La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 341 - janvier 2001
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DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
A.F. Maisel (San Diego, 1774) a étudié l’intérêt du Brain Natriu-
retic Peptide (BNP) chez 200 patients adressés pour suspicion de
dysfonction ventriculaire gauche par rapport à l’échocardiogra-
phie. La méthode de dosage utilisée était le radio-immuno-assay
de Biosite. Chez 106 sujets normaux à l’échocardiogramme, la
concentration plasmatique de BNP était de 37 pg/ml. Chez ceux
qui présentaient une évidence de dysfonction ventriculaire sys-
tolique ou diastolique, les concentrations plasmatiques étaient
respectivement de 572 et 391 pg/ml (p < 0,001).
Dans ce travail, une concentration plasmatique de BNP au des-
sus de 80 pg/ml avait une sensibilité de 85 % et une spécificité
de 97 % pour détecter une anomalie de la fonction ventriculaire
gauche à l’échographie. La même équipe (2450) a présenté des
résultats similaires sur 261 autres patients. De façon intéressante,
un taux supérieur à 90 pg/ml avait, selon les auteurs, une sensi-
bilité et une spécificité respectives de 85 % et 97 % pour identi-
fier une dysfonction diastolique, dont on connaît la difficulté du
diagnostic. De façon également intéressante, le taux de BNPper-
mettait de différencier les sujets ayant une fraction de raccour-
cissement échographique comprise entre 25 % et 45 % de ceux
ayant une fraction inférieure à 15 % (concentrations plasmatiques
244 et 715 pg/ml respectivement).
Y. Mizuno (Kumamoto, 2452) a étudié le mode de sécrétion des
peptides natriurétiques de types Aet B chez des patients porteurs
de cardiomyopathies hypertrophiques ou dilatées. Quarante-huit
cardiomyopathies hypertrophiques ont été comparées à 15 sujets
contrôles et à 45 cardiomyopathies dilatées.
Bien qu’il n’y ait pas de différence importante de pression systo-
lique, télédiastolique ou de masse ventriculaire gauche entre les
deux groupes de cardiomyopathies, la concentration plasmatique
de BNP est 4 fois supérieure chez les patients atteints de cardio-
myopathie dilatée (418 versus 94 pg/ml, p < 0,001), et cela cor-
respond, selon les auteurs, au degré de dilatation du ventricule
gauche. En faisant l’étude de la régression de la concentration
plasmatique d’ANP ou de BNPpar rapport au volume télédiasto-
lique ou télésystolique du ventricule gauche sur la population
totale, les auteurs ont trouvé une corrélation significative. Ils ont
conclu que la sécrétion de BNPou d’ANPest très différente chez
les sujets porteurs de cardiomyopathies hypertrophiques et dila-
tées, et que la taille du ventricule gauche est un facteur clé dans
la régulation de la sécrétion de ces peptides natriurétiques.
Intérêt des peptides natriurétiques pour l’évaluation des
insuffisants cardiaques
R. Moskowitz (New York, 2581) a étudié les variations, sur une
période de quatre semaines, du BNP chez des patients recevant
de fortes doses d’inhibiteur de l’enzyme de conversion. Si, en
moyenne, la concentration plasmatique ne change pas significa-
INSUFFISANCE CARDIAQUE
Insuffisance cardiaque
M. Komajda*, P. Lechat**
Pour ce qui concerne les bêtabloquants, des données
complémentaires de l’étude COPERNICUS ont été
publiées, qui confirment que le carvédilol prescrit à des
insuffisants cardiaques sévères a un effet bénéfique non
seulement sur la mortalité, mais également sur la mor-
bidité liée à cette pathologie.
Des études effectuées à partir de la base de données
CIBIS II sur le bisoprolol apportent de nouveaux ren-
seignements sur le mécanisme d’action des bêtablo-
quants : il n’y a pas de différence d’amplitude de réponse
selon la fréquence cardiaque de base et selon la varia-
tion de la fréquence sous bêtabloquant, suggérant ainsi
que l’effet bradycardisant n’est pas seul en cause dans
le bénéfice des bêtabloquants. Le meilleur pronostic était
néanmoins obtenu chez les patients ayant la plus forte
bradycardie deux mois après le début du traitement. Par
ailleurs, il semble que les patients en arythmie complète
par fibrillation auriculaire ne bénéficient pas de ce trai-
tement. Cela sera important à vérifier sur les autres
grandes études, MERIT-HF et CARVEDILOL, car 20
à 30 % des malades en insuffisance cardiaque sont en
arythmie complète par fibrillation auriculaire.
