Le 15e jour du mois, mensuel de l'Université de Liège
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Le 15e jour : De qui s'agit-il ? Et pourquoi focaliser votre attention sur ces deux personnages ?
D.A. : Le Liégeois Lambert Lombard (1505/1506-1566) est l'une des figures les plus célèbres de la
Renaissance au nord des Alpes. Peintre, savant et architecte, il travailla au service des princes-évêques de
Liège. L'un d'eux, Érard de La Marck, lui offrit l'opportunité d'effectuer un voyage d'étude en Italie. Lombard
acquit ainsi une connaissance solide de l'art italien. Mais à vrai dire, cette connaissance, il la devait aussi
au peintre, architecte et théoricien toscan Giorgio Vasari (1511-1574) dont il avait attentivement lu Les Vies
des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes italiens. Cet ouvrage de Vasari, largement diffusé dès sa
première édition en 1550, est très important, car il a jeté les bases de l'histoire de l'art. Il est en quelque
sorte l'acte de naissance de cette discipline et l'une de ses manifestations les plus remarquables. En 1565,
Lombard écrivit à Vasari une longue lettre où il exposait sa propre conception de l'art, la soumettant ainsi à
quelqu'un qui faisait autorité en la matière. Il n'était pas seul, à Liège, à correspondre avec l'historiographe
toscan. Son ami Dominique Lampson (1532-1599), secrétaire du palais, personnage extrêmement cultivé
et grand amateur d'art, échangeait aussi des courriers avec Vasari. C'est sur le modèle des Vies de Vasari
que Lampson rédigea d'ailleurs, en cette même année 1565, la biographie de Lambert Lombard. Un peu
plus tard, en 1572, il composa des poèmes pour un recueil d'effigies des artistes de son pays. Ces écrits lui
valent d'être reconnu comme un précurseur dans le domaine de la littérature artistique au nord des Alpes ;
il fut en quelque sorte le "Vasari du Nord". Lettres et écrits sur l'art : autant de documents qui révèlent
l'importance des échanges artistiques entre Florence et Liège à la Renaissance.
Le 15e jour : Comment seront évoqués ces échanges d'idées relatives à l'histoire de l'art et les lieux de
travail des praticiens de cette époque ?
D.A. : Notre but est de rendre concret l'objet de nos recherches. Un fac-similé de la lettre de Lombard à
Vasari sera disponible, avec toutes les informations permettant d'en comprendre le sens et la portée. Les
visiteurs pourront examiner ce document, mais aussi s'exercer à manier la plume d'oiseau pour rédiger,
plier et cacheter une lettre comme on le faisait au XVIe siècle. Par ailleurs, autour de nous, des posters de
grand format restitueront l'environnement professionnel d'un peintre à l'époque. On pourra manipuler divers
matériaux et substances (pigments, liants, etc.) en usage au XVIe siècle, avec les outils qui servaient à les
préparer, à les purifier et à les mettre en œuvre. Une tablette sera à la disposition de ceux qui désirent en
savoir plus sur les recettes de pigments. Sylvie Neven, spécialiste de la question, a développé la base de
données Colour ConText, fondée sur un repérage minutieux des sources écrites relatives aux matériaux
utilisés par les artistes. Cette base de données pourra être consultée par les visiteurs.
Le 15e jour : La dimension artisanale de la création artistique restait essentielle dans les ateliers de la
Renaissance. Le statut des artistes n'a-t-il pourtant pas évolué durant cette période ?
D.A. : Si, considérablement. À partir de la Renaissance, les artistes ne se sont plus contentés d'un statut
d'artisans ; ils ont également voulu mettre en avant la dimension intellectuelle de leur activité et apparaître
comme des notables dans la société de leur temps. Ils étaient avides de reconnaissance sociale. La
redécouverte des écrits de l'Antiquité, et en particulier des informations livrées par Pline l'Ancien dans
l'Histoire naturelle, les y encourageait. Ils apprirent ainsi que certains artistes du passé avaient bénéficié
d'un prestige inouï. Pline explique par exemple qu'Apelle, le peintre d'Alexandre le Grand, fut comblé
d'honneurs. Bien qu'aucune de ses œuvres ne nous soit parvenue, il était tenu pour le plus grand peintre
de la Grèce antique et exerça une véritable fascination sur les milieux savants de la Renaissance. Au XVIe