M10508

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
LA PESO À L'ÉPREUVE
PENDANT LA CRISE IRAKIENNE 2002/2003­
ÉTUDE DES POLITIQUES ÉTRANGÈRES
FRANÇAISES ET BRITANNIQUES
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN SCIENCE POLITIQUE
PAR
JENNIFER Hll.,LE
JUIN 2008
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé
le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à
l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à
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publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour
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l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des
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que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une
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intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de
commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
« Le discours officiel n'est jamais un acte individuel. Il fait partie d'une tentative des
dirigeants d'imposer leur conception de l'identité nationale et de la sécurité. »
(Macleod et al., 2004: 24)
Remerciements
Je tiens à remercier le grand nombre de personnes qui m'ont permis de réaliser cette
recherche.
Avant tout je voudrais exprimer ma gratitude à Nina et Gunnar Hille, Claire d'Hennezel, au
DAAD (German Academie Exchange Service) et à mon directeur de recherche, Alex
Macleod. Votre appui a rendu possible ce projet, même dans des conditions inhabituelles et
parfois ardues. Je serai toujours reconnaissante de ce soutien précieux.
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES ABRÉVJATIONS
.Y'
RÉSUMÉ
Vll
INTRODUCTION
p. 1
J. La grille d'analyse
p. 4
II. La notion d' 'identité nationale'
p. 5
III. L'analyse de la politique étrangère dans le contexte européen
p. 10
TV. La méthodologie
p. 13
V. Notre question de recherche
p. 16
CHAPITRE 1
LES IDENTITÉS NATIONALES ET LES VISIONS STRATÉGIQUES
EN FRANCE ET EN GRANDE-BRETAGNE
p. 20
1.1. La politique extérieure française et les identités nationales
p. 21
1.1.1. Les facteurs identitaires
p. 21
1.1.2. Les crises et leur impact identitaire sur la politique étrangère française
p. 24
1.2. La politique extérieure britannique et les identités nationales
p. 27
1.2.1. Les facteurs identitaires
p. 27
1.2.2. Les crises et leur impact identitaire sur la politique étrangère française
p. 29
1.3. Conclusion: Identités et visions stratégiques en France et en Grande-Bretagne
p. 33
CHAPITRE Il
L'ANALYSE DU DISCOURS OFFICIEL FRANÇAIS
PENDANT LA CRISE IRAKIENNE
p. 36
2.1. La politique étrangère française avant la crise irakienne
p. 36
2.1.1. La politique étrangère du mandat de Jacques Chirac
p. 38
2.1.2. L'attitude face à l'intégration européenne
p. 40
2.1.3. Les relations franco-américaines
p. 42
2.1.4. Les priorités stratégiques françaises
p. 44
2.2. La position française pendant la crise irakienne
p. 46
2.2.1. Le rôle du « défenseur du droit international et des valeurs humanitaires»
p. 47
2.2.2. Le rôle d' « avocat d'un ordre mondial multipolaire»
p. 49
2.2.3. Le rôle du « leader européen»
p. 51
2.3 Analyse et évaluation: Continuité ou rupture avec les identités nationales
p. 54
et les politiques étrangères précédentes?
CHAPITRE III
L' ANALYSE DU DISCOURS OFFICIEL BRITANNIQUE PENDANT LA CRISE
IRAKIENNE
p. 60
3.1 La politique étrangère britannique avant la crise irakienne
p. 60
3.1.l. La politique étrangère du gouvernement travailliste de Tony Blair
p. 61
3.1.2. La Grande-Bretagne et l'Europe
p. 64
3.1.3. La « relation spéciale» avec les États-Unis
p. 66
3.1.4. Les priorités stratégiques britanniques
p. 69
3.2. La position britannique pendant la crise irakienne
p. 70
3.2.1. La Grande-Bretagne en tant que « force de bien})
_
p. 71
3.2.2. L' « allié fidèle» des États-Unis
p. 74
3.2.3. Le « pont» entre les Européens et Américains
p. 77
3.3. Analyse et évaluation: continuité ou rupture avec les identités nationales
et les politiques étrangères précédentes?
