Collection 24 heures / Pôle : Cancérologie - Hématologie Dossier N°1 Vous recevez-en consultation un homme de 59 ans, adressé par son médecin traitant. Ce patient, juriste à la retraite est marié et a 2 enfants. Dans ses antécédents, on retrouve un tabagisme sevré depuis 3 ans, une hypercholestérolémie traitée par simvastatine, Zocor® 1cp/jour ainsi qu’une ostéosynthèse de l’avant pied droit il y a plus de 20 ans. Il vous remet le courrier qu’a rédigé son médecin traitant : « Cher confrère, merci de recevoir en consultation M. X, âgé de 59 ans. Le dosage sanguin du PSA total réalisé le mois dernier montre un taux élevé à 9,5 ng/ml. Le toucher rectal ne retrouve pas de masse palpable. Je pense qu’il faut réaliser des biopsies de prostate pour examen histologique. J’ai informé M. X que son taux de PSA pouvait être révélateur d’une tumeur et qu’il est nécessaire de poursuivre les investigations par des biopsies. Merci de ce que vous ferez pour lui. » Question N°1 L’attitude du médecin traitant est-elle justifiée ? Question N°2 Quels sont les éléments de votre examen clinique ? Question N°3 Votre examen clinique retrouve une prostate de 30 ml environ ainsi qu’une masse suspecte à droite au toucher rectal. Le reste de l’examen est sans particularité. L’examen anatomopathologique des biopsies prostatiques bilatérales étagées échoguidées retrouve : A droite : adénocarcinome de score 7 (4+3) de Gleason, représentant 43 des 113 mm3 de prélèvements. Absence d’envahissement du tissu extra-prostatique. A gauche : absence de signe histologique de malignité sur les 85 mm3 de prélèvements. Pour le bilan d’extension, vous réalisez les examens présentés en figures 1 et 2 : Interprétez et justifiez les examens réalisés. Faut-il réaliser d’autres examens pour votre bilan préthérapeutique ? Question N°4 L’ensemble des examens permet de conclure à une tumeur T2N0M0. Quels traitements pouvez-vous proposer à ce patient ? Expliquez. Vous décidez de l’opérer. Que lui dites-vous ? Question N°5 Quels sont les moyens et les buts de votre surveillance ? Question N°6 Cinq ans plus tard, le patient est à nouveau hospitalisé dans votre service pour des douleurs lombaires insomniantes. A l’examen clinique, vous retrouvez une douleur à la palpation de la vertèbre lombaire L3. L’IRM lombaire en séquence T1 réalisée en urgence retrouve un hyposignal et un tassement de L3, sans recul du mur postérieur. Le PSA est à 758 ng/ml. Quels sont votre diagnostic et votre prise en charge quant à la lésion vertébrale ? Question N°7 Que faites-vous vis-à-vis de sa pathologie prostatique ? Figure 1 Figure 2 9 Collection 24 heures / Pôle : Cancérologie - Hématologie Dossier N°1 : Corrections Question N°1 L’attitude du médecin traitant est-elle justifiée ? (10) Oui (2), l’attitude du médecin traitant est justifiée. Le dépistage individuel (2) du cancer de la prostate doit être réalisé pour les hommes de plus de 50 ans et jusqu’à 75 ans (2) (c’est à dire ceux dont l’espérance de vie est supérieure à 10 ans). Le dépistage est réalisé par un toucher rectal (1) et le dosage du PSA sérique total, (1) après s’être assuré de l’absence d’infection uro-génitale récente. Il faut informer le patient des bénéfices et des risques du dépistage (faux positifs, modalités des biopsies). Le PSA sérique total est le seul marqueur biologique inclus dans le bilan biologique initial. Une valeur du PSA supérieure au seuil (2) de normalité (4 ng/ml) ou un toucher rectal anormal nécessitent l’avis d’un urologue pour juger de l’opportunité des biopsies prostatiques. Question N°2 Quels sont les éléments de votre examen clinique ? (15) L’interrogatoire doit permettre d’évaluer l’état de santé global. Il recherche : Un dosage de PSA de référence (2) Des antécédents familiaux de cancer de prostate au 1er degré (2) Une évaluation de l’activité sexuelle (1) et de la qualité de vie Des signes locaux urinaires (1) (pollakiurie, dysurie) ou sexuels (impuissance) Des