22 | La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009
Prédispositions génétiques au cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
prévenir un risque expose à un autre risque, celui
d’effets indésirables. Rappelons la définition d’un
médicament donnée par Courteline : “Substance
guérissant assez rarement le mal que vous avez,
mais vous donnant presque toujours un mal que
vous n’avez pas.” En termes de prévention, cette
définition atteint son paroxysme, car il s’agit de
guérir un mal que vous n’avez même pas…
Il est donc bien difficile d’évaluer la balance béné-
fice-risque entre des effets indésirables mesurables
et une absence de maladie. Une des approches les
plus intéressantes en termes d’efficacité préventive,
c’est-à-dire de mesure du bénéfice, est le calcul du
nombre de sujets à traiter pour éviter un événe-
ment. Le tableau I le montre, au travers de diffé-
rents exemples. Notons que dans une situation à
risque extrême, si l’on présuppose une efficacité
préventive identique à celle mise en évidence dans
les autres facteurs de risque, il faudrait traiter
12 sujets porteurs d’une mutation BRCA1 ou 2
pour éviter un cancer du sein.
Des SERM aux IA
Le but ici n’est pas de répertorier les nombreuses
études publiées ou en cours sur le sujet qui sont
traitées par ailleurs dans ce numéro. Les traite-
ments par SERM (tamoxifène et raloxifène) ont
montré leur efficacité en termes de réduction
d’incidence chez les femmes à haut risque familial
(1). Aux États-Unis, la prescription du tamoxifène
et du raloxifène en prévention est approuvée par
les autorités médicales chez les patientes à haut
risque. Cependant, la balance bénéfice-risque (acci-
dents thromboemboliques notamment) n’est pas
clairement établie en termes de mortalité. Un fait
nouveau et important est le maintien de l’efficacité
préventive plusieurs années après l’arrêt du traite-
ment (2). Les traitements préventifs du cancer du
sein par IA sont à l’étude (tableau II). La prescrip-
tion d’un traitement antihormonal à visée préven-
tive ne peut se faire en France que dans le cadre
d’un protocole évaluatif. Un essai randomisé de
prévention par létrozole chez la femme ménopausée
porteuse d’une mutation BRCA1/2 est actuellement
en cours (essai “LIBER”, INCa/FNCLCC). En effet,
les cancers du sein survenant dans un contexte de
mutation BRCA1 ou 2sont sensibles à l’action des
hormones, comme le montre l’efficacité préventive
d’environ 50 % après annexectomie bilatérale (7, 8).
L’étude LIBER, ouverte dans 28 centres français, vise
à proposer une alternative préventive à la mastec-
tomie prophylactique.
Enfin, l’étude MAP3 devrait voir le jour très prochai-
nement en France. Cette étude compare l’exémes-
tane versus un placebo dans des situations à haut
risque (familial non BRCA1/2, Gail > 1,66, lésions
histologiques). Elle est portée par l’Institut du
cancer canadien et compte aujourd’hui près de
3 000 inclusions pour un total de 4 560.
Conclusion
La prévention idéale trouverait sa place dans des
situations à haut risque bien définies, en utilisant
des molécules à forte efficacité et avec un minimum
d’effets indésirables. Dans des situations à risque
extrême, telles que les prédispositions BRCA1/2,
l’adage “ne rien faire, c’est prendre tous les risques”
prend ici du sens (en tout cas un risque de plus de
80 %…). Ces populations doivent donc faire l’objet
en priorité d’évaluation préventive, car le rapport
bénéfice-effets indésirables pourrait y être optimal.
Rappelons qu’aujourd’hui, dans cette population, la
seule option préventive est la mastectomie prophy-
lactique, en augmentation dans la plupart des pays,
y compris en France. ■
Tableau I. Nombre de personnes à traiter pour éviter un événement lors d’un traitement
préventif.
Essais Risque Intervention n
Hormono-adjuvante Récidive Tamoxifène versus placebo 8
Prévention du cancer du sein CS Tamoxifène ou raloxifène 55
Prévention cardio-vasculaire Accident coronarien Statine 45
*Prévention CS BRCA1/2 CS IA versus placebo 12
D’après Ford NCI SABCS 2006
*Estimation sur la base d’une efficacité préventive de 50 %
Tableau II. Essais de prévention du cancer du sein par IA.
Essais Risque Intervention Objectif
IBIS-II Familial in situ Anastrozole versus placebo 5 ans Ouvert 6 000 femmes
MAP3 Gail > 1,66 âge > 60 Exémestane versus placebo 5 ans Ouvert 4 500 femmes
LIBER BRCA1/2 Létrozole versus placebo Ouvert 724 femmes
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