_
CONCLUSION
p. 80
__
p. 85
1. Comparaison des discours britannique et français
p. 85
II. La conception de la PESD en perspective comparative
p. 90
__
III. Réflexions finales
BIBLIOGRAPHIE
_ _._
p. 96
p. 98
LISTES DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
ADM
Armes de destruction massives
CE
Communautés Européennes
CSNU
Conseil de sécurité des Nations unies
ONU
Organisation des Nations Unies
OTAN
Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
PECO
Pays de l'Europe Centrale et Orientale
PESC
Politique Etrangère et de Sécurité Commune
PESO
Politique Européenne de Sécurité et de Défense
SACEUR
Commandant Suprême des Alliés en Europe
UE
Union Européenne
UEO
Union de l'Europe Occidentale
RÉSUMÉ
Nous observons la situation en Europe lors d'un moment de crise, avant l'intervention anglo­
américaine en Irak qui a lieu en mars 2003. L'initiative militaire, guidée par les États-Unis,
est précédée par une phase de débats entre les nations européennes. Les discussions sur la
stratégie préférable concernant l'Irak mènent à j'éclatement des relations intra-européennes.
Une scission en « nouvelle» et « vieille» Europe, ou, selon la terminologie que nous avons
retenue, les deux camps (pro-guerre et anti-guerre), s'effectue.
La crise dans les relations européennes touche surtout un enjeu fragile: les tentatives de
coopérer en matière de politique étrangère au sein de J'Union européenne (UE) et plus
précisément en matière de sécurité et de défense. La phase préalable à l'intervention militaire
est accompagnée par de multiples discussions sur une possible action commune, au niveau
européen et international. La faillite intégrale de trouver une solution à ce sujet envenime, au
moins à court terme, le progrès concernant le deuxième pilier de l'institution européenne: la
politique étrangère commune (PESC), qui englobe également la PESO (politique européenne
de sécurité et de défense). Nous nous sommes donc demandé d'où vient le clivage entre les
objectifs exigeants concernant une politique étrangère commune, et les difficultés de la
mettre en pratique dans une crise actuelle. Quelles sont les difficultés fondamentales qui
empêchent de développer une solution commune face à l'Irak?
Ce travail retrace le cours des événements de la « crise irakienne ». Les deux pays avant­
gardistes concernant la défense en Europe, la Grande-Bretagne et la France, sont étudiés. Ces
deux nations représentent une position adoptée respectivement pour et contre l'intervention
militaire. Mais quels sont les intérêts français et britanniques en jeu? Pourquoi la France
s'oppose-elle ouvertement à la stratégie favorisée par les États-Unis? Et quel sont les motifs
britanniques de mettre en péril une politique européenne de défense qu'elle avait initiée et
soutenue elle-même auparavant?
La réponse à cette question réside dans les différents intérêts nationaux qui structurent le
comportement des gouvernements français et britannique. Mais il ne s'agit pas d'intérêts
militaires ou diplomatiques. Pendant la crise irakienne, les deux nations agissent plutôt
conformément à leurs identités de base. Les deux pays qui se ressemblent dans leur taille,
concernant les ressources militaires et le statut international, divergent toutefois
significativement par rapport à leurs valeurs et identités de base. La définition de leurs
intérêts nationaux diffère en conséquence et ces intérêts deviennent inconciliables.
Globalement, ce travail met en lumière les principales caractéristiques d'une politique
étrangère britannique et française et les paramètres de la définition de la sécurité. En ayant
recours à un angle constructiviste critique, le lien entre les intérêts et identités est exploité. La
notion d'intersubjectivité entre également en jeu dans l'analyse des discours officiels. Les
différentes approches stratégiques des deux nations seront ainsi examinées d'un angle
identitaire et comparatif.
