La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 336 - janvier-février-mars 2014 | 33
etc.), et une rééducation intégrant le potentiel visuel
à l’ensemble des perceptions sensorielles, en par-
ticulier auditives.
S’agissant de l’approche gériatrique du vieillisse-
ment cognitif, Joël Belmin (Paris, Ivry) a évoqué
l’intérêt d’une approche précise. Même en l’absence
de maladie, un certain nombre de fonctions sont
altérées avec l’âge : sommeil, soif, rythme circadien,
et bien sûr les fonctions cognitives : attentionnelles,
exécutives et la capacité de mémoire. D’autres
fonctions cognitives restent intactes, par exemple
le langage. En situation pathologique, les troubles
cognitifs vont connaître une intensité variable : du
vieillissement cognitif “usuel” modéré à la démence.
Pour favoriser un vieillissement cognitif “réussi”, les
principaux axes thérapeutiques sont les suivants :
➤
éviter les agressions cérébrales : traumatismes,
maladies cérébrovasculaires, effets de certains
médicaments (benzodiazépines…) ;
➤
maintenir une stimulation cognitive par des
activités fréquentes et variées impliquant la
mémoire ;
➤conserver des activités physiques ;
➤
favoriser les interactions sociales : lutte contre
l’isolement social et les déficits sensoriels.
Ces éléments s’intègrent dans de nombreuses moda-
lités thérapeutiques qui bénéficient des progrès
technologiques, par exemple avec le support de jeux
“d’entraînement cérébral” disponibles sur consoles
et tablettes électroniques. Certaines études ont
montré l’intérêt cognitif possible et variable selon
le type de procédure cognitive lié à ces jeux.
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer constituée,
le traitement des troubles cognitifs comporte
plusieurs orientations, comme l’a montré Anne-
Sophie Rigaud (Paris). Ce traitement, formalisé
par des recommandations de la Haute Autorité de
santé (HAS) en 2011, est fondé sur une approche
pluridisciplinaire impliquant les aidants, avec la
formalisation de l’annonce diagnostique, une prise
en charge médicale (nutrition, comorbidités, inter-
actions médicamenteuses, etc.), et, surtout, une
prise en charge coordonnée médicosociale reposant
sur différentes structures (centres locaux d’informa-
tion et de coordination, équipes Alzheimer, unités
cognitivo-comportementales, etc.). Certains médi-
caments sont parfois utilisés : agents cholinergiques
et antiglutamates. Les interventions auprès des
patients sont importantes : rééducation orthopho-
nique avec stimulation cognitive, ergothérapie, etc.
Sans oublier les interventions auprès des aidants :
psychoéducation et groupes de soutien. L’ensemble
de ces éléments bénéficie des développements
technologiques. Les perspectives médicamenteuses
existent à plus long terme à partir de l’utilisation des
connaissances physiopathologiques sur la maladie
d’Alzheimer.
Une modalité thérapeutique intéressante est,
comme l’a présenté Séverine Samson (Paris et
Lille), l’utilisation de la musique, avec des modalités
cognitives spécifiques.
Les progrès de l’imagerie, en particulier en IRM et en
IRM fonctionnelle, ont été montrés par Stéphane
Lehericy (Paris). Les modifications anatomiques
cérébrales liées à l’âge sont connues : réduction du
volume de la substance grise, atrophie précoce des
zones frontale, associative et pariétale, et atrophie
plus tardive pour le lobe temporal et l’hippocampe.
Des études ont montré le lien entre le volume de la
substance grise frontale et la cognition. Parmi les
éléments étudiés en imagerie, on peut retenir le
volume de l’hippocampe, qui peut varier, d’une part,
d’un individu à l’autre et, d’autre part, avec le temps,
chez une même personne. Ainsi, l’activité physique
régulière peut s’accompagner d’une augmentation
du volume de l’hippocampe avec un impact sur le
déclin mnésique. Concernant les lésions vasculaires
de la substance blanche, des lésions sévères pour
la topographie périventriculaire peuvent expliquer
l’altération de certaines fonctions exécutives.
L’imagerie fonctionnelle (IRM, PET-scan) permet de
montrer une baisse de l’activité corticale rattachée
au vieillissement visuel et auditif.
Enfin, la présentation de Christian Corbé, ophtal-
mologiste et ancien directeur de l’Institution natio-
nale des Invalides (Paris), a montré l’importance de
concevoir des projets rééducatifs multidisciplinaires
du vieillissement impliquant à la fois les domaines
sensoriels et cognitifs.
Conférence de Frank Lin
(Baltimore, États-Unis)
Oto-rhino-laryngologiste spécialisé en otologie,
Frank Lin est aussi directement impliqué dans des
programmes gériatriques et épidémiologiques
centrés sur les liens entre surdité et cognition.
Ses publications font référence en la matière. Ses
principaux résultats, publiés en 2011 (Archives of
Neurology), ont montré, dans le cadre du suivi
d’une cohorte de plus de 600 adultes durant
plus de 10 ans, un lien certain entre la sévérité
des troubles cognitifs et l’importance de l’hypo-
acousie, en faisant abstraction des autres facteurs
(âge, niveau éducatif, tabagisme, HTA, etc.). Cela