L Problématique de la réinsertion professionnelle en cancérologie

publicité
DOSSIER THÉMATIQUE
Penser sa féminité après un cancer du sein
Problématique de
la réinsertion professionnelle
en cancérologie
Occupational reintegration of cancer survivors
J.M. Dilhuydy*
L
a prise en compte des données socioprofessionnelles et l'organisation de la réinsertion
professionnelle font partie de la prise en charge
globale des patients (1). Pour les patients en âge de
travailler, la possibilité de poursuivre ou de reprendre
une activité professionnelle participe à leur qualité
de vie tout en leur assurant une sécurité financière. Il
s'agit non seulement de maintenir un réseau amical
et relationnel mais aussi de réinvestir des rôles, des
responsabilités correspondant au moins aux aspirations d'avant la maladie, pour reconstruire un nouvel
équilibre.
La problématique de la réinsertion professionnelle
en cancérologie ne peut être négligée compte tenu
de l'incidence des cancers. En France, les nouveaux
cas de cancers sont passés de 170 000 en 1980 à
280 000 en 2000 avec une augmentation de 50 %
des cancers du sein, du côlon-rectum et de la prostate soit, pour chaque année, une file active de
900 000 personnes, dont 23 % sont encore dans le
monde du travail. Selon les auteurs et les pays, 20
à 40 % des patients avec un cancer, même localisé,
perdent leur emploi. Le retentissement de la maladie
persiste au fil du temps avec des conséquences
possibles plusieurs années après.
Quelles sont les données de la littérature ? Quelles
conséquences en tirer dans notre pratique quotidienne ?
La reprise de l'activité
professionnelle après un cancer
* Chef de service honoraire de
radiothérapie, Institut Bergonié,
229, cours de l’Argonne,
33076 Bordeaux Cedex.
Schraub et Bosset (2) ont étudié en 1982 une
cohorte de patients traités dans le département
de radiothérapie du CHU de Besançon. L'envoi de
22 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
348 questionnaires sur les modalités de la reprise
du travail a été suivi de 297 réponses (85 %) : 190
patients sur 297 (63,9 %) ont repris le travail à temps
complet dans l'emploi initial, avec un taux moyen
d'absentéisme de 10 mois. La reprise a été plus
difficile pour les patients avec un cancer des voies
aéro-digestives supérieures (VADS) ou un cancer
des bronches ; 36 % d’entre eux (107/297) n'ont pas
repris le travail, en raison de séquelles importantes
(78 %), d'un licenciement (43 %) ou d'une retraite
anticipée (30 %). Les femmes ont été deux fois plus
touchées que les hommes par le chômage. Chez les
hommes, ce sont les plus jeunes et les ouvriers qui
ont été davantage pénalisés. D'après les auteurs, la
réinsertion socioprofessionnelle dépend de l'âge des
patients, de leur catégorie socioprofessionnelle, de
leur motivation et du secteur dans lequel ils pratiquent (secteur privé/secteur public) du fait d'une
protection plus ou moins importante.
Van der Wouden (3) a noté en 1992, à propos d'une
série de 849 patients aux Pays-Bas, que seuls 44 %
d’entre eux retournent au travail avec une promotion ultérieure moins rapide et des conséquences
financières évidentes. Le temps partiel (24 %) est
plus utilisé par les femmes que par les hommes :
58 % versus 7 %.
Bradley (4) a étudié aux États-Unis en 2002 le maintien dans l'emploi 5 à 7 ans après un cancer au stade
précoce pour 253 patients. Parmi les patients qui
travaillaient au moment du diagnostic, 67 % ont
conservé leur emploi ; les patients qui se sont arrêtés
de travailler se répartissent ainsi : 54 % ont accédé
à la retraite, 24 % ont présenté des problèmes de
santé, 4 % ont démissionné, 9 % ont été confrontés
à la fermeture de leur entreprise, 9 % ont évoqué
d’autres causes.
Résumé
L’aide à la réinsertion professionnelle est une facette importante de la prise en charge globale des patients. Elle
participe à la qualité de vie des patients et de leurs proches. La reprise du travail dépend de plusieurs facteurs liés
aux données socioculturelles de chacun : âge, genre, niveau d’études, statut marital, à la gravité de la maladie et
aux caractéristiques de la profession pratiquée, voire à ses contraintes. La reprise du travail, quand elle est possible,
n’est pas toujours définitive compte tenu de l’évolution de la maladie, de l’absentéisme liée à la fatigue résiduelle.
