Insuffisance cardiaque I

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N S U F F I S A N C E
C A R D I A Q U E
Insuffisance cardiaque
● M. Komajda*, P. Lechat**
DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Points forts
■ Pour
ce qui concerne les bêtabloquants, des données
complémentaires de l’étude COPERNICUS ont été
publiées, qui confirment que le carvédilol prescrit à des
insuffisants cardiaques sévères a un effet bénéfique non
seulement sur la mortalité, mais également sur la morbidité liée à cette pathologie.
Des études effectuées à partir de la base de données
CIBIS II sur le bisoprolol apportent de nouveaux renseignements sur le mécanisme d’action des bêtabloquants : il n’y a pas de différence d’amplitude de réponse
selon la fréquence cardiaque de base et selon la variation de la fréquence sous bêtabloquant, suggérant ainsi
que l’effet bradycardisant n’est pas seul en cause dans
le bénéfice des bêtabloquants. Le meilleur pronostic était
néanmoins obtenu chez les patients ayant la plus forte
bradycardie deux mois après le début du traitement. Par
ailleurs, il semble que les patients en arythmie complète
par fibrillation auriculaire ne bénéficient pas de ce traitement. Cela sera important à vérifier sur les autres
grandes études, MERIT-HF et CARVEDILOL, car 20
à 30 % des malades en insuffisance cardiaque sont en
arythmie complète par fibrillation auriculaire.
■ L’étude VAL-HEFT a
comparé l’adjonction de valsartan 160 mg deux fois par jour sur un traitement de base
par IEC, diurétiques et éventuellement digitaliques à un
placebo. Le critère principal (mortalité toute cause) est
négatif. Par contre, le deuxième critère principal combiné (mortalité toutes causes et morbidité) est positif,
avec une réduction de risque de 13,3 % principalement
due à une réduction des hospitalisations de 27,5 % pour
insuffisance cardiaque. Un aspect étonnant de cette
étude est que le bénéfice semble particulièrement important chez les malades sans bêtabloquants et absent chez
les patients recevant un tel traitement.
Ces résultats sont très intéressants et nécessitent d’être
analysés lors de la publication, afin de mieux préciser
la place des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II en addition aux IEC dans le traitement de l’insuffisance cardiaque modérée à moyenne.
* Service de cardiologie*, service de pharmacologie**, hôpital La Salpêtrière, Paris.
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 341 - janvier 2001
A.F. Maisel (San Diego, 1774) a étudié l’intérêt du Brain Natriuretic Peptide (BNP) chez 200 patients adressés pour suspicion de
dysfonction ventriculaire gauche par rapport à l’échocardiographie. La méthode de dosage utilisée était le radio-immuno-assay
de Biosite. Chez 106 sujets normaux à l’échocardiogramme, la
concentration plasmatique de BNP était de 37 pg/ml. Chez ceux
qui présentaient une évidence de dysfonction ventriculaire systolique ou diastolique, les concentrations plasmatiques étaient
respectivement de 572 et 391 pg/ml (p < 0,001).
Dans ce travail, une concentration plasmatique de BNP au dessus de 80 pg/ml avait une sensibilité de 85 % et une spécificité
de 97 % pour détecter une anomalie de la fonction ventriculaire
gauche à l’échographie. La même équipe (2450) a présenté des
résultats similaires sur 261 autres patients. De façon intéressante,
un taux supérieur à 90 pg/ml avait, selon les auteurs, une sensibilité et une spécificité respectives de 85 % et 97 % pour identifier une dysfonction diastolique, dont on connaît la difficulté du
diagnostic. De façon également intéressante, le taux de BNP permettait de différencier les sujets ayant une fraction de raccourcissement échographique comprise entre 25 % et 45 % de ceux
ayant une fraction inférieure à 15 % (concentrations plasmatiques
244 et 715 pg/ml respectivement).
Y. Mizuno (Kumamoto, 2452) a étudié le mode de sécrétion des
peptides natriurétiques de types A et B chez des patients porteurs
de cardiomyopathies hypertrophiques ou dilatées. Quarante-huit
cardiomyopathies hypertrophiques ont été comparées à 15 sujets
contrôles et à 45 cardiomyopathies dilatées.
Bien qu’il n’y ait pas de différence importante de pression systolique, télédiastolique ou de masse ventriculaire gauche entre les
deux groupes de cardiomyopathies, la concentration plasmatique
de BNP est 4 fois supérieure chez les patients atteints de cardiomyopathie dilatée (418 versus 94 pg/ml, p < 0,001), et cela correspond, selon les auteurs, au degré de dilatation du ventricule
gauche. En faisant l’étude de la régression de la concentration
plasmatique d’ANP ou de BNP par rapport au volume télédiastolique ou télésystolique du ventricule gauche sur la population
totale, les auteurs ont trouvé une corrélation significative. Ils ont
conclu que la sécrétion de BNP ou d’ANP est très différente chez
les sujets porteurs de cardiomyopathies hypertrophiques et dilatées, et que la taille du ventricule gauche est un facteur clé dans
la régulation de la sécrétion de ces peptides natriurétiques.
Intérêt des peptides natriurétiques pour l’évaluation des
insuffisants cardiaques
R. Moskowitz (New York, 2581) a étudié les variations, sur une
période de quatre semaines, du BNP chez des patients recevant
de fortes doses d’inhibiteur de l’enzyme de conversion. Si, en
moyenne, la concentration plasmatique ne change pas significa17
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tivement, il y a des variations individuelles chez tous les patients.
Une augmentation est observée chez 10 malades (+ 61 %) et une
diminution chez 9 malades (41 %). Les auteurs en concluent que
ces variations individuelles rendent difficile l’utilisation du BNP
pour définir le dosage optimal des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion.
talité sur 194 patients, avec un suivi moyen de près de deux ans.
La fraction d’éjection du ventricule droit obtenue par isotope et
la VO2 sont les deux facteurs prédictifs les plus puissants, devant
les facteurs neurohormonaux. Ces résultats méritent d’être confirmés, mais ils soulignent l’importance de l’évaluation de la fonction ventriculaire droite chez l’insuffisant cardiaque.
La valeur prédictive, sur la mortalité, de dosages répétés de
BNP et de big endothéline a été étudiée par B. Stanek (Vienne,
2583) sur une population de 100 malades en insuffisance cardiaque sévère avec fraction d’éjection inférieure à 25 %. Dans
cette étude, il apparaît que le log de la concentration basale de
BNP est le seul facteur prédictif dans l’analyse multivariée, alors
que l’endothéline 1, le pro-ANP et la noradrénaline ne le sont pas.
Par contre, la fraction d’éjection est également prédictive de
décès. Lors de l’utilisation de dosages répétés, le log de BNP
demeure le marqueur le plus puissant de mortalité dans cette
population.
La même équipe, dans une autre étude (2588), a comparé la valeur
respective de prédiction sur la mortalité du BNP par rapport au
pro-ANP 1,98. Il s’agissait d’une population de 299 patients de
l’étude ELITE II. Dans l’analyse multivariée, les facteurs prédictifs de décès cardiovasculaire sont des antécédents d’infarctus du myocarde, le log du BNP plasmatique à l’état basal et la
classe fonctionnelle. Ces travaux suggèrent que le BNP est un
facteur prédictif très sensible de mortalité chez l’insuffisant cardiaque.
