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Traitement des co-infections virales B-C, B-D, B-VIH
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X. Causse, J.P. Lagasse*
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■ Le meilleur traitement des co-infections B-C, B-D, B-VIH
est leur prévention par la vaccination anti-VHB et la limitation des comportements à risque parentéral ou sexuel.
■ Le traitement de ces co-infections n’a pas fait l'objet de
consensus et demeure l’objet de recherche.
■ En cas de co-infection B-C, le traitement repose sur l’interféron dont la posologie et le mode d’administration sont
adaptés à l’infection qui s’exprime de manière prédominante.
■ Les hépatites chroniques B-D sont de plus en plus rarement
observées. Leur traitement, décevant, repose sur de fortes
doses d’interféron.
■ La lamivudine suscite des espoirs dans les co-infections BVIH, bien que les mutations virales B observées justifient une
certaine prudence.
L
Les virus B, D, VIH ont des voies de contamin ation communes, p a re n t é rale ou sex u e l l e. Le
virus C a une contamination surtout parentérale.
L’augmentation de la couverture vaccinale vis-à-vis du VHB
devrait limiter ces situations à l’avenir, mais il n’est actuellement pas exceptionnel qu’un sujet se co-infecte d’emblée avec
deux ou trois de ces virus ou, porteur chronique du VHB ou du
VIH, se surinfecte par le VHD, le VHB ou le VIH. Si la coïnfection B et D est de plus en plus rare, la co-infection B-VIH va
poser des problèmes thérapeutiques croissants avec les progrès
en matière de traitement de l’infection à VIH. Le traitement des
co-infections virales B-C, B-D, B-VIH n’a, à l’heure actuelle,
fait l’objet d’aucun consensus et reste l’objet de recherches,
d’autant plus que de nouveaux antiviraux oraux font la preuve
de leur intérêt pour le traitement des infections à VHB (1).
* Service d'hépato-gastroentérologie, CHRO La Source, Orléans.
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TRAITEMENT DES HÉPATITES CHRONIQUES DES
PATIENTS COÏNFECTÉS PAR LE VHB ET LE VHC
Chez le sujet immunocompétent, la plupart des auteurs attribuent à la co-infection virale B-C une gravité majorée, tant biologique qu’histologique, en comparaison de l’infection par un
de ces deux virus isolé, en particulier pour le risque évolutif de
c i rrhose et d’hépat o c a rc i n o m e. Les auteurs dive rgent, en
revanche, quant à savoir s’il y a inhibition réciproque de la réplication des deux virus ou si la réplication du VHC est principalement inhibée par celle du VHB (2). Chez les transplantés
hépatiques, l’évolution des co-infections B-C semble moins
sévère que celle des hépatites B chroniques actives (3).
La co-infection inapparente par le VHB, avec des anti-HBc isolés, est un motif de non réponse à l’interféron (IFN) ou de
rechute après arrêt du traitement des hépatites chroniques
virales C (4). Même si quelques réponses avec séroconversion
anti-HBs ont été décrites, la posologie de 3 MU à raison de 3
fois par semaine d’IFN durant 6 mois apparaît le plus souvent
insuffisante en cas de co-infection B-C. La stratégie thérapeutique reste à définir : peut-être en adaptant le traitement à l’infection prédominante (5 MU/m2 d’IFN 3 fois par semaine pendant 6 à 12 mois si l’ADN-VHB sérique est positif, 3 MU d’IFN
3 fois par semaine pendant 12 mois si l’ARN-VHC est seul
positif) ou avec une posologie quotidienne d’IFN, ou avec une
association d’antiviraux. Des essais thérapeutiques restent à réaliser.
TRAITEMENT DES HÉPATITES CHRONIQUES B-DELTA
Lors des co-infections B-D, les formes fulminantes sont beaucoup plus fréquentes que lors des infections aiguës à VHB seul.