L’étude VAL-HEFT a comparé l’adjonction de valsar-
tan 160 mg deux fois par jour sur un traitement de base
par IEC, diurétiques et éventuellement digitaliques à un
placebo. Le critère principal (mortalité toute cause) est
négatif. Par contre, le deuxième critère principal com-
biné (mortalité toutes causes et morbidité) est positif,
avec une réduction de risque de 13,3 % principalement
due à une réduction des hospitalisations de 27,5 % pour
insuffisance cardiaque. Un aspect étonnant de cette
étude est que le bénéfice semble particulièrement impor-
tant chez les malades sans bêtabloquants et absent chez
les patients recevant un tel traitement.
Ces résultats sont très intéressants et nécessitent d’être
analysés lors de la publication, afin de mieux préciser
la place des antagonistes des récepteurs de l’angioten-
sine II en addition aux IEC dans le traitement de l’in-
suffisance cardiaque modérée à moyenne.
Points forts
* Service de cardiologie*, service de pharmacologie**, hôpital La Salpêtrière, Paris.
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tivement, il y a des variations individuelles chez tous les patients.
Une augmentation est observée chez 10 malades (+ 61 %) et une
diminution chez 9 malades (41 %). Les auteurs en concluent que
ces variations individuelles rendent difficile l’utilisation du BNP
pour définir le dosage optimal des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion.
La valeur prédictive, sur la mortalité, de dosages répétés de
BNP et de big endothéline a été étudiée par B. Stanek (Vienne,
2583) sur une population de 100 malades en insuffisance car-
diaque sévère avec fraction d’éjection inférieure à 25 %. Dans
cette étude, il apparaît que le log de la concentration basale de
BNPest le seul facteur prédictif dans l’analyse multivariée, alors
que l’endothéline 1, le pro-ANPet la noradrénaline ne le sont pas.
Par contre, la fraction d’éjection est également prédictive de
décès. Lors de l’utilisation de dosages répétés, le log de BNP
demeure le marqueur le plus puissant de mortalité dans cette
population.
La même équipe, dans une autre étude (2588), a comparé la valeur
respective de prédiction sur la mortalité du BNP par rapport au
pro-ANP 1,98. Il s’agissait d’une population de 299 patients de
l’étude ELITE II. Dans l’analyse multivariée, les facteurs pré-
dictifs de décès cardiovasculaire sont des antécédents d’infarc-
tus du myocarde, le log du BNP plasmatique à l’état basal et la
classe fonctionnelle. Ces travaux suggèrent que le BNP est un
facteur prédictif très sensible de mortalité chez l’insuffisant car-
diaque.
I. Kazanegra (San Diego, 2585) a présenté des données sur
72 patients pour déterminer la sensibilité et la spécificité du
dosage de BNP par la méthode Biosite sur le décès ou le taux de
réhospitalisation à 30 jours. Les auteurs ont retrouvé que les
patients indemnes d’événement avaient un taux à l’entrée et à la
sortie significativement plus faible que ceux présentant une réhos-
pitalisation ou décédés (906 et 690 pg/ml à l’entrée et à la sortie,
contre 1 569 et 1 801 pg/ml dans le deuxième groupe). Par ailleurs
en fonction de la concentration plasmatique de BNP à l’entrée,
ils ont déterminé la sensibilité et la spécificité sur la survenue des
événements tels que définis ci-dessus : un taux de 430 pg/ml a
une sensibilité de 95 %, mais une spécificité de seulement 52 %.
À l’inverse, une concentration élevée de 950 pg/ml a une sensi-
bilité de 82 % et une spécificité de 74 %.
E. Missov (San Francisco, 2590) a étudié la valeur prédictive du
BNPsur l’amélioration clinique chez des patients traités par eta-
nercept (protéine de fusion du récepteur P75 du TNFα);
43 patients de classes III et IV ont été étudiés. La valeur plas-
matique de base du BNPest corrélée à la sévérité clinique de l’in-
suffisance cardiaque. De même il y a une corrélation entre l’amé-
lioration clinique et la diminution de la concentration plasmatique.