1
INTRODUCTION
La guerre anglo-américaine en Irak, initiée le 20 mars 2003, fut précédée d'une phase
de crise au sein de la communauté internationale. Les opinions divergeaient quant à la
légitimité et à la légalité au niveau du droit international de cette intervention
militaire. En effet, la région de l'Europe représente le meilleur exemple de ce
désaccord. La scission profonde avant et pendant l'intervention s'effectue entre les
membres actuels de l'Union européenne (UE) ainsi que les huit pays de l'Europe
centrale et occidentale (PECO), qui se joignent à l'Union en mai 2004'. Les positions
divergent surtout à l'égard de la position à adopter face aux États-Unis. De la sorte,
les pays atlanticistes soutiennent la position américaine et se mettent en accord avec
une solution militaire en Irak tandis que d'autres pays, de tendance européanistes,
s'opposent à l'emploi de la force. Cette position dérive soit d'une attitude pacifiste
comme dans le cas de l'Allemagne, ou bien s'appuie sur le désir de mener une guerre
seulement à partir des conditions établies dans la résolution onusienne 1441, comme
cela est le cas pour la France. Cette résolution représente le cadre légal pour les
inspections en Irak et précise les conditions dans lesquels une démarche de
désarmement pourrait être effectuée (Conseil de sécurité des Nations unies, 2002). Le
désir de procéder de manière multilatérale face à l'Irak que proclame la France se
heurte aux visions des pays européens. Ceux-ci exigent l'appui des États-Unis face à
la menace représentée par le régime de Saddam Hussein et sa possession apparente
d'armes de destruction massive. Cette position est appuyée avant tout par la Grande­
Bretagne qui collabore étroitement avec le gouvernement américain avant et pendant
la guerre en Irak.
La SCISSion au sem de l'UE envenime surtout sa Politique étrangère commune
(PESC) et sa Politique de sécurité et de défense européenne (PESD). En effet, la
1 Il s'agit de la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, l'Hongrie, l'Estonie, la
Lettonie et la Lituanie.
2
PESD représente un mouvement historique, la première véritable initiative d'une
défense européenne effectuée indépendamment des États-Unis. En ce sens, la crise
irakienne, que nous délimitons du début des débats sur la résolution 1441 en
septembre 2002 jusqu'aux interventions en mars 2003, constitue un moment de crise
dans le développement des capacités militaires européennes et surtout en ce qui
concerne la formulation d'une politique commune. Par rapport à cette PESD, la crise
représente bel et bien un moment historique puisqu'elle reflète les conceptions
inconciliables de la politique étrangère et d'une politique extérieure européenne
commune des pays membres. L'opposition entre les positions adoptées par la France
et la Grande-Bretagne en est le meilleur exemple.
On peut s'interroger sur les variables qui mènent précisément à l'éclatement de cette
crise et sur les visions qui sous-tendent les politiques française et britannique à cette
période. Ipso facto, le rôle crucial joué par la France et la Grande-Bretagne dans la
défense européenne est à souligner. Ces deux nations ont non seulement lancé
l'initiative de la PESD avec la rencontre des gouvernements français et britannique à
Saint-Malo en décembre 1998 et qui introduit une politique de défense européenne
autonome. Cette déclaration commune représente également une initiative de
coopération majeure entre les deux premières puissances militaires européennes qui
ont historiquement défendu des conceptions de sécurité antagonistes. Surtout pour les
Britanniques, l'accord de Saint-Malo en tant que « révolution dans les affaires
militaires» (Howorth, 2000: 33), marque une évolution dans leur approche
traditionnellement proche de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord)
et des États-Unis dans le domaine de la sécurité. La France renonce également, par
cette initiative, à sa vIsIon d'une défense européenne indépendante des liens
transatlantiques. Pourtant les priorités accordées au projet de défense européen
continuent à diverger. La Grande-Bretagne appuie dans ce contexte avant tout
l'efficacité militaire et une complémentarité avec l'Alliance transatlantique tandis que
la France privilégie le développement des institutions politiques et militaires
3
spécifiquement européennes. Ces conceptions antagonistes sont à la base de
l'éclatement qui se produit lors de la crise irakienne et qui nuit à la politique étrangère
et de défense commune. Nous suggérons que les différences apparentes avant
l'intervention en Irak sont ancrées dans un contexte plus large. Si on observe les
différents facteurs qui façonnent la perception nationale de la politique européenne de
la sécurité et de la défense, il faut, selon Nicole Gnesotto (2004 : 14), tenir compte
des trois phénomènes suivants: l'évènement; l'Amérique; et l'ambition européenne.