L’organisation de la reprise d’une activité professionnelle ou du maintien dans l’emploi suppose une sensibilisation
de tous les soignants à cette problématique, une connaissance de la protection sociale et du code du travail avec
les différents congés, le temps partiel thérapeutique,les visites de préreprise et de reprise. La collaboration entre
médecins généralistes, spécialistes, médecins conseils, médecins du travail et travailleurs sociaux est fondamentale.
Le Plan Cancer II a prévu une évaluation du contexte socioprofessionnel des patients dans le cadre du dispositif
d’annonce, du programme personnalisé de soins, lors des consultations de l’après-cancer.
En Hollande, Spelten (5) a réalisé en 2002 une
revue de la littérature à partir des bases de données
Medline et de Psyclit allant de 1985 à 1999. Il a
recensé 14 études qui comportaient une méthodologie fiable. Le retour au travail est possible pour
62 % des patients en âge de travailler (extrêmes :
30-93), facilité par le soutien des collègues. Les
caractéristiques individuelles et socioculturelles
des patients, comme le genre, le statut marital, le
niveau d'études ou l'importance du salaire n'ont
pas de relation très significative avec la reprise du
travail dans cette étude. L'âge n'est significatif que
dans la moitié des séries étudiées.
La reprise du travail est difficile pour les travailleurs
manuels ou dans les emplois où les efforts musculaires sont nécessaires. Ce sont les patients avec
un cancer des VADS qui ont le plus de difficultés à
reprendre une activité professionnelle.
Short (6), en 2005 aux États-Unis, a étudié les
modalités de la reprise du travail 1 à 5 ans après
le diagnostic dans une série de 1 433 patients avec
un cancer, qui travaillaient tous avant le traitement (âge : 25-62 ans) : à 6 mois, 43 % ont repris
le travail ; entre 6 et 11 mois, 73 % des patients au
total ont repris une activité professionnelle ; 79 %
entre 12 et 23 mois, 81 % entre 24 et 35 mois et
84 % entre 36 et 47 mois.
Parmi les patients qui ont repris le travail 6 à 11 mois
après le diagnostic (73 %), 11 % ont quitté leur travail
dans les 3 ans et 14 % dans les 4 ans. Les patients
qui ont le plus de difficultés à reprendre le travail ont
présenté des cancers des VADS ou des lymphomes
de stade IV.
Toujours aux États-Unis, Buckwalter (7), en 2007,
a repris une série de 666 patients traités pour un
cancer des VADS, dont 239 avaient un emploi au
moment du diagnostic ; 91 ont arrêté de travailler en
raison de difficultés pour parler et s'alimenter, d'une
fatigue et de douleurs résiduelles, d'une apparence
"incompatible" avec une vie sociale, mais 31 ont
repris le travail 1 an après.
De Boer (8), en Hollande, a réalisé une revue de la
littérature entre 1966 et 2006 sur l'avenir professionnel des enfants qui ont eu un cancer. À l'âge
adulte, ils ont en moyenne 2 fois moins de chances
de pouvoir travailler et jusqu’à 5 fois moins s'ils
ont eu une tumeur du système nerveux central.
Les éléments prédictifs significatifs qui entrent en
jeu sont l'âge d'apparition le plus précoce, le niveau
d'études, le quotient intellectuel, le déficit moteur,
la comitialité, le sexe féminin et un traitement avec
radiothérapie.
La Direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques (DREES) a publié en 2006
(9)une étude sur une série de patients en emploi et
âgés de moins de 58 ans au moment du diagnostic :
parmi ceux qui avaient un emploi (40 %), 19 % ont
quitté ou perdu leur emploi deux ans plus tard ; 15 %
n'ont jamais interrompu leur activité pour congé
maladie tandis que 14 % sont demeurés en congé
maladie ; 52 % ont repris leur activité à un moment
ou à un autre. Au total, 4 patients sur 10 estiment
avoir été pénalisés sur le plan professionnel, ce qui
est le cas aussi de 1 des 5 patients qui ont continué
à travailler. Pour l'ensemble des patients, 1 sur 6
déclare avoir subi une diminution de revenus.