L’injection sous-cutanée d’etanercept est associée en moyenne à
une régression de la concentration plasmatique de BNP. De façon
intéressante, la diminution du BNP est également associée à une
augmentation de la concentration de l’interleukine 10, facteur
anti-inflammatoire.
La fonction ventriculaire droite a été décrite comme un facteur
prédictif de mortalité chez l’insuffisant cardiaque. L’équipe de
P. De Groote (Lille, 2602) a étudié les facteurs prédictifs de mor-
talité sur 194 patients, avec un suivi moyen de près de deux ans.
La fraction d’éjection du ventricule droit obtenue par isotope et
la VO2sont les deux facteurs prédictifs les plus puissants, devant
les facteurs neurohormonaux. Ces résultats méritent d’être confir-
més, mais ils soulignent l’importance de l’évaluation de la fonc-
tion ventriculaire droite chez l’insuffisant cardiaque.
La valeur prédictive de mortalité et de morbidité du BNP chez
les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fonction systolique
conservée a été étudiée par T. Tsutamoto (Otsu, 3028) sur un
groupe de 178 patients avec un suivi moyen de 3,2 années. Les
auteurs ont retrouvé qu’en analyse multivariée, seul le taux plas-
matique de BNP et la fraction d’éjection étaient des prédicteurs
indépendants de mortalité et de morbidité. En particulier, un taux
de BNP supérieur à 72 pg/ml (valeur médiane de la population)
multipliait par 5,3 le risque de décès ou d’accident morbide.
M. Cowie (Londres, 3774) a étudié la valeur respective du pro-
BNPet du BNP sur le pronostic de patients présentant une insuf-
fisance cardiaque. L’intérêt des dosages des propeptides est qu’ils
sont plus stables. Le coût des trois dosages est voisin et estimé
par l’auteur à 15 livres. Cent dix patients âgés en moyenne de
76 ans ont été inclus dans cette étude. Les auteurs ont comparé
la valeur prédictive sur la mortalité des trois dosages plasma-
tiques et arrivent à la conclusion que le pro-BNP avec un suivi
moyen de 20 mois est le facteur le plus puissant pour prédire le
décès ou la mortalité cardiovasculaire. L’addition de l’un des deux
autres dosages n’apportait pas d’information supplémentaire.
Aucun des trois dosages n’était associé significativement avec le
critère combiné de décès cardiovasculaire et hospitalisation car-
diovasculaire.
À partir de ces résultats, les auteurs concluent que le pro-BNP
est le facteur le plus prédictif de mortalité chez les patients pré-
sentant un nouveau cas d’insuffisance cardiaque. Ils pensent que
le dosage de plusieurs de ces peptides est inutile.
Dans une étude basée sur l’utilisation de la résonance magnétique
nucléaire pour évaluer la fonction cardiaque, B. Groenning
(Copenhague, 3775) a montré, sur une population de 48 patients
à fonction systolique altérée, que le BNPétait le facteur le mieux
corrélé par rapport à d’autres dosages neurohormonaux, aux
dimensions ventriculaires gauches, à la masse ou à la fraction
d’éjection.
Toutes ces études suggèrent donc l’intérêt du BNP soit comme
marqueur de diagnostic, soit comme marqueur de pronostic dans
des populations variées d’insuffisants cardiaques.
PHYSIOPATHOLOGIE
L’adrénomédulline est un peptide dont la concentration plasma-
tique est augmentée dans l’insuffisance cardiaque. Ce peptide est
doté de propriétés vasodilatatrices clairement démontrées. Par
contre, l’effet sur la contractilité n’avait jamais été étudié à ce
jour chez l’homme.
Une équipe américaine (R. Mukherjee, Johnson City, 2451) a
étudié des concentrations plasmatiques croissantes d’adrénomé-
dulline sur des biopsies ventriculaires gauches de patients à fonc-
tion ventriculaire normale. Plus précisément, des myocytes iso-
lés ont été étudiés. L’addition d’adrénomédulline entraîne une
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NSUFFISANCE CARDIAQUE
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diminution de la vitesse de raccourcissement et, de façon inté-
ressante, atténue la réponse contractile à l’isoprotérénol. Ainsi
est démontré pour la première fois le rôle inotrope négatif de
l’adrénomédulline sur les myocytes ventriculaires gauches
humains.
