Theorie des representations de groupes finis - MATHAA

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Représentations de groupes finis
EPFL - Projet de semestre en mathématiques
Alex Monnard
Sous la direction du Professeur Jacques Thévenaz
assisté par Mélanie Baumann
Chaire de théorie des groupes
8 janvier 2009
Les schémas du mathématicien, comme ceux du peintre ou du poète, doivent
être beaux ; les idées, comme les couleurs ou les mots, doivent s’assembler
de façon harmonieuse. La beauté est le premier test : il n’y a pas de place
durable dans le monde pour les mathématiques laides.
G.H. Hardi (1877-1947, Angleterre).
iii
Remerciements
Je tiens à adresser mes profonds remerciements au Professeur Jacques
Thévenaz pour m’avoir permis d’effectuer ce projet de semestre sous sa supervision. Je tiens aussi à remercier son assistante Mélanie Baumann. Je lui
suis reconnaissant pour ses précieuses explications, ses idées d’exercices à
résoudre et enfin pour la relecture de ce travail.
v
Table des matières
Introduction
vii
1 Représentations et Modules
1.1 Représentations des groupes finis . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Algèbre du groupe et k[G]-module . . . . . . . . . . . . . . . .
1
1
6
2 Caractères
12
2.1 Caractères et fonctions centrales . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2 Table des caractères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
3 Produit tensoriel et Représentations induites
24
3.1 Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.2 Représentations induites et restreintes . . . . . . . . . . . . . 27
4 Théorème pa q b de Burnside
32
4.1 Entiers algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
4.2 Théorème de Burnside . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Bibliographie
36
vi
Introduction
Le but de ce travail est de se familiariser avec la théorie des représentations
et des caractères de groupes finis et d’en voir une application importante à
travers le théorème pa q b de Burnside.
Après avoir définis, dans le premier chapitre, les éléments de base comme
la simple définition d’une représentation, nous verrons que celle-ci est équivalente à la donnée d’un certain module. Nous définirons ensuite dans le
deuxième chapitre le caractère d’une représentation et nous verrons que ce
dernier contient toute l’information nécessaire pour déterminer bon nombre
de résultats d’irréductibilité de modules ou d’isomorphisme entre modules.
Nous donnerons même un critère de simplicité d’un groupe en fonction de
la seule connaissance de certains caractères. Les résultats obtenus dans le
deuxième chapitre sont aussi surprenants que primordiaux. Nous les utiliserons ensuite dans le quatrième chapitre pour démontrer le théorème pa q b
de Burnside qui nous dit que tout groupe d’ordre pa q b n’est pas simple. Ce
résultat bien qu’entièrement spécifique à la théorie des groupes se démontre
à l’aide de la théorie des représentations. Avant cela nous nous intéresserons,
dans le troisième chapitre, à la manière de définir une représentation d’un
groupe à partir d’une représentation donnée sur l’un de ses sous-groupes.
Pour ce faire nous devrons introduire le produit tensoriel de deux modules.
Ce chapitre est la suite logique du deuxième chapitre consacré aux caractères de groupes mais n’est pas utile pour la démonstration du théorème de
Burnside qui vient dans le dernier chapitre. Tout au long de ce travail nous
donnerons le plus possible d’exemples qui sont pour la plus part du temps
des exercices résolus par l’auteur, mais qui pour des questions de fluidité sont
introduits sous forme d’exemples.
vii
INTRODUCTION
Les prérequis pour une bonne compréhension de ce travail consistent en la
maîtrise d’un cours standard d’algèbre linéaire et des concepts fondamentaux
de théorie des groupes. En particulier une bonne connaissance des actions de
groupes est indispensable, tout comme la théorie élémentaire des modules.
Un lecteur novice dans l’une de ces matières pourra se référer à l’excellent
[4] pour une présentation détaillée ou aux premiers chapitres de [2] pour une
présentation plus succincte.
On pourrait reprocher à l’auteur l’absence d’un premier chapitre dédié à
des rappels sur des notions qui sont souvent utilisées dans ce projet. Toutefois
ce choix est motivé par la présence de nombreux exemples et le fait que la
littérature ne manque pas de très bons livres sur ces sujets.
Avant de commencer donnons encore certains détails sur les références.
L’ensemble de ce texte est basé sur [2] à l’exception de la première partie
du troisième chapitre qui se base sur [1] pour leur présentation détaillée du
produit tensoriel. Nous tirons les preuves du théorème de Maschke et de la
première relation d’orthogonalité des caractères de [5] qui sont plus générales
que celles de [2].
viii
Chapitre
1
Représentations et Modules
Nous présentons dans ce premier chapitre les rudiments de la théorie des
représentations linéaires des groupes finis. Nous essayons ici de donner les
résultats sous la forme la plus générale possible. Dans la deuxième partie
nous montrerons le lien étroit entre cette théorie et celle des modules.
1.1
Représentations des groupes finis
Définitions 1.1.
• Soient k un corps et G un groupe. Une représentation linéaire de G sur
k est un couple (V, ρ) où V est un k-espace vectoriel et ρ : G → GL(V )
est un homomorphisme de groupes.
• Si V est de dimension finie n, on a alors un homomorphisme de groupes
ρ : G → GLn (k). On parle parfois de représentation matricielle et
l’entier n est le degré de la représentation.
• On appelle représentation triviale toute représentation telle que pour
tout g ∈ G on a ρ(g) = Id.
Exemple 1.2. Soit le groupe cyclique d’ordre m, noté Cm , de générateur
a et ρ : Cm → GLn (C) définie par ρ(ai ) = Ai , pour 0 ≤ i ≤ m avec une
matrice A ∈ GLn (C). Nous allons montrer que ρ est une représentation si et
seulement si Am = Id.
Pour commencer supposons que ρ est une représentation. De ce fait nous
avons Id = ρ(e) = ρ(am ) = ρ(a)m = Am .
1
1.1 REPRÉSENTATIONS DES GROUPES FINIS
Réciproquement supposons que Am = Id et montrons que ρ est une représentation. Donnons-nous deux entiers r et k positifs strictement plus petits que
m. Alors pour 0 ≤ r + k < m nous avons ρ(ar ak ) = ρ(ar+k ) = Ar+k = Ar Ak .
De même si r + k ≥ m nous avons
am =1
ρ(ar ak ) = ρ(am ar+k−m ) = ρ(ar+k−m ) = Ar+k−m = Ar+k−m Am = Ar+k ,
vu que r + k < 2m. Ce qui prouve que ρ est une représentation.
Définition 1.3. Soit ρ une représentation de G. Nous définissons le noyau
de la représention, noté Kerρ, par
Kerρ = {g ∈ G | ρ(g) = Id}.
Nous dirons que ρ est fidèle si le noyau est réduit à l’élément neutre de G.
Exemple 1.4. Soit S6 le groupe des permutations d’un ensemble à six éléments. On considère le sous-groupe commutatif H = ha, bi où a = (1 2 3) et
b = (4 5 6). On a les relations suivantes
a3 = b 3 = 1
ab = ba.
Ainsi tous les éléments de H s’écrivent d’une manière unique sous la forme
ai bj avec 0 ≤ i, j ≤ 2. On se donne maintenant la représentation ρ : H →
GL2 (C) définie par
ω 0
η 0
ρ(a) =
et ρ(b) =
,
0 ω −1
0 η −1
où ω et η sont des racines cubiques de l’unité. On se demande pour quelles
valeurs de ω et η la représentation ρ est fidèle.
Pour ce faire soit h ∈ H, alors h = ai bj et
i j
ωη
0
i j
i
j
ρ(h) = ρ(a b ) = ρ(a) ρ(b) =
.
0 (ω i η j )−1
Mais (ω i η j )3 = 1, ainsi ω i η j est une racine cubique de l’unité. Or il n’y a que
trois racines cubiques de l’unité et |H| = 9. Par conséquent, la représentation
ρ n’est jamais fidèle.
Exemple 1.5. Reprenons l’exemple 1.2. La représentation ρ est fidèle si, et
seulement si, m est le plus petit entier de sorte que Am = Id.
2
1.1 REPRÉSENTATIONS DES GROUPES FINIS
Définition 1.6. Soit ρ : G → GL(V ) une représentation de G. Un sousespace W de V est dit G-invariant si
ρ(g)W ⊆ W
∀g ∈ G.
Remarque 1.7. Cette dernière relation implique ρ(g)W = W pour tout g
dans G. Pour le voir il suffit de la multiplier par ρ(g −1 ). On peut dans ce cas
restreindre ρ à W et on parle de sous-représentation ρW de ρ.
Définition 1.8. Une représentation ρ : G → GL(V ) est dite irréductible si
V 6= {0} et si il n’existe aucun sous-espace G-invariant différent de {0} et
V . En d’autres termes elle ne possède aucune sous-représentation propre qui
soit non nulle.
Exemples 1.9.
• Toute représentation de degré 1 est irréductible.
• Prenons G le groupe des permutations d’un ensemble à trois éléments.
On sait que G = ha, bi où a = (123) et b = (12). Soit la représentation
ρ : G → GL2 (C) définie, dans la base canonique, par
ξ 0
0 1
ρ(a) =
et ρ(b) =
,
0 ξ2
1 0
où ξ est une racine cubique de l’unité. Alors ρ est irréductible car les
espaces propres de ρ(a) et ρ(b) sont d’intersection nulle.