Pryce (10), en Grande-Bretagne, en 2006, a déterminé, en étude multivariée, dans une série de 328
patients guéris, les éléments facilitateurs pour la
poursuite du travail ou le retour au travail. La flexibilité du secteur professionnel, la gestion de la fatigue
résiduelle, l'absence ou le retard des remboursements des actes médicaux sont des éléments déterminants. La reprise du travail est aussi corrélée à
l'avis “primordial” du médecin traitant sur la reprise
et aux entretiens nécessaires avec l'employeur.
Mots-clés
Maintien dans
l’emploi
Réinsertion
professionnelle
Oncologie
Keywords
Occupational rehabilitationemployment
Return to work
Oncology
La reprise de l'activité
professionnelle
après un cancer du sein
Schraub (2), dans une série de 297 patients avec un
cancer, a étudié un sous-groupe de 86 patientes avec
un cancer du sein : 56 sur 86 (65 %) ont repris leur
profession initiale, dont 43 sans aucune difficulté ;
30 patientes (34,8 %) n'ont pas repris d’activité :
2 ont été mises à la retraite, 6 ont bénéficié d'une
préretraite, 12 ont subi un licenciement économique,
4 étaient en arrêt de travail et 6 étaient toujours en
congé de longue durée compte tenu d'un reclassement impossible.
Fanello (11), avec l'équipe d'Angers en 1993, a pu
analyser la situation de 160 femmes âgées de 50 ans
La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010 | 23
DOSSIER THÉMATIQUE
Références
bibliographiques
1. Dilhuydy JM. La réinsertion professionnelle des patientes traitées pour
un cancer du sein. Oncologie 2006;
8:245-50.
2. Schraub S, Briand CM, Bosset JF,
Altwegg TH. Réinsertion professionnelle des cancéreux traités. Bull
Cancer 1982;69:393-8.
3. Van der Wouden JC, GreavesOtte JGW, Greaves J, Kruyt PHM,
Venleeuwen 0, Van der Does E.
Occupational reintegration of
long term cancer survivors. JOM
1992;34:1084-9.
4. Bradley CL, Bednarek HL.
Employment patterns of long-term
cancer survivors. Psycho-Oncology
2002;11:188-98.
5. Spelten ER, Sprangers MAG,
Verbeek JHAM. Factors reported
to influence the return to work of
cancer survivors: a literature review.
Psycho-Oncology 2002;11:124-31.
6. Short PF, Vasey JJ, Tunceli K.
Employment pathways in a large
cohort of adult cancer survivors.
Cancer 2005;103:1212-301.
7. Buckwalter AE, Karnell LH,
Smith RB, Christensen AJ, Funk GF.
Patient-reported factors associated
with discontinuing employment
following head and neck cancer
treatment. Arch Otolaryngo Head
Neck Surg 2007;133:464-70.
8. De Boer AG, Verbeek JHAM, van
Dijk FJH. Adult survivors of childhood cancer unemployment. A
metaanalysis. Support Care Cancer
2006;14:1020-9.
9. Malavolti L, Mermillod C, Bataille
P, Compagnon C, Moatti JP. Situation professionelle et difficultés
économiques des patients atteints
d’un cancer deux ans après le
diagnostic. Revue de la DRESS
2006;487.
10. Pryce J, Munir F, Haslam C.
Cancer survivorship and work: symptoms, supervisor response, coworker
disclosure and work adjustement.
J Occup Rehabil 2007;17:83-92.
11. Fanello S, Sarazin P, Le Coent
MA et al. Les modalités de la réinsertion socioprofessionnelle après
un cancer du sein. Arch Med Prof
1993;54:397-402.
12. Bushnow PW, Sun Y, Raubertas
RF, Rosenthal S. Adjuvant chemotherapy does not affect employment in patients with early-stage
breast cancer. J Gen Int Med 1995;
10:73-6.
13. Satariano W A, Delorenzo GN.
The likelihood of returning to work
after breast cancer. Public Health
Rep 1996;111:236-41.
14. Serin D, Pujol H, Schraub S,
Chevalier H. Parcours de femmes
1993 : enquête d’opinion (SOFRES)
réalisée auprès des femmes traitées
pour cancers gynécologiques et
mammaires et auprès des équipes
Penser sa féminité après un cancer du sein
au plus traitées pour un cancer du sein. La durée
moyenne de l'arrêt de travail est de 9,2 mois. La
reprise du travail s'effectue pour 88 % des patientes :
77 % dans le même secteur professionnel et 11 %
avec changement de secteur ; 26 % des patientes
ont demandé une réduction de leur temps de travail.