La valeur prédictive de mortalité et de morbidité du BNP chez
les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fonction systolique
conservée a été étudiée par T. Tsutamoto (Otsu, 3028) sur un
groupe de 178 patients avec un suivi moyen de 3,2 années. Les
auteurs ont retrouvé qu’en analyse multivariée, seul le taux plasmatique de BNP et la fraction d’éjection étaient des prédicteurs
indépendants de mortalité et de morbidité. En particulier, un taux
de BNP supérieur à 72 pg/ml (valeur médiane de la population)
multipliait par 5,3 le risque de décès ou d’accident morbide.
M. Cowie (Londres, 3774) a étudié la valeur respective du proBNP et du BNP sur le pronostic de patients présentant une insuffisance cardiaque. L’intérêt des dosages des propeptides est qu’ils
sont plus stables. Le coût des trois dosages est voisin et estimé
par l’auteur à 15 livres. Cent dix patients âgés en moyenne de
76 ans ont été inclus dans cette étude. Les auteurs ont comparé
la valeur prédictive sur la mortalité des trois dosages plasmatiques et arrivent à la conclusion que le pro-BNP avec un suivi
moyen de 20 mois est le facteur le plus puissant pour prédire le
décès ou la mortalité cardiovasculaire. L’addition de l’un des deux
autres dosages n’apportait pas d’information supplémentaire.
Aucun des trois dosages n’était associé significativement avec le
critère combiné de décès cardiovasculaire et hospitalisation cardiovasculaire.
À partir de ces résultats, les auteurs concluent que le pro-BNP
est le facteur le plus prédictif de mortalité chez les patients présentant un nouveau cas d’insuffisance cardiaque. Ils pensent que
le dosage de plusieurs de ces peptides est inutile.
I. Kazanegra (San Diego, 2585) a présenté des données sur
72 patients pour déterminer la sensibilité et la spécificité du
dosage de BNP par la méthode Biosite sur le décès ou le taux de
réhospitalisation à 30 jours. Les auteurs ont retrouvé que les
patients indemnes d’événement avaient un taux à l’entrée et à la
sortie significativement plus faible que ceux présentant une réhospitalisation ou décédés (906 et 690 pg/ml à l’entrée et à la sortie,
contre 1 569 et 1 801 pg/ml dans le deuxième groupe). Par ailleurs
en fonction de la concentration plasmatique de BNP à l’entrée,
ils ont déterminé la sensibilité et la spécificité sur la survenue des
événements tels que définis ci-dessus : un taux de 430 pg/ml a
une sensibilité de 95 %, mais une spécificité de seulement 52 %.
À l’inverse, une concentration élevée de 950 pg/ml a une sensibilité de 82 % et une spécificité de 74 %.
E. Missov (San Francisco, 2590) a étudié la valeur prédictive du
BNP sur l’amélioration clinique chez des patients traités par etanercept (protéine de fusion du récepteur P75 du TNFα) ;
43 patients de classes III et IV ont été étudiés. La valeur plasmatique de base du BNP est corrélée à la sévérité clinique de l’insuffisance cardiaque. De même il y a une corrélation entre l’amélioration clinique et la diminution de la concentration plasmatique.
L’injection sous-cutanée d’etanercept est associée en moyenne à
une régression de la concentration plasmatique de BNP. De façon
intéressante, la diminution du BNP est également associée à une
augmentation de la concentration de l’interleukine 10, facteur
anti-inflammatoire.
La fonction ventriculaire droite a été décrite comme un facteur
prédictif de mortalité chez l’insuffisant cardiaque. L’équipe de
P. De Groote (Lille, 2602) a étudié les facteurs prédictifs de mor18
Dans une étude basée sur l’utilisation de la résonance magnétique
nucléaire pour évaluer la fonction cardiaque, B. Groenning
(Copenhague, 3775) a montré, sur une population de 48 patients
à fonction systolique altérée, que le BNP était le facteur le mieux
corrélé par rapport à d’autres dosages neurohormonaux, aux
dimensions ventriculaires gauches, à la masse ou à la fraction
d’éjection.
Toutes ces études suggèrent donc l’intérêt du BNP soit comme
marqueur de diagnostic, soit comme marqueur de pronostic dans
des populations variées d’insuffisants cardiaques.
PHYSIOPATHOLOGIE
L’adrénomédulline est un peptide dont la concentration plasmatique est augmentée dans l’insuffisance cardiaque. Ce peptide est
doté de propriétés vasodilatatrices clairement démontrées. Par
contre, l’effet sur la contractilité n’avait jamais été étudié à ce
jour chez l’homme.
Une équipe américaine (R. Mukherjee, Johnson City, 2451) a
étudié des concentrations plasmatiques croissantes d’adrénomédulline sur des biopsies ventriculaires gauches de patients à fonction ventriculaire normale. Plus précisément, des myocytes isolés ont été étudiés. L’addition d’adrénomédulline entraîne une
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diminution de la vitesse de raccourcissement et, de façon intéressante, atténue la réponse contractile à l’isoprotérénol. Ainsi
est démontré pour la première fois le rôle inotrope négatif de
l’adrénomédulline sur les myocytes ventriculaires gauches
humains.
Mécanismes et conséquences cliniques du phénomène de
remodelage ventriculaire
M. Konstam (Boston) a tout d’abord rappelé que ce phénomène
de remodelage se rencontre dans différents types de pathologies,
en particulier dans le post-infarctus, au cours de l’hypertension
artérielle ou dans les cardiopathies dilatées. Il a insisté sur le fait
que de nombreux facteurs, en particulier neurohormonaux (cytokines, stress oxydatif), intervenaient dans l’apparition de ce phénomène, qui est associé à une mortalité et à une morbidité par insuffisance cardiaque accrues, notamment dans le post-infarctus.
Parmi les thérapeutiques potentiellement efficaces pour prévenir
ce phénomène délétère à long terme, M. Konstam a cité les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bêtabloquants. Pour ces
derniers, l’amélioration de la fraction serait plus importante chez
les patients porteurs d’une insuffisance cardiaque non liée à une
cardiopathie ischémique. Pour les autres classes de médicaments
utilisés dans l’insuffisance cardiaque, notamment les antagonistes
des récepteurs de l’angiotensine et les inhibiteurs mixtes comme
l’omapatrilate, les données sont actuellement contradictoires et
peu de données sont disponibles en clinique.
M. Zile (Charleston) a ensuite revu les mécanismes cellulaires
et moléculaires qui sous-tendent le phénomène de remodelage.
Il a insisté sur l’interaction de nombreux facteurs, à savoir les
conditions de charge du cœur, les neurohormones, les facteurs de
croissance et en particulier les métalloprotéases de la matrice
extracellulaire (MMP).
Une des questions importantes est de savoir si le remodelage ventriculaire peut dépendre des conditions de charge du ventricule
indépendamment des autres facteurs. M. Zile a montré des résultats expérimentaux suggérant que ce phénomène de remodelage
peut survenir malgré le blocage du système rénine-angiotensine
sur des cultures cellulaires, mais également au niveau de l’organe
sur des modèles expérimentaux. Le facteur mécanique seul
semble donc pouvoir déterminer ce phénomène.
F. Spinale (Charleston) a ensuite refait une revue de la matrice
extracellulaire et des métalloprotéases. Il s’agit de 20 enzymes
différentes qui interviennent dans le remodelage ventriculaire.