Mécanismes et conséquences cliniques du phénomène de
remodelage ventriculaire
M. Konstam (Boston) a tout d’abord rappelé que ce phénomène
de remodelage se rencontre dans différents types de pathologies,
en particulier dans le post-infarctus, au cours de l’hypertension
artérielle ou dans les cardiopathies dilatées. Il a insisté sur le fait
que de nombreux facteurs, en particulier neurohormonaux (cyto-
kines, stress oxydatif), intervenaient dans l’apparition de ce phé-
nomène, qui est associé à une mortalité et à une morbidité par insuf-
fisance cardiaque accrues, notamment dans le post-infarctus.
Parmi les thérapeutiques potentiellement efficaces pour prévenir
ce phénomène délétère à long terme, M. Konstam a cité les inhi-
biteurs de l’enzyme de conversion et les bêtabloquants. Pour ces
derniers, l’amélioration de la fraction serait plus importante chez
les patients porteurs d’une insuffisance cardiaque non liée à une
cardiopathie ischémique. Pour les autres classes de médicaments
utilisés dans l’insuffisance cardiaque, notamment les antagonistes
des récepteurs de l’angiotensine et les inhibiteurs mixtes comme
l’omapatrilate, les données sont actuellement contradictoires et
peu de données sont disponibles en clinique.
M. Zile (Charleston) a ensuite revu les mécanismes cellulaires
et moléculaires qui sous-tendent le phénomène de remodelage.
Il a insisté sur l’interaction de nombreux facteurs, à savoir les
conditions de charge du cœur, les neurohormones, les facteurs de
croissance et en particulier les métalloprotéases de la matrice
extracellulaire (MMP).
Une des questions importantes est de savoir si le remodelage ven-
triculaire peut dépendre des conditions de charge du ventricule
indépendamment des autres facteurs. M. Zile a montré des résul-
tats expérimentaux suggérant que ce phénomène de remodelage
peut survenir malgré le blocage du système rénine-angiotensine
sur des cultures cellulaires, mais également au niveau de l’organe
sur des modèles expérimentaux. Le facteur mécanique seul
semble donc pouvoir déterminer ce phénomène.
F. Spinale (Charleston) a ensuite refait une revue de la matrice
extracellulaire et des métalloprotéases. Il s’agit de 20 enzymes
différentes qui interviennent dans le remodelage ventriculaire.
On en distingue trois types : les collagénases, les gélatinases et
la stromélysine. F. Spinale a montré qu’au cours de l’insuffisance
cardiaque, il y avait une augmentation à la fois de l’activité et de
l’abondance des MMP. Cela a été bien démontré sur des modèles
animaux, mais également chez l’homme. Il semble exister, au
niveau du myocarde lui-même, un inducteur de ces métallopro-
téases qui a comme effet de dégrader le collagène et d’altérer la
qualité de la matrice extracellulaire. D’autres facteurs peuvent
intervenir, en particulier les facteurs neurohormonaux (système
sympathique, endothéline, angiotensine II, stress oxydatif, oxyde
nitrique, stress, cytokines).
Au total, ces enzymes semblent jouer un rôle clé dans la dégra-
dation du collagène et les conséquences néfastes qui peuvent en
résulter sur la structure et la solidité du myocarde. Dans le
domaine thérapeutique, la modulation des MMP ouvre une nou-
velle voie d’approche de l’insuffisance cardiaque. L’auteur a
cependant attiré l’attention sur les risques qui peuvent résulter
d’un blocage non spécifique des MMP. Il a rappelé que seules
certaines MMP sont modulées au cours de l’insuffisance car-
diaque humaine, et qu’en particulier dans les cardiomyopathies
dilatées il y a une down-regulation de la MMP 1 et une up-regu-
lation de la MMP 3. Cette voie thérapeutique demeure donc à
explorer.
GÉNÉTIQUE DES CARDIOMYOPATHIES
Dans une revue, C. Seidman (Boston) a examiné les gènes res-
ponsables de cardiomyopathies hypertrophiques familiales.