Les facteurs de reprise du travail sont liés à l'âge des
patientes, au secteur professionnel, à la catégorie
professionnelle et au type de traitements subi. La
motivation des patientes reste un élément important.
La reprise du travail est de 100 % pour les patientes
de moins de 40 ans et de 76 % après 45 ans. Les
changements d'emploi sont plus fréquents dans le
secteur privé (14 %). Les professions indépendantes
entraînent un arrêt de travail plus court ; 21 % des
femmes de ménage et 14 % des employés ne reprennent pas le travail.
La durée du traitement, en particulier la prescription
d'une chimiothérapie, prolonge l'arrêt du travail.
La motivation personnelle reste un atout important
pour la reprise, qu'elle soit psychologique, intellectuelle ou financière.
Bushnow (12), aux États-Unis, en 1995, a montré à
partir d'une étude rétrospective de patientes avec
un cancer du sein débutant que la chimiothérapie
adjuvante n'influait pas sur le retour au travail : 92 %
des patientes qui ont subi une chimiothérapie et
94% des patientes sans chimiothérapie ont repris
leur activité professionnelle.
Satariano (13), en Italie, en 1996, a montré que le
taux de reprise était de 72 % pour une série de 296
patientes qui travaillaient au moment du diagnostic.
La non-reprise était liée à la fatigue résiduelle, à des
problèmes fonctionnels, au besoin d'une assistance
pour les transports et au stade de la maladie.
L'étude SOFRES de 1998 publiée par Serin (14) a
colligé 2 868 patientes (2 539 avec un cancer du
sein et 329 avec un cancer gynécologique). Parmi
les femmes en activité avant la maladie, 55 % devenaient inactives pendant le traitement et 63 %
reprenaient une activité après le traitement. Les
femmes avec un cancer du sein sont confrontées
à des difficultés financières dans 9 % des cas, à des
problèmes de prêts bancaires dans 4 % des cas et à
des problèmes d'assurance dans 3 %.
Stewart (15) a étudié, au Canada en 2001, le vécu au
travail des femmes avec un cancer du sein sans récidive 5 ans après le traitement (n = 378) : 50 % n'ont
pas hésité à révéler leur diagnostic aux collègues
de travail et à leur hiérarchie ; 43,7 % des femmes
pensent que cette révélation n'a pas affecté les
modalités de leur travail ; 41,1 % ont modifié leur
24 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
plan de carrière en raison d'une motivation moindre ;
3 % ont perçu une discrimination ; 26,3 % pensent
que l'épreuve qu'elles ont vécue leur a permis de
réaliser leurs objectifs et 6,5 % rapportent même
un changement de carrière positif.
Kornblith (16), au Canada, en 2003, a analysé
l'ajustement des femmes traitées pour un cancer
du sein à un stade débutant avec chimiothérapie
adjuvante 20 ans après le traitement (n = 153) : 13 %
des patientes ont encore un problème professionnel,
26 % ont un problème d'assurance et 7 % subissent
un retentissement socio-économique négatif.
Une comparaison sur la perception de l’impact socioéconomique a été étudiée chez les femmes en âge de
travailler (18-64 ans) selon le type de cancer. Le retentissement du vécu est négatif pour 9 % des patientes
avec un cancer du sein (n = 79), pour 37 % des patientes
avec une maladie de Hodgkin (n = 107) et pour 40 %
des patientes avec une leucémie (n = 95).
Maunsell (17), au Québec, en 2004, a étudié l'impact possible d'une discrimination professionnelle
3 ans après le traitement pour une cohorte de 646
patientes avec un cancer du sein, appariées à 890
femmes du même âge sans cancer. L'activité professionnelle est identique au début de la surveillance.
Trois ans après le traitement, 21 % des femmes avec
un cancer et 15 % de la population contrôle sont
sans emploi. L'arrêt de l'activité professionnelle dans
les deux groupes relève d'une décision personnelle.
Aucune discrimination n'a été rapportée dans les
deux groupes. Les auteurs précisent bien que ces
résultats concernent une population donnée et ne
peuvent préjuger des difficultés rencontrées par tel
ou tel individu.