Ces trois variables structurent le comportement français et britannique dans le
domaine de la défense. En effet, malgré un contexte national similaire, le
comportement français et britannique pendant la crise diffère considérablement. Nous
allons conséquemment examiner d'où émergent les différentes conceptions de la
PESD qui façonnent le comportement respectif de ces deux nations en 2002/2003.
Subséquemment, le choix d'analyser la France et la Grande-Bretagne dérive de deux
facteurs décisifs. D'abord il s'agit du rôle important de ces deux pays concernant la
défense européenne comme force catalysatrice de ce mouvement. Ensuite, les deux
nations représentent les regroupements de pays européens qui se positionnent en
faveur ou contre l'intervention militaire en Irak. Le discours officiel des dirigeants
français et britanniques est au cœur de l'analyse. Nous pensons, comme le suggère
McSweeney (1998), que les discours sur l'identité et la sécurité nationale représentent
des pratiques de légitimation pertinentes. De la sorte, les acteurs gouvernementaux
défmissent par leurs déclarations les priorités et le comportement nationaux. Ils
cherchent par conséquent à légitimer leur comportement devant un public interne et
international. Ce discours démontre les efforts des dirigeants d'imposer leurs
conceptions de l'identité et de la sécurité nationale (Macleod et ol., 2004, 19). Ainsi,
les paroles des acteurs qui représentent l'État nous semblent pertinentes afin
d'analyser les conceptions de la sécurité en France et en Grande-Bretagne tels que les
identités de base. Les acteurs principaux dans ce contexte sont les chefs de l'exécutif,
c'est-à dire le Président français et le Premier ministre britannique, ainsi que les
4
ministres impliqués, ceux des Affaires étrangères et de la Défense. Leurs paroles
sont à observer dans les énoncés officiels, ce qui inclut les revues et entrevues de
presses ainsi que les discours publics des dirigeants politiques. Les discours franco­
britanniques seront examinés pendant la période de la fin de l'été 2002 jusqu'au début
des interventions militaires de l'opération « Enduring Freedom » en mars 2003.
Cette période nous semble refléter la « phase chaude» pendant laquelle le sujet de
l'Irak se trouve fortement discuté aux niveaux international et européen. Les
commentaires du gouvernement français et britannique sont, par conséquent, assez
fréquents pendant cette période- à laquelle nous nous référerons par la suite comme la
« crise irakienne». À partir du vote sur la résolution 1441 des Nations unies, le 8
novembre 2002, la situation en Europe devient critique et les différents camps se
positionnent pour ou contre l'intervention en Irak. Une telle analyse des discours
pourrait nous éclairer sur les priorités stratégiques nationales et nous aider à examiner
les intérêts et les identités nationales qui sont à la base des politiques étrangères en
France et en Grande-Bretagne.
Afin d'analyser le fondement de la politique étrangère britannique et française
pendant la crise irakienne une approche constructiviste sera utilisée et brièvement
présentée dans les sections suivantes. Cet angle d'analyse est choisi avec l'objectif de
déterminer les facteurs matériels ainsi que d'ordre immatériel qui ont contribué à la
formulation des intérêts nationaux de ces deux politiques étrangères. De cette
manière, les aspects identitaires du comportement de l'État, ou plus précisément des
gouvernements, nous intéresseront davantage.
I. La grille d'analyse
À partir de l'analyse de la crise irakienne comme moment crucial pour le
développement et l'avenir de la PESD, une approche théorique devrait nous aider à
5
comprendre les sources des différences internes au sein de l'Union. Par la suite, nous
allons examiner les différents aspects de la politique étrangère nationale britannique
et française qui ont mené aux comportements diamétralement opposés des deux pays
pendant la crise. Il s'agit également de valeurs et d'identités nationales qui ont eu une
influence sur les conceptions et les priorités de la politique étrangère. Ainsi,
l'approche théorique favorisée doit tenir compte de ces divers facteurs qui jouent sur
la formulation des intérêts nationaux, d'où l'émergence de notre choix en faveur
d'une approche constructiviste. En outre, la notion de l' « identité» sera examinée
plus en profondeur concernant les définitions de l'identité nationale ainsi que l'impact
des crises sur celle-ci. Finalement, le contexte européen particulier dans lequel se
concrétisaient les politiques étrangères française et britannique est à observer.