signes évoquant une prostatite (1) (diagnostic différentiel) Des signes de maladie systémique : (1) douleurs osseuses (rachis lombaire et dorsal, côtes, bassin, fémur), signes de compression (œdèmes des membres inférieurs) L’examen physique recherche : Examen général : (1) poids, taille, calcul de l’indice de masse corporelle, altération de l’état général Toucher rectal (2) à la recherche d’une anomalie, appréciation de la consistance et du volume de la prostate Extension locorégionale : (2) palpation des aires ganglionnaires inguino-crurales Extension à distance : (2) palpation abdominale et lombaire Question N°3 Pour le bilan d’extension, vous réalisez les examens présentés en figure 1 et figure 2. Interprétez et justifiez les examens réalisés. Faut-il réaliser d’autres examens pour votre bilan pré-thérapeutique ? (20) L’examen anatomo-pathologique confirme (1) le diagnostic de cancer de prostate. Les 2 contingents cellulaires dominants (1) sont de grade 4 et 3. Il s’agit d’un cancer moyennement différencié (1) (score histo-pronostique de Gleason 7) Le score de Gleason est 7, le bilan d’extension ganglionnaire et métastasique est donc recommandé (2) La figure 1 est une scintigraphie osseuse. (1) Elle est réalisée pour le bilan d’extension métastasique (1) à la recherche de métastases osseuses (hyperfixation). Chez ce patient, la scintigraphie montre une fixation du squelette homogène, sans hyperfixation. Il n’y a donc pas d’image (1) évoquant une localisation osseuse La figure 2 est une coupe axiale d’IRM prostatique (1) en pondération T2. L’IRM fait le bilan d’extension locale (1) à la recherche d’une effraction capsulaire et d’un envahissement des vésicules séminales. Elle montre : Un nodule en hyposignal dans la zone périphérique droite (1) Le reste de la prostate périphérique est hétérogène Une absence de rupture capsulaire (1) Oui, (2) il faut réaliser d’autres examens pour le bilan préthérapeutique : Pour le bilan d’extension ganglionnaire, (1) on réalisera un TDM thoraco-abdomino-pelvien (2) avec injection de produit de contraste en l’absence d’insuffisance rénale (1) Un bilan préopératoire : (2) NFS, ionogramme sanguin, bilan phosphocalcique, bilan d’hémostase, ECG 10 Collection 24 heures / Pôle : Cancérologie - Hématologie Question N°4 Quels traitements pouvez-vous proposer à ce patient ? Expliquez. Vous décidez de l’opérer. Que lui dites-vous ? (20) La prise en charge est définie en accord avec le patient sur la base de l’avis rendu en réunion de concertation pluridisciplinaire. La stratégie thérapeutique est consignée dans le Programme Personnalisé de Soins (PPS) remis au patient. Le traitement à proposer au patient est curatif, (1) car : Le bilan d’extension conclut à un adénocarcinome de prostate localisé (1) à risque intermédiaire Le patient est jeune, (1) sans comorbidités (espérance de vie supérieure à 10 ans) Deux traitements à visée curative (1) sont recommandés : Un traitement chirurgical : (2) la prostatectomie totale par voie rétro-pubienne, précédée d’un curage ganglionnaire ilio-obturateur (2) Une radiothérapie externe de conformation (2) de loge prostatique (74 Gy) On informe le patient sur sa maladie de façon claire loyale et appropriée dans le cadre d’une consultation d’annonce : « Les biopsies de prostate ont mis en évidence une tumeur maligne. (1) Le bilan d’extension n’a pas mis en évidence de lésions ganglionnaires ou métastatiques. L’absence de traitement expose aux risques évolutifs de la tumeur, localement et à distance sous forme de métastases » On informe sur le traitement : « Le traitement donnant les meilleures chances de guérison est le traitement chirurgical, la prostatectomie totale. Le but de cette intervention est d’enlever la tumeur et la glande prostatique dans son ensemble (2) avec les vésicules séminales. L’opération se déroule sous anesthésie générale. La continuité entre la vessie et l’urètre est rétablie par des