• Soit X un ensemble fini et G un groupe agissant sur X. Soient k un
corps et V le k-espace vectoriel engendré par la base {ex | x ∈ X}. On
définit une représentation, appelée représentation de permutation, de
G dans GL(V ) sur sa base par ρ(g)ex = eg?x , où ? dénote l’action de
G sur X. Si Ω ⊂ X est une orbite mais Ω 6= X alors la représentation
ρ n’est pas irréductible.
En effet, on considère le sous-espace W = span(ez | z ∈ Ω). Comme Ω
est une orbite on a bien ρ(g)W ⊂ W pour tout g ∈ G et de plus W est
un sous-espace propre non nul de V et donc ρ n’est pas irréductible.
Théorème 1.10. Le théorème de Maschke.
Soit G un groupe fini et soit ρ : G → GL(V ) une k-représentation de
dimension finie. Si la caractéristique de k est nulle ou ne divise pas |G|,
alors tout sous-espace G-invariant W possède, au moins, un complément Ginvariant.
3
1.1 REPRÉSENTATIONS DES GROUPES FINIS
Démonstration. Soit n la dimension de V et m celle de W , avec m ≤ n. En
tant que sous-espace W admet un complément U . En effet, soit (w1 , . . . , wm )
une base de W et complétons-la de sorte que (w1 , . . . , wm , u1 , . . . , un−m ) soit
une base de V , alors U = span(u1 , . . . , un−m ) est un complément de W dans
V . Mais rien ne nous dit qu’il est G-invariant. Soit q : V → V la projection
sur W le long de U et définissons p : V → V par
p=
1 X
ρ(g) ◦ q ◦ ρ(g −1 ).
|G| g∈G
L’existence de |G|−1 est assurée par hypothèse.
Nous allons montrer que p est une projection sur W . Soit v ∈ V alors
p(v) =
1 X
ρ(g) ◦ q ◦ ρ(g −1 )(v)
|
{z
}
|G| g∈G
∈W car Imq = W .
|
{z
}
∈ W et donc Imp ⊆ W .
∈W car W est G-invariant.
Donnons-nous maintenant w ∈ W alors comme W est G-invariant et q et
l’identité sur W nous avons
1 X
1 X
p(w) =
ρ(g) ◦ q ◦ ρ(g −1 )(w) =
ρ(g) ◦ ρ(g −1 )(w)
|G| g∈G
|G| g∈G
=
1 X
1 X
|G|
w = w.
ρ(gg −1 )(w) =
w=
|G| g∈G
|G| g∈G
|G|
Ceci nous montre que W ⊆ Imp et par conséquent que W = Imp.
Nous allons montrer que Kerp est un sous-espace G-invariant. Avant cela
remarquons que p commute avec ρ(g) pour tout g dans G. En effet calculons,
pour un g ∈ G fixé,
1 X
1 X
ρ(g)ρ(h)qρ(h−1 ) =
ρ(gh)qρ(h−1 )ρ(g −1 g)
|G| h∈G
|G| h∈G
1 X
1 X
=
ρ(gh)qρ(h−1 g −1 )ρ(g) =
ρ(gh)qρ((gh)−1 )ρ(g)
|G| h∈G
|G| h∈G
ρ(g) ◦ p =
= p ◦ ρ(g).
Il ne nous reste plus qu’à voir que Kerp est G-invariant.
Pour
ce faire, soit
v ∈ Kerp alors pour tout g ∈ G on a p ρ(g)(v) = ρ(g) p(v) = ρ(g)(0) = 0.
4
1.1 REPRÉSENTATIONS DES GROUPES FINIS
Donc pour v ∈ Kerp on a, pour tout g dans G, que ρ(g)(v) ∈ Kerp. De ce
fait Kerp est G-invariant et donc Kerp est un complément G-invariant de W .
En effet soit w ∈ Kerp ∩ W , alors 0 = p(w) = w. De plus on a
dim V = dim Imp + dim Kerp = dim W + dim Kerp = dim(W + Kerp).
Comme W + Kerp est un sous-espace de V on peut conclure que
V = W ⊕ Kerp.
Exemples 1.11. Nous allons donner ici deux contre-exemples du théorème
de Maschke lorsque premièrement la caractéristique du corps k divise l’ordre
du groupe G et ensuite lorsque le groupe n’est pas fini.
• Prenons le groupe cyclique Cp et le corps Fp à p éléments, où p est un
nombre premier. On se donne la représentation
ρ:
Cp → GL2 (Fp )
1 j
j
a 7→
0 1
pour j = 0, 1, . . . , p − 1,
sur l’espace vectoriel V = span(v1 , v2 ).
Soit W un sous-espace Cp -invariant de V de dimension 1, alors
W = span(αv1 + βv2 ) et ρ(aj ) αv1 + βv2 = λj (αv1 + βv2 )
pour certains α, β, λj ∈ Fp et ceci pour j = 0, 1, . . . , p − 1. On obtient,
pour tout j, que
(α + jβ)v1 + βv2 = λj αv1 + λj βv2 .
Ce qui nous donne en identifiant les termes que β = 0. Alors le seul
sous-espace vectoriel Cp -invariant de dimension 1 est U = span(v1 ). Il
n’a donc pas de complément Cp -invariant.
• Prenons comme corps C et le groupe infini
1 n G=
n∈Z .
0 1
Prenons comme représentation l’action naturelle de G sur C2 = span(e1 , e2 ).
On obtient, par un raisonnement similaire au point précédent, que
U = span(e1 ) est le seul sous-espace vectoriel G-invariant de dimension 1.
5
1.2 ALGÈBRE DU GROUPE ET K[G]-MODULE
Définition 1.12. Une représentation ρ : G → GL(V ) est totalement réductible si
V = U1 ⊕ · · · ⊕ Uk ,
pour certains sous-espaces G-invariants de sorte que chaque ρUi soit irréductible. Nous noterons dans ce cas
ρ = ρU1 ⊕ · · · ⊕ ρUk .
Théorème 1.13. Soit G un groupe fini et soit ρ : G → GL(V ) une kreprésentation de dimension finie. Si la caractéristique de k est nulle ou ne
divise pas |G|, alors ρ est totalement réductible.
Démonstration. Il s’agit de faire une récurrence sur la dimension de V et
d’utiliser le théorème 1.10. Nous renvoyons le lecteur désireux de voir les
détails à [2] aux pages 74 et 75.
Remarque 1.14. Le théorème 1.13 nous incite à nous intéresser tout particulièrement aux représentations irréductibles.
Proposition 1.15. Toute représentation irréductible ρ : G → GL(V ), où G
est fini, est de dimension finie.
Démonstration. L’idée est de prendre un vecteur v dans V différent du vecteur nul et de s’intéresser au sous-espace vectoriel engendré par l’ensemble
fini {ρ(g)v |g ∈ G}. Ce dernier étant G-invariant et non nul, il coïncidera avec
V . Nous renvoyons cette fois-ci à [3] à la page 23 pour plus de détails.
1.2
Algèbre du groupe et k[G]-module
Nous présentons ici une manière équivalente de voir les k-représentations.
Il s’agit de la notion de k[G]-module, liée à celle d’algèbre k[G] du groupe G.
Définition 1.16. Soient k un corps et G un groupe. On définit l’algèbre du
groupe, noté k[G] ou simplement kG, comme l’ensemble des combinaisons
k-linéaires formelles d’éléments de G :
k[G] =
X
finie
λi gi | gi ∈ G et λi ∈ k .
i
6
1.2 ALGÈBRE DU GROUPE ET K[G]-MODULE
On le munit de deux lois, l’addition et la multiplication. L’addition est définie
de manière évidente par l’addition des éléments du corps k qui coïncide sur les
éléments de G. La multiplication est peut-être moins évidente. On la définit
de la manière suivante :
n
m
n X
m
X
X
X
αi gi ·
βj hj =
(αi βj )(gi hj ).
i=1
j=1
i=1 j=1
Ces deux lois munissent k[G] d’une structure d’anneau. De plus, dans le cas
où G est fini on peut sommer sur tous les éléments du groupe et donc k[G]
est un k-espace vectoriel de base G et de dimension |G|.
Remarque 1.17. Un k[G]-module V est en particulier un k-espace vectoriel.
Ainsi, on parlera de la dimension de V pour indiquer la dimension de V en
tant que k-espace vectoriel.
Proposition 1.18. Soient G un groupe fini et k un corps. La donnée d’un
k[G]-module V est équivalente à la donnée d’une k-représentation sur V .
Démonstration. Nous n’allons pas développer la preuve qui est juste la vérification des axiomes de représentations et de modules. On pourra se référer
à [2] aux pages 40 et 41 pour ces vérifications.
Remarque 1.19. L’ensemble des définitions et résultats présentés dans la
première partie sur les représentations se transportent pour les k[G]-modules.
On dira, par exemple, qu’un k[G]-module V est irréductible si la représentation correspondante est irréductible.
Définition 1.20. Le k[G]-module k[G] est appelé k[G]-module régulier. Il
correspond à la représentation ρ : G → k[G] définie par
X
X
ρ(g)
αi gi =
αi ggi ,
qui est appelée représentation régulière.
Proposition 1.21. Soit G un groupe fini, alors la représentation régulière
est fidèle.
Démonstration. Soit g ∈ Kerρ, alors pour tout v ∈ V on a ρ(g)v = v.