II.
La notion d' 'identité nationale'
Malgré la diversité des approches théoriques en Relations internationales, la plupart
des auteurs soulignent l'importance des intérêts nationaux et leur influence sur la
politique extérieure d'un État. Selon une vision constructiviste, ces intérêts sont
conditionnés par plusieurs facteurs. De manière générale, ils sont constitués par les
éléments faisant partie intégrante de J'identité sociale, les rapports interétatiques, la
puissance financière nationale, et finalement les pressions qu'exercent les différents
groupes d'intérêt de la société civile (Battistella, 2002: 162). Cette constitution à
partir de variables matérielles et idéationnelles structure le caractère flexible des
intérêts nationaux. Ces derniers demeurent ainsi dans un état d'évolution permanente
(Wendt, 1999 : 110 s.) Ils représentent des constructions sociales, créées au niveau
national par le processus omniprésent de la représentation. Les acteurs responsables
de la fOlmulation de la politique étrangère engendrent la signification de ces intérêts à
travers leurs actes de représentation, c'est-à-dire leurs paroles. De cette manière, la
description d'une situation par les officiels du gouvernement produit et construit
l'intérêt national (Weldes, 1996: 282 s.). Nous soulignons la différence entre une
6
telle perception de l'intérêt national, en tant que variable instable, construit par les
acteurs dans un environnement social, et d'autres approches théoriques. En effet, la
conception réaliste insiste dans ce sens sur la définition de l'intérêt national en termes
de puissance. Dans une conception libérale, cet intérêt sera issu des préférences
sociétales, et le rôle des acteurs sociétaux majoritaires sera largement pris en
considération. Mais d'un point de vue constructiviste, l'intérêt national inspirant la
politique étrangère sera conditionné non seulement par ces pressions des sociétés
civiles, mais également par les enjeux matériels ainsi que l'identité sociale des États
(Battistella, 2002 :143-162). D'une telle manière, il existe un grand nombre d'intérêts
nationaux qui structureront les choix en matière de politique extérieure. Une telle
manière d'appréhender les intérêts nationaux est au cœur de la notion d'identité
nationale d'une perspective constructiviste.
Les identités représentent des intérêts fondamentaux de chaque État qu'il cherchera à
défendre et à promouvoir dans le monde. Quelques auteurs mènent cette pensée
encore plus loin. Par exemple David Campbell souligne dans son analyse de cas des
États-Unis lors de la guerre froide que la tâche de la politique étrangère sera de
reproduire l'identité instable au niveau étatique et d'endiguer les contraintes face à
cette identité (Campbell, 1998 : 71). Sans nécessairement accepter cette interprétation
étendue de l'influence identitaire sur la politique étrangère, il est indéniable que la
reconnaissance par d'autres acteurs constitue une motivation centrale, qui pousse
l'État à promouvoir son identité politique (Ringmar, 1996: 13, cité par Macleod,
2004b: 360). Pourtant, cette identité ne représente pas un fait établi de la société
('fact of society') mais se négocie entre les gens et les groupes d'intérêt (McSweeney,
1999 : 73). La nature construite et flexible des identités, base de la formulation des
intérêts nationaux selon les constructivistes, vient, entre autres, du fait qu'elles
dérivent des pratiques sociales autant que des contraintes structurelles d'une société.
Ainsi, les identités ont une signification en tant qu'acte social ('social act'), autant
que comme structure de signification ('structure of meaning') (McSweeney, 1999:
7
165 s.). Dans la formulation des identités nationales, l'impact des agents qUI
construisent les intérêts et les identités à travers leurs discours est donc aussi pertinent
que celui des conditions externes, d'ordre structurel, du paysage politique. En
d'autres termes, l'interaction entre les agents et la structure mène à la formulation
d'intérêts, d'identités et de valeurs communs (Kubâlkova, 2001 : 65).