sutures. Un à deux mois sont parfois nécessaires pour retrouver votre forme d’avant l’opération » On informe sur les complications per et postopératoires précoces : (2) « Dans toute intervention chirurgicale, il existe des risques liés à l’anesthésie, des risques thrombo-emboliques et des risques hémorragiques pouvant nécessiter une transfusion sanguine. Certaines complications rares existent : une lésion de l’uretère nécessitant une réparation, une plaie du rectum, une infection urinaire, un hématome au niveau de la plaie, une fuite d’urine par le drain nécessitant un drainage prolongé. Après l’ablation de la sonde vésicale, une incontinence urinaire est habituelle (3 à 6 mois). » On informe sur les complications tardives : (2) « L’incontinence urinaire (1) permanente et définitive est exceptionnelle, le risque de perte de l’érection (2) (impuissance) est élevé, de l’ordre de 40%. Dans ce cas, différents traitements pour restaurer l'érection pourront être proposés. De plus, cette intervention supprime définitivement l’éjaculation (anéjaculation) mais n’enlève pas la sensation de plaisir au moment d’un rapport sexuel. Enfin, la sténose de l’anastomose (5%) nécessite alors une dilatation par voie endoscopique. Au niveau de l’incision, une éventration de la paroi abdominale oblige parfois à une réparation chirurgicale. » Il faudra recueillir le consentement éclairé écrit du patient 11 Collection 24 heures / Pôle : Cancérologie - Hématologie Question N°5 Quels sont les moyens et les buts de votre surveillance ? (10) Les objectifs de la surveillance du patient sont : Déceler les récidives (1) locales ou à distance Mettre en évidence une progression de la maladie Rechercher et prendre en charge des complications (1) précoces ou tardives liées aux traitements, et leurs séquelles Faciliter la réinsertion (1) sociale ou professionnelle (pas chez ce patient retraité bien sur) L’examen clinique est le suivant : L’interrogatoire recherche des symptômes évoquant une récidive : (1) signes urinaires d’obstruction vésico-prostatique, signes compressifs pelviens, vasculaires, troubles rectaux, douleurs osseuses L’interrogatoire évalue les effets secondaires (1) et les complications de la prostatectomie ainsi que le retentissement psychologique L’examen physique consiste en un toucher rectal annuel (2) Après prostatectomie radicale, les examens complémentaires de suivi sont : PSA total sérique (2) semestriel pendant 3 ans puis annuel si le PSA est indétectable (seuil < 0,2 ng/ml) Scintigraphie osseuse si évolution biologique (PSA > 5 ng/ml) ou clinique TDM abdomino-pelvienne si suspicion d’atteinte ganglionnaire ou IRM en cas de suspicion d’atteinte vertébrale Aucun examen systématique n’est recommandé pour les patients asymptomatiques Question N°6 Quels sont votre diagnostic et votre prise en charge quant à la lésion vertébrale ? (15) On évoque une récidive métastatique osseuse (2) au niveau de la vertèbre lombaire L3, du cancer de prostate devant : Les antécédents d’adénocarcinome de prostate L’argument de fréquence Les douleurs osseuses évocatrices d’une métastase : insomniantes Le taux très élevé de PSA L’examen clinique (2) recherche d’autres localisations secondaires, ainsi que des signes de complications de la métastase vertébrale : Evaluation de l’état général : poids, pression artérielle, température Toucher rectal (1) Complications de la métastase : évaluation neurologique (1) à la recherche d’un syndrome confusionnel (hypercalcémie), d’un syndrome de la queue de cheval, recherche d’un globe vésical (dernière miction, matité sus-pubienne) Autres localisations : (1) palpation osseuse à la recherche de points douloureux, palpation des aires ganglionnaires, de l’abdomen et des fosses lombaires Evaluation de la douleur Le bilan biologique (1) sera réalisé en urgence : NFS, plaquettes, VS, CRP, ionogramme sanguin, calcémie (oubli=0), albuminémie et créatininémie Les examens d’imagerie