Nous discutons dans ces lignes l’état des connaissances actuelles sur l’estimation
du risque de cancer du sein et des moyens actuels ou futurs pour le prévenir, notam-
ment la prescription d’inhibiteurs d’aromatase.
À propos du risque en général et du risque de cancer du sein
en particulier
Le risque : une notion binaire mais quantifiable
À l’échelon individuel, la réalité d’un facteur de risque se heurte à l’interprétation
humaine des probabilités. Il est en effet difficile pour une personne de transposer au
plan individuel un risque collectif, car la perception du risque est souvent assimilée
à une notion de tout ou rien. Cette difficulté de représentation semble liée à une
conception binaire de la notion de risque pour l’individu (selon que l’événement
redouté nous touche ou non, le risque nous concerne à 100 % ou à 0 %). Mais les
risques relatifs (c’est-à-dire par rapport à la population générale) sont en pratique
très différents sur le plan quantitatif, selon le facteur considéré.
Relativisons le risque relatif...
En matière de cancer du sein, les facteurs de risque identifiés varient dans un
ordre de grandeur considérable (figure 1). Citons deux cas extrêmes, celui du traite-
ment hormonal de la ménopause (THS) et celui des prédispositions génétiques
majeures. Le risque relatif lié à un THS, très sensible au regard de la population
générale, est évalué entre 1,3 et 1,5 en cas d’utilisation prolongée [3]. On estime que
moins de 1 % des femmes traitées par THS développent un cancer du sein imputable
à ce facteur de risque. À l’opposé figure le risque génétique de cancer du sein. Lors
du congrès 2008 de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology), le Dr King a
rappelé le risque cumulé de près de 90 % du cancer du sein à 80 ans chez une femme
porteuse d’une mutation BRCA1 (figure 2) [4]. En France, 5 123 résultats positifs de
mutation BRCA1 ou BRCA2 ont été rendus entre 2003 et 2007 (source : Rapport
d’activité oncogénétique de l’Institut national du cancer). Dans cette population par-
ticulière, près de 4 000 femmes ont eu ou auront un cancer du sein au cours de leur
vie. Est-ce une fatalité ?
Primum non nocere
Le traitement préventif ne se distingue pas de tout autre traitement médical en ce
qui concerne le rapport efficacité/effets secondaires. La balance bénéfice/risque doit
être soigneusement évaluée. La différence fondamentale est le fait que la personne
qui reçoit le traitement n’est pas malade. Ce point est susceptible de heurter notre
sensibilité médicale attachée à l’enseignement d’Hippocrate [5] :“Primum non
nocere”.
30es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008 265
Prévention du cancer du sein : du fatalisme à l’interventionnisme