On en distingue trois types : les collagénases, les gélatinases et
la stromélysine. F. Spinale a montré qu’au cours de l’insuffisance
cardiaque, il y avait une augmentation à la fois de l’activité et de
l’abondance des MMP. Cela a été bien démontré sur des modèles
animaux, mais également chez l’homme. Il semble exister, au
niveau du myocarde lui-même, un inducteur de ces métalloprotéases qui a comme effet de dégrader le collagène et d’altérer la
qualité de la matrice extracellulaire. D’autres facteurs peuvent
intervenir, en particulier les facteurs neurohormonaux (système
sympathique, endothéline, angiotensine II, stress oxydatif, oxyde
nitrique, stress, cytokines).
Au total, ces enzymes semblent jouer un rôle clé dans la dégradation du collagène et les conséquences néfastes qui peuvent en
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résulter sur la structure et la solidité du myocarde. Dans le
domaine thérapeutique, la modulation des MMP ouvre une nouvelle voie d’approche de l’insuffisance cardiaque. L’auteur a
cependant attiré l’attention sur les risques qui peuvent résulter
d’un blocage non spécifique des MMP. Il a rappelé que seules
certaines MMP sont modulées au cours de l’insuffisance cardiaque humaine, et qu’en particulier dans les cardiomyopathies
dilatées il y a une down-regulation de la MMP 1 et une up-regulation de la MMP 3. Cette voie thérapeutique demeure donc à
explorer.
GÉNÉTIQUE DES CARDIOMYOPATHIES
Dans une revue, C. Seidman (Boston) a examiné les gènes responsables de cardiomyopathies hypertrophiques familiales.
Dans l’expérience de l’équipe de Boston, de façon intéressante,
trois mutations dans des gènes associés aux formes familiales de
cardiomyopathies hypertrophiques (bêtamyosine, actine et troponine T) sont associées en fait à des formes familiales de cardiomyopathies dilatées. Cela conduit les auteurs à penser que,
contrairement à ce qui avait été formulé initialement, l’hypothèse
selon laquelle les cardiomyopathies dilatées résultent uniquement
d’anomalies génétiques induisant des modifications de la transmission de la force est incomplète. Des mutations entraînant des
modifications de production de la force pourraient donner de
façon équivalente une cardiomyopathie hypertrophique ou une
cardiopathie dilatée.
À partir d’études expérimentales sur des souris mutées portant
des mutations responsables chez l’homme de cardiomyopathies
hypertrophiques, les auteurs ont également formulé l’hypothèse
que les anomalies des protéines du sarcomère induites par les
mutations entraînent des modifications de stockage du calcium
intracellulaire. Dans cette hypothèse, l’utilisation d’antagonistes
calciques pourrait avoir un rôle bénéfique. Ces résultats expérimentaux doivent néanmoins être confrontés aux résultats observés chez l’homme où, à ce jour, les antagonistes calciques n’ont
pas démontré de façon formelle un effet bénéfique dans les cardiomyopathies hypertrophiques.
T. Olson a pour sa part passé en revue l’état des connaissances
dans la génétique des cardiomyopathies dilatées. Il s’agit d’une
pathologie hautement hétérogène au plan génétique, puisque
13 locus chromosomiques différents ont été identifiés, ainsi que
5 gènes, ceux codant la dystrophine, la desmine, la lamine AC,
le delta-sarcoglycane et l’actine. L’auteur a d’ailleurs remarqué
que ces gènes étaient retrouvés dans un petit nombre de familles,
ce qui laisse à penser que la cardiomyopathie dilatée est une maladie qui peut résulter de très nombreuses anomalies, pas toujours
génétiques. Ainsi, une publication récente (Nature Medicine
1999) suggère que la cardiomyopathie induite par une infection
virale peut résulter d’anomalies moléculaires (anomalies de la
dystrophine du fait que l’entérovirus possède une activité enzymatique spécifique qui clive cette protéine du cytosquelette).
Il existe donc probablement une forte interaction entre les facteurs de l’environnement (virus...) et les facteurs génétiques.
Une session complète a été consacrée à l’étude des polymorphismes dans l’insuffisance cardiaque. Ainsi, L. Wagoner
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(Cincinnati, 1843) a étudié l’influence d’un polymorphisme situé
au niveau du récepteur bêta 1 adrénergique sur la capacité à l’effort d’un groupe de 351 insuffisants cardiaques de classe II à IV.
Il s’agissait d’insuffisances cardiaques en majorité dues à une
cardiomyopathie dilatée. Les auteurs ont retrouvé que les porteurs d’un variant glycine 389 avaient une réduction de leur capacité à l’effort apparemment liée à une moindre augmentation du
débit cardiaque et à une moindre vasodilatation à l’effort. Ce
variant a été retrouvé avec plus de fréquence chez les Noirs américains. Ces anomalies fonctionnelles induites par l’anomalie
génétique pourraient avoir une influence sur le cours évolutif de
l’insuffisance cardiaque.
D. McNamara (Pittsburgh, 1844) a étudié l’influence, chez
328 patients en insuffisance cardiaque, du polymorphisme ID sur
l’efficacité des bêtabloquants. Les auteurs ont pu mettre en évidence, avec un suivi moyen de 21 mois, que la survie en l’absence de transplantation était influencée par le génotype : le surrisque chez les homozygotes pour l’allèle D était de 80 %, et de
61 % chez les hétérozygotes. De façon intéressante, les patients
qui ne recevaient pas de bêtabloquants à l’entrée (208) avaient
une diminution importante de leur survie indemne de transplantation par rapport aux autres patients. Cet effet négatif du génotype DD n’était plus observé chez les patients sous bêtabloquant.
Ainsi, cette étude suggère que le polymorphisme d’insertion ID
de l’enzyme de conversion est associé, pour l’allèle D, à une diminution de la survie et à une augmentation des transplantations
cardiaques. Cet effet n’est plus observé chez les malades prenant
des bêtabloquants.
P. Binkley (Colombus, 1846) a étudié l’influence du polymorphisme ID de l’enzyme de conversion sur la variabilité sinusale.
Sur une population limitée de patients (25), les auteurs ont trouvé
que la présence de l’allèle D est associée à une augmentation de
l’anomalie du système nerveux autonome, avec une augmentation
de la variabilité du rythme sinusal de basse fréquence (tonus sympathique) et une réduction de la variabilité de haute fréquence (tonus
parasympathique). Ces résultats intéressants sont à confirmer sur
de plus grandes cohortes de patients en insuffisance cardiaque.
une diminution de la densité des canaux calciques dans les régions
endocardiques et de la partie moyenne du myocarde, mais non
dans l’épicarde par rapport aux sujets normaux.
M. Satoh (Morioka, 2186) a montré, sur 23 biopsies d’insuffisants cardiaques, qu’il existe une augmentation de l’expression
de l’aldostérone synthase par rapport à des cœurs normaux. Rappelons que cette enzyme aboutit à la synthèse de l’aldostérone.
L’up-regulation de l’aldosynthase pourrait entraîner la prolifération myofibroblastique et participer au phénomène de fibrose et
de remodelage ventriculaire.
K. Nakamura (Okayama, 2190) a étudié l’expression de la monocyte chemoattractant protein-1 (MCP-1) sur 20 cœurs de cardiomyopathies dilatées par rapport à 33 contrôles. Les auteurs
ont retrouvé non seulement une augmentation de la concentration plasmatique de cette protéine qui intervient dans l’inflammation, mais également une augmentation de son expression dans
le myocarde, détectée par immunohistochimie. Cette augmentation de son expression intéresse à la fois l’interstitium, les myocytes et les cellules inflammatoires.