Remarquons que l’élément neutre de G, noté e, appartient à k[G] et donc
e = ρ(g)(e) = ge = g.
7
1.2 ALGÈBRE DU GROUPE ET K[G]-MODULE
Exemple 1.22. Nous allons donner ici un exemple de k[G]-module qui en
fonction du corps k sera ou non irréductible. Définissons pour un corps k
quelconque l’espace vectoriel k[x, y]d comme l’espace engendré par
{xi y d−i | 0 ≤ i ≤ d},
où x et y sont des indéterminés.
Soit G = SL2 (k) les matrices de déterminant 1 à coefficients dans k. On
munit k[x, y]d d’une structure de k[G]-module par
G × k[x, y]d → k[x, y]d
a b
, f (x, y) 7→ f (ax + cy, bx + dy).
c d
Supposons dans un premier temps que k = C et montrons que C[x, y]2 est
irréductible. Supposons que W soit un sous-module non nul de C[x, y]2 . Soient
α, β, γ ∈ C et w = αx2 + βxy + γy 2 ∈ W un élément non nul. Alors, comme
W est un sous-module on a
0 −1
Tw =
w = αy 2 − βxy + γx2 ∈ W,
1 0
et donc w + T w = (α + γ)x2 + (α + γ)y 2 ∈ W . Nous allons distinguer deux
cas.
1. Supposons tout d’abord que α + γ 6= 0. Alors comme W est un espace
vectoriel on a
(α + γ)−1 (α + γ)x2 + (α + γ)y 2 = x2 + y 2 ∈ W.
Mais alors
1 1 2
x + y 2 = y 2 + 2xy + 2x2
0 1
et
1 0 2
x + y 2 = 2y 2 + 2xy + x2
1 1
sont des éléments de W . Or
{y 2 + 2xy + 2x2 , 2y 2 + 2xy + x2 , x2 + y 2 }
est une liste linéairement indépendante et donc dimW ≥ 3 et par conséquent W = C[x, y]2 .
8
1.2 ALGÈBRE DU GROUPE ET K[G]-MODULE
2. Supposons que α = −γ, et qu’il n’existe aucun élément w0 = α0 x2 +
β 0 xy + γ 0 y 2 dans W de sorte que α0 + γ 0 6= 01 . Alors
W ⊂ {αx2 + βxy − αy 2 | α, β ∈ C}
1 1
et en faisant agir la matrice
sur W on constate qu’elle force
0 1
1 0
β à être égal à α. Puis par le même procédé avec la matrice
1 1
on constate que cela implique que α est égal à zéro et donc que W est
trivial. Ce qui est une contradiction avec notre hypothèse.
Conséquemment, C[x, y]2 est un CG-module irréductible.
Dans un deuxième temps prenons k un corps de caractéristique 2 et montrons que k[x, y]2 est réductible. Soit le sous-espace W = span(x2 , y 2 ). Nous
allons montrer que W est un k[G]-sous-module. Pour ce faire il nous suffit
de voir que, pour tout élément A de G, Ax2 et Ay 2 sont des éléments de W .
Soit A ∈ G, alors
car(k)=2
a b
2
Ax =
x2 = (ax + cy)2 = a2 x2 + c2 y 2 ∈ W,
c d
et de même Ay 2 = b2 x2 + d2 y 2 ∈ W . Alors W est un k[G]-sous-module de
k[x, y]2 et donc k[x, y]2 est réductible.
Lemme 1.23. Lemme de Schur.
Soient k un corps algébriquement clos et G un groupe fini. Soient V et
W deux k[G]-modules irréductibles.
1. Si T : V → W est un k[G]-homomorphisme, alors soit T est un k[G]isomorphisme soit T (v) = 0 pour tout v dans V .
2. Si T : V → V est un k[G]-homomorphisme, alors T est un multiple
scalaire de l’identité.
Démonstration. Pour la première partie il s’agit de remarquer que le noyau
et l’image sont des sous-modules de, respectivement, V et W . De plus, l’irréductibilité de V et W implique qu’ils n’admettent pas de sous-module à
l’exception d’eux-mêmes et de zéro. Pour la deuxième partie il faut utiliser
1
Dans le cas contraire on se ramène au premier cas.
9
1.2 ALGÈBRE DU GROUPE ET K[G]-MODULE
l’hypothèse que k est algébriquement clos pour trouver une valeur propre λ
de T. Puis de s’intéresser au noyau de l’application T − λId. Pour les détails
nous renvoyons le lecteur à [2] aux pages 78 et 79.
Proposition 1.24. Soit G un groupe fini et soit V un k[G]-module de dimension finie. Si la caractéristique de k est nulle ou ne divise pas |G| et que
tout k[G]-homomorphisme de V dans V est un multiple scalaire de l’identité
alors V est irréductible.
Démonstration. Supposons par l’absurde que V est réductible. Alors, au vu
des hypothèses, par le théorème 1.10 il existe des sous-modules non triviaux
U et W de V de sorte que V = W ⊕ U. Soit p : V → V l’application définie
par p(w + u) = w. Ainsi définie p est un k[G]-homomorphisme car pour
a ∈ k[G] et v1 , v2 ∈ V on a
p(av1 + v2 ) = p(a(w1 + u1 ) + (w2 + u2 )) = p(aw1 + w2 + au1 + u2 )
| {z } | {z }
∈W
∈U
= aw1 + w2 = ap(v1 ) + p(v2 ).
Mais p n’est pas un multiple de l’identité, ce qui contredit l’hypothèse et
donc V est irréductible.
Exemple 1.25. Comme conséquence directe du Lemme de Schur nous allons
montrer que pour un CG-module irréductible V , il existe λ ∈ C de sorte que
!
X
g v = λv
pour tout v ∈ V .
g∈G
P
En effet, posons z =
g∈G g et soit l’application θ : V → V définie par
θ(v) = zv. Alors θ est une application linéaire car V est un CG-module et
pour tout v ∈ V et tout h ∈ CG on a
θ(hv) = z(hv) = hzv = hθ(v).
Ainsi θ est un CG-endomorphisme et donc, par le lemme 1.23, θ(v) = λv.
On remarque ici un principe plus général. Effectivement, nous avons juste
dû utiliser le fait que z commute avec n’importe quel élément de CG.
Théorème 1.26. Soit G un groupe abélien fini. Alors toute représentation
irréductible de G sur C est de degré 1. Autrement dit, tout CG-module irréductible est de dimension 1.
10
1.2 ALGÈBRE DU GROUPE ET K[G]-MODULE
Démonstration. Pour une représentation ρ, l’idée est de voir que, pour tout
g ∈ G, ρ(g) est un CG-endomorphisme et donc égal à un multiple scalaire de
l’identité. Mais alors tous les sous-espaces seraient G-invariants. Ce qui dans
le cas d’un CG-module irréductible le force à être de dimension 1.
Nous renvoyons le lecteur désireux de voir les détails à [2] à la page 81.
Exemple 1.27. Prenons le cas particulier où G est cyclique d’ordre n engendré par g. On sait que si V est un CG-module de dimension finie alors
V = U1 ⊕ · · · ⊕ Um où les Ui sont des CG-modules irréductibles de dimension 1, engendrés par ui . Fixons un certain i, on a donc gui = λi ui pour
un certain λi ∈ C∗ . Mais g est d’ordre n donc on doit avoir (λi )n = 1. Ce
raisonnement étant valable pour 1 ≤ i ≤ m on en déduit que la matrice de
ρ(g) relativement à la base (u1 , . . . , um ) est de la forme


ξ1
0


..


.
0
ξm
pour ξ1 , . . . , ξm des racines nième de l’unité.
Proposition 1.28. Soient G un groupe fini et V un CG-module de dimension finie. Alors pour tout g ∈ G il existe une base de sorte que la matrice
ρ(g) soit diagonale. De plus, les éléments de la diagonale sont des racines
nième de l’unité, si l’ordre de g est n.
Démonstration. Il s’agit ici d’utiliser l’exemple 1.27 pour H = hgi et de voir
V comme un CH-module.
11
Chapitre
2
Caractères
Nous allons dans ce second chapitre introduire la notion de caractère.
Nous allons découvrir qu’elle constitue un outil très puissant dans la théorie
des représentations de groupes finis, dont nous tirerons des résultats surprenants. Dans la deuxième partie nous définirons la table des caractères d’un
groupe. Dans ce qui suit tous les groupes seront supposés finis, tout comme
la dimension des espaces vectoriels.
2.1
Caractères et fonctions centrales
Rappel 2.1. Soit A = (aij ) une matrice n × n alors la trace de A, notée
Tr(A), est définie par
n
X
Tr(A) =
aii .
i=1
C’est la somme des éléments de la diagonale de A. Soient A et B deux
matrices n × n, alors on a les propriétés suivantes :
• Tr(A) + Tr(B) = Tr(A + B),
• Tr(AB) = Tr(BA),
• Tr(B −1 AB) = Tr(A).
En particulier la trace d’un opérateur linéaire ne dépend pas de la base
choisie. Ainsi on définit la trace d’un opérateur comme la trace de sa matrice
associée dans une base quelconque.
12
2.1 CARACTÈRES ET FONCTIONS CENTRALES
Définition 2.2. Soit ρ une C-représentation d’un groupe G fini et soit V le
CG-module correspondant. Le caractère de V est la fonction :
χV :
G → C
g 7→ Tr ρ(g) .
Elle est bien définie par le rappel 2.1.