Lors des surinfections de porteurs chroniques du VHB par le
VHD, le passage à la chronicité est quasiment constant. Il se
produit alors une coopération virale, le VHB favorisant la réplication du VHD. Il en résulte une beaucoup plus grande sévérité
clinique et histologique avec évolution vers la cirrhose, et la
défaillance hépato-cellulaire est beaucoup plus rapide qu’en cas
d’infection par le VHB seul (5). La survenue de carcinome
hépatocellulaire est possible.
Une étude multicentrique italienne a permis d’obtenir une amélioration biologique (normalisation ou diminution de plus de
50 % des ALAT) chez 42 % des patients traités par 5 MU/m2
d’IFN 3 fois par semaine, et une amélioration histologique dans
57 % des cas. Ce résultat était éphémère, suivi d’une rechute
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998
quasi constante dans les 10 mois suivant l’arrêt du traitement.
Un an après, seuls 3 % des patients traités conservaient des
ALAT normales (6). La méta-analyse des essais publiés montre
que la mise en rémission de l’hépatopathie est plus fréquente
avec 5 MU d’IFN quotidiens ou 9 MU 3 fois par semaine,
durant un an (7). La normalisation de l’ALAT est insuffisante
pour prédire une réponse durable, la plupart des équipes évaluent l’efficacité sur la réplication delta par la recherche de la
négativation de l’ARN VHD. Certains cherchent également à
obtenir l’indétectabilité du VHB par la technique bDNA. La
lamivudine n’a été évaluée que de façon anecdotique dans cette
situation clinique.
En cas de triple infection B-D-VIH, la réplication du VHD est
exaltée, la réplication du VHB est également augmentée, son
inhibition par le VHD chutant parallèlement à l’immunosuppression attestée par le taux des CD4 ; la sévérité est encore
accentuée : les lésions histologiques sont plus rapidement évolutives, la mortalité de ces infections triples est accentuée, des
formes fulminantes ou sub-fulminantes ont été décrites lors de
réactivations virales.
L’interféron a permis d’interrompre une évolution fulminante
dans quelques cas de réactivation et peut être proposé dans cette
situation (8).
TRAITEMENT DES HÉPATITES CHRONIQUES B
CHEZ LES PATIENTS CO-INFECTÉS PAR LE VIH
Dix pour cent environ des patients infectés par le VIH sont porteurs chroniques de l’antigène HBs, mais un marqueur du VHB
est présent chez 60 à 80 % d’entre eux. L’immunodépression
induite par le VIH stimule la réplication du VHB et favorise le
portage chronique du VHB ; lorsque la virémie est élevée, l’activité biologique et histologique est habituellement faible (9).
L’immunodépression peut masquer l’infection par le VHB, le
titre des anticorps anti-HBc devenant indétectable. Même après
disparition de l’antigène HBs circulant, le VHB peut continuer
à se répliquer dans les cellules mononucléées. C’est ainsi que la
réapparition de l’antigène HBs et de l’ADN-VHB sérique peut
s’observer, quand les lymphocytes CD4 chutent au-dessous de
50/mm3, chez des patients chez lesquels ils avaient disparu. Ce
type de réactivation virale B peut s’accompagner d’un pic cytolytique sévère et d’une dégradation brutale des fonctions hépatocellulaires. Liée aux progrès thérapeutiques récents, l’augmentation de l’espérance de vie des patients infectés par le VIH
incite désormais à ne plus négliger les hépatites virales associées dont le traitement est compliqué par cette co-infection ;
d’autant plus que la restauration de l’immunité peut provoquer
un regain d’activité de l’hépatite à VHB et que des hépatites
cholestatiques fibrosantes conduisant à la constitution accélérée
d’une cirrhose ont été décrites.
L’analyse rétrospective des études publiées sur le traitement des
hépatites chroniques à VHB par la vidarabine a montré que la
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998
co-infection par le VIH et une virémie B élevée étaient associées à une mauvaise réponse au traitement. Il n’a donc pas été
conduit d’étude prospective sur l’efficacité de la vidarabine
chez les patients co-infectés par ces deux virus.