Dans l’expérience de l’équipe de Boston, de façon intéressante,
trois mutations dans des gènes associés aux formes familiales de
cardiomyopathies hypertrophiques (bêtamyosine, actine et tro-
ponine T) sont associées en fait à des formes familiales de car-
diomyopathies dilatées. Cela conduit les auteurs à penser que,
contrairement à ce qui avait été formulé initialement, l’hypothèse
selon laquelle les cardiomyopathies dilatées résultent uniquement
d’anomalies génétiques induisant des modifications de la trans-
mission de la force est incomplète. Des mutations entraînant des
modifications de production de la force pourraient donner de
façon équivalente une cardiomyopathie hypertrophique ou une
cardiopathie dilatée.
À partir d’études expérimentales sur des souris mutées portant
des mutations responsables chez l’homme de cardiomyopathies
hypertrophiques, les auteurs ont également formulé l’hypothèse
que les anomalies des protéines du sarcomère induites par les
mutations entraînent des modifications de stockage du calcium
intracellulaire. Dans cette hypothèse, l’utilisation d’antagonistes
calciques pourrait avoir un rôle bénéfique. Ces résultats expéri-
mentaux doivent néanmoins être confrontés aux résultats obser-
vés chez l’homme où, à ce jour, les antagonistes calciques n’ont
pas démontré de façon formelle un effet bénéfique dans les car-
diomyopathies hypertrophiques.
T. Olson a pour sa part passé en revue l’état des connaissances
dans la génétique des cardiomyopathies dilatées. Il s’agit d’une
pathologie hautement hétérogène au plan génétique, puisque
13 locus chromosomiques différents ont été identifiés, ainsi que
5 gènes, ceux codant la dystrophine, la desmine, la lamine AC,
le delta-sarcoglycane et l’actine. L’auteur a d’ailleurs remarqué
que ces gènes étaient retrouvés dans un petit nombre de familles,
ce qui laisse à penser que la cardiomyopathie dilatée est une mala-
die qui peut résulter de très nombreuses anomalies, pas toujours
génétiques. Ainsi, une publication récente (Nature Medicine
1999) suggère que la cardiomyopathie induite par une infection
virale peut résulter d’anomalies moléculaires (anomalies de la
dystrophine du fait que l’entérovirus possède une activité enzy-
matique spécifique qui clive cette protéine du cytosquelette).
Il existe donc probablement une forte interaction entre les fac-
teurs de l’environnement (virus...) et les facteurs génétiques.
Une session complète a été consacrée à l’étude des polymor-
phismes dans l’insuffisance cardiaque. Ainsi, L. Wagoner
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NSUFFISANCE CARDIAQUE
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(Cincinnati, 1843) a étudié l’influence d’un polymorphisme situé
au niveau du récepteur bêta 1 adrénergique sur la capacité à l’ef-
fort d’un groupe de 351 insuffisants cardiaques de classe II à IV.
Il s’agissait d’insuffisances cardiaques en majorité dues à une
cardiomyopathie dilatée. Les auteurs ont retrouvé que les por-
teurs d’un variant glycine 389 avaient une réduction de leur capa-
cité à l’effort apparemment liée à une moindre augmentation du
débit cardiaque et à une moindre vasodilatation à l’effort. Ce
variant a été retrouvé avec plus de fréquence chez les Noirs amé-
ricains. Ces anomalies fonctionnelles induites par l’anomalie
génétique pourraient avoir une influence sur le cours évolutif de
l’insuffisance cardiaque.
D. McNamara (Pittsburgh, 1844) a étudié l’influence, chez
328 patients en insuffisance cardiaque, du polymorphisme ID sur
l’efficacité des bêtabloquants. Les auteurs ont pu mettre en évi-
dence, avec un suivi moyen de 21 mois, que la survie en l’ab-
sence de transplantation était influencée par le génotype : le sur-
risque chez les homozygotes pour l’allèle D était de 80 %, et de
61 % chez les hétérozygotes. De façon intéressante, les patients
qui ne recevaient pas de bêtabloquants à l’entrée (208) avaient
une diminution importante de leur survie indemne de transplan-
tation par rapport aux autres patients. Cet effet négatif du géno-
type DD n’était plus observé chez les patients sous bêtabloquant.
Ainsi, cette étude suggère que le polymorphisme d’insertion ID
de l’enzyme de conversion est associé, pour l’allèle D, à une dimi-
nution de la survie et à une augmentation des transplantations
cardiaques. Cet effet n’est plus observé chez les malades prenant
des bêtabloquants.