Propriétés 2.3. Soient V un CG-module de dimension finie et g ∈ G d’ordre
n, alors
1. χV (1) = dim V ,
2. χV (g) est la somme de racine nième de l’unité,
3. χV (g −1 ) = χV (g),
4. χV (h−1 gh) = χV (g).
Proposition 2.4. Soient V et W deux CG-modules isomorphes en tant que
CG-module. Alors χV = χW .
Démonstration. Soit θ : V → W un isomorphisme de CG-module. Alors pour
tout g ∈ G on a θ◦ρV (g) = ρW (g)◦θ et par conséquent ρV (g) = θ−1 ◦ρW (g)◦θ.
Ainsi,
χV (g) = Tr(ρV (g)) = Tr(θ−1 ◦ ρW (g) ◦ θ) = Tr(ρW (g)) = χW (g).
Ceci étant valable pour tout g ∈ G on a bien χV = χW .
Définition 2.5. Soit ρ une C-représentation d’un groupe fini et soit χ le
caractère associé. On dira que χ est irréductible si ρ est irréductible et on
définit le noyau de χ par Kerχ = Kerρ.
Proposition 2.6. Soient V et W deux CG-modules. Alors χV ⊕W = χV +χW .
Démonstration. Soient (v1 , . . . , vn ) une base de V et (w1 , . . . , wm ) une base
de W . Alors (v1 , . . . , vn , w1 , . . . , wm ) est une base de V ⊕ W dans laquelle
ρV ⊕W : G → GL(V ⊕ W ) est donnée par
ρV (g)
0
ρV ⊕W (g) =
.
0
ρW (g)
On peut donc déduire que
χV ⊕W (g) = Tr(ρV ⊕W (g)) = Tr ρV (g) + Tr ρW (g) = χV (g) + χW (g).
13
2.1 CARACTÈRES ET FONCTIONS CENTRALES
Remarque 2.7. Nous n’avons pas développé outre mesure ce point, mais
lorsque nous avons deux représentations ρV et ρW d’un groupe G cela induit
une représentation ρV ⊕W sur V ⊕ W par ρV ⊕W (g)(x) = ρV (g)(x) + ρW (g)(x).
De plus, cette représentation n’est jamais irréductible, sauf si V ou W est
nul.
Définition 2.8. Soit F(G, C) l’espace vectoriel des fonctions de G dans C.
On définit un produit scalaire h−, −i : F(G, C) × F(G, C) → C par
1 X
ϑ(g)ϕ(g).
hϑ, ϕi =
|G| g∈G
Définition 2.9. Soit f ∈ F(G, C). On dit que f est une fonction centrale si
f (g −1 hg) = f (h) pour tous g, h ∈ G.
En d’autres termes f est constante sur chaque classe de conjugaison de G.
Nous noterons par C(G, C) l’ensemble des fonctions centrales.
Remarque 2.10. En particulier tout caractère est une fonction centrale.
1 0
Exemple 2.11. Prenons G = C2 engendré par g et ρ(g) =
. Par
0 −1
l’exemple 1.2, cela induit une représentation et les valeurs du caractère associé
sont χ(g) = 0 et χ(1) = 2. On remarque que les caractères ne sont pas
forcément des homomorphismes.
Proposition 2.12. Soit G un groupe ayant n classes de conjugaison. Alors
C(G, C) est un sous-espace vectoriel de F(G, C) de dimension n.
Démonstration. Soient C1 , . . . , Cn les classes de conjugaison de G et c1 , . . . , cn
des représentants. La suite de fonctions (fi )1≤i≤n définie par
fi : G → C
(
1 si g ∈ Ci ,
g 7→
0 sinon
Pn
est une base de C(G, C). En effet, supposons que
i=1 λi fi = 0 alors en
particulier en évaluant en cj on obtient λj = 0. En répétant cette opération
pour tout 1 ≤ j ≤ n on obtient que la famille (fi )1≤i≤n est P
linéairement
indépendante. Soit f ∈ C(G, C) et soit λk = f (ck ). Alors f = nk=1 λk fk et
donc la famille (fi )1≤i≤n est génératrice. Conséquemment, elle est une base
de l’espace vectoriel C(G, C).
14
2.1 CARACTÈRES ET FONCTIONS CENTRALES
Théorème 2.13. Orthogonalité des caractères.
Soient V et W deux CG-modules irréductibles.
1. Si V n’est pas isomorphe à W alors hχV , χW i = 0.
2. Si V est isomorphe à W alors hχV , χW i = 1.
Démonstration. Soit eij la matrice élémentaire de taille dim W ×dim V valant
1 en (eij )ij et zéro ailleurs et soit T l’application linéaire associée. Nous allons
nous intéresser au CG-homomorphisme
1 X
ρV (g)T ρW (g −1 ).
S ij =
|G| g∈G
Nous allons regarder plus en détails les coefficients de la matrice associée à
cette application. En effet, on a
o
1 Xn
(S ij )kl =
ρV (g)eij ρW (g −1 )
|G| g∈G
kl
1 XXX
(ρV (g))kr (eij )rs (ρW (g −1 ))sl
=
|G| g∈G r s
1 X
=
(ρV (g))ki (ρW (g −1 ))jl .
|G| g∈G
Nous avons à présent les outils pour démontrer le théorème. En effet, dans
le premier cas si V n’est pas isomorphe à W alors pour tous i et j, S ij = 0
par le lemme 1.23 et donc
1 Xχ
1 X
−1
χ
hχV , χW i =
(g)
(g
)
=
Tr(ρV (g))Tr(ρW (g −1 ))
V
W
|G| g∈G
|G| g∈G
X
1 XX
=
(ρV (g))mm
(ρW (g −1 ))nn
|G| g∈G m
n
XX 1 X
=
(ρV (g))mm (ρW (g −1 ))nn = 0.
|G|
m
n
g∈G
|
{z
}
=(S mn )mn =0.
Dans le deuxième cas où V est isomorphe à W on sait que S ij = λId par
le lemme 1.23. Dans ce cas on peut même trouver λ car
1 X
Tr(S ij ) =
Tr(ρV (g)T ρV (g −1 )) = Tr(T ) = δij .
|G| g∈G
15
2.1 CARACTÈRES ET FONCTIONS CENTRALES
Soit d la dimension de V , alors λ = δij d1 car δij = Tr(S ij ) = λTr(Id) = λd.
Conséquemment nous avons
hχV , χV i =
d X
d
d
X
X
1 X
1
(ρV (g))ii (ρV (g −1 ))jj =
= 1.
|G|
d
i=1 j=1
i=1
g∈G
|
{z
}
=(S ij )ij = d1 si i = j et 0 sinon.
Corollaire 2.14. Il n’y a qu’un nombre fini de caractères irréductibles.
Démonstration. En effet soit
F = {χ ∈ C(G, C) | χ est un caractère irréductible}.
Par le théorème 2.13 les éléments de F sont linéairement indépendant. Par
conséquent le nombre d’éléments de F est plus petit, ou égal, à la dimension
de C(G, C) qui est finie.
Remarque 2.15. Ceci implique qu’il n’y a qu’un nombre fini de CG-modules
irréductibles, à isomorphisme près.
Théorème 2.16. Les caractères irréductibles forment une base de C(G, C).
En particulier, le nombre de caractères irréductibles est égal au nombre de
classes de conjugaisons de G.
Démonstration. Nous renvoyons le lecteur à [2] aux pages 152 et 153.
Théorème 2.17. Soient χ1 , . . . , χk les caractères irréductibles d’un groupe
G. Si ψ est un caractère de G, alors
ψ = d1 χ1 + · · · + dk χk ,
pour des entiers positifs d1 , . . . , dk . De plus, di est le nombre de fois qu’apparaît le module associé à χi dans la décomposition de celui de ψ. On a
di = hψ, χi i et hψ, ψi =
k
X
d2i .
i=1
Démonstration. Il suffit d’utiliser les théorèmes 2.6 et 2.13.
16
2.1 CARACTÈRES ET FONCTIONS CENTRALES
Exemple 2.18. Appliquons ce théorème au cas particulier du CG-module
régulier. Nous noterons χreg le caractère associé. On rappelle que dimCG =
|G| et donc χreg (1) = |G|. De plus la base de CG est l’ensemble des éléments
de G, mais si h est différent de l’élément neutre alors hg est différent de g
et donc l’action de h sur CG est représentée par une matrice avec les termes
diagonaux nuls. Ainsi la trace de cette matrice est nulle. Pour résumer on
obtient :
(
χreg (g) = |G| si g = 1,
0 sinon.
Soient V1 , . . . , Vk l’ensemble des CG-modules irréductibles et χ1 , . . . , χk leurs
caractères associés. On sait que χreg = d1 χ1 + · · · + dk χk , avec di = hχreg , χi i.
Mais
1 χ
1 Xχ
χ −1
χ
χ
hχreg , χi i =
reg (g) i (g ) =
reg (1) i (1) = i (1) = dimVi ,
|G| g∈G
|G|
et donc χreg = dimV1 χ1 + · · · + dimVk χk . En particulier, on obtient la formule
|G| = χreg (1) = dimV1 χ1 (1) + · · · + dimVk χk (1) = dimV12 + · · · + dimVk2 .
Théorème 2.19. Soient V et W deux CG-modules.
1. Si χV = χW alors V ∼
= W.