Les identités sont généralement d'un caractère processuel, soit en transformation
perpétuelle. Ceci devient problématique sion observe les moments où des
changements identitaires se produisent. A ce sujet les auteurs constructivistes se
mettent uniquement en accord sur le fait que les identités et intérêts s'influent
respectivement. Mais il devient plus difficile de catégoriser leur interaction. Par
exemple, Wendt caractérise le lien entre ces deux variables comme plutôt linéaire, car
il voit les identités à la base des intérêts. Pourtant il souligne également leur
interaction. Ainsi, les intérêts motiveront les identités pendant que ces dernières
dirigent les intérêts (Wendt, 1999 : 398). De manière semblable, Bill McSweeney
insiste sur la dualité de leur relation: « the relationship between interests and identity
is best conceived as a recursive one, inseparably linked and 'feeding back' reflexively
one upon the other » (McSweeney, 1999 : 168)
Cependant, afin d'appréhender les changements identitaires, il faut mettre l'accent sur
l'importance du caractère multiple des identités, comme le souligne Risse (2001 :
201). Les identités émergent de différents contextes sociaux. Elles se produiront que
partiellement et à plusieurs niveaux dans le temps. Pour distinguer ces différents
niveaux, les auteurs constructivistes proposent diverses définitions. Ainsi, Kowert
(1999) distingue entre identités « internes» et « externes ». Une identité interne serait
un phénomène endogène qui pouua être en évolution tranquille, tandis que, les
identités externes s'inspireront des relations avec d'autres acteurs et pouuont se
transformer plus rapidement. Les idées de Katzenstein et al. sont proches de cette
délimitation.
Ces
derniers
perçoivent
les
identités
comme
ancrées
dans
8
l'environnement national et international. Ces deux milieux, ainsi que le passé et les
expériences historiques d'un État, formeront l'identité et les intérêts qui motivent les
acteurs au sein de l'État (Katzenstein et al., 1996 : 22 s.). Selon Wendt, les identités
« corporatives », « de type », « de rôle» ainsi que « collectives» seront à l'origine
des
intérêts
nationaux.
Les
deux
premières
catégories
correspondent
considérablement à l' « identité interne» de Kowert et seront ainsi largement
résistantes
aux
changements
(Wendt,
1999:
155-160).
Les
adhérents
du
constructivisme critique poussent les définitions de l'identité encore plus loin et
soulignent davantage son caractère construit (Macleod et al., 2004 : 18)2. Selon Jutta
Weldes, la définition de l'identité d'une société se manifeste par une structure de
significations et de relations sociales à partir desquelles le monde des relations
internationales est construit, elle appelle cette structure en matière de sécurité
1'« imaginaire de sécurité» ('security imaginary') (Weldes, 1996: 10). Si on prend
en considération cette définition en rappelant les processus sociaux et discursifs à la
base de la production des identités (McSweeney, 1999: 73), leur caractère fluide
devient éminent et une catégorisation pourra sembler artificielle. Pourtant, afin de
saisir les transformations identitaires, nous devons distinguer entre certains éléments
et niveaux qui constituent les identités sociales. Nous estimons que la division entre
identité interne et externe ne reflète pas suffisamment la diversité des degrés
identitaires et qu'elle simplifie les possibilités selon lesquelles des changements dans
les identités nationales pourront se produire. A notre avis, il semble cohérent de
différencier entre le fondement d'une identité, qui se constitue à partir des valeurs
profondes qui caractérisent une société, et des éléments identitaires secondaires. Ces
éléments pourront être affectés plus facilement par des événements externes­
quoiqu'ils surviennent au niveau national ou international. Cette distinction s'inspire
Il nous est impossible de préciser les différences majeures entre les approches constructivistes
«critiques» et d'autres dans le cadre de ce travail. Une différentiation pertinente entre Je
constructivisme « dominant» versus « critique» est effectuée par Macleod, 2004a. Parmi les auteurs
du constructivisme critique on trouve notamment Jutta Weldes, Bill McSweeney, Karin Fierke, Antje
Wiener, Didier Bigo et JefHuysmans.
