Résumé
La technique du ganglion sentinelle, développée initialement dans la prise en charge des cancers péniens et des méla-
nomes puis dans celle des cancers du sein, s’étend maintenant à d’autres localisations tumorales. Son prélèvement,
par une technique peu invasive, et son analyse histologique ciblée pourraient permettre une amélioration de la stadi-
fication, tout en réduisant la morbidité liée au curage ganglionnaire. Pour les cancers colorectaux non métastatiques,
l’importance de la notion d’envahissement ganglionnaire dans la décision d’instaurer une chimiothérapie adjuvante
pourrait justifier l’utilisation de cette technique afin de mettre en évidence, grâce à un examen plus ciblé, d’éventuelles
micrométastases ayant échappé aux méthodes usuelles. Cette revue de la littérature propose de détailler les modalités
de prélèvement du ganglion sentinelle dans la chirurgie des cancers colorectaux et de présenter les premiers résultats
de faisabilité de cette technique. Les données actuelles permettent maintenant de définir les techniques les plus appro-
priées en vue de l’analyse des ganglions sentinelles, tant sur le plan des modalités de prélèvement chirurgical que sur
celui de l’analyse histologique moléculaire, mais l’impact potentiel de cette approche sur la stratégie de traitement
adjuvant reste à définir.
Mots-clés
Cancer colorectal
Ganglion sentinelle
Micrométastases
Highlights
Sentinel lymph node biopsy
was initially developed in
penile cancer and melanoma
then in breast cancer and
is now considered for other
cancer types. The sentinel
lymph node detection and the
targeted pathological exami-
nation could improve cancer
stadification and decrease
the morbidity of lymph node
dissection. For nonmetastatic
colorectal cancers, the impor-
tance of nodal involvement
on the decision of adjuvant
chemotherapy could justify this
procedure. Sentinel lymph node
detection allows more precise
pathological examination and
could reveal micrometastases
which are not detected with
usual techniques. This review
of the literature details the
methods of sentinel lymph
node biopsy in colorectal cancer
surgery and presents the feasi-
bility results of this technique.
Current data allow defining the
most accurate techniques for
sentinel lymph node analysis
in colorectal cancer, conside-
ring surgical methods as well
as pathological analysis, but
the potential impact of this
approach on adjuvant treat-
ments remains to be defined.
Keywords
Colorectal cancer
Sentinel lymph node
Micrometastasis
Techniques de prélèvement
du ganglion sentinelle
Techniques chirurgicales
Détermination peropératoire ◆
A.B. Bilchik et al. ont décrit la méthode permettant
le prélèvement des ganglions sentinelles pendant
l’intervention chirurgicale. Après vérification de la
résécabilité de la tumeur au cours de l’exploration
abdominale, le segment colique considéré est immo-
bilisé. À l’aide d’une seringue à tuberculine, 1 ml de
bleu d’isosulfan est injecté en sous-séreux au niveau
des quatre quadrants à la périphérie de la tumeur.
Depuis le site d’injection, en parcourant les vais-
seaux lymphatiques, le colorant atteint le ganglion
sentinelle en 30 à 60 secondes. Il peut être néces-
saire de réaliser une dissection fine du mésocôlon
pour repérer les trajets lymphatiques aboutissant
aux ganglions sentinelles. La colectomie est alors
réalisée par chirurgie conventionnelle ou sous lapa-
roscopie, tous les ganglions repérés auparavant par
un fil étant emportés. On retrouve habituellement
1 à 4 ganglions sentinelles (12).
Détermination après résection, sur la pièce ◆
isolée
Le prélèvement des ganglions ex vivo (colorant injecté
et repérage effectué après la résection de la pièce de
colectomie) peut être fait d’emblée ou après échec
de l’identification du ou des ganglions sentinelles
en peropératoire. Cette technique présente l’avan-
tage d’injecter directement le colorant sous contrôle
visuel, et évite ainsi certains échecs en rapport avec
des injections intraluminales. Aussi, contrairement
à la détermination peropératoire, la durée de la
procédure chirurgicale n’est pas augmentée par le
prélèvement ex vivo des ganglions sentinelles, ce qui
pourrait permettre d’éviter une morbidité potentielle
et une élévation du coût. Cependant, l’inconvénient
majeur de cette technique est qu’elle ne permet pas
de détecter un éventuel drainage lymphatique aber-
rant situé en dehors de la pièce de résection. Après
ouverture de la pièce opératoire, 0,5 à 2 ml de bleu
d’isosulfan sont injectés en sous-séreux ou en sous-
muqueux à la périphérie de la tumeur. Le colorant
est visualisé à travers les vaisseaux lymphatiques
jusqu’à identification des ganglions sentinelles avant
que soit réalisée la fixation du spécimen chirurgical
(13, 14).
Apport de la coloscopie ◆
Une procédure alternative d’identification et de
prélèvement du ganglion sentinelle a été décrite
pour un repérage lors d’une coloscopie dans une
approche de résection laparoscopique des cancers
colorectaux. À l’aide d’un coloscope, 0,5 à 1 ml de
bleu d’isosulfan sont injectés dans la sous-muqueuse
péritumorale. La coloration bleue du site d’injec-
tion et des trajets lymphatiques efférents jusqu’au
premier relais ganglionnaire peut tout à fait être
visualisée avec le laparoscope. Chaque ganglion est
alors repéré à l’aide de fils ou de clips. La résec-
tion anastomose est effectuée, emportant tous les
ganglions bleus marqués. Cette technique est parfai-
tement réalisable en pratique et n’ajoute en moyenne
que 15 à 20 minutes à la résection colo rectale lapa-
roscopique (11). Une technique alternative a été
développée, fondée sur un tatouage préopératoire
de la tumeur par coloscopie permettant son repé-
rage lors de la laparoscopie. L’injection de bleu se
fait alors par voie percutanée, avec une aiguille de
rachianesthésie, sous contrôle vidéo (11).
Colorant ou lymphoscintigraphie ?
La plupart des études ont été menées en utilisant
exclusivement le colorant bleu d’isosulfan. Cepen-
dant, certains patients pouvant avoir un drainage
lymphatique difficilement détectable, certains
auteurs ont utilisé également un radiotraceur
afin d’améliorer les taux d’identification (15). En
pratique clinique, dans la chirurgie des cancers
colorectaux, l’utilisation d’un colloïde radioactif
poserait des problèmes. Les contraintes de radio-
protection rendent les injections péritumorales
difficiles (coloscopie préopératoire à réaliser en
service de médecine nucléaire), alors que le bleu
d’isosulfan est peu coûteux, facile à employer et
aisément repérable en peropératoire, car il circule
dans les vaisseaux lymphatiques mésentériques. La
tendance actuelle est donc à l’utilisation exclusive
du bleu (10).