2. Si hχV , χV i = 1, alors V est irréductible.
Démonstration. Il s’agit ici de décomposer V et W en modules irréductibles
et d’utiliser la relation d’orthogonalité pour conclure. Le lecteur pourra se
référer à [2] aux pages 143 et 144 pour les détails de cette preuve.
Proposition 2.20. Soit χ un caractère d’un groupe G. Alors
Ker(χ) = {g ∈ G | χ(g) = χ(1)}.
Démonstration. Soit ρ la représentation associée à χ de degré n. Si g ∈
Ker(χ) alors ρ(g) = Id et donc χ(g) = χ(1). Soit donc g ∈ G de sorte que
χ(g) = χ(1). Rappelons que ρ(g) est une matrice dont les éléments de la
diagonal sont des racines ω1 , . . . , ωn de l’unité. Alors n = χ(1) = χ(g) =
ω1 + · · · + ωn et |ωi | = 1, ce qui implique en identifiant les parties réelles que
ωi = 1 pour tout i. Donc ρ(g) = Id et alors g ∈ Ker(χ).
17
2.1 CARACTÈRES ET FONCTIONS CENTRALES
Remarque 2.21. De ce fait, il suffit de connaître les valeurs du caractère
pour trouver le noyau de la représentation et donc de savoir si la représentation est fidèle ou non.
Exemple 2.22. Nous allons donner un exemple qui montre, encore une fois,
qu’avec la seule connaissance de la théorie des caractères nous pouvons tirer
des résultats plus qu’intéressant.
Donnons-nous pour commencer un groupe H. Soit h ∈ H un élément de
sorte que h ∈ Ker(χ) pour tout caractère irréductible χ de H. Alors h = 1
car les caractères irréductibles forment une base de l’espace des fonctions
centrales et donc en particulier h ∈ Kerψ pour tout caractère ψ de H. Or on
sait que la représentation régulière est fidèle, de ce fait h = 1. Nous allons
appliquer ce résultat dans un cas particulier.
Soit N un sous-groupe normal d’un groupe G. Soient χ1 , . . . , χk les caractères irréductibles de G/N 1 . Alors 1 est l’unique élément tel que χi (1) = 1
pour 1 ≤ i ≤ k. Les applications χi : G → C définies par χi (g) = χi (g) sont
des caractères irréductibles de G contenant N dans leurs noyaux. Alors N ⊆
∩ki=1 Ker(χi ) et si x ∈ ∩ki=1 Ker(χi ), alors pour tout i on a 1 = χi (x) = χi (x).
Mais 1 est le seul élément avec cette propriété donc x = 1, d’où x ∈ N . On a
ainsi démontré que pour certains caractères irréductibles χ1 , . . . , χk de G on
a
k
\
N=
Ker(χi ).
i=1
Il est important de voir qu’ici il existe d’autres caractères irréductibles sur
G, à moins que N soit trivial.
Nous sommes enfin en mesure de montrer le résultat suivant : G n’est
pas simple si, et seulement si, χ(g) = χ(1) pour un caractère non trivial
irréductible χ de G et un élément g différent de l’identité. En effet si G n’est
pas simple, et N est un sous-groupe normal propre non trivial de G, alors il
suffit de choisir un élément différent de l’identité dans N et l’un des caractères
de l’expression N = ∩Ker(χi ). Réciproquement, soit χ un caractère de G non
trivial et de sorte que χ(g) = χ(1) pour un élément g 6= 1. Alors Ker(χ) 6= {1}
et Ker(χ) / G ce qui implique que G n’est pas simple.
1
Nous avons choisi de surligner les caractères irréductibles du quotient, pour le moment
cela est simplement une notation et ne fait pas référence à une classe.
18
2.2 TABLE DES CARACTÈRES
2.2
Table des caractères
Nous allons à présent définir la table des caractères d’un groupe G et
donner la deuxième relation d’orthogonalité.
Définition 2.23. Soient G un groupe, C1 , . . . , Cn les classes de conjugaison
de G, g1 , . . . , gn leurs représentants et χ1 , . . . , χn les caractères irréductibles
de G. La table des caractères est la matrice n × n dont l’entrée ij est χi (gj ).
Par convention nous prendrons g1 = 1, l’élément neutre de G et la première
ligne correspondra à la représentation triviale.
Exemple 2.24. Prenons pour commencer l’exemple du groupe cyclique C2 .
On sait qu’il n’admet que deux représentations irréductibles, qui sont de
degré 1. La première étant la représentation triviale. Il ne nous reste plus
qu’un élément de la matrice à trouver qui est χ2 (g2 ). On sait que c’est une
racine carrée de l’unité différente de 1. Il ne nous reste donc plus que −1
comme possibilité. Notons que nous aurions aussi pu le trouver à l’aide de
la relation d’orthogonalité exposée dans le théorème 2.13. Ainsi la table des
caractères de C2 est
χ1
χ2
g1
1
1
g2
1
−1
où g1 = 1 et g2 est l’élément générateur de C2 .
Théorème 2.25. Deuxième relation d’orthogonalité.
Soient χ1 , . . . , χn les caractères irréductibles d’un groupe G et g1 , . . . , gn
les représentants des classes de conjugaisons de G. Alors la deuxième relation
d’orthogonalité, ou relation sur les colonnes, est
n
X
χi (gr )χi (gs ) = δrs |CG (gr )|
∀ 1 ≤ r, s ≤ n.
i=1
Démonstration. On pourra se référer à [2] à la page 162 pour une démonstration de ce théorème.
Exemple 2.26. Nous voulons utiliser l’exemple 2.22 et nos nouvelles connaissances de la table des caractères pour trouver les sous-groupes normaux de
D6 = hr, s | r3 = s2 = 1, s−1 rs = r−1 i le groupe diédral à 6 éléments. Supposons que l’on ne connaisse pas sa table des caractères. On sait qu’il y a
19
2.2 TABLE DES CARACTÈRES
au moins le caractère trivial et supposons χ2 , . . . , χk les autres irréductibles.
Intéressons-nous tout d’abord aux représentations irréductibles de degré 1. Si
ρ est une représentation de degré 1 alors ρ(s) = β et ρ(r) = α avec α, β ∈ C∗
de sorte que
α3 = β 2 = 1,
βαβ −1 = α−1 .
Les solutions sont α = 1 et β = ±1. Ce qui nous donne le tableau suivant :
1 r s
χ1
1 1 1
χ2
1 1 −1.
P
On sait aussi que 6 = |D6 | = ki=1 χi (1)2 , d’où 4 = χ3 (1)2 + · · · + χk (1)2 .
Comme χ1 et χ2 sont les seuls caractères de degré 1 on a nécessairement que
k = 3 et χ3 (1) = 2. Ce qui nous permet de compléter la table des caractères :
1
r
s
1
1
1
1
1
−1
2 χ3 (r) χ3 (s).
χ1
χ2
χ3
Avec la relation d’orthogonalité sur la colonne le travail est fini. En effet, il
suffit de l’appliquer sur les colonnes 1 et 2 puis 1 et 3 pour trouver que χ3 (r) =
−1 et χ3 (s) = 0. Il s’agit ici de tuer une mouche avec une bombe atomique.2
Une manière peut-être un peu plus élégante aurait été de se rappeler que
χreg = χ1 + χ2 + 2χ3 d’où χ3 = 1 (χ1 + χ2 − χreg ). Or nous savons que
2
χreg (s) = χreg (r) = 0 et nous pouvons donc conclure de la même manière.
Pour résumer nous avons
χ1
χ2
χ3
1 r
1 1
1 1
2 −1
s
1
−1
0
où r est un représentant de la classe C2 = {r, r2 } et s celui de C3 =
{s, rs, r2 s}. Une fois la table des caractères complétée on peut trouver les
noyaux des caractères. Le noyau de χ1 est D6 , celui de χ2 est {1, r, r2 } = hri
et enfin χ3 est fidèle. Dans cet exemple le fait d’intersecter les noyaux des
caractères ne nous donne pas de nouveaux sous-groupes et donc les sousgroupes normaux de D6 sont {1}, hri et D6 .
2
Nous devons cette expression au Professeur Tudor Ratiu.
20
2.2 TABLE DES CARACTÈRES
Exemple 2.27. Nous allons nous intéresser au groupe Q8 donné par la présentation suivante : Q8 = hi, j | i4 = 1, i2 = j 2 , jij −1 = i−1 i. Ce groupe est appelé groupe des quaternions. On peut montrer qu’il contient les huit éléments
suivants : Q8 = {1, −1, i, −i, j, −j, ij, −ij} où 1 désigne l’élément neutre du
groupe. Il y a cinq classes de conjugaison :
{1}, {−1}, {i, −i}, {j, −j}, {ij, −ij}.
On montre enfin que Z(G) = {1, −1} et que G/Z(G) ∼
= C2 × C2 . Nous
allons déterminer la table des quatre caractères irréductibles de C2 × C2
pour obtenir quatre caractères irréductibles de Q8 . Or le groupe C2 × C2 est
abélien et donc ses caractères irréductibles sont de degré 1 et coïncident avec
la représentation correspondante. En particulier ce sont des homomorphismes
de groupes, et comme les éléments de C2 × C2 sont d’ordre un ou deux les
seules valeurs possibles pour ces caractères sont 1 et −1. On trouve alors, si
g engendre C2 ,
χ1
χ2
χ3
χ4
1
1
1
1
1
(g, 1)
1
1
−1
−1
(1, g)
1
−1
1
−1
(g, g)
1
−1
−1
1.
