Situation mathématique « les nombres trapézoïdaux »
Problème
Trouver tous les nombres entiers qui sont la somme d’au moins deux nombres entiers naturels
consécutifs.
1. Analyse mathématique du problème
La situation mathématique consiste à étudier quels sont les nombres qui sont sommes d’entiers
consécutifs.
Eclairage historique :
Elle fait partie des thèmes de recherche du grand mathématicien allemand Carl Fiedrich Gauss (1777 –
1855). Ce génie des mathématiques fut un enfant prodige (ce qui n’est pas le cas de tous les grands
mathématiciens !).
Lui-même prétendait avoir su compter avant d’avoir su parler. L’anecdote qui illustre sa précocité est la
suivante :
A l’âge de 10 ans, son maître pose le problème suivant : « quelle est la somme 1+2+3+…+100 de tous
les nombres entiers de 1 à 100 ?»
Le premier garçon ayant trouvé la solution devait poser son ardoise sur le bureau du maître. A peine
celui-ci avait-il fini d’exposer le problème, le jeune Gauss posa son ardoise sur le bureau. Pendant toute
l’heure qui suivit, les autres élèves peinaient sur cette immense addition, Gauss se tenait les bras croisés,
le maître le regardant avec scepticisme. Au bout d’une heure, le maître regarda l’ardoise de Gauss, qui
contenait le résultat exact.
Il fut si impressionné qu’il offrit un livre d’arithmétique à Gauss.
A 19 ans, il avait déjà démontré un théorème fondamental en théorie des nombres.
Ses travaux portèrent non seulement sur l’arithmétique, mais aussi sur la géométrie (construction des
polygones réguliers à la règle et au compas), sur les nombres complexes et l’analyse complexe. Il
s’intéressa aussi à la résolution de problèmes pratiques en astronomie, en magnétisme, en télégraphie. Il
travailla aussi sur les géométries non euclidiennes.
Ses travaux inspirent encore de nombreuses recherches contemporaines, ce qui prouve leur importance,
et la fertilité de ses idées.
Une dernière anecdote : le 10 juillet 1796, il nota dans son journal la phrase suivante :
Euréka ! num =
+
+
Elle signifie « tout entier positif est somme de trois entiers triangulaires ».
Un entier triangulaire est un entier de la forme 1 + 2 + ... + n , soit n(n+1)/2.
Un nombre trapézoïdal est donc la différence de deux nombres triangulaires.
Des méthodes de résolution
Nous rédigeons les méthodes de la plus élémentaire à la plus experte. Certaines ne donnent qu’une
solution partielle au problème posé. Pour chacune nous présentons les savoirs mathématiques utilisés,
ainsi que les compétences transversales mises en œuvre.
méthodes savoirs
mathématiques utilisés
compétences
transversales
mises en œuvre
Expérimentation numérique
:
En essayant des sommes de deux, ou trois ou quatre entiers consécutifs,
on arrive assez vite à la conjecture que tous les entiers peuvent être
décomposés en somme d'entiers consécutifs, sauf les puissances de 2
(différentes de 1).
Remarque : cette méthode est très féconde pour trouver la
conjecture, mais il reste à la démontrer !
On peut faire des essais inorganisés, et parvenir à la conjecture de façon
assez difficile.
On peut par contre mener une recherche très organisée. On se prête à une
Calcul de sommes
d’entiers, calcul mental et
réfléchi.
Ou bien utilisation de la
calculatrice,
éventuellement pour
vérifier des calculs faits
mentalement.
-
expérimenter sur des
valeurs numériques à
la main, à la
calculatrice
-
conjecturer
-
rédiger une
conjecture
expérimentation numérique avec des sommes de deux entiers (0+1=1;
1+2=3; 2+3=5; …), de trois entiers (0+1+2=3; 1+2+3=6; 2+3+4=9; …)
puis de quatre entiers consécutifs (0+1+2+3=6; 1+2+3+4=10;
2+3+4+5=14; …), etc. On remarque qu'en considérant une somme de
deux entiers consécutifs, on trouve tous les entiers solutions en allant de
deux en deux à partir du premier entier trouvé, c'est-à-dire 1. De même si
on considère une somme de trois (respectivement quatre) entiers
consécutifs, on trouve tous les entiers solutions en allant de trois en trois
(respectivement quatre en quatre) à partir de 3 (respectivement 6). Ceci
permet de trouver, de proche en proche, toutes les solutions et, à l'aide
d'un crible, d'arriver à la conjecture que seuls 0 et les puissances de 2
différentes de 1 ne conviennent pas:
organiser des calculs
et présenter les
résultats sous forme
de tableau
Résolution algébrique « à la recherche d’une formule explicite pour
les entiers cherchés »:
on appelle n le plus petit de ces nombres entiers. On réduit l’expression
de la somme de deux entiers consécutifs, de trois entiers consécutifs, de
4, ….