Avec l’interféron alpha recombinant, des annulations de réplication virale, des séroconversions anti-HBe et même anti-HBs
ont été observées chez des patients co-infectés par le VHB et le
VIH. L’ADN du VHB est toutefois toujours resté détectable par
PCR et la co-infection par le VIH réduit très significativement
le taux de réponse prolongée (annulation persistante de l’ADNVHB dans moins d’un tiers des cas malgré de fortes posologies
et sérovonversion anti-HBe exceptionnelle). Les meilleures
réponses ont été observées avec des posologies élevées (9MU,
3 fois par semaine) (10). L’interféron est le plus souvent bien
toléré sur les plans clinique et immu n o l ogi q u e, bien que
quelques cas de chute des CD4 aient été rapportés.
La zidovudine n’a pas d’impact sur la réplication du VHB. Le
foscarnet et le ganciclovir ont été utilisés, dans des cas isolés,
pour interrompre des réactivations virales B sévères. Leur utilisation par voie parentérale et leurs effets secondaires potentiels
en cas d’utilisation prolongée n’ont pas incité à la réalisation
d’études contrôlées.
La lamivudine, un inhibiteur des reverses transcriptases des VIH
1 et 2, s’est révélée très efficace pour inhiber l’activité transcriptase inverse de l’ADN-polymérase du VHB. Dans cette
situation de co-infection virale, elle a permis d’interrompre la
réplication du VHB après échec de l’interféron ou après réactivation B brutale liée à l’immunodépression et ce, presque
constamment. L’utilisation d’une posologie journalière de 300 à
600 mg permettrait un arrêt plus précoce de la réplication que la
posologie de 100 mg/j. La tolérance, au cours de traitements
d’un an, a été excellente. La disparition de l’ADN-VHB est toutefois isolée, avec séroconversion anti-HBe dans moins de 10 %
des cas, et le re bond à l’arrêt du traitement très fréquent.
Surtout, la lamivudine semble favoriser des mutations virales,
avec apparition de résistance à la molécule, et son utilisation ne
se justifie qu’en cas d’hépatite active (11, 12).
L’association ou la succession de la lamivudine et de l’interféron mériterait d’être testée.
Le famciclovir n’a, pour l’instant, pas été bien évalué dans cette
situation.
Par ailleurs, l’introduction d’un traitement antirétroviral chez un
patient immunodéprimé co-infecté par le VHB devrait s’accompagner d’une surveillance régulière des transaminases et de
l’ADN du VHB, parallèlement aux marqueurs immunitaires.
Enfin, chez des patients infectés par le VIH et non infectés par
le VHB, la vaccination anti-VHB est possible. La réponse sérologique vaccinale est corrélée avec le statut immunitaire, significativement moins bonne que chez l’immunocompétent. Des
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rappels vaccinaux plus fréquents peuvent être conseillés quand
le titre d’anti-HBs est particulièrement faible.
En pratique, actuellement :
1. Il est recommandé d’inclure ces patients dans des essais
contrôlés chaque fois que c’est possible.
2. En cas de co-infection B-C : si l’ADN-VHB est présent : IFN
alpha.
5 MU/m2 3 fois par semaine pendant 6 à 12 mois ; si l’ADNVHB est indétectable et l’ARN-VHC sérique positif : IFN alpha
3 MU 3 fois par semaine pendant 12 à 18 mois.
3. En cas de co-infection B-D : IFN alpha 9 à 10 MU 3 fois par
semaine ou 5 MU/j pendant 12 mois. En cas de persitance d’une
élévation de l’ALAT et d’un ARN du VHD détectable, il est raisonnable d’interrompre le traitement après 6 mois. En cas de
normalisation de l’ALAT, de négativation de l’ARN VHD, le
traitement durera 1 an.
4. En cas de co-infection B-VIH, si l’hépatite B est active :
lamivudine 300 mg/j pour une durée > 1 an.
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Mots-clés. Hépatite delta - HIV - Lamivudine - Hépatite C Interféron.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
1.
Zoulim F., Trepo C. Effets et risques des traitements antiviraux prolongés :
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2. Zarski J.P., Bohn B., Bastie A. et coll. Characteristics of patients with dual
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Pancréatites aiguës
Coordinateur : X. Hébuterne
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La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998
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