Un travail très intéressant a été réalisé par une équipe japonaise
(T. Matsumoto, Otsu, 2191) sur l’expression du gène de la
chymase dans un modèle de chien insuffisant cardiaque par stimulation rapide. Cette enzyme permet de court-circuiter le blocage de la voie normale de synthèse de l’angiotensine II ; elle est
également impliquée dans les phénomènes d’apoptose et de
fibrose par l’intermédiaire du TGF bêta. Les auteurs ont trouvé
que l’expression de cette enzyme est uniquement augmentée dans
les cœurs insuffisants cardiaques sévères, alors que l’expression
du gène de l’enzyme de conversion de l’angiotensine est exprimé
dès les stades précoces de l’insuffisance cardiaque. Cela pourrait
avoir des implications importantes au plan thérapeutique puisque
l’accroissement de la voie alternative de synthèse de l’angiotensine II peut avoir un effet délétère. Néanmoins, il convient de rappeler qu’il s’agit de travaux chez le chien, et qu’il existe une forte
variation selon les espèces dans la part de l’angiotensine II synthétisée par la voie classique et les voies alternatives.
M. Vatta (Houston, 2183) a montré, à l’aide de biopsies réalisées chez des sujets ayant une cardiopathie ischémique ou dilatée, qu’il existait une disruption du segment N terminal de la dystrophine dans ces deux variétés d’insuffisance cardiaque. La
sévérité de la disruption semblait être plus importante dans le
cadre des cardiopathies ischémiques. On ignore si cette anomalie de la dystrophine est un facteur causal ou une conséquence de
la dysfonction ventriculaire. Cela, en tout état de cause, vient renforcer l’idée que différents facteurs (ischémie, virus...) peuvent
entraîner les anomalies de la dystrophine au cours de l’insuffisance cardiaque.
M. King (Charleston, 2198) a présenté un intéressant travail
concernant l’inhibition des métalloprotéases de la matrice cellulaire sur un modèle d’insuffisance cardiaque réalisé chez le
cochon. Il convient de rappeler qu’il existe trois grandes catégories de MMP : les gélatinases, les stromélysines et les collagénases. Un inhibiteur spécifique des MMP a été utilisé. Le résultat principal est une diminution du stress pariétal liée à une
hypertrophie concentrique. Cette hypertrophie concentrique
existe non seulement au niveau de l’organe, mais également au
niveau cellulaire, comme le montre l’étude du diamètre transversal des myocytes. Elle n’est pas associée à une réduction de
la densité des capillaires. Ces résultats très intéressants ouvrent
de nouvelles voies thérapeutiques dans l’insuffisance cardiaque.
V. Maltsev (Detroit, 2187) a étudié la distribution des canaux calciques de type L sur 3 cœurs normaux et 11 cœurs de patients
atteints de cardiomyopathie dilatée. On sait qu’au cours de l’insuffisance cardiaque il y a des anomalies de ce canal calcique.
Les auteurs ont retrouvé, sur les cœurs insuffisants cardiaques,
Plusieurs travaux ont concerné l’injection de vascular endothelial growth factor (VEGF) sur des modèles d’insuffisance cardiaque : ainsi H. Sabbah (Detroit, 2200) a étudié, sur un modèle
d’insuffisance cardiaque du chien obtenu par embolisation multiple, l’injection intracoronaire de VEGF : deux injections ont été
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réalisées à une semaine d’intervalle. Elles s’associent à une augmentation de l’indice de contractilité, à une amélioration de l’indice de relaxation et à une réduction de la pression télédiastolique du ventricule gauche à trois semaines et trois mois après la
première injection. Il y a également une augmentation de la fraction d’éjection et de la densité capillaire. A. Hamawy (New York,
2204) a transféré par injection, en dix endroits différents sur la
face antérieure du ventricule gauche, des adénovirus codant pour
le VEGF sur un modèle d’insuffisance cardiaque du chien. Les
animaux ayant fait l’objet de ce transfert viral ont une réduction
moins prononcée de la fraction de raccourcissement à l’état basal
et après injection de norépinéphrine. Il semble donc que le prétraitement par des adénovirus recombinants avec VEGF est associé à une réduction de l’altération de la fonction cardiaque chez
des animaux en insuffisance cardiaque.
Enfin, dans une étude très intéressante de Y. Yang (Boston, 2202),
il a été montré sur un modèle de rat avec infarctus du myocarde
que l’injection de cellules embryonnaires surexprimant le VEGF
en trois sites différents au sein de la zone nécrosée améliore la
pression systolique du VG, la pression diastolique et l’indice dp/dt
ainsi que la réponse inotrope à l’isoprotérénol.
Tous ces travaux expérimentaux révolutionnaires laissent penser
que de nouvelles voies thérapeutiques, soit pharmacologiques, soit
non pharmacologiques, seront disponibles dans les prochaines
années pour lutter contre le remodelage et l’insuffisance cardiaque.
THÉRAPEUTIQUES
Il existe une controverse sur la potentialité d’un effet délétère de
la combinaison de l’aspirine et des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion chez l’insuffisant cardiaque.
K. Harjai (La Nouvelle-Orléans, 2011) a étudié cette interaction
sur 430 patients insuffisants cardiaques. Les patients ont été divisés en trois groupes : ceux ne prenant pas d’aspirine, ceux sous
aspirine et ceux ne prenant pas d’inhibiteurs de l’enzyme de
conversion. La mortalité toutes causes dans cette population globale a été de 38 % avec un recul moyen de 28 mois. Il n’y a eu
aucune différence de mortalité entre les sous-groupes, ni dans la
survenue d’un indice composite constitué du décès toutes causes
et des transplantations urgentes.
Cette étude ne confirme donc pas l’existence d’une interaction
négative entre IEC et aspirine.
Un des mécanismes “maladaptatifs” dans l’insuffisance cardiaque
est une dégradation accrue de l’oxyde nitrique sous l’action de
radicaux superoxydes. Ceux-ci sont synthétisés par la scanthine
oxydase. Une équipe allemande (N. Schoene, Leipzig, 2587) a
étudié les effets de l’injection d’allopurinol en intra-artériel chez
10 patients ayant un taux d’acide urique augmenté à 90 mg/l. L’injection d’allopurinol entraîne une augmentation de la vasodilatation flux-dépendante de l’acétylcholine. Ces résultats préliminaires suggèrent que l’allopurinol pourrait avoir un effet
bénéfique chez l’insuffisant cardiaque avec hyperuricémie.
Les effets rénaux du conivaptan, un antagoniste des récepteurs
de type 1A et 2 de l’arginine vasopressine, ont été testés au moyen
d’une dose unique sur un groupe d’insuffisants cardiaques
(142 malades) (J. Udelson, Boston, 2875). Trois doses de 10, 20
et 40 mg ont été étudiées. Chez ces insuffisants cardiaques
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sévères, le conivaptan augmente le débit urinaire, la clairance de
l’eau libre, et diminue l’osmolalité urinaire de façon dose-dépendante. Néanmoins, les doses de 20 et 40 mg semblent avoir un
effet voisin. Le traitement a été bien toléré au cours de la perfusion de 30 mn du produit et après. Il existe une réduction de la
pression capillaire pulmonaire pour les deux doses les plus élevées ; il n’y a pas de modification de la pression artérielle systémique et pas d’effet vasodilatateur. Ces résultats encourageants
suggèrent que ce nouvel antagoniste mixte de l’AVP pourrait avoir
un effet bénéfique pour traiter la rétention hydrosodée chez l’insuffisant cardiaque.