Ceci donne lieu à la résolution de sous problèmes intéressants :
« tous les entiers impairs conviennent ».
La démonstration utilise le calcul algébrique :
Soit n un nombre entier naturel.
n+ (n+1) = 2n +1, ce qui démontre que tout entier impair est la somme de
deux entiers consécutifs.
« Peut-on trouver une méthode par récurrence pour décrire les entiers
cherchés ? »
n+ (n+1) = 2n +1 « les impairs »
n+ (n+1) +(n+2) = 3n +3 « les multiples de 3 »
n+ (n+1) +(n+2)+(n+3) = 4n +6
n+ (n+1) +(n+2)+(n+3)+(n+4)= 5n +10
…..
On trouve alors expérimentalement une façon de déterminer les
coefficients « rouges » et les coefficients « bleus » : les rouges
augmentent de 1 à chaque ligne ; les bleus sont égaux à la somme des
deux coefficients (le rouge+ le bleu) de la ligne précédente. Ceci permet,
en y mettant le prix, de trouver tous les entiers solutions….
En raisonnant de manière plus astucieuse dans le cas de sommes
"impaires" d'entiers consécutifs, on démontre que tous les multiples d'un
nombre impair conviennent. En effet:
Si au lieu d'écrire n + (n+1) + (n+2), on pose N = n+1, la somme de trois
entiers consécutifs s'écrit (N-1) + N + (N+1) ce qui est égal à 3N. Les
- utilisation de la lettre
pour désigner un nombre
- calcul algébrique
- nombres entiers naturels
- entiers pairs, impairs
(caractérisation
« algébrique »)
- calcul algébrique
- arithmétique : divisibilité
(par 2, ici)
- nombres entiers naturels
- entiers pairs, impairs
(caractérisation
« algébrique »)
- calcul algébrique
- dégager des sous
problèmes, que l’on
s’attache à démontrer
- se poser le problème
de la démonstration,
de la preuve
- observer des
invariants et/ou des
relations de
récurrence
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
20 21 22 23 24 25 26 27 28 29
30 31 32 33 34 35 36 37 38 39
40 41 42 43 44 45 46 47 48 49
50 51 52 53 54 55 56 57 58 59
60 61 62 63 64 65 66 67 68 69
70 71 72 73 74 75 76 77 78 79
multiples de 3 s'écrivent donc comme la somme de trois entiers
consécutifs.
Exemple: 27 = 3 x 9 = (9-1) + 9 + (9+1) = 8 + 9 + 10
De la même façon, si au lieu d'écrire n + (n+1) + (n+2) + (n+3) + (n+4),
on pose N = n+2, la somme de cinq entiers consécutifs devient (N-2) +
(N-1) + N + (N+1) + (N+2) ce qui est égal à 5N. Les multiples de 5
s'écrivent donc comme la somme de cinq entiers consécutifs.
Exemple:
35 = 5 x 7 = (7-2) + (7-1) + 7 + (7+1) + (7+2) = 5 + 6 + 7 + 8 + 9
Recherche d’une preuve de la conjecture en utilisant des exemples
que l’on va « faire parler »
12 = 3+4+5
12 = 4+4+4
40 = 8+8+8+8+8 (5 fois 8)
40 = 6+7+8+9+10
Si l’on essaye de généraliser cette idée issue de l’expérimentation sur des
exemples, on obtient
:
Si un nombre N s’écrit (2k+1)n, avec k et n entiers naturels, alor
s :
N = (2k+1)n
N =n+ n+…+n+…+n+n
(2k+1) termes égaux à n
N = (n
-k)+(n-k+1)+…(n-1)+n+(n+1)+…+(n+k –1)+(n+k)
Les termes se regroupent deux à deux, avec pour somme 2n
:
(n
-k)+(n+k) = 2n
(n
-k+1)+(n+k –1)= 2n , etc.
On obtient donc k fois 2n, auquel i
l faut ajouter n, le terme central, donc
on retrouve bien N = (2k+1)n
La condition pour que les termes de la somme soient tous entiers naturels
est
: n k.
Il semble donc, à cette étape, que cette démonstration ne marche pas dans
tous les cas, par exempl
e :
10 = 5
× 2 = 0+1+2+3+4 correct, car ici n k
14 = 7
× 2 = –1+0+1+2+3+4+5 ne convient pas car il y a un nombre
entier négatif
! ici n < k
Ce qui est très fort, c’est que de la dernière égalité on peut tirer une autre
égalité qui va conveni
r à notre problème , à savoir, comme –1+0+1 = 0,
on obtient
: 14 = 2+3+4+5.
Mais là, il n’est pas facile de rédiger une démonstration «
générale ». On
comprend pourtant aisément que ce calcul va pouvoir être possible dans
tous les cas où n < k.
On peu
t parler d’un exemple générique, qui à lui seul convainc.