Bouknight (18), aux États-Unis, en 2006, rapporte
une série de 416 patientes questionnées 12 et
18 mois après le diagnostic : 80 % d’entre elles
ont repris le travail ; 87 % soulignent l'importance
de l'absence de discrimination et du soutien des
employeurs.
Balak (19), aux Pays-Bas, en 2008, rapporte une série
de 154 patientes avec un cancer du sein au stade
précoce. La durée moyenne de l'arrêt de travail, de
11,4 ± 5 mois, dépend du type de traitement ; elle est
plus longue si le traitement comporte une chimiothérapie ou un traitement combiné. La reprise dans
le cadre d'un temps partiel est liée aux séquelles du
curage axillaire.
Ahn (20), en Corée, en 2008, a rapporté une série de
1 594 patientes qui travaillaient avant leur maladie.
L'emploi diminue de 47,6 à 33,2 % après le traitement.
Il existe une corrélation significative avec le niveau
d'études, les bas revenus, les comorbidités, le stade
DOSSIER THÉMATIQUE
évolué de la maladie et les séquelles d'une mastectomie. La fatigue résiduelle est un obstacle essentiel.
Mieux protégées sur le plan financier, les femmes
mariées s'arrêtent plus facilement de travailler.
Commentaires
Données de la littérature
La perte d'emploi ou la modification de l'activité
professionnelle est une réalité liée à la maladie. Les
facteurs favorisants et les obstacles à la réinsertion
ont été bien individualisés.
La reprise du travail dépend des caractéristiques
de la maladie, du type de cancer (2, 5, 6, 8, 16), de
son stade d'évolution, des séquelles fonctionnelles,
voire des handicaps liés aux différents traitements
(11, 12, 16, 19, 20), des séquelles psychologiques et
cognitives dues en particulier à la chimiothérapie
(19, 21), des symptômes résiduels comme la douleur
et la fatigue et des comorbidités associées (7, 8, 10,
13, 20). La durée du congé maladie est un élément
important. Un cancer dans l'enfance, les cancers des
VADS, du poumon, du côlon-rectum, du cerveau,
tous les cancers à un stade évolué pénalisent plus
particulièrement les patients (2, 5, 6, 8, 16).
Les données socio-biographiques jouent un rôle
important : l'âge, le genre, le niveau d'études, le
statut marital, les revenus familiaux interfèrent (2, 5,
11). Les adultes les plus jeunes seront confrontés au
chômage, les plus âgés glisseront facilement vers une
préretraite. Les travailleurs manuels auront plus de
difficultés à reprendre le travail que "les cols blancs"
(2, 5, 11). Les femmes feront plus appel, si cela est
possible, au temps partiel (3). Les femmes mariées
sont semble-t-il moins motivées pour une reprise du
travail en raison d'un deuxième salaire au foyer (20).
Le métier précédemment exercé avec ses contraintes
physiques, ses impératifs psychologiques, son éloignement possible peut être un obstacle à une reprise
facile. Selon le secteur professionnel du patient –
secteur public plus sécurisé ou secteur libéral plus
ou moins flexible (10, 11) – selon son statut – salarié
titulaire, intérimaire ou cadre –, la reprise du travail
sera plus ou moins aisée. L’aspect éventuellement
valorisant de la fonction a aussi son importance.
Le contexte économique actuel n'est pas particulièrement facilitateur, avec une sortie de crise incertaine et un niveau de chômage croissant (10,7 %
pour 2010, 18 % pour les moins de 24 ans).
Le type de protection sociale de chaque patient
est aussi à prendre en considération (2, 11). En
France, le régime des fonctionnaires ou assimilés
assure un congé maladie complété par des congés
longue maladie et de longue durée qui permettent
de conserver l’intégralité du salaire pendant 4 ans
au total, avec un demi-salaire pendant 2 ans. Les
non-titulaires peuvent bénéficier de l’intégralité du
salaire pendant 1 an, avec ensuite la moitié du salaire
pendant 2 ans. Un temps partiel thérapeutique peut
être attribué à l’issue des congés. Les salariés (régime
général et agricole) et les exploitants agricoles, les
travailleurs non salariés, les artisans et indépendants, les professions libérales sont beaucoup moins
protégés (23).
