
24 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
Penser sa féminité après un cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
au plus traitées pour un cancer du sein. La durée
moyenne de l'arrêt de travail est de 9,2 mois. La
reprise du travail s'effectue pour 88 % des patientes :
77 % dans le même secteur professionnel et 11 %
avec changement de secteur ; 26 % des patientes
ont demandé une réduction de leur temps de travail.
Les facteurs de reprise du travail sont liés à l'âge des
patientes, au secteur professionnel, à la catégorie
professionnelle et au type de traitements subi. La
motivation des patientes reste un élément impor-
tant.
La reprise du travail est de 100 % pour les patientes
de moins de 40 ans et de 76 % après 45 ans. Les
changements d'emploi sont plus fréquents dans le
secteur privé (14 %). Les professions indépendantes
entraînent un arrêt de travail plus court ; 21 % des
femmes de ménage et 14 % des employés ne repren-
nent pas le travail.
La durée du traitement, en particulier la prescription
d'une chimiothérapie, prolonge l'arrêt du travail.
La motivation personnelle reste un atout important
pour la reprise, qu'elle soit psychologique, intellec-
tuelle ou financière.
Bushnow (12), aux États-Unis, en 1995, a montré à
partir d'une étude rétrospective de patientes avec
un cancer du sein débutant que la chimiothérapie
adjuvante n'influait pas sur le retour au travail : 92 %
des patientes qui ont subi une chimiothérapie et
94% des patientes sans chimiothérapie ont repris
leur activité professionnelle.
Satariano (13), en Italie, en 1996, a montré que le
taux de reprise était de 72 % pour une série de 296
patientes qui travaillaient au moment du diagnostic.
La non-reprise était liée à la fatigue résiduelle, à des
problèmes fonctionnels, au besoin d'une assistance
pour les transports et au stade de la maladie.
L'étude SOFRES de 1998 publiée par Serin (14) a
colligé 2 868 patientes (2 539 avec un cancer du
sein et 329 avec un cancer gynécologique). Parmi
les femmes en activité avant la maladie, 55 % deve-
naient inactives pendant le traitement et 63 %
reprenaient une activité après le traitement. Les
femmes avec un cancer du sein sont confrontées
à des difficultés financières dans 9 % des cas, à des
problèmes de prêts bancaires dans 4 % des cas et à
des problèmes d'assurance dans 3 %.
Stewart (15) a étudié, au Canada en 2001, le vécu au
travail des femmes avec un cancer du sein sans réci-
dive 5 ans après le traitement (n = 378) : 50 % n'ont
pas hésité à révéler leur diagnostic aux collègues
de travail et à leur hiérarchie ; 43,7 % des femmes
pensent que cette révélation n'a pas affecté les
modalités de leur travail ; 41,1 % ont modifié leur
plan de carrière en raison d'une motivation moindre ;
3 % ont perçu une discrimination ; 26,3 % pensent
que l'épreuve qu'elles ont vécue leur a permis de
réaliser leurs objectifs et 6,5 % rapportent même
un changement de carrière positif.
Kornblith (16), au Canada, en 2003, a analysé
l'ajustement des femmes traitées pour un cancer
du sein à un stade débutant avec chimiothérapie
adjuvante 20 ans après le traitement (n = 153) : 13 %
des patientes ont encore un problème professionnel,
26 % ont un problème d'assurance et 7 % subissent
un retentissement socio-économique négatif.
Une comparaison sur la perception de l’impact socio-
économique a été étudiée chez les femmes en âge de
travailler (18-64 ans) selon le type de cancer. Le reten-
tissement du vécu est négatif pour 9 % des patientes
avec un cancer du sein (n = 79), pour 37 % des patientes
avec une maladie de Hodgkin (n = 107) et pour 40 %
des patientes avec une leucémie (n = 95).
Maunsell (17), au Québec, en 2004, a étudié l'im-
pact possible d'une discrimination professionnelle
3 ans après le traitement pour une cohorte de 646
patientes avec un cancer du sein, appariées à 890
femmes du même âge sans cancer. L'activité profes-
sionnelle est identique au début de la surveillance.
Trois ans après le traitement, 21 % des femmes avec
un cancer et 15 % de la population contrôle sont
sans emploi. L'arrêt de l'activité professionnelle dans
les deux groupes relève d'une décision personnelle.
Aucune discrimination n'a été rapportée dans les
deux groupes. Les auteurs précisent bien que ces
résultats concernent une population donnée et ne
peuvent préjuger des difficultés rencontrées par tel
ou tel individu.
Bouknight (18), aux États-Unis, en 2006, rapporte
une série de 416 patientes questionnées 12 et
18 mois après le diagnostic : 80 % d’entre elles
ont repris le travail ; 87 % soulignent l'importance
de l'absence de discrimination et du soutien des
employeurs.
Balak (19), aux Pays-Bas, en 2008, rapporte une série
de 154 patientes avec un cancer du sein au stade
précoce. La durée moyenne de l'arrêt de travail, de
11,4 ± 5 mois, dépend du type de traitement ; elle est
plus longue si le traitement comporte une chimio-
thérapie ou un traitement combiné. La reprise dans
le cadre d'un temps partiel est liée aux séquelles du
curage axillaire.
Ahn (20), en Corée, en 2008, a rapporté une série de
1 594 patientes qui travaillaient avant leur maladie.
L'emploi diminue de 47,6 à 33,2 % après le traitement.
Il existe une corrélation significative avec le niveau
d'études, les bas revenus, les comorbidités, le stade
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