J. Udelson (Boston, 2607) a fait une étude sur le remodelage ventriculaire à partir des patients inclus dans l’essai IMPRESS comparant l’omapatrilate, inhibiteur de la vasopeptidase, au lisinopril. Trente-six malades ont été étudiés dans le groupe
omapatrilate contre 39 dans le groupe lisinopril. Aucun des deux
traitements n’entraîne de modification des dimensions ventriculaires gauches ou de la fraction d’éjection après six mois de surveillance. Il est possible que la durée d’observation courte de ce
traitement n’ait pas permis de mettre en évidence un effet significatif sur le remodelage.
M. Gheorghiade (Chicago, 2869) a présenté les résultats d’une
étude conduite avec le tolvaptan chez des patients de classe I à
III présentant des signes cliniques de rétention hydrosodée et traités par diurétiques. L’administration du produit entraîne une diminution du poids corporel qui se maintient avec une durée d’observation de 25 jours. Il y a une rééquilibration de la balance
hydrosodée, avec une augmentation de la diurèse et une amélioration des œdèmes. La natrémie augmente de 3 000 meq en
moyenne le premier jour, avec une diminution à 25 jours qui reste
néanmoins significative par rapport au placebo. Il n’y a pas de
modification de la kaliémie.
K. Hebert (La Nouvelle-Orléans, 8009) a présenté les résultats
d’une étude sur la tolérance et l’efficacité du sildénafil chez l’insuffisant cardiaque. Le sildénafil, jugé sur un questionnaire à
30 jours, a été testé sur 19 insuffisants cardiaques comparés à
13 autres insuffisants cardiaques recevant un placebo. Il s’est
révélé significativement efficace, améliorant tous les paramètres
sexuels, sans qu’il ait été noté d’augmentation des événements
indésirables, notamment hémodynamiques. Aucun effet sur la
fréquence cardiaque ou la pression artérielle n’a été observé.
Étude VAL-HEFT
Un des temps forts de l’American Heart Association 2000 a été
la présentation de l’étude VAL-HEFT. Rappelons que l’étude
ELITE II, qui comparait le losartan au captopril, n’avait pas
démontré la supériorité, sur un groupe d’insuffisants cardiaques
âgés de gravité modérée à moyenne, de l’antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, et qu’il n’y avait pas de différence sur le
critère principal (la mortalité toutes causes) ou les critères secondaires (la mort subite ou des critères de morbidité). C’est dire que
l’on attendait avec beaucoup d’attention les résultats de l’étude
VAL-HEFT. Cette étude a inclus des patients de classe II à IV de
la NYHA avec une fraction d’éjection inférieure à 40 % et qui
recevaient un traitement standard associant inhibiteurs de l’enzyme de conversion, diurétiques, digitaliques et éventuellement
21
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bêtabloquants. La majorité des patients était en classe II (61,7 %).
92,6 % des malades étaient sous IEC, 35,6 % sous bêtabloquant.
Les femmes représentaient 20 % des patients.
Les patients ont été randomisés en deux groupes et ont reçu soit
du valsartan 40 mg deux fois par jour, puis augmenté progressivement à 160 mg deux fois par jour, soit un placebo. Cinq mille
dix patients ont été randomisés ; l’âge moyen était de 62 ans. La
répartition était effectuée selon la classe NYHA : classe II 62 %,
classe III 36 %, classe IV 2 %. Les critères d’inclusion comportaient, outre une fraction d’éjection inférieure à 40 %, une dilatation ventriculaire gauche définie par un diamètre télédiastolique
supérieur à 2,7 cm/m2. Quatre-vingt-six pour cent des patients
étaient sous diurétiques et 67 % sous digitalique. Le suivi moyen
a été d’environ deux ans. Le taux d’arrêts de traitement dans le
groupe valsartan a été légèrement supérieur à celui du groupe placebo : 9,9 % contre 7,2 %. Les raisons les plus fréquentes de l’arrêt du traitement ont été les sensations de fatigue, l’hypotension
et l’insuffisance rénale.
Le dessin de l’étude comportait deux objectifs primaires : la
mortalité totale et un critère combiné de morbi-mortalité incluant
la mortalité toutes causes, les arrêts cardiaques ressuscités, les
hospitalisations pour insuffisance cardiaque, la nécessité de
recours à des doses d’inotropes ou de vasodilatateurs pour au
moins 4 heures par voie intraveineuse. Ce double critère combiné explique que la valeur significative retenue pour p est de
0,025, et non 0,05 comme habituellement.
L’étude n’a pas montré de différence de mortalité entre les deux
groupes (19,7 % versus 19,4 % valsartan versus placebo, risque
relatif 1,02). Par contre le critère combiné a été réduit significativement de 13 % (28,8 % versus 32,1 % valsartan versus placebo, p = 0,009).
Le bénéfice du valsartan sur la morbi-mortalité a été particulièrement important chez les patients qui ne prenaient pas de bêtabloquant (p < 0,001) et chez ceux qui n’étaient pas sous inhibiteur de l’enzyme de conversion, population très minoritaire
(p < 0,001). À noter que la randomisation comportait une stratification au préalable en fonction de la présence ou de l’absence
d’un traitement bêtabloquant.
De plus, la qualité de vie du groupe valsartan était significativement meilleure, telle que déterminée par le questionnaire du
Minnesota. Enfin, la classe fonctionnelle NYHA s’est améliorée
de près de 23 % dans le groupe valsartan. Ainsi, pour la première
fois, il est démontré que l’association antagoniste des récepteurs
de l’angiotensine II + IEC entraîne un critère combiné de morbimortalité de 13,3 % et réduit significativement les hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 27,5 %, au prix d’une tolérance acceptable, notamment sur les plans tensionnel et rénal.
Cette étude appelle plusieurs commentaires :
1. Elle suggère que la combinaison d’un IEC et d’un antagoniste
des récepteurs de l’angiotensine est bénéfique, notamment sur la
morbidité et le nombre d’hospitalisations.
2. Il est possible que le critère principal de mortalité toutes causes
ne soit pas positif en raison de la faible mortalité observée dans
cette population.
3. Il faudra élucider les deux interactions significatives trouvées
22
d’une part entre valsartan et IEC, d’autre part entre valsartan et
bêtabloquant.
La connaissance de la fréquence des événements dans les différents groupes thérapeutiques sera particulièrement importante
pour l’interprétation de ces deux interactions. Ces études permettront de préciser la place du valsartan dans la stratégie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque.
Traitement bêtabloquant
Une session complète a été consacrée à la revue des principaux
résultats des dernières études de mortalité avec les bêtabloquants :
CIBIS II, MERIT HF, BEST et COPERNICUS.
P. Lechat (Paris, 33) a rappelé les principaux résultats de
l’étude CIBIS II, qui montrent une réduction de 34 % de la mortalité toutes causes dans le groupe d’insuffisants cardiaques traités par bisoprolol. Il a indiqué également que des études exploratoires a posteriori montraient que la réduction de la mortalité
portait en particulier sur la mort subite, qui est réduite de 44 %.
P. Lechat a ensuite posé la question de savoir si l’effet du traitement est dépendant des caractéristiques de base des malades, et
notamment si la sévérité de l’insuffisance cardiaque influence
l’effet des bêtabloquants. Il s’est également posé la question d’un
effet différentiel suivant les molécules en cause.