En effet, la valeur de la dernière colonne est entièrement déterminée par les
deux précédentes pour que les caractères soient bien des homomorphismes.
Ainsi, de la même manière que dans l’exemple 2.22 nous obtenons des
caractères irréductibles de Q8 .
χ1
χ2
χ3
χ4
1 −1
1 1
1 1
1 1
1 1
i
j ij
1
1 1
−1 −1 1
1 −1 −1
−1 1 −1.
Il ne nous reste alors plus qu’un caractère χ5 irréductible à trouver. On
sait que 8 = 4 + χ5 (1)2 et donc que χ5 (1) = 2. En utilisant la relation
d’orthogonalité sur les colonnes nous pouvons trouver les dernières valeurs
manquantes qui nous donnent :
21
2.2 TABLE DES CARACTÈRES
χ1
χ2
χ3
χ4
χ5
1 −1 i
1 1
1
1 1 −1
1 1
1
1 1 −1
2 −2 0
j
1
−1
−1
1
0
ij
1
1
−1
−1
0.
Remarquons que le caractère de degré 2 correspond à la représentation ρ :
Q8 → GL2 (C) définie par
ξ 0
0 −1
ρ(i) =
et ρ(j) =
,
0 −ξ
1 0
où ξ est une racine du polynôme X 2 + 1 dans C à partie imaginaire positive.
Comme nous pouvons le voir dans la table cette représentation est fidèle et
induit un isomorphisme sur son image.
Exemple 2.28. Nous allons pour finir nous intéresser au groupe des isométries du carré, le groupe diédral D8 = hr, s | r4 = s2 = 1, s−1 rs = r−1 i. Nous
allons pour commencer trouver les représentations de degré 1. Si ρ est une
telle représentation, alors ρ(s) = β et ρ(r) = α avec α, β ∈ C∗ de sorte que
βαβ −1 = α−1 .
α4 = β 2 = 1,
Les solutions sont α = ±1 et β = ±1. Ce qui nous donne le tableau suivant :
χ1
χ2
χ3
χ4
1 r2
1 1
1 1
1 1
1 1
s
rs r
1
1 1
−1 −1 1
1 −1 −1
−1 1 −1.
On trouve alors de la même manière que dans les deux exemples précédents
la table complète :
χ1
χ2
χ3
χ4
χ5
1 r2
s
1 1
1
1 1 −1
1 1
1
1 1 −1
2 −2 0
22
rs
1
−1
−1
1
0
r
1
1
−1
−1
0.
2.2 TABLE DES CARACTÈRES
Remarque 2.29. On remarque que les groupes Q8 et D8 ont la même table
de caractères alors qu’ils ne sont pas isomorphes. On se rappelle aussi que
ce sont les deux seuls groupes d’ordre 8 non abélien. Le cas abélien étant
relativement bien connu de part le théorème 1.26, nous avons ainsi la table
de caractère de tous les groupes d’ordre plus petit ou égal à 8.
23
Chapitre
3
Produit tensoriel et
Représentations induites
Dans ce chapitre nous voulons trouver des relations entre les représentations d’un groupe et celles d’un de ses sous-groupes. Le passage du groupe
au sous-groupe se fait assez naturellement, mais passer d’une représentation
d’un sous-groupe au groupe tout entier nécessite une importante construction.
3.1
Produit tensoriel
Avant d’arriver à ces diverses relations, nous devons introduire le produit
tensoriel de deux modules. C’est dans cet outil que réside la clé pour nous
permettre d’induire une représentation d’un sous-groupe sur le groupe. Dans
la suite A désigne un anneau quelconque.
Définition 3.1. Soient M un A-module à droite et N un A-module à gauche
et soit P un groupe abélien. Une aplication f : M × N → P est dite Aéquilibrée si pour tous m, m1 , m2 ∈ M , n, n1 , n2 ∈ N et a ∈ A on a
1. f (m1 + m2 , n) = f (m1 , n) + f (m2 , n),
2. f (m, n1 + n2 ) = f (m, n1 ) + f (m, n2 ),
3. f (ma, n) = f (m, an).
24
3.1 PRODUIT TENSORIEL
Définition 3.2. Produit tensoriel.
Soient M un A-module à droite et N un A-module à gauche. Un produit
tensoriel de M et N est un couple (T, t) où T est un groupe abélien et
t : M × N → T est A-équilibrée de sorte que pour tout groupe abélien
P et toute application A-équilibrée f : M × N → P il existe un unique
homomorphisme de groupe abélien f : T → P de sorte que f t = f . On peut
visualiser cette propriété par le diagramme commutatif suivant
f
/
x; P .
x
x
xx
t
xx f
x
xx
M ×N
T
Théorème 3.3. Soient M un A-module à droite et N un A-module à gauche.
Alors, le produit tensoriel de M et N existe et est unique à isomorphisme
près.
Démonstration. Il s’agit ici de construire explicitement T , nous renvoyons
à [1] aux pages 59 à 62 du paragraphe 12 du deuxième chapitre pour cette
construction. L’unicité quand à elle se déduit directement de la définition
du produit tensoriel en supposant (T, t) et (T 0 , t0 ) deux produits tensoriels
et en posant successivement P = T 0 et P = T . Le résultat découle ensuite
de l’unicité de l’application f . De par son unicité nous noterons M ⊗A N le
produit tensoriel de M et N .
Propriétés 3.4. Pour (m, n) ∈ M × N , nous posons m ⊗ n = t(m, n). Alors
pour m1 , m2 ∈ M et a ∈ A on a du fait que t est A-équilibrée que
1. (m1 + m2 ) ⊗ n = m1 ⊗ n + m2 ⊗ n,
2. ma ⊗ n = m ⊗ an,
3. m ⊗ 0 = 0 ⊗ n = 0.
Remarque 3.5. Il est important de voir que dans le cas général le produit
tensoriel de A-module est un groupe et non un A-module. Par contre, si k est
un corps et V ,W deux k[G]-modules où G est un groupe fini, alors W ⊗k V
est un k espace vectoriel. De plus on peut le munir d’une structure de k[G]module via la loi externe suivante : g(w ⊗ v) = gw ⊗ gv. Il s’agit ici encore de
voir que cette action est bien définie, puis qu’elle définit bien une structure
de k[G]-module.
25
3.1 PRODUIT TENSORIEL
Proposition 3.6. Soient V et W deux CG-modules de dimension finie, où
G est un groupe fini. Alors
χ V ⊗C W = χ V χ W .
Démonstration. Par la proposition 1.28, on sait qu’il existe deux bases (e1 , . . . , en )
et (f1 , . . . , fm ) de, respectivement, V et W de sorte que
gei = λi ei pour 1 ≤ i ≤ n et gfj = µj fj pour 1 ≤ i ≤ m,
où les λi , µj sont des racines de l’unité. Ainsi
χV (g) =
n
X
λi et χW (g) =
i=1
m
X
µj .
j=1
De plus on a g(ei ⊗ fj ) = gei ⊗ gfj = λi ei ⊗ µj fj = λi µj (ei ⊗ fj ). Ainsi du
fait que {ei ⊗ fj | 1 ≤ i ≤ n, 1 ≤ j ≤ m} est une base de V ⊗C W , on obtient
n X
m
n
m
X
X
X
χV ⊗C W (g) =
λi µj =
λi
µj = χV (g)χW (g) = (χV χW )(g).
i=1 j=1
i=1
j=1
Remarque 3.7. En particulier le produit de deux caractères est un caractère.
Corollaire 3.8. Soient G un groupe, ρ et ν deux CG-représentations irréductibles de sorte que ν(1) = 1. Soient χ et µ les deux caractères associés.
Alors µχ est un caractère irréductible.
Démonstration. Remarquons pour commencer que comme ν(1) = 1 alors la
représentation coïncide avec son caractère associé et donc en particulier ce
caractère est un homomorphisme. La proposition 3.6 nous dit que µχ reste
un caractère. Il nous reste donc à voir qu’il est irréductible. Calculons alors
1 X χ
1 X
(µ )(g)(µχ)(g −1 ) =
µ(g)χ(g)µ(g −1 )χ(g −1 )
hµχ, µχi =
|G| g∈G
|G| g∈G
1 X
1 X
µ(g)µ(g −1 )χ(g)χ(g −1 ) =
µ(1)χ(g)χ(g −1 )
=
|G| g∈G
|G| g∈G
1 X χ χ −1
=
(g) (g ) = hχ, χi = 1.
|G| g∈G
Ainsi par la proposition 2.19, le caractère µχ est irréductible.
26
3.2 REPRÉSENTATIONS INDUITES ET RESTREINTES
Remarque 3.9. Ce corollaire peut être un outil puissant pour combler la
table des caractères. Il faut toutefois ajouter une précision. Le caractère µχ
n’est pas nécessairement différent de χ même si µ n’est pas le caractère
trivial. On pourra par exemple prendre le cas de S4 qui a deux caractères
irréductibles de degré 1, mais un seul de degré 2.
3.2
Représentations induites et restreintes
Après cette première partie théorique nous sommes maintenant en mesure
de définir les représentations induites.
Définition 3.10. Soient H un sous-groupe d’un groupe G et V un k[G]module. On peut alors voir V comme un k[H]-module, en d’autres termes
restreindre l’action aux éléments de H. Cette action qui consiste à convertir
un k[G]-module en un k[H]-module est appelée la restriction de G à H.