2
9
de la définition établie par Manuel Castells entre l'identité centrale ('core identity'),
qui sera relativement stable, et les autres aspects identitaires. De la sorte, une identité
primaire demeure cruciale pour l'identification symbolique d'un acteur social avec la
raison de ses actions. Elle structurera les autres facettes identitaires ainsi que la
conception des rôles que l'acteur joue. Par ailleurs, elle sera assez stable dans le
temps et davantage resistante aux changements, contrairement aux autres éléments
identitaires et aux rôles (Castells, 2004 : 6 s.).
Pourtant, la notion de multiplicité ne signifie pas nécessairement que les « identités
de base» soient fréquemment en processus de changement. Même si des évolutions
sont toujours possibles, les schèmes cognitifs des individus ne peuvent pas, selon
Risse et al.,
être ajustés constamment aux signaux complexes reçus d'un monde
social. Les changements dans l'identité nationale s'effectueraient donc lentement.
Conséquemment, des simplifications de la réalité complexe du monde social se
produisent, et qui se manifestent dans le recours aux mécanismes de rejet ou de
production des stéréotypes qui seront déployés par les membres d'une communauté
(Risse et al., 2001 : 103). Les changements des identités sociales- concernant la
conceptualisation du groupe social, ses symboles et valeurs largement partagés ainsi
que son identité de rôle (Brewer et Herrmann, 2004 : 6) - ne se produiront alors que
graduellement au fil du temps, à l'exception des périodes de crise (Risse et al., 2001 :
103). Pendant une crise - qui ne se présente pas nécessairement de manière objective
et évidente mais qui peut être forgée par les décideurs politiques (Weldes, 1996 : 37)
- des transformations d'identité s'effectuent plus aisément. Soit des évènements
externes, soit l'échec total d'une politique peuvent produire des situations perçues
comme des crises, au cours desquelles les identités seront les plus susceptibles au
changement. Par contre, les crises ne provoqueront pas de bouleversements
identitaires absolus et immédiats. En outre, les facteurs culturels ainsi que les normes,
l'histoire et l'environnement politique d'une société (Macleod et al., 2004: 19)
façonnent le contexte dans lequel les identités collectives se produisent.
10
En ce qui concerne le discours officiel, les dirigeants politiques doivent tenir compte
de ce contexte culturel et historique afin de proclamer des idées qui seront cohérentes
avec l'environnement politique du groupe qu'ils représentent. Les intérêts des
politiciens et la résonance de leurs idées au sein de la population mèneront vers la
création des perspectives collectives (Risse et al., 2001: 118). En somme, les
identités sociales dérivent de plusieurs niveaux et se construisent dans un processus
flexible, intersubjectif. Les multiples identités collectives d'une société doivent être
cohérentes avec les intérêts des dirigeants politiques autant qu'avec les valeurs de la
population. Elles jouent sur le processus de la politique étrangère qui émerge des
contextes identitaires, institutionnels tels que des intérêts nationaux (Hyde-Priee,
2004 : 99 s.).
III.
L'analyse de la politique étrangère dans le contexte européen
La crise irakienne révèle d'importantes différences dans les perceptions nationales
d'une politique étrangère européenne (PESC/PESD). Ces différences dérivent des
conceptions à deux niveaux, l'un concernant la politique européenne, mais également
l'autre par rapport à la politique étrangère nationale et aux priorités stratégiques qui
structurent celle-ci. La scission produite par cette crise au sein de l'UE contredit la
thèse d'une « européanisation »3, à savoir une homogénéisation des politiques, des
identités et des politiques extérieures nationales. Il sera alors intéressant d'examiner
quels sont facteurs qui mènent vers cette division au niveau européen et quelles sont
les approches théoriques qui peuvent nous aider à les comprendre.
) Une façon de définir la manière dont les États membres de l'UE adaptent leurs politiques nationales
aux inspirations européennes en 1'« européanisant» ainsi graduellement, sera selon Ben Toma (2000 :
219) : « (...) a transformation in the way in which national Foreign policies are constructed, in the ways
in which professional raies are defined and pursued and in the consequent internalization of norms and
expectations arising from a complex system of collective European policy making ».