À partir d’analyses complémentaires de la population incluse dans
l’étude CIBIS II, l’auteur a pu montrer que les patients en fibrillation auriculaire ne tiraient pas bénéfice du traitement bêtabloquant par rapport aux autres patients. En différenciant les malades
en trois groupes selon la variation de fréquence cardiaque,
P. Lechat a montré que l’effet bénéfique des bêtabloquants était
observé quelle que soit la variation de fréquence cardiaque par
rapport à l’état basal et également quelle que soit la valeur absolue de la fréquence cardiaque à l’état basal.
L’absence d’effet bénéfique ne peut être expliquée, dans le groupe
fibrillation auriculaire, par un effet différent sur la fréquence cardiaque puisque, si les patients en fibrillation auriculaire partent
d’une fréquence plus élevée, la réduction est du même ordre que
chez les patients en rythme sinusal. Il n’y a pas non plus d’explication à cette absence d’effet par une différence dans les doses
utilisées entre les deux sous-groupes.
Si l’on regarde l’effet du bêtabloquant en fonction de la valeur
de la fraction d’éjection (FE), la réduction de la mortalité est de
12 % chez les patients ayant une fraction d’éjection inférieure à
23 %, de 40 % chez ceux avec une FE comprise entre 23 % et
33 %, et de 39 % chez ceux ayant une FE supérieure à 33 %. Bien
qu’il n’y ait pas d’hétérogénéité dans la réponse aux bêtabloquants, on observe néanmoins que l’effet est d’autant plus marqué que la fraction d’éjection de base est élevée. En ce qui
concerne la variation de l’effet sur la mortalité en fonction de la
classe fonctionnelle NYHA, la réduction de risque est plus importante chez les patients de classe III (34 %) que chez les patients
de classe IV (26 %).
Pour conclure, P. Lechat a rappelé que le bénéfice observé avec
le bisoprolol dans cette population d’insuffisants cardiaques de
gravité modérée à sévère est indépendant de la fréquence cardiaque de base et de la variation de la fréquence cardiaque sous
bêtabloquant. En comparant les résultats obtenus avec ceux des
autres grands essais de mortalité sous bêtabloquant, l’auteur n’a
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 341 - janvier 2001
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pas retrouvé de différence en termes de réduction relative du
risque de décès entre les études MERIT HF, CIBIS II et COPERNICUS malgré des incidences différentes de mortalité dans les
groupes placebo de ces trois études. Seule l’étude BEST semble
s’écarter des résultats obtenus avec les trois essais, avec une plus
faible efficacité du bucindolol.
S. Goldstein (Detroit) a pour sa part revu les principaux résultats de l’étude MERIT HF. Il a rappelé que la dose de départ du
métoprolol était de 12,5 mg chez les patients de classes III et IV
et de 25 mg chez les patients de classe II, avec un objectif de dose
maximale de 200 mg de métoprolol à libération prolongée.
À côté de l’effet bénéfique sur la mortalité (réduction du risque
de 34 %), l’auteur a rappelé que le métoprolol réduisait également les hospitalisations toutes causes de 18 %, celles pour motif
cardiovasculaire de 25 % et les hospitalisations liées à l’insuffisance cardiaque de 35 %. Le sous-groupe des patients de race
noire ne tire pas de bénéfice sur la mortalité. Une analyse a posteriori des patients des classes III et IV avec une fraction d’éjection inférieure à 25 % a montré que la mortalité annuelle était,
dans le groupe placebo, de 19,1 %, et qu’elle était réduite à 11,1 %
sous métoprolol, soit une réduction du risque de 39 %.
Chez ces patients sévères, la réduction du risque de mort subite
est de 45 % et celle du risque de décès pour insuffisance cardiaque
de 55 %. S. Goldstein a donc conclu en disant que, dans des analyses a posteriori, il n’y avait aucune différence d’efficacité du
bêtabloquant et que, au contraire, l’effet semblait plus important
chez ces patients particulièrement atteints.
E. Eicchorn (Dallas) a repris les principaux résultats de
l’étude, qui est la seule étude discordante en termes de mortalité
pour les bêtabloquants. Il a justifié le choix du bucindolol en indiquant que ce bêtabloquant est non cardiosélectif, qu’il n’entraîne
pas une up-regulation des bêtarécepteurs, qu’il diminue la noradrénaline et n’a pas d’activité sympathique intrinsèque. Par contre
il a une activité vasodilatatrice modérée. Dans l’étude BEST, la
titration du bêtabloquant a débuté à 3 mg pour aboutir à un maximum de 50 mg deux fois par jour chez les patients de moins de
75 kg, et de 100 mg deux fois par jour chez ceux de plus de 75 kg.
Les critères principaux étaient la mortalité toutes causes, les décès
ou les transplantations, la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations.
E. Eicchorn a rappelé que le Comité de surveillance avait recommandé l’interruption du traitement avec un suivi moyen d’environ
deux ans sur cette population de 2 708 patients. Les analyses en sousgroupes ont montré qu’il existait un surrisque de mortalité chez les
sujets de race noire (17 %), alors que la population non noire bénéficiait du bucindolol (réduction du risque de 18 %). De même, il
existe, chez les patients de classe IV, un surrisque de 10 %, alors que
les patients de classe III ont une réduction de risque de 13 %.
Si la mortalité globale n’a pas été réduite significativement dans
cette étude, la mortalité cardiovasculaire a été réduite de 14 %,
les hospitalisations de 8 % et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 12 %.
En examinant le sous-groupe de patients noirs américains
(627 malades), il n’y a pas à l’évidence de différence significative sur les principales caractéristiques démographiques de cette
population. L’absence d’effet bénéfique ne peut s’expliquer par
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une différence de dose, celle-ci étant identique dans les populations caucasiennes et noires. L’examen de la variation de la noradrénaline à trois mois sous bêtabloquant montre une plus grande
réduction de la concentration plasmatique chez les sujets de race
noire que chez les sujets blancs. Cela conduit l’auteur à formuler l’hypothèse que la réduction très importante de la noradrénaline pourrait avoir eu un effet délétère chez ces patients. Un point
intrigant est que l’absence d’effet bénéfique s’est accompagnée
d’une amélioration significative de la fraction d’éjection, du
même ordre chez les sujets de race noire que chez les autres.
Enfin, M. Packer (New York) a revu les principaux résultats de
l’étude COPERNICUS, qui a été conduite chez des sujets en
insuffisance cardiaque de classe III ou IV avec une fraction d’éjection inférieure à 25 %. Il a insisté sur la mortalité annuelle dans
le groupe placebo, qui était de 18,5 %, soit une des plus élevées
rencontrées, et a rappelé que la réduction de la mortalité était de
35 %. Il a donné de nouveaux résultats sur les critères secondaires
combinés : la réduction du critère “mortalité et hospitalisation”
est de 24 %, celle de “mortalité et hospitalisation cardiovasculaire” de 27 %, et celle de “mortalité et hospitalisation pour insuffisance cardiaque” de 31 %. Ces trois réductions sont significatives au plan statistique. La réduction des décès et hospitalisations
toutes causes a été observée de façon homogène dans tous les
sous-groupes selon le sexe, l’âge, l’étiologie de l’insuffisance cardiaque et la fraction d’éjection. L’amélioration subjective ressentie par les malades est plus importante dans le groupe carvédilol que dans le groupe placebo.
M. Packer a ensuite étudié l’influence du traitement dans un sousgroupe de malades à très haut risque définis par l’hospitalisation
lors de la randomisation, la survenue de trois hospitalisations dans
l’année précédant cette inclusion, une fraction d’éjection inférieure à 15 %, des signes de rétention hydrosodée lors de l’inclusion ou la nécessité du recours à un traitement inotrope positif ou vasodilatateur dans les deux semaines précédant l’inclusion.
