giorgio vasari et ses vite. l’édition florence, giunti, 1568 Biographie io org : Gi Fig. 1 Giorgio Vasari occupe une place fondamentale quand on parle de la Renaissance italienne, et en particulier de celle de la Toscane et de la ville de Florence. Né dans la ville d’Arezzo en 1511, il put entamer des liens avec la famille des Médicis déjà à partir de 1524, alors qu’il rentra dans la familia du cardinal Silvio Passerini, étroitement lié aux Médicis. Au moment de sa formation culturelle à Florence, il entra en contact avec les artistes les plus importants de son époque, tels que Michel-Ange, Andrea del Sarto, Pontormo, Rosso Fiorentino. Va sar o ut i, A po rtr ai t, Fl re o nc e, M us ée de sO ffic es, 1 566-1568 environ. En raison des bousculements politiques de la ville, Vasari dut souvent quitter Florence et accomplir un certain nombre de voyages dans toute l’Italie : d’abord à Rome (1531), puis, suite à l’assassinat de son nouveau protecteur, le duc Alessandre de Médicis (†1537), à Bologne, à Venise, à Naples et à Rome. à l’occasion de ces voyages, il put aussi élargir ses connaissances artistiques : à partir des rencontres avec les artistes d’autres écoles, Vasari – qui avait commencé aussi une carrière de peintre – adoptera une déclinaison très personnelle du langage de la maniera. Ces « années d’apprentissage » lui permettent de bâtir des liens avec des mécènes et avec des intellectuels de renom. Ce qui lui vaut aussi une certaine renommée dans la ville de Florence : son retour vers 1550 coïncide avec le début d’un lien officiel avec Côme I er de Medicis. En effet, le seigneur de Florence trouva dans Vasari un factotum capable de l’aider dans la création d’un véritable mythe de Florence et de l’état de la Toscane. Grâce à une remarquable rapidité d’idéation et d’exécution de ses projets, et grâce à l’aide de sa bottega, l’artiste fut employé pour des tâches assez différentes : architecte – entre 1560 et 1564 il fut capable de terminer la construction du palais des Offices de Florence, siège du pouvoir administratif du duc –, ingénieur, urbaniste, décorateur, scénographe. à sa mort en 1574, grâce aussi à ses travaux, l’état de la Toscane a complètement changé de visage. L’édition Giunti des Vite Fig. 2 : Page de titre de la première édition des Vite de Giorgio Vasari, Torrentino, Florence, 1550. Le rôle de Vasari dans la création de l’état de Côme I er passe aussi à travers ses Vite de’ più eccellenti architetti, pittori et scultori italiani, un recueil de biographies d’artistes publié pour la première fois à Florence en 1550, auprès de Lorenzo Torrentino [Fig. 2]. Dans l’effort de créer une histoire de l’art en Italie du moyen-âge à la moitié du XVIe siècle, Vasari nous donne des renseignements précieux sur la biographie des artistes italiens, de Giotto à Michel-Ange. Dans la lecture de Vasari, la Toscane acquiert un poids fondamental, en devenant ainsi le véritable centre de l’art italien. Une dizaine d’années après la publication de la première édition, Vasari commença une révision de son œuvre. Grâce à l’aide de Vincenzio Borghini, prieur de l’hôpital des Innocents de Florence, il ajouta de nouvelles biographies à celles déjà présentes dans l’édition Torrentino. Ce long processus de relecture, de correction et d’addition au texte déjà imprimé aboutira dans les trois tomes de l’édition de 1568 des Vite, publiée par l’imprimeur florentin Jacopo Giunti [Fig. 3]. Fig. 3 : Page de titre de la deuxième édition des Vite de Giorgio Vasari, Florence, Giunti, 1568, t. I. Fig. 4 : Dédicace de Giorgio Vasari à Côme I er dans ses Vite, Florence, Giunti, 1568, t. I., f. A2r. Dédiée au duc Côme [Fig. 4], l’édition présente un certain nombre de différences par rapport à la précédente. Elle est richement illustrée avec des gravures en bois, que l’on attribue parfois au graveur allemand Cristoforo Coriolano, parfois à un autre graveur, Cristoforo Chrieger. Des images allégoriques, créées avec l’aide de Borghini, [Fig. 5] côtoient les portraits des artistes dont Vasari parle dans son œuvre : si dans quelques cas les traits des effigiés ont été inventés, très souvent Vasari chercha à suivre la tradition iconographique liée aux portraits des artistes. Cela arrive presque naturellement avec les portraits d’artistes tels que MichelAnge [Fig. 6], que Vasari avait bien connu et avec lequel il était en relation épistolaire. à la fin de la dernière partie de son ouvrage, en témoignage de son activité d’artiste, Vasari inséra aussi son autobiographie, introduite par un portrait gravé [Fig. 7]. écrire et réécrire les Vite Outre la qualité des gravures, l’édition giuntina des Vite de Vasari est connue aussi pour quelques autres questions. Vasari et son collaborateur Vincenzio Borghini travaillaient à des vitesses différentes, et le rapport avec l’imprimerie de Jacopo Giunti ne fut pas facile : si les premières pages de l’édition furent imprimées déjà à partir de 1564, l’éditeur florentin dut solliciter l’auteur à maintes reprises afin d’avoir les parties manquantes. L’impression s’acheva seulement quatre années plus tard. En comparant les exemplaires de l’édition de 1568, les chercheurs ont pu constater l’existence de plusieurs variantes bibliographiques qui concernent l’apparat iconographique mais aussi le texte. En effet, Vasari lui-même dut changer souvent d’avis pendant la préparation du Fig. 5 : Portrait de Michel-Ange au début de sa vie dans les texte de ses Vite dans l’imprimerie des Giunti, Vite de Giorgio Vasari, Giunti, Florence, 1568, t. III, p. 717. en demandant de modifier la mise en page de l’édition, ou de corriger les pages déjà imprimées. Ces pratiques introduites pendant l’impression des Vite étaient sans doute à l’ordre du jour, mais elles n’étaient point appréciées par l’imprimeur puisque, dans une lettre de 1567 à Borghini, Jacopo Giunti s’exclamait : « mon imprimerie en souffre, et nous seuls en subissons les dommages ! » (la mia stamperia patisce, et noi soli ne habbiamo il danno !). L’exemplaire de la Bibliothèque universitaire de Caen, qui faisait partie de la collection de Nelly Corbeau, est un témoin intéressant de ces changements imposés par l’auteur pendant l’impression des Vite, déjà à partir du « seuil » de l’ouvrage. La page de titre du premier volume [Fig. 3] présente en effet le premier état du fascicule ; dans le deuxième état, plus rare, une gravure allégorique est insérée au centre de la page. par Carlo Alberto Girotto Fig. 6 : Gravure allégorique de la Renommée, accompagnée de la devise « HAC SOSPITE NVNQVAM │ HOS PERIISSE VIROS, VICTOS │ AVT MORTE FATEBOR » dans les Vite de Giorgio Vasari, Giunti, Florence, 1568, t. III, f. HHHhhh2v.