l’égide de
l’INCa (8).
Quelles sont les femmes concernées ?
Les principales prédispositions génétiques sont liées
aux gènes BRCA1 et BRCA2. Pour une femme por-
teuse d’une mutation de BRCA1, le risque absolu de
cancer du sein est de l’ordre de 80 % (12). Ces situa-
tions ne sont plus rares aujourd’hui. De nos jours,
en France, plus de 10 000 femmes sont porteuses
d’une mutation de BRCA1 ou de BRCA2 identifi ée,
selon le rapport d’activité oncogénétique de l’INCa.
Parmi elles, un tiers environ ont déjà été touchées
par le cancer du sein et un autre tiers le seront au
cours de la vie.
À côté de ce risque génétique identifi able, il existe
d’autres situations familiales dans lesquelles
l’analyse génétique ne permet pas de caractérisa-
tion moléculaire du risque. Ces situations sont les
plus fréquentes. Notons que, pour les 15 000 per-
sonnes porteuses d’une mutation identifi ée, plus
de 50 000 ont eu des tests parce que leur histoire
familiale a été retenue comme évocatrice lors des
consultations d’oncogénétique. Le risque familial
doit faire l’objet d’une évaluation et d’une réfl exion
dans le cadre d’un programme personnalisé de prise
en charge ou de surveillance, y compris en l’absence
de mutations de BRCA1 et de BRCA2. Dans certains
cas, le risque de cancer du sein cumulé, qui peut être
estimé par différents modèles de calcul de risque,
est très élevé (supérieur à 30 %). Lorsque le patient
demande un traitement préventif, la chirurgie pro-
phylactique peut être discutée dans ces situations
rares où le risque familial, même s’il ne peut être
établi précisément, est très élevé (8).
Les carcinomes canalaires in situ (CCIS) peuvent
également faire l’objet d’une chirurgie radicale, en
particulier dans les formes étendues ou lorsque
les berges chirurgicales ne sont pas saines. Cette
chirurgie radicale du sein atteint par une lésion
préinvasive s’apparente à un traitement préventif
du cancer du sein invasif. Parfois, la patiente est
demandeuse d’une prophylaxie, notamment en cas
de risque familial. Aux États-Unis, une forte aug-
mentation du nombre de mastectomies controla-
térales dans les CCIS a été observée ces dernières
années [13].
Augmentation du recours à la mastectomie
prophylactique
Variation dans le temps
Le recours à la MP est en augmentation sensible ces
dernières années dans différents pays (13, 14). Cette
pratique était initialement plus fréquente dans les
pays anglo-saxons et d’Europe du Nord, probablement
pour des raisons socioculturelles (15). Elle reste encore
assez marginale en France, mais une évolution récente
est sensible. Dans la cohorte française GENEPSO,
on estime à 6 % (55 femmes sur 922 indemnes) le
nombre de MP bilatérales et à 13 % (75 femmes sur
583 atteintes) le nombre de mastectomies préven-
tives controlatérales chez les femmes porteuses d’une
mutation de BRCA1 ou de BRCA2 (versus 4 et 6 %
respectivement il y a 5 ans, selon la cohorte GENEPSO,
Dr Noguès, communication : groupe génétique et
cancer 2011). Cette évolution est à mettre en parallèle
avec la tendance générale actuelle à l’augmentation
des mastectomies totales par rapport aux mastec-
tomies conservatrices ces dernières années dans les
cancers invasifs [16]. La préférence d’un traitement
chirurgical radical, dans des situations où le traite-
ment conservateur a montré qu’il était aussi valide
pour le contrôle locorégional de la maladie, pose la
question d’une chirurgie dont l’objectif est davantage
une prophylaxie d’un second cancer homolatéral que
de la récidive (17).
Variation géographique
Létude de K.A. Metcalfe et al. a montré que le taux
de MP varie beaucoup selon les pays (fi gure 3) [14].
Cependant, quel que soit le pays d’origine, la majo-
rité des femmes porteuses d’une mutation nopte
pas pour la chirurgie prophylactique. Les autres
options de dépistage personnalisé et d’évaluation
de la prévention médicale gardent donc une large
place.
Quel bénéfi ce en termes d’incidence
et de mortalité ?
Incidence
Leffi cacité en termes de réduction du risque est
estimée entre 90 et 98 % (18-20). Bien qu’il n’existe
pas d’études comparatives des différents types de
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5
4
3
2
1
Incidence cumulée (%)
10
2 275
2 285 1 905
1 902 1 468
1 468
Années
Placebo
Exémestane
Traitement
Exémestane
Placebo
Incidence annuelle % (IC95)
0,19 (0,08-0,30)
0,55 (0,36-0,73)
HR = 0,35 ; IC95 : 0,18-0,70
p = 0,002
986
980 477
464 82
77
2345
0
Figure 3. Effi cacité préventive de l’exémestane (étude MAP3) [aimablement transmis
par P. Goss].