La mortalité annuelle calculée dans ce sous-groupe sous placebo
est de 28,5 %. Elle est réduite de 39 % par le carvédilol, avec une
divergence très rapide des deux groupes dès le premier mois. La
réduction des critères combinés est du même ordre que dans
la population globale. L’examen de l’influence de la race sur
l’efficacité du bêtabloquant a révélé qu’il n’y avait pas de
différence entre les sujets de race noire et les autres.
Enfin, l’auteur a abordé le problème des arrêts de traitement. Il
semble que le carvédilol ait été bien toléré, bien qu’aucun détail
n’ait été donné sur la répartition des effets secondaires, mais le
nombre d’arrêts a été plus important dans le groupe placebo que
dans le groupe bêtabloquant.
T. Simon (Paris, 3051) retrouve une efficacité du bisoprolol sur
le placebo quelle que soit la dernière dose tolérée, même si la
meilleure efficacité semble observée avec les plus fortes doses. Elle
a comparé l’efficacité du traitement par bisoprolol par rapport au
placebo en termes de mortalité selon la dernière dose tolérée
(basse < 3,75 mg/j ; modérée entre 5 et 7 mg/j et haute > 7 mg/j).
Utilisation de la spironolactone en pratique
B. Bozkurt (Houston, 2002) a étudié la façon dont la spironolactone est prescrite dans l’insuffisance cardiaque. Les dossiers de
23
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97 patients ont été revus. Seuls 22 % des patients étaient en
classe III ou IV ; 53 % avaient une fraction d’éjection inférieure
à 35 %, et 22,6 % avaient les deux critères retenus dans l’étude
RALES. Seuls 45 % d’entre eux ont eu un suivi biologique satisfaisant et 47 % ont présenté des complications sous forme d’une
hyperkaliémie supérieure à 5,2, d’une hyponatrémie inférieure à
135, d’une hypotension ou de la nécessité d’un stimulateur. L’hyperkaliémie a été retrouvée chez 17,5 % des malades, et, dans 4 %
des cas, elle était supérieure à 6 mmol/l. Un index de suivi approprié a été calculé, et montrait que la prise en charge était mieux
faite par un cardiologue que par un non-cardiologue. Ces résultats
indiquent donc que l’utilisation de la spironolactone dans la population n’est pas faite de façon conforme aux recommandations.
ÉPIDÉMIOLOGIE
D. Levy (Framingham, 2005) a étudié l’évolution dans le temps
de la mortalité après les premiers signes d’insuffisance cardiaque
dans la cohorte de Framingham. Une analyse multivariée a été
utilisée pour l’âge, le sexe, les antécédents d’infarctus, de maladie valvulaire, d’hypertension, d’hypertrophie ventriculaire
gauche et de diabète. L’étude des quatre décennies de 1950 à 1998
montre une diminution de la mortalité de 8 % par décennie. Entre
1950 et 1998, la réduction de mortalité est de 23 % ; elle est de
36 % de 1950 à 1969, de 35 % de 1970 à 1979, de 33 % entre
1980 et 1989, et de 28 % entre 1990 et 1998. Les mortalités correspondantes à 5 ans sont de 68 %, 68 %, 65 % et 58 % respectivement. Il semble donc y avoir une diminution de la mortalité
liée à l’insuffisance cardiaque, sans doute due à l’amélioration
des traitements.
Les facteurs influençant la survie chez les patients avec insuffisance cardiaque diastolique dans le comté d’Olmsted ont été étudiés par H. Chen (Rochester, 2006). Dans cette population non
sélectionnée, les patients avec une insuffisance cardiaque nouvellement identifiée et une fraction d’éjection supérieure à 45 %
ont été suivis. Il s’agissait de 105 malades. Contrairement à des
données préalablement publiées, la mortalité était élevée : 29 %,
39 % et 60 % à 1, 2 et 3 ans respectivement. Sur l’analyse univariée, l’âge et les classes fonctionnelles III et IV étaient associés à une forte mortalité, tandis que la cause de l’insuffisance
cardiaque n’était pas un facteur prédictif. Plusieurs facteurs sont
associés à la mortalité, dont l’existence d’une infection, d’une
anémie, d’une autre maladie et l’absence d’ischémie.
Le traitement à la sortie par inhibiteurs de l’enzyme de conversion bêtabloquants ou aspirine est associé à une amélioration de
la survie. Cependant le facteur le plus fortement associé à une
amélioration de la survie est la consultation d’un cardiologue, qui
a eu lieu dans 50 % des cas.
Les caractéristiques et les maladies cardiovasculaires associées
ont été présentées par le même auteur sur la même cohorte. On
note une forte représentation des femmes (79 femmes contre
26 hommes), âgées en moyenne de 79,6 ans. Soixante-douze pour
cent des 105 patients présentaient une histoire d’hypertension
artérielle, 50 % une cardiopathie ischémique (onde Q à l’ECG,
épreuve de stress positive ou atteinte coronaire angiographique
avérée) et 18 % étaient diabétiques.
24
Les facteurs déclenchants de la poussée d’insuffisance cardiaque
sont essentiellement représentés par les poussées hypertensives
(55 %) et les troubles rythmiques supraventriculaires (30 %).
Dans une autre étude, la prévalence des patients insuffisants cardiaques avec fonction systolique conservée a été étudiée par
A. Tutar (San Francisco, 2800). Une cohorte de patients avec
un nouveau diagnostic d’insuffisance cardiaque (265 patients) a
été étudiée. Cent sept avaient une fraction d’éjection diminuée,
36 une fraction d’éjection maintenue. Il n’y avait pas de différence d’âge, de race, d’antécédent de diabète et d’hypertension
entre les deux groupes. Le groupe avec insuffisance cardiaque à
fonction systolique préservée inclut plus de femmes (52 % versus 29 %) et moins d’insuffisances cardiaques ischémiques (39 %
versus 59 %). Ces patients étaient moins souvent traités par inhibiteurs de l’enzyme de conversion (50 % versus 78 %) et digitaliques (39 % versus 57 %), mais l’utilisation des bêtabloquants
était identique (31 % dans les deux groupes). L’emploi des calcium-bloqueurs était plus important (40 % versus 24 %).
Dans la totalité de la cohorte la mortalité à deux ans était de 15 %,
et 29 % des patients étaient hospitalisés pour motif cardiovasculaire. Comparés aux patients avec réduction de la fraction d’éjection, ceux à la fonction systolique conservée ont eu une mortalité
plus faible sur deux ans (8 % versus 19 %) et moins d’hospitalisations cardiovasculaires (26 % versus 39 %). Les auteurs
concluent que la mortalité liée à l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée est moins élevée que celle liée à une
fonction systolique altérée, et que cette pathologie est fréquente.
M. East (Durham, 3034) a étudié l’influence de la race sur la survenue d’événements sur une population de 3 303 patients ayant
subi un cathétérisme cardiaque à l’université Duke pour insuffisance cardiaque et présentant une fraction d’éjection supérieure
à 40 %. Les patients de race noire étaient plus jeunes, le sexe
féminin était plus fréquemment représenté, les antécédents d’hypertension et de diabète étaient plus fréquents, et il y avait moins
de cardiopathies ischémiques que dans les insuffisances cardiaques à fonction systolique altérée.
