THÉRAPEUTIQUE
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 13 - n° 1 - janvier 1999
tique et du bas appareil urinaire vont se fixer préférentielle-
ment à ces niveaux et exercer à faible dose des effets sur les
symptômes et le débit urinaire, d’où le concept pharmacolo-
gique de sélectivité α1A. Ainsi, la tamsulosine est 11,8 fois
plus sélective vis-à-vis des récepteurs prostatiques qu’aor-
tiques et possède le meilleur rapport entre son effet α1A-blo-
quant et α1D-bloquant. Toutefois, une étude expérimentale
tentant de corréler chez l’animal les affinités respectives des
différents médicaments α1-antagonistes pour les différents
sous-types de récepteurs à une éventuelle urosélectivité fonc-
tionnelle, appréciée par la mesure simultanée des pressions
artérielles et intra-urétrales, s’est montrée négative (6).
Aussi l’urosélectivité clinique ne peut-elle se déterminer
qu’au cours des essais cliniques. Elle sera la caractéristique
d’un médicament qui diminue les signes de l’obstruction uri-
naire avec une bonne tolérance (7). Il est bien connu que les
effets sur la pression artérielle sont plus prononcés chez les
sujets âgés hypertendus que chez les sujets normotendus ;
aussi une même molécule pourra être urosélective chez un
patient dont la pression artérielle est normale avant traitement
et ne pas l’être chez un sujet hypertendu.
RÉSULTATS DES ESSAIS CLINIQUES
Les études cliniques visant à évaluer l’efficacité de nouveaux
traitements médicaux dans l’HBP ont montré un effet placebo
important, puisque celui-ci entraîne une amélioration des
symptômes fonctionnels chez près de 50 % des hommes de
plus de 50 ans (8). Le score international symptomatique de la
prostate (I-PSS), développé à partir du score de l’Association
urologique américaine, a été récemment adopté, lors de la
deuxième réunion internationale de consensus, comme score
officiel dans le monde entier.
Prazosine
Cet antihypertenseur, sélectif des récepteurs α1-adréner-
giques, a été utilisé dès 1977. Seuls des essais de courte durée
ont apprécié son efficacité dans l’HBP (9). L’effet indésirable
le plus souvent répertorié avec ce médicament est une hypo-
tension marquée lors de l’administration de la première dose,
parfois accompagnée de syncope, et qui peut être limitée par
une administration vespérale alors que le sujet est déjà cou-
ché. À la dose de 4 mg/j en deux prises pendant quatre
semaines, aucune hypotension orthostatique n’était observée,
mais les sorties d’essai (32 %) étaient importantes.
Alfuzosine
C’est un antagoniste α1-sélectif, à durée d’action courte
(demi-vie : 5 heures) nécessitant l’administration de plusieurs
prises par jour, et possédant in vitro une fixation sélective sur
les récepteurs du trigone vésical, de l’urètre et de la prostate.
Cette molécule a montré son efficacité dans de très nombreux
essais randomisés incluant plus de 16 000 patients. La rapidi-
té de la résorption et la soudaineté du pic plasmatique pour-
raient être en partie responsables de l’hypotension orthosta-
tique, d’où l’intérêt de formes à longue durée d’action ou à
action retardée.
Une forme galénique à libération progressive permettant une
administration à la dose de 10 mg/j en deux prises et une
meilleure compliance est maintenant commercialisée. Dans
une étude chez 390 sujets, dont 47 % présentaient des patho-
logies hypertensives ou coronariennes, l’alfuzosine a fait la
preuve de son efficacité avec un bon profil de tolérance à la
fois chez les sujets normotendus et hypertendus (10).
Té razosine
Il s’agit d’un antagoniste α1-sélectif, à durée d’action longue
permettant une seule administration par jour, et possédant in
vitro une fixation sélective sur les récepteurs du trigone vési-
cal, de l’urètre et de la prostate. Les effets indésirables à type
de vertiges, d’asthénie ou d’hypotension orthostatique sont
limités par la prise vespérale du traitement. Ils sont plus mar-
qués dans les trois jours suivant une augmentation des doses.
La prévalence des vertiges diminue au cours du temps (14 %
les six premiers mois, 7 % à partir d’un an). Un bon moyen de
limiter les effets indésirables est d’instaurer le traitement en
augmentant progressivement les doses : 1 mg pour la premiè-
re prise, puis 2 mg pendant une semaine, puis 5 mg si un
bénéfice thérapeutique n’est pas observé avec la posologie
précédente (11). Une étude récente menée chez des sujets
âgés de plus de 65 ans recevant un traitement antihypertenseur
(12) a montré une tolérance acceptable dans cette population
pour des doses élevées de térazosine.
Tamsulosine
La tamsulosine est le seul antagoniste αayant fait la preuve in
vitro d’une sélectivité α1A. Cette spécificité d’action devrait
en théorie limiter les effets indésirables à type d’hypotension
orthostatique. Sa durée d’action est longue (demi-vie termi-
nale de 22 heures), et la forme galénique confère une libéra-
tion progressive permettant une seule administration de
0,4 mg/j sans nécessité d’adaptation progressive. Dans les
études versus placebo, une amélioration des scores a été
observée autant sur les signes irritatifs que sur les signes obs-
tructifs, le débit urinaire est augmenté de 16 %, et les inci-
dences des effets indésirables sont comparables dans les deux
groupes à la fois chez les sujets normo- et hypertendus (13).
Une extension d’étude en ouvert sur 60 semaines confirme
ces données : un faible pourcentage d’effets secondaires a été
rapporté au médicament, essentiellement des vertiges (4,5 %)
et des éjaculations rétrogrades (5,3 %) ; aucune hypotension
orthostatique cliniquement pertinente n’a été relevée (14).
Une étude récente comparant une dose fixe (0,2 mg) de
tamsulosine à la térazosine administrée à dose progressive
(1-5 mg) conduite sur 2 mois seulement a montré une effica-
cité comparable pour les deux schémas thérapeutiques, mais
une meilleure tolérance dans le groupe tamsulosine (15). Une
étude incluant 256 patients traités pendant 3 mois par tamsu-
losine (0,4 mg/j) versus alfuzosine (2,5 mg x 3/j) rapporte une
efficacité similaire pour les deux antagonistes et une bonne
tolérance dans les deux groupes ; toutefois, la tamsulosine
n’exerçait aucune diminution sur la pression artérielle lors des
relevés systématiques, alors que l’alfuzosine la diminuait
significativement à la fois chez le sujet debout et chez le sujet
couché (16).
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