rechercheront d’autres localisations secondaires : Scintigraphie osseuse (1) TDM thoraco-abdomino-pelvien (1) avec injection en l’absence d’allergie ou d’insuffisance rénale La prise en charge thérapeutique de la lésion vertébrale, après avis neurochirurgical nécessitera : Un traitement étiologique : (1) prise en charge du cancer de prostate Des antalgiques (1) adaptés à l’évaluation de la douleur : morphine si besoin. En cas d’inefficacité, on peut envisager une radiothérapie localisée sur la lésion vertébrale Anti-ostéolytiques : bisphosphonates (2) Corticoïdes pour diminuer l’inflammation Traitement d’une hypercalcémie Surveillance : (1) douleur, réponse au traitement 12 Collection 24 heures / Pôle : Cancérologie - Hématologie Question N°7 Que faites-vous vis-à-vis de sa pathologie prostatique ? (10) Le patient sera réévalué en réunion de concertation pluridisciplinaire, (1) il lui sera proposé un programme personnalisé de soins A la phase métastatique le traitement de référence en première intention est le blocage androgénique complet : (2) Une castration chimique par agonistes de la LHRH (Décapeptyl®) (1) en injection mensuelle Associée à un anti-androgène (Androcur®) (1) débuté deux semaines avant le Décapeptyl® pour éviter l’effet flare-up Le patient sera informé sur l’évolution de sa maladie La prise en charge se fera en relation avec le médecin traitant et les correspondants des autres spécialités Les mesures associées suivantes seront à mettre en place : prise en charge de la douleur, soins de support (1) (prise en charge nutritionnelle et suivi psychologique) La prise en charge sera à 100% dans le cadre de l’ALD30 (1) La surveillance (1) sera : Clinique semestrielle à la recherche : - d’effets secondaires (1) : baisse de la libido, bouffées de chaleur, prise de poids, troubles digestifs - de nouvelles localisations Paraclinique : - dosage des PSA (1er à 3 mois) pour suivre la décroissance (1) - NFS - TDM thoraco-abdomino-pelvien tous les ans Commentaires Les recommandations et consensus intéressants à consulter sont les suivants : ANAES 2003 : Dépistage du cancer de la prostate par le dosage de l’antigène spécifique de la prostate dans le plasma AFU 2003 : Traitement hormonal du cancer de la prostate métastasique AFU 2004 : Cancer de prostate AFU 2005 : Suivi des cancers de la prostate AFU 2006 : Incontinence urinaire après prostatectomie radicale HAS 2008 (cancer de la prostate, guide ALD) Les facteurs de mauvais pronostic des cancers de prostate sont : Le stade tumoral TNM Le score de Gleason 8 (les tumeurs indifférenciées de score supérieur ou égal à 8 donnent souvent des métastases ganglionnaires ou osseuses) Le taux des PSA > 10 ng/ml Le bilan d’extension est optionnel en cas de faible risque d’extension ganglionnaire ou métastatique, c’est à dire si PSA < 10 ng/ml, stade < T2a et score de Gleason < 7. La castration chirurgicale par pulpectomie testiculaire bilatérale est une alternative au blocage androgénique complet. L’échappement hormonal est défini par l’élévation du PSA de 50% par rapport au taux le plus bas (nadir) obtenu sous traitement hormonal, sur 2 dosages successifs à 15 jours au moins d’intervalle. Il faut alors : Vérifier la bonne observance du traitement hormonal par dosage de la testostéronémie pour s’assurer du taux de castration Modifier le traitement hormonal : maintien de l’agoniste de la LH-RH et arrêt de l’anti-androgène Traiter les manifestations cliniques : douleurs osseuses, troubles obstructifs... En cas de métastase osseuse vertébrale, la présence de signes neurologiques de compression médullaire clinique ou radiologique doit faire débuter en urgence un traitement spécifique pour éviter l’évolution vers la paraplégie, après avis des neurochirurgiens : Corticothérapie à forte dose instituée en urgence Décompression médullaire chirurgicale en cas de signes déficitaires Radiothérapie palliative Items DCEM : 66, 140, 142, 154, 156, 215 13