P. Binkley (Colombus, 1846) a étudié l’influence du polymor-
phisme ID de l’enzyme de conversion sur la variabilité sinusale.
Sur une population limitée de patients (25), les auteurs ont trouvé
que la présence de l’allèle D est associée à une augmentation de
l’anomalie du système nerveux autonome, avec une augmentation
de la variabilité du rythme sinusal de basse fréquence (tonus sym-
pathique) et une réduction de la variabilité de haute fréquence (tonus
parasympathique). Ces résultats intéressants sont à confirmer sur
de plus grandes cohortes de patients en insuffisance cardiaque.
BIOLOGIE DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
M. Vatta (Houston, 2183) a montré, à l’aide de biopsies réali-
sées chez des sujets ayant une cardiopathie ischémique ou dila-
tée, qu’il existait une disruption du segment N terminal de la dys-
trophine dans ces deux variétés d’insuffisance cardiaque. La
sévérité de la disruption semblait être plus importante dans le
cadre des cardiopathies ischémiques. On ignore si cette anoma-
lie de la dystrophine est un facteur causal ou une conséquence de
la dysfonction ventriculaire. Cela, en tout état de cause, vient ren-
forcer l’idée que différents facteurs (ischémie, virus...) peuvent
entraîner les anomalies de la dystrophine au cours de l’insuffi-
sance cardiaque.
V. Maltsev (Detroit, 2187) a étudié la distribution des canaux cal-
ciques de type L sur 3 cœurs normaux et 11 cœurs de patients
atteints de cardiomyopathie dilatée. On sait qu’au cours de l’in-
suffisance cardiaque il y a des anomalies de ce canal calcique.
Les auteurs ont retrouvé, sur les cœurs insuffisants cardiaques,
une diminution de la densité des canaux calciques dans les régions
endocardiques et de la partie moyenne du myocarde, mais non
dans l’épicarde par rapport aux sujets normaux.
M. Satoh (Morioka, 2186) a montré, sur 23 biopsies d’insuffi-
sants cardiaques, qu’il existe une augmentation de l’expression
de l’aldostérone synthase par rapport à des cœurs normaux. Rap-
pelons que cette enzyme aboutit à la synthèse de l’aldostérone.
L’up-regulation de l’aldosynthase pourrait entraîner la proliféra-
tion myofibroblastique et participer au phénomène de fibrose et
de remodelage ventriculaire.
K. Nakamura (Okayama, 2190) a étudié l’expression de la mono-
cyte chemoattractant protein-1 (MCP-1) sur 20 cœurs de car-
diomyopathies dilatées par rapport à 33 contrôles. Les auteurs
ont retrouvé non seulement une augmentation de la concentra-
tion plasmatique de cette protéine qui intervient dans l’inflam-
mation, mais également une augmentation de son expression dans
le myocarde, détectée par immunohistochimie. Cette augmenta-
tion de son expression intéresse à la fois l’interstitium, les myo-
cytes et les cellules inflammatoires.
Un travail très intéressant a été réalisé par une équipe japonaise
(T. Matsumoto, Otsu, 2191) sur l’expression du gène de la
chymase dans un modèle de chien insuffisant cardiaque par sti-
mulation rapide. Cette enzyme permet de court-circuiter le blo-
cage de la voie normale de synthèse de l’angiotensine II ; elle est
également impliquée dans les phénomènes d’apoptose et de
fibrose par l’intermédiaire du TGF bêta. Les auteurs ont trouvé
que l’expression de cette enzyme est uniquement augmentée dans
les cœurs insuffisants cardiaques sévères, alors que l’expression
du gène de l’enzyme de conversion de l’angiotensine est exprimé
dès les stades précoces de l’insuffisance cardiaque. Cela pourrait
avoir des implications importantes au plan thérapeutique puisque
l’accroissement de la voie alternative de synthèse de l’angioten-
sine II peut avoir un effet délétère. Néanmoins, il convient de rap-
peler qu’il s’agit de travaux chez le chien, et qu’il existe une forte
variation selon les espèces dans la part de l’angiotensine II syn-
thétisée par la voie classique et les voies alternatives.