On note ResG
H (V ) ou V ↓ H le k[G]-module V vu comme k[H]-module et
χ
χResG (V ) le caractère associé.
ResG
(
)
=
V
H
H
Définition 3.11. Soient H un sous-groupe d’un groupe G et V un k[H]module. On définit le module induit par
IndG
H (V ) = k[G] ⊗k[H] V,
où k[G] est vu comme k[H]-module à droite. On peut mettre une structure
de k[G]-module à gauche sur IndG
H (V ) par a(b ⊗ v) = ab ⊗ v pour a, b ∈ k[G]
χ
et v ∈ V . On trouve aussi parfois V ↑ G pour IndG
H (V ). Si V est le caractère
χ
associé au k[H]-module V , nous noterons IndGH (V ) le caractère associé au
k[G]-module IndG
H (V ).
Théorème 3.12. Soient V et W deux CG-modules avec caractères χ et ψ.
Alors
dim HomCG (V, W ) = hχ, ψi .
Démonstration. Il s’agit ici de décomposer les deux modules en modules irréductibles puis d’utiliser les deux relations suivantes :
1. dim HomCG (V1 ⊕ V2 , W ) = dim HomCG (V1 , W ) + dim HomCG (V2 , W )
2. dim HomCG (V, W1 ⊕ W2 ) = dim HomCG (V, W1 ) + dim HomCG (V, W2 ).
Enfin les théorèmes 2.13 et 2.17 permettent de conclure.
27
3.2 REPRÉSENTATIONS INDUITES ET RESTREINTES
Théorème 3.13. Le théorème de réciprocité de Frobenius.
Soit H un sous-groupe d’un groupe G. Soient χ un caractère de G associé
au CG-module V et ψ un caractère de H associé au CH-module W . Alors
E
D
E
D
ψIndG (W ) , χ = ψ, χResG (V ) .
H
H
G
H
Démonstration. Par le théorème 3.12 ceci revientà trouver un isomorphisme
de C-espace vectoriel entre HomCG IndG
et HomCH W, ResG
H (W ), V
H (V ) .
Soit
Ψ : HomCG IndG
→ HomCH W, ResG
H (W ), V
H (V )
ϑ 7→ ϑ,
où ϑ(w) = ϑ(1 ⊗ w). Soient λ ∈ C et ϑ, ϕ ∈ HomCG IndG
(W
),
V
. Alors
H
Ψ(λϑ + ϕ)(w) = λϑ + ϕ(w) = (λϑ + ϕ)(1 ⊗ w) = λϑ(1 ⊗ w) + ϕ(1 ⊗ w)
= λϑ(w) + ϕ(w) = λΨ(ϑ)(w) + Ψ(ϕ)(w).
Ainsi Ψ est linéaire. Pour voir que cette apllication est bijective nous considérons
Φ : HomCH W, ResG
→ HomCG IndG
H (V )
H (W ), V
ε 7→ εe,
où εe(a ⊗ w) = aε(w). Alors
ΨΦ(ε)(w) = εe(w) = εe(1 ⊗ w) = 1ε(w) = ε(w).
De même
e ⊗ w) = aϑ(w) = aϑ(1 ⊗ w) = ϑ a(1 ⊗ w) = ϑ(a ⊗ w).
ΦΨ(ϑ)(a ⊗ w) = ϑ(a
Ainsi Φ est l’inverse de Ψ et donc Ψ est bijective. De ce fait on a trouvé un
isomorphisme d’espace vectoriel, en particulier les deux espaces ont la même
dimension.
Définition 3.14. Soit χ un caractère d’un sous-groupe H de G. On définit
χ
le caractère induit, noté IndG
H ( ), par
1 X χ̇ −1
χ
IndG
(
)(g)
=
(y gy),
H
|H| y∈G
où χ̇(k) = χ(k) si k ∈ H et 0 sinon.
28
3.2 REPRÉSENTATIONS INDUITES ET RESTREINTES
Proposition 3.15. Soit χ un caractère de H un sous-groupe de G associé
au CG-module W . Alors
χ
χ
.
IndG
H ( ) = IndG
H (W )
χ
Démonstration. Constatons tout d’abord que la fonction IndG
H ( ) est une
fonction centrale. Ainsi, par non dégénérescence du produit scalaire, l’assertion est équivalente à montrer que
E
D
G
IndH (χ), f G = χIndGH (W ) , f
G
pour toute fonction centrale f . Mais comme les caractères irréductibles forment
une base de telle fonction, il suffit de le vérifier pour les caractères irréductibles de G. Soit µ un caractère irréductible de G. Alors
G
IndH (χ), µ G
=
=
x=y −1 gy
=
µ est centrale
=
=
1 X
−1
χ
IndG
H ( )(g)µ(g )
|G| g∈G
1 1 X X χ̇ −1
(y gy)µ(g −1 )
|G| |H| g∈G y∈G
1 1 X X χ̇
(x)µ (yxy −1 )−1
|G| |H| x∈G y∈G
1 X χ̇
1 1 X X χ̇
(x)µ(x−1 ) =
(x)µ(x−1 )
|G| |H| x∈G y∈G
|H| x∈G
1 Xχ
(x)µ(x−1 ) = χ, ResG
H (µ) H .
|H| x∈H
D
E
χ
G
Or par la formule de réciprocité de Frobenius χ, ResG
(µ)
=
,
µ
.
H
IndH (W )
H
G
Nous avons ainsi montré que pour tout caractère irréductible µ on a
D
E
G
IndH (χ), µ G = χIndGH (W ) , µ .
G
χ
χ
Ainsi nous avons bien IndG
.
H ( ) = IndG
H (W )
Remarque 3.16. En particulier dim IndG
H (W ) = [G : H] dim W .
29
3.2 REPRÉSENTATIONS INDUITES ET RESTREINTES
Exemple 3.17. On va s’intéresser au groupe S4 et essayer de trouver sa table
des caractères. Soit ε l’application signature, qui nous donne la parité d’une
permutation. C’est un homomorphisme de S4 vers C∗ et donc une représentation de degré 1 qui coïncide avec son caractère associé. La représentation
étant de degré 1 elle est irréductible, tout comme le caractère associé que
nous noterons χ2 . Nous avons donc pour l’instant le tableau suivant :
χ1
χ2
1
1
1
(12)
1
−1
(123)
1
1
(12)(34) (1234)
1
1
1
−1.
Nous voulons essayer d’utiliser l’induction pour déterminer une partie des
caractères irréductibles manquants. On va s’intéresser au sous-groupe S3 de
S4 . On sait de l’exemple 2.26 que la table des caractères de S3 est la suivante :
µ1
µ2
µ3
1
1
1
2
(123) (12)
1
1
1
−1
−1 0.
Pour commencer, on va induire le caractère µ2 . On sait que IndSS43 (µ2 )(1) = 4.
En effectuant le calcul on trouve que IndSS43 (µ2 ) (12) = 2µ2 (12) = −2 et
IndSS43 (µ2 ) (123) = µ2 (123) = 1. De plus, comme aucun des éléments des
classes de (12)(34) et (1234) ne sont dans S3 on a IndSS43 (µ2 ) (12)(34) =
IndSS43 (µ2 ) (1234) = 0. Nous voulons à présent voir si le caractère IndSS43 (µ2 )
est irréductible. Pour ce faire nous nous rappelons de la proposition 2.19 et
calculons
2
2
S4
IndSS43 (µ2 ) (123)
IndSS43 (µ2 )(1)2 IndSS43 (µ2 ) (12)
S4
+ + IndS3 (µ2 ), IndS3 (µ2 ) S4 =
CS4 (123) |CS4 (1)|
CS4 (12) 16 4 1
=
+ + = 2.
24 4 3
Ainsi IndSS43 (µ2 ) n’est pas irréductible. Il se décompose alors comme somme
d’irréductibles. Nous allons voir si χ2 est dans cette décomposition. Pour ce
faire nous calculons
S4
IndSS43 (µ2 )χ2 (1) IndSS43 (µ2 )χ2 (12)
IndSS43 (µ2 )χ2 (123)
IndS3 (µ2 ), χ2 S4 =
+
+
CS4 (12) CS4 (123) |CS4 (1)|
=
4
2 1
+ + = 1.
24 4 3
30
3.2 REPRÉSENTATIONS INDUITES ET RESTREINTES
Considérons alors le caractère χ3 := IndSS43 (µ2 ) − χ2 et regardons si il est
irréductible :
hχ3 , χ3 i = IndSS43 (µ2 ), IndSS43 (µ2 ) −2 IndSS43 (µ2 ), χ2 + hχ2 , χ2 i = 1.
{z
}
{z
} | {z }
|
|
=2
=1
=1
Nous avons ainsi trouvé un nouveau caractère irréductible, dont les valeurs
sont :
χ3
1
3
(12)
−1
(123)
0
(12)(34) (1234)
−1
1.