Après ajustement pour les différentes variables cliniques, la survie à 5 ans a été diminuée dans cette population d’insuffisants
cardiaques à fonction systolique préservée et de race noire, avec
un surrisque de 28 %.
T. Exner (Bethesda, 2873) a étudié, à partir des registres SOLVD,
l’influence de la race sur les événements observés.
En ce qui concerne les décès ou les hospitalisations, après
4 années de suivi, les sujets de race noire sous énalapril ne montraient pas de différence significative par rapport aux sujets sous
placebo, et les courbes de survenue des événements étaient superposables à celles des sujets de race blanche sous placebo. Cet
effet neutre sur l’indice composite est dû essentiellement aux hospitalisations, qui surviennent à un taux identique chez les sujets
de race noire sous placebo ou énalapril et chez les sujets de race
blanche sous placebo, laissant penser que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion chez ces patients n’ont aucun effet sur la
morbidité liée à l’insuffisance cardiaque.
Par rapport à un risque 1 chez les sujets sous placebo, les sujets
de race noire ont un risque d’hospitalisation sous énalapril de 0,86
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 341 - janvier 2001
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alors que les sujets de race blanche ont une réduction de risque de
0,51, la différence étant hautement significative. Ainsi, les sujets
de race noire dans cette étude ont un taux d’hospitalisation similaire, que les patients soient sous placebo ou sous traitement actif,
laissant penser que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion dans
cette population n’ont pas eu d’effet bénéfique sur la morbidité.
Cette étude n’a pas abordé le problème de la compliance au traitement, qui pourrait jouer un rôle de facteur confondant.
M. Metra (Brescia, 3046) a comparé les sujets répondeurs ou
non répondeurs en termes de fraction d’éjection sous traitement
bêtabloquant au long cours. La notion de répondeur était définie
par une fraction d’éjection supérieure à 40 %.
Cette équipe a trouvé que les sujets bons répondeurs ne représentaient que 20 % de la population totale traitée (33/171). Ils
étaient plus jeunes que les sujets mauvais répondeurs, avaient
davantage d’antécédents d’hypertension, moins de diabète, une
classe fonctionnelle moins sévère et une insuffisance cardiaque
de gravité moindre, évaluée par la fraction d’éjection à l’état basal,
la consommation d’oxygène ou encore le degré de dilatation du
ventricule gauche. En outre, le suivi de ces patients montrait qu’ils
avaient un meilleur pronostic que les sujets non répondeurs.
RESYNCHRONISATION VENTRICULAIRE
A. Auricchio (Magdebourg, 3347) a tout d’abord rappelé l’importance du site de stimulation ventriculaire gauche. Sur un
groupe de 19 patients de classe II à IV, une étude hémodynamique
a été pratiquée, qui confirme que la stimulation de la paroi libre
du ventricule gauche est meilleure que la stimulation antérieure.
L’indice de contractilité dp/dt a augmenté de 11 % contre seulement 6 % par la deuxième technique. Ces résultats suggèrent que
le positionnement de la sonde ventriculaire gauche est crucial
pour l’effet bénéfique observé.
F. Walker (Londres, 3348) a fait une étude par holter sur
21 patients, stimulés en cross-over par stimulation biventriculaire, ou sans stimulation. Ses résultats suggèrent un effet antiarythmique avec une réduction du nombre d’extrasystoles ventriculaires et du nombre de salves.
Étude MUSTIC
Les résultats de l’étude MUSTIC ont été présentés par J.C. Daubert (Rennes, 3349) pour les sujets en fibrillation auriculaire et
C. Linde (Stockholm, 3353) pour les patients en rythme sinusal.
Patients en fibrillation auriculaire
Les critères d’inclusion étaient des patients de classe III avec fraction d’éjection inférieure à 35 %, diamètre diastolique supérieur
à 60 mm et durée du QRS supérieure à 200 ms. Le taux de succès a été élevé, puisque à la fin de l’étude 86 % des sondes étaient
fonctionnelles. À partir d’un groupe de 64 malades, 44 patients
ont été randomisés, dont 29 ont subi une ablation auriculo-ventriculaire. En intention de traiter, il n’y a pas eu de différence
significative entre les périodes de stimulation biventriculaire et
monoventriculaire sur le critère primaire (distance parcourue par
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 341 - janvier 2001
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une marche de 6 minutes), ni sur les critères secondaires (qualité
de vie, VO2, nombre et durée des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, mortalité toutes causes et préférence des patients
pour le mode de stimulation).
Par contre, en faisant une analyse globale de la population, après
réalisation d’un holter qui a permis d’exclure deux malades non
convenablement stimulés, il y a une amélioration de 9 % de
la distance parcourue en 6 minutes et de la consommation
d’oxygène. Sur les patients en fibrillation auriculaire avec éventuellement ablation d’un auriculaire ventriculaire, il pourrait donc
y avoir un effet bénéfique de cette méthode chez des insuffisants
cardiaques relativement sévères.
Patients en rythme sinusal
Pour les malades en rythme sinusal, les critères d’inclusion étaient
similaires pour la sévérité de l’insuffisance cardiaque. La durée
du QRS devait être supérieure à 150 ms et la distance parcourue
en 6 minutes inférieure à 450 mètres. Cinquante-huit patients ont
été randomisés. Le taux de succès et d’électrodes fonctionnelles
à la fin de l’étude était de 88 %.
Il y a eu, pendant la période de la stimulation biventriculaire, une
amélioration significative de 23 % de la durée parcourue, une augmentation de 8 % de la VO2 et une amélioration de 32 % de la qualité de vie. Le nombre d’hospitalisations a été réduit significativement pendant la période de stimulation biventriculaire. Enfin, 86 %
des patients ont préféré le mode de stimulation biventriculaire.
A. Auricchio (Magdebourg, 3352) a présenté les résultats de
l’étude PATH-CHF chez des patients de classe III ayant une cardiomyopathie dilatée ou ischémique et un QRS de plus de 120 ms.
Quarante-deux patients ont été inclus dans cette étude, avec un
cross-over de trois mois entre la stimulation biventriculaire et la
stimulation ventriculaire. Une amélioration de la VO2 a été observée à 12 semaines, qui est conservée en partie au bout de 12 mois.
L’amélioration de la classe fonctionnelle est également significative et persiste à un an, de même que la qualité de vie et la distance parcourue au temps de marche de 6 minutes. Le nombre
d’hospitalisations cardiovasculaires a été réduit significativement.
Les résultats selon les auteurs suggèrent un effet prolongé de la
stimulation multisite chez l’insuffisant cardiaque.
Dans une étude portant sur 19 patients, A. Touiza (Brest, 3351)
a étudié l’effet prédictif sur le bénéfice à long terme de l’amélioration hémodynamique aiguë lors d’une stimulation multisite.
Les critères d’amélioration aiguë étaient une amélioration de 20 %
ou plus de la pression systolique, de la pression capillaire pulmonaire et de l’amplitude de l’onde V. Une corrélation significative a été trouvée entre la variation de la VO2 six mois après
l’implantation et l’amélioration de la pression artérielle systolique, la réduction de la pression capillaire pulmonaire et l’onde
V. Pour les auteurs, ces résultats suggèrent que l’amélioration à
6 mois est corrélée étroitement à l’effet hémodynamique initial
de la stimulation multisite.
Ainsi, les résultats de ces petites séries suggèrent un effet bénéfique de la stimulation biventriculaire chez l’insuffisant cardiaque
sévère. Ils devront être confirmés par des essais de plus grande
amplitude, incluant en particulier un critère de mortalité.
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