M. King (Charleston, 2198) a présenté un intéressant travail
concernant l’inhibition des métalloprotéases de la matrice cellu-
laire sur un modèle d’insuffisance cardiaque réalisé chez le
cochon. Il convient de rappeler qu’il existe trois grandes catégo-
ries de MMP : les gélatinases, les stromélysines et les collagé-
nases. Un inhibiteur spécifique des MMP a été utilisé. Le résul-
tat principal est une diminution du stress pariétal liée à une
hypertrophie concentrique. Cette hypertrophie concentrique
existe non seulement au niveau de l’organe, mais également au
niveau cellulaire, comme le montre l’étude du diamètre trans-
versal des myocytes. Elle n’est pas associée à une réduction de
la densité des capillaires. Ces résultats très intéressants ouvrent
de nouvelles voies thérapeutiques dans l’insuffisance cardiaque.
Plusieurs travaux ont concerné l’injection de vascular endothe-
lial growth factor (VEGF) sur des modèles d’insuffisance car-
diaque : ainsi H. Sabbah (Detroit, 2200) a étudié, sur un modèle
d’insuffisance cardiaque du chien obtenu par embolisation mul-
tiple, l’injection intracoronaire de VEGF : deux injections ont été
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NSUFFISANCE CARDIAQUE
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réalisées à une semaine d’intervalle. Elles s’associent à une aug-
mentation de l’indice de contractilité, à une amélioration de l’in-
dice de relaxation et à une réduction de la pression télédiasto-
lique du ventricule gauche à trois semaines et trois mois après la
première injection. Il y a également une augmentation de la frac-
tion d’éjection et de la densité capillaire. A. Hamawy (New York,
2204) a transféré par injection, en dix endroits différents sur la
face antérieure du ventricule gauche, des adénovirus codant pour
le VEGF sur un modèle d’insuffisance cardiaque du chien. Les
animaux ayant fait l’objet de ce transfert viral ont une réduction
moins prononcée de la fraction de raccourcissement à l’état basal
et après injection de norépinéphrine. Il semble donc que le pré-
traitement par des adénovirus recombinants avec VEGF est asso-
cié à une réduction de l’altération de la fonction cardiaque chez
des animaux en insuffisance cardiaque.
Enfin, dans une étude très intéressante de Y. Yang (Boston, 2202),
il a été montré sur un modèle de rat avec infarctus du myocarde
que l’injection de cellules embryonnaires surexprimant le VEGF
en trois sites différents au sein de la zone nécrosée améliore la
pression systolique du VG, la pression diastolique et l’indice dp/dt
ainsi que la réponse inotrope à l’isoprotérénol.
Tous ces travaux expérimentaux révolutionnaires laissent penser
que de nouvelles voies thérapeutiques, soit pharmacologiques, soit
non pharmacologiques, seront disponibles dans les prochaines
années pour lutter contre le remodelage et l’insuffisance cardiaque.
THÉRAPEUTIQUES
Il existe une controverse sur la potentialité d’un effet délétère de
la combinaison de l’aspirine et des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion chez l’insuffisant cardiaque.
K. Harjai (La Nouvelle-Orléans, 2011) a étudié cette interaction
sur 430 patients insuffisants cardiaques. Les patients ont été divi-
sés en trois groupes : ceux ne prenant pas d’aspirine, ceux sous
aspirine et ceux ne prenant pas d’inhibiteurs de l’enzyme de
conversion. La mortalité toutes causes dans cette population glo-
bale a été de 38 % avec un recul moyen de 28 mois. Il n’y a eu
aucune différence de mortalité entre les sous-groupes, ni dans la
survenue d’un indice composite constitué du décès toutes causes
et des transplantations urgentes.
Cette étude ne confirme donc pas l’existence d’une interaction
négative entre IEC et aspirine.
Un des mécanismes “maladaptatifs” dans l’insuffisance cardiaque
est une dégradation accrue de l’oxyde nitrique sous l’action de
radicaux superoxydes. Ceux-ci sont synthétisés par la scanthine
oxydase. Une équipe allemande (N. Schoene, Leipzig, 2587) a
étudié les effets de l’injection d’allopurinol en intra-artériel chez
10 patients ayant un taux d’acide urique augmenté à 90 mg/l. L’in-
jection d’allopurinol entraîne une augmentation de la vasodila-
tation flux-dépendante de l’acétylcholine. Ces résultats prélimi-
naires suggèrent que l’allopurinol pourrait avoir un effet
bénéfique chez l’insuffisant cardiaque avec hyperuricémie.