- nombres entiers naturels
- calcul algébrique
- distinguer
conjecture et
propriété démontrée
- se poser le problème
de la démonstration,
de la preuve
- revenir à des
exemples pour en
déduire une preuve
(des exemples
« génériques », qui ne
donnent pas une
démonstration)
- expérimenter sur
des valeurs
numériques à la main,
à la calculatrice, au
tableur
- observer des
invariants
- critiquer une
démonstration, en
percevoir les limites ;
- analyser les
conditions de validité
d’un calcul
Démonstration de la conjecture :
Elle utilise le résultat suivant
:
Si n est un entier naturel, 1+2+3+…+n = . On peut noter S
n
cette somme.
(Cette démonstration permet de revoir ou d’introduire ce
résultat, comme
outil de résolution de problème)
N étant un entier naturel, on cherche s’il existe deux entiers naturels a et p
tels que
N = a+(a+1) +(a+2)+…+(a+n
-1)
N = S
a+n-1
– S
a-1
N =
(a+n1)(a+n)
2
(a1) a
2
Soit: 2N = (a+n)
2
–a –n –a
2
+a
2N = n (2a +n
–1) ou N =
n(2a+n1)
2
On peut alors raisonner sur la parité de l’entier n.
Si n est pair
: 2a+n-1 est impair
Si n est impair
: 2a+n-1 est pair
- nombres entiers naturels
- entiers pairs, impairs
(caractérisation
« algébrique »)
- calcul algébrique
- somme des n premiers
entiers naturels ( ou suite
arithmétique) et à ce
propos, anecdote sur
Gauss…
- fonction de deux
variables et tableau de
valeurs de cette fonction
sur un tableur
- raisonnement par
analyse-synthèse :
partie « analyse »
- raisonnement « par
Par conséquent, des deux entiers n et 2a+n-1, l’un est pair et
l’autre impair
: leur produit étant égal à 2N, cela entraîne que N possède
un facteur premier impair
: N n’est pas une puissance de 2.
Autre raisonnement, par l’absurde : si N = 2
m
alors on cherche a
et n tels que 2
m+1
= n (2a +n –1), ceci est impossible car l’un des deux
facteurs du second membre est impair.
Il reste encore à démontrer que tout nombre N qui n’est pas une
puissance de 2 peut s’écrire comme somme d’entiers consécutifs.
2N est donc le produit d’un nombre impair i par un nombre pair p.
2N = i × p et 2N = n (2a + n –1)
si i < p alors il suffit de poser n = i et p = 2a+n –1 , soit a
=
pn+1
2
si i > p alors il suffit de poser n = p et i = 2a+n –1, soit a =
in+1
2
La conjecture est ainsi complètement démontrée, et cette démonstration
donne un procédé pratique pour déterminer a et n entiers naturels tels que
N = a+(a+1) +(a+2)+…+(a+n-1).
Exemple : N = 168
2 ×168 = 21 × 16. Or 21>16 donc on aura :
n =16 et a =
in+1
2
=
2116+1
2
=3.
168 = 3 + 4 + 5+…+ 18
Par la méthode numérique donnée sur des exemples génériques,
on obtient :
168 = 21 × 8 = 8+8+8+…….+8
168 = (8-10) +(8-9) +( 8-8)+(8-7)+….+(8+7)+(8+8)+(8+9)+(8+10).
168 = –2 –1 +0+1+2+3+……+15+16+17+18
168 = 3 + 4+…….+ 18
On peut aussi remarquer que 168 est un multiple de 3, et 168 = 3
×
56, donc 168 = 55 + 56 + 57
En utilisant la méthode « par récurrence » : 168 est multiple de
7 ; or la somme a+a+1+a+2+….+a+6 = 7a + 21
7a+21 = 168 équivaut à a = 21, ce qui donne : 168 =
21+22+23+24+25+26+27.
Remarque :
La décomposition en somme d’entiers consécutifs n’est pas unique. Il
semble que des méthodes différentes donnent des résultats différents,
sauf la méthode « exemples génériques » et la démonstration par le pair
et l’impair, qui donnent la même décomposition en somme d’entiers
consécutifs.
- utiliser le tableur
(adresses absolues et
relatives)
- arithmétique : divisibilité
(par 2, ici)
le pair, et l’impair » :
raisonnement par
exhaustion
- raisonnement par
l’absurde
- raisonnement par
analyse-synthèse :
partie « synthèse »
Expérimentation sur tableur, visant à obtenir toutes les
décompositions pour un nombre entier donné (qui n’est pas une
puissance de 2)
On peut aussi envisager, dès lors que l’on dispose de la formule
N=
n(2a+n1)
2
envisager de construire une feuille de calcul sur
tableur, pour y faire figurer les nombres entiers solutions, en fonction
des entiers a (premier terme) et n (nombre de termes).
- utiliser le tableur
(adresses absolues et
relatives)
- penser à utiliser un
tableur pour
construire le
tableau de valeurs
d’une fonction de
deux variables
entières
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