Nous nous rappelons alors que le produit de deux caractères est un caractère
et que lorsqu’ils sont irréductibles et que l’un d’eux est de degré 1 alors le
produit est un caractère irréductible. On remarque de plus que χ4 := χ2 χ3
est différent de χ3 . Nous avons donc trouvé un nouveau caractère irréductible
de S4 de degré 3. On sait aussi que le nombre de caractères irréductibles est
le même que le nombre de classes de conjugaison, ainsi il ne nous reste plus
qu’un caractère irréductible χ5 à trouver, qui est de degré 2, vu que la somme
des degrés des caractères au carré doit être égal au cardinal du groupe. Nous
avons ainsi pour résumer la table suivante :
χ1
χ2
χ3
χ4
χ5
1
1
1
3
3
2
(12)
1
−1
−1
1
x1
(123)
1
1
0
0
x2
(12)(34)
1
1
−1
−1
x3
(1234)
1
−1
1
−1
x4 .
Il suffit alors d’utiliser la relation d’orthogonalité sur les colonnes ou la représentation régulière pour trouver les valeurs manquantes. Nous avons ainsi
trouvé la table de S4 :
χ1
χ2
χ3
χ4
χ5
1
1
1
3
3
2
(12)
1
−1
−1
1
0
(123)
1
1
0
0
−1
31
(12)(34)
1
1
−1
−1
2
(1234)
1
−1
1
−1
0.
Chapitre
4
Théorème paq b de Burnside
Nous présentons dans ce chapitre une application directe de la théorie
des représentations à celle des groupes. Il s’agit du célèbre théorème pa q b de
Burnside. Avant cela nous devons introduire quelques notions nécessaires sur
les entiers algébriques.
4.1
Entiers algébriques
Nous introduisons ici la notion d’entier algébrique. Nous présentons très
brièvement les résultats dont nous aurons besoin pour la preuve du théorème
de Burnside. N’étant pas le sujet de ce présent rapport nous nous permettons de renvoyer le lecteur au chapitre 22 de [2] pour une présentation plus
détaillée ainsi que pour les preuves.
Définition 4.1. On dit qu’un nombre complexe λ est un entier algébrique
si il est racine d’un polynôme unitaire à coefficients dans Z.
Théorème 4.2. Si λ et µ sont des entiers algébriques. Alors λµ et λ + µ
sont des entiers algébriques.
Remarque 4.3. En particulier si χ est un caractère d’un groupe fini G alors
χ(g) est un entier algébrique pour tout g ∈ G. En effet, on sait que χ(g) est
la somme de racines de l’unité qui sont des entiers algébriques vu qu’elles
sont racines de polynômes unitaires X n − 1 pour certains n.
Théorème 4.4. Si λ est un entier algébrique et si de plus λ est un nombre
rationnel, alors λ est un entier.
32
4.2 THÉORÈME DE BURNSIDE
Remarque 4.5. On dit parfois que Z est intégralement clos dans Q.
Proposition 4.6. Soit χ un caractère irréductible d’un groupe fini G et g un
élément de G. Alors
|G| χ(g)
λ=
|CG (g)| χ(1)
est un entier algébrique.
Proposition 4.7. Soit χ un caractère d’un groupe fini G et g un élément de
G. Alors si χ(g)/χ(1) est un entier algébrique on a |χ(g)/χ(1)| = 1.
Théorème 4.8. Soit χ un caractère irréductible d’un groupe fini G. Alors
χ(1) divise |G|.
4.2
Théorème de Burnside
Maintenant que l’ensemble des concepts nécessaires pour la preuve des
théorèmes qui vont suivre a été introduit, nous allons pouvoir nous pencher
sur le théorème de Burnside.
Lemme 4.9. Soient ρ : G → GLn (C) une représentation d’un groupe G et χ
le caractère associé. Pour g ∈ G on a que si |χ(g)| = χ(1) alors ρ(g) = λId
pour un certain λ ∈ C.
Démonstration. On sait déjà que ρ(g) est une matrice diagonale, il s’agit ici
de voir que les éléments sont tous égaux. On pourra se référer à [2] aux pages
124 et 125 pour une démonstration de ce lemme.
Théorème 4.10. Soit p un nombre premier et r un entier de sorte que r ≥ 1.
Supposons que G est un groupe fini avec une classe de conjugaison de cardinal
pr . Alors G n’est pas simple.
Démonstration. Soit g ∈ G de sorte que le cardinal de sa classe de conjugaison soit égal à pr . Comme pr > 1 l’élément g n’appartient pas à Z(G) et
en particulier G n’est pas abélien et de plus g 6= 1. Soit χ1 , . . . , χk les caractères irréductibles de G, avec χ1 le caractère trivial. Appliquons la deuxième
relation d’orthogonalité à g et 1 :
1+
k
X
χi (g)χi (1) = 0.
i=2
33
4.2 THÉORÈME DE BURNSIDE
En divisant par p on obtient
k
X
i=2
χ
χi (g) i (1) = − 1 .
p
p
Mais − p1 n’est pas un entier algébrique par le théorème 4.4 et donc il existe
χ (1)
j de sorte que χj (g) jp n’est pas un entier algébrique. Si tel n’était pas le
cas, cela contredirait le théorème 4.2. Mais χj (g) est un entier algébrique
χ (1)
par la remarque 4.3 ainsi jp n’est pas un entier algébrique ce qui veut dire
que p ne divise pas χj (1). Comme |G : CG (g)| = pr on a que |G : CG (g)| et
χj (1) sont premiers entre eux et donc par le théorème de Bézout il existe des
entiers a et b de sorte que
a |G : CG (g)| + bχj (1) = 1.
On obtient alors que
a
χ
|G| χj (g)
χj (g) = j (g) .
+
b
χj (1)
|CG (g)| χj (1)
Mais par la proposition 4.6 et le théorème 4.2 le terme de gauche est un
entier algébrique. Ainsi par la proposition 4.7 on a que |χj (g)/χj (1)| = 1. Si
ρ désigne la représentation associée au caractère χj alors par le lemme 4.9
on a ρ(g) = λId, pour un certain λ ∈ C. Soit alors le sous-groupe normal
K = Kerρ de G. C’est un sous-groupe propre car le caractère χj n’est pas le
caractère trivial. Ainsi si K 6= {1} nous avons montré que G n’est pas simple.
Supposons donc que K = {1}, ou en d’autres termes que ρ soit injective.
Alors ρ(g) commute avec ρ(h) pour tout h ∈ G, vu que ρ(g) = λId. Mais
comme ρ est un homomorphisme de groupe on a
ρ(gh) = ρ(g)ρ(h) = ρ(h)ρ(g) = ρ(hg).
Or ρ est injective ceci implique que gh = hg pour tout h ∈ H. De ce fait
g commute avec n’importe quel élément de G et donc g ∈ Z(G). Ceci est
une contradiction car, comme mentionné au début de la preuve, l’élément g
n’appartient pas à Z(G).
Théorème 4.11. Le théorème pa q b de Burnside.
Soient p et q deux nombres premiers et a et b deux entiers avec a + b ≥ 2.
Si G est un groupe d’ordre pa q b , alors G n’est pas simple.
34
4.2 THÉORÈME DE BURNSIDE
Démonstration. Si a ou b est nul, on peut supposer sans perte de généralité
que b = 0, alors G est un p-groupe d’ordre pa avec a ≥ 2 et donc Z(G) 6= {1}1 .
Soit alors g ∈ Z(G) un élément différent de l’élément neutre et d’ordre p. On
sait qu’un tel g existe, en effet si h est un élément non trivial de Z(G) alors
i−1
hhi est d’ordre pi pour un certain i ≤ a et donc g = hp est d’ordre p. De
ce fait hgi est un sous-groupe normal propre non trivial de G. Ainsi G n’est
pas simple.
Supposons maintenant que a et b sont strictement positifs. Alors par le
premier théorème de Sylow il existe un sous groupe H de G d’ordre q b avec
Z(H) 6= {1}. Soit g ∈ Z(H), avec g 6= 1, alors le cardinal de la classe de
conjugaison de g est |G : CG (g)|. Or H ≤ CG (g) vu que g commute avec,
au moins, tous les éléments de H et donc |G : CG (g)| = pj pour un certain
j ≤ a. Si pj = 1, alors g ∈ Z(G) et donc comme Z(G) 6= {1} on conclut de
la même manière que dans la première partie. Si par contre pj > 1 c’est le
théorème 4.8 qui nous dit que G n’est pas simple.
Corollaire 4.12. Sous les mêmes hypothèses tout groupe d’ordre pa q b est
résoluble.
Démonstration. On démontre ce résultat par induction sur a + b. Si a + b = 1
alors G ∼
= Cp pour un nombre p premier et donc G est résoluble. Soit alors
a + b ≥ 2 et supposons le résultat vrai pour les valeurs inférieures. Par le
théorème 4.11 il existe un sous-groupe normal N de G qui soit différent de G
et du groupe trivial. Comme l’ordre de N divise celui de G, il est de la forme
pi q j avec i + j < a + b et de même pour G/N . Par induction N et G/N sont
résolubles ce qui implique que G est résoluble.
1
Pour voir cela il faut se rappeler de l’équation des classes.
35
Bibliographie
[1] Charles Curtis & Irving Reiner. Representation Theory of Finite Groups
and Associative Algebras. Wily Classics Library Edition, 1988.
[2] James Gordon & Martin Liebeck. Representations and Characters of
Groups. Cambridge University Press, 2002.
[3] Yvette Kosmann-Schwarzbach. Groupes et symétries. Les Editions de
l’Ecole Polytechnique, 2006.
[4] Serge Lang. Algebra - Third Edition. Springer, 2006.
[5] Jean-Pierre Serre. Représentations linéaires des groupes finis. Hermann,
Editeurs des Sciences et des Arts, 2006.
36
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