Les effets rénaux du conivaptan, un antagoniste des récepteurs
de type 1Aet 2 de l’arginine vasopressine, ont été testés au moyen
d’une dose unique sur un groupe d’insuffisants cardiaques
(142 malades) (J. Udelson, Boston, 2875). Trois doses de 10, 20
et 40 mg ont été étudiées. Chez ces insuffisants cardiaques
sévères, le conivaptan augmente le débit urinaire, la clairance de
l’eau libre, et diminue l’osmolalité urinaire de façon dose-dépen-
dante. Néanmoins, les doses de 20 et 40 mg semblent avoir un
effet voisin. Le traitement a été bien toléré au cours de la perfu-
sion de 30 mn du produit et après. Il existe une réduction de la
pression capillaire pulmonaire pour les deux doses les plus éle-
vées ; il n’y a pas de modification de la pression artérielle systé-
mique et pas d’effet vasodilatateur. Ces résultats encourageants
suggèrent que ce nouvel antagoniste mixte de l’AVPpourrait avoir
un effet bénéfique pour traiter la rétention hydrosodée chez l’in-
suffisant cardiaque.
J. Udelson (Boston, 2607) a fait une étude sur le remodelage ven-
triculaire à partir des patients inclus dans l’essai IMPRESS com-
parant l’omapatrilate, inhibiteur de la vasopeptidase, au lisino-
pril. Trente-six malades ont été étudiés dans le groupe
omapatrilate contre 39 dans le groupe lisinopril. Aucun des deux
traitements n’entraîne de modification des dimensions ventricu-
laires gauches ou de la fraction d’éjection après six mois de sur-
veillance. Il est possible que la durée d’observation courte de ce
traitement n’ait pas permis de mettre en évidence un effet signi-
ficatif sur le remodelage.
M. Gheorghiade (Chicago, 2869) a présenté les résultats d’une
étude conduite avec le tolvaptan chez des patients de classe I à
III présentant des signes cliniques de rétention hydrosodée et trai-
tés par diurétiques. L’administration du produit entraîne une dimi-
nution du poids corporel qui se maintient avec une durée d’ob-
servation de 25 jours. Il y a une rééquilibration de la balance
hydrosodée, avec une augmentation de la diurèse et une amélio-
ration des œdèmes. La natrémie augmente de 3 000 meq en
moyenne le premier jour, avec une diminution à 25 jours qui reste
néanmoins significative par rapport au placebo. Il n’y a pas de
modification de la kaliémie.
K. Hebert (La Nouvelle-Orléans, 8009) a présenté les résultats
d’une étude sur la tolérance et l’efficacité du sildénafil chez l’in-
suffisant cardiaque. Le sildénafil, jugé sur un questionnaire à
30 jours, a été testé sur 19 insuffisants cardiaques comparés à
13 autres insuffisants cardiaques recevant un placebo. Il s’est
révélé significativement efficace, améliorant tous les paramètres
sexuels, sans qu’il ait été noté d’augmentation des événements
indésirables, notamment hémodynamiques. Aucun effet sur la
fréquence cardiaque ou la pression artérielle n’a été observé.
Étude VAL-HEFT
Un des temps forts de l’American Heart Association 2000 a été
la présentation de l’étude VAL-HEFT. Rappelons que l’étude
ELITE II, qui comparait le losartan au captopril, n’avait pas
démontré la supériorité, sur un groupe d’insuffisants cardiaques
âgés de gravité modérée à moyenne, de l’antagoniste des récep-
teurs de l’angiotensine, et qu’il n’y avait pas de différence sur le
critère principal (la mortalité toutes causes) ou les critères secon-
daires (la mort subite ou des critères de morbidité). C’est dire que
l’on attendait avec beaucoup d’attention les résultats de l’étude
VAL-HEFT. Cette étude a inclus des patients de classe II à IV de
la NYHA avec une fraction d’éjection inférieure à 40 % et qui
recevaient un traitement standard associant inhibiteurs de l’en-
zyme de conversion, diurétiques, digitaliques et éventuellement
I
NSUFFISANCE CARDIAQUE
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