Le soutien de la famille et des proches reste
primordial avec, toutefois, un risque d'hyperprotection, voire d’infantilisation, qui peut freiner toute
démarche volontaire.
Le soutien de l'employeur (10, 18) et l'absence de
discrimination au travail (15, 17, 18), malgré un
certain absentéisme, sont essentiels.
La reprise du travail après le traitement n'implique
pas que l'activité professionnelle sera poursuivie
dans les années qui suivent malgré l'absence d'évolution de la maladie. Même 20 ans après le diagnostic,
les problèmes professionnels peuvent perdurer et il
faut en tenir compte (15, 16).
Comment optimiser la réinsertion professionnelle ?
La réinsertion socioprofessionnelle passe par un
dépistage social précoce qui permet de prédire les
difficultés qui seront rencontrées après le traitement et par l'organisation d'actions "préventives"
pour éviter l'installation de situations inextricables
avec des difficultés financières et psychologiques
qui retentiront sur la vie familiale.
Le service social a mis en place dans notre institution, depuis de nombreuses années, une consultation
sociale "branchée" sur les consultations médicales.
Dès le diagnostic, les patientes peuvent consulter
l'assistante sociale, qui peut ainsi les informer des
démarches à faire en fonction de leur contexte socioéconomique et professionnel. Cette consultation
permet d'expliquer aux patients et à leurs proches
les modalités des arrêts de travail, de les informer
sur les médecins à consulter et les commissions à
saisir, tout en respectant leur projet de vie ultérieur
et leur autonomie (22).
Un document sur la protection sociale, “Démarches
sociales et cancer”, rédigé dans le cadre des guides
SOR Patient en 2004, mis à jour et édité par l'Institut
national du cancer (INCa) en 2009, est distribué
systématiquement comme support à l'intervention
sociale (23).
Références
bibliographiques
soignantes qui les ont prises en
charge. Bull Cancer 1998;85:
578-88.
15. Stewart DE, Cheung AM, Duff
S et al. Long-term breast cancer
survivors: confidentiality, disclosure, effects on work and insurance.
Psycho-Oncology 2001;10: 259-63.
16. Kornblith AB, Herdon JE,
Weiss RB et al. Long-term adjustment of survivors of early-stage
breast carcinoma, 20 years after
adjuvant chemotherapy. Cancer
2003;98:679-89.
17. Maunsell E, Drolet M, Brisson
J, Brisson C, Masse B, Deschenes
L. Work situation after breast
cancer: results from a populationbased study. J Natl Cancer lnst
2004;96:1813-22.
18. Bouknight RR, Bradley CJ, Luo
Z. Correlates of return to work for
breast cancer survivors. J Clin Oncol
2006;24:345-53.
19. Balak F, Roelen CAM, Koopmans PC, Ten Berge EE. Return
to work after early-stage breast
cancer: a cohort study into the
effects of treatment and cancerrelated symtoms. J Occup Rehabil
2008;18:267-72.
20. Ahn E, Cho J, Shin DW et al.
Impact of breast cancer diagnosis
and treatment on work-related life
and factors affecting them. Breast
Cancer Res Treat 2008;X:1060-3.
21. Schagen SB, Vandam F, Muller
MJ, Boogerd W, Lindeboom J,
Brunong PF. Cognitive deficits after
post-operative adjuvant chemotherapy for breast carcinoma. Cancer
1999;85:640-50.
22. Dilhuydy JM, Monira MH, Perrié
N, Frézet 0, Prince G. Évaluation
d’une première consultation
sociale en cancérologie : à propos
de 200 situations. Bull Cancer
2000;87:348-54.
23. Dilhuydy JM, Monira MH, Dupré
J, Ménager J, Brusco S. Démarches
sociales et cancer. SOR Savoir :
Guide d’information et de dialogue
à l’usage des personnes malades et
de leurs proches. Paris, Fédération
nationale des centres de lutte contre
le cancer, mise à jour 2009, Coll.
Guides de référence, INCa, 2004.