DOSSIER
chirurgie, une réduction du risque décroissante est
probablement obtenue par la mastectomie totale, la
mastectomie avec conservation de l’étui cutané et la
mastectomie avec conservation de la plaque aréolo-
mamelonnaire (PAM) respectivement. Le surrisque lié
à la conservation de l’étui cutané ou de la PAM n’est
cependant pas clairement démontré. La chirurgie
prophylactique controlatérale diminue le risque de
cancer controlatéral d’environ 95 % (21-23).
Mortalité
Il n’existe pas d’études cliniques randomisées en
matière de chirurgie prophylactique, ni d’étude cas-
témoins montrant une diminution de la mortalité
chez les femmes à très haut risque. Celle-ci reste
cependant très probable au vu de la diminution
de l’incidence rapportée. Des modèles ont estimé
l’effet de la chirurgie prophylactique sur la survie,
ainsi que celui des autres moyens de prise en charge
(annexectomie, dépistage) [24, 25]. Létude menée
par A.W. Kurian et al. a montré un bénéfi ce en termes
de survie estimé à 3,5 % si la mastectomie bilatérale
prophylactique (MBP) est pratiquée à 40 ans, et à
2 % supplémentaires lorsqu’elle est réalisée à 25 ans
(quand une annexectomie et un dépistage sont réa-
lisés) [fi gure 4, p. 10] (25). De la même façon, le
bénéfi ce éventuel sur la survie d’une mastectomie
controlatérale nest actuellement pas démontré,
même si son effet préventif est important.
Quelle chirurgie ?
Outre la réduction du risque, le choix du type de
geste chirurgical doit aussi prendre en compte le
résultat esthétique. Celui-ci est lié à la qualité, à
l’épaisseur et à l’étendue des tissus cutané et sous-
cutané préservés. Nous naborderons ici que suc-
cinctement les aspects techniques chirurgicaux,
ceux-ci étant détaillés dans les recommandations
récentes de l’INCa. La problématique est complexe.
Si les mastectomies avec conservation de la PAM
et de l’étui aboutissent à de meilleurs résultats
esthétiques (26-28), ce nest pas forcément gage
d’un meilleur taux de satisfaction globale des
patientes, certaines redoutant un risque résiduel
de cancer (29).
Il manque des études comparatives en matière
de chirurgie prophylactique pour avoir une vision
globale de la balance bénéfi ce/risque des différents
types de chirurgie. Le choix du type de chirurgie est
donc une décision multiparamétrique dans laquelle
entrent en ligne de compte la demande de la femme,
la morphologie, une éventuelle radiothérapie (RT)
antérieure, l’école chirurgicale, etc.
La mastectomie est généralement associée à une
reconstruction. Celle-ci peut être immédiate (le plus
souvent) ou différée. La reconstruction par implant
prothétique rétropectoral ne génère pas d’autres cica-
trices. Son inconvénient est la présence d’un corps
étranger et les complications précoces (douleur,
hématome, nécrose) et tardives (luxation). Le risque
d’une nouvelle intervention avoisine 50 % (30). La
reconstruction par lambeaux musculocutanés (grand
dorsal, TRAM [Transverse Rectus Abdominis Myocu-
taneous], DIEP [Deep Inferior Epigastric Perforator],
lambeau de Rubens, etc.) donne un résultat plus
proche du sein naturel et a une meilleure évolution
à long terme. Elle nécessite des équipes très spéciali-
sées. Le taux de complication est estimé à 28 % (31),
le taux de réintervention, entre 6 et 21 % (31-33).
Parcours
Dans les situations à très haut risque, la MP peut
donc être envisagée en fonction de la demande de
la patiente informée de façon éclairée. C’est cette
demande qui est le meilleur indicateur de l’accep-
tation de cette mesure préventive par la patiente
et de sa satisfaction ultérieure (34, 35). L’histoire
familiale est souvent un élément déterminant de la
demande (34, 35).
Il s’agit donc d’éclairer la réfl exion de la patiente
par l’information donnée par une équipe multi-
disciplinaire incluant un chirurgien expérimenté en
chirurgie plastique, un oncogénéticien, le médecin
référent (oncologue médical, gynécologue, médecin
traitant, etc.) et un psychologue.
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