24. Plan Cancer 2003-2007 ; Plan
Cancer 2009-2013 : www.plancancer.fr/textesderéférence
La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010 | 25
DOSSIER THÉMATIQUE
Penser sa féminité après un cancer du sein
Le Plan Cancer (24), actualisé pour la période 20092013, prévoit une prise en charge personnalisée des
patients avec une évaluation sociale dans le cadre
du dispositif d’annonce, du programme personnalisé
de soins, de l’après-cancer. Un référentiel national
pour détecter la fragilité sociale et la précarité doit
être mis au point (mesures 25, 26). Les réponses
aux situations de handicap et de perte d’autonomie
doivent être améliorées (mesure 27). L’assurabilité
pour obtenir des prêts doit être facilitée au maximum
(mesure 28).
La réinsertion socioprofessionnelle implique une
collaboration entre le médecin soignant, le médecin
du travail, le médecin conseil et les différentes
commissions prévues à cet effet comme la Commission des droits et de l’autonomie des personnes
handicapées (CDAPH) ou la Maison départementale
des personnes handicapées (MDPH). Cette collaboration suppose de la part des soignants une bonne
connaissance de la législation et des modalités de
maintien dans l'emploi (1).
Le médecin du travail est un interlocuteur essentiel
compte tenu de ses prérogatives pour les modalités
de reprise du travail, pour l'aménagement d'un poste
de travail ou pour adresser le patient à la CDAPH. Il
ne faut pas hésiter à le joindre en cas de difficulté
de reprise du travail.
Il faut souligner que le Code du travail a prévu non
seulement une consultation de reprise du travail,
mais aussi une consultation de préreprise avant la fin
de l'arrêt de travail (art. R 241-51). La consultation
de préreprise est trop souvent négligée par manque
d'information des patients et des médecins. Effectuée avant la fin de l'arrêt de travail, elle permet de
prévoir des mesures d'adaptation au poste de travail,
de mettre en place de façon précoce des mesures de
maintien dans l'emploi ou de prévoir une reconversion professionnelle. Elle peut être demandée par le
salarié ou par son médecin traitant ou le médecin
conseil de sa caisse d’assurance maladie.
Conclusion
La réinsertion socioprofessionnelle des patients traités
pour un cancer est un enjeu qui mérite toute l'attention
des soignants, qui doivent non seulement être sensibilisés à cette problématique, mais aussi se comporter
comme des acteurs efficients en toute connaissance
des données de la protection sociale (1).
■
agenda
13-15 mai 2010, Arcachon
Journées annuelles de la
SOFMIS : Femmes à haut
risque de cancer mammaire
APÔLES Santé
Terres Neuves, BP152, 33321
Bègles Cedex
Tél. : 05 56 75 36 09
Fax 05 56 75 22 98
E-mail : [email protected]
18 juin 2010, Reims
1er colloque francophone sur les cancers du sein
in situ
Programme :
– Revue complète des aspects épidémiologiques,
diagnostiques, anatomopathologiques et thérapeutiques
– Actualisation des études
rétrospectives et des essais
randomisés
– Facteurs de risque de rechute
– Recommandations INCaSFSPM
Coordonnateur scientifique :
Dr Bruno Cutuli (polyclinique
Courlancy)
Tél. : 03 26 84 02 84 – Fax 03 26 84 70 20
E-mail : [email protected]
Organisation et inscription :
Reims événements organisation : 12, bld du GénéralLeclerc, 51722 Reims Cedex
Contact : Mme Sophie Fournal
Tél. : 03 26 77 44 60 – Fax 03 26 77 44 81
Inscription Internet à partir du 4 janvier 2010
http://www.reims-evenements.fr
26 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
3-5 novembre 2010,
Strasbourg
32es Journées de la
Société française de
3
5
novembre
32
2010 sénologie et de pathosénologie logie mammaire :
La femme jeune face au
la femme jeune
face au
cancer du sein
cancer du sein
Contact : Michèle Peter,
8, quai de l’Ill, 67400 Illkirch.
Tél. : + 33 (0)6 31 24 27 59
[email protected]
Inscriptions : Brigitte Papillon, Palais des Congrès
de Strasbourg, place de Bordeaux-Wacken, 67082
Strasbourg Cedex
Tél. : + 33 (0)3 88 37 67 87. [email protected]. http://www.strasbourg-events.com
STRASBOURG
Palais des Congrès
e
du
au
journées de
la Société Française
de
et de Pathologie
Mammaire
coordonnées
p a r l e s équipes médicales
de la SFSPM de
Nancy
Reims
Strasbourg
www.senologie.com
Téléchargement