11
La définition de la « politique étrangère» que nous utiliserons, par la suite, est
empruntée à lan Manners et Richard Whitman qui la déterminent en tant que:
« attempts by governments to influence or manage events outside the state's
boundary» (Manners et Whitman, 2001 : 2). Dans ce sens, les auteurs nous incitent à
dépasser une approche centrée sur les États, qui nous semble moins appropriée dans
le cas de l'Europe, et de porter notre attention plutôt vers l'impact du gouvernement
sur la formulation de la politique étrangère. Nous emploierons cette façon d'analyse,
qui cible les activités des ministres impliqués dans ce domaine et également celles du
chef d'État ou du chef de gouvernement. Par la suite, seront introduites les variables
déterminantes dans une analyse des politiques étrangères. Comme l'indique Jeffrey
Checkel,
un
nombre
de
facteurs
déterminent et structurent une
politique
extérieure qu'il désigne comme le résultat d'une interaction complexe des stimuli des
variables cognitives, institutionnelles et politiques qui se produisent à un niveau
externe et interne (Checkel, 1993: 297). Mais ces facteurs diffèrent dans leur
définition selon l'approche théorique qu'on applique. Les modèles existant pour
analyser les politiques étrangères dans un contexte général peuvent être catégorisés en
trois courants généraux:
(1) le modèle de l' « acteur rationnel met l'accent sur le rôle de l'État, perçu
comme un acteur égoïste et rationnel qui désire poursuivre ses intérêts matériels
nationaux (Manners et Whitman, 2001 : 5 s.) ;
(2) les approches qui font appel au « modèle de la prise de décision », ainsi que
le suggèrent Richard Snyder et Graham Allison (Snyder et al., 1962, Allison,
1971, cités par Idem.). En désirant dépasser les modèles d'analyses qui traitent
l'État comme une « boîte noire », les analyses des processus organisationnels et
bureaucratiques au sein de l'État trouvent surtout leur pertinence pour des
études centrées sur les États-Unis;
12
(3) Un ensemble d'approches, très ample, qui regroupe toutes celles traitant des
aspects sociétaux de la politique étrangère qui se trouve particulièrement utile
pour l'analyse du milieu européen. Trop vaste pour représenter un vrai courant,
ces approches désirent en somme élargir l'angle d'analyse centré sur l'État
comme acteur principal dans ce domaine politique (Manners et Whitman, 2001 :
6). Parmi celles-ci, s'insère l'approche constructiviste qui applique également
un angle d'analyse sociétal aux études européennes.
Afin d'examiner les similitudes et les différences respectives des politiques
étrangères nationales, plusieurs enjeux théoriques doivent être pris en considération.
Ces enjeux entrent en jeu dans une analyse qui s'effectue dans le contexte européen et
soulèvent des questionnements à propos du 'changement', du 'processus' et des
'actions' de la politique étrangère (Ibid., 6-12 ; 243-273). Premièrement, le rôle de la
socialisation et des interactions sociales dans la détermination des pratiques, des
perceptions et des intérêts des décideurs politiques représentent des facteurs
pertinents. Ces aspects sont soulignés par Ben Toma qui se réfère dans ce sens à
Wendt (Toma, 2001, 186 s.; Wendt, 1992). La question cruciale, dans ce contexte,
sera d'examiner si les intérêts nationaux s'élargissent à partir de la transformation
d'identités à un niveau européen. Deuxièmement, le changement de ces identités et
intérêts devrait être considéré dans des situations particulières. À cet égard, un autre
livre pertinent est l'ouvrage de Wiener et al. qui applique un modèle constructiviste à
divers sujets de recherche européens (Wiener et al., 2001). En outre, concernant le
processus qui inspire la politique extérieure, la corrélation des domaines internes et
externes (<< two-Ievel game ») sont d'importance primordiale dans le contexte
européen (Manners et Whitman, 2000: 8). Le rôle des structures institutionnelles
européennes, selon le contexte international et national, aide à expliquer la politique
étrangère d'un État membre de l'Union européenne. Des études constructivistes
pertinentes sur l'interaction de la politique étrangère nationale et européenne ont été
effectuées, entre autres, par Thomas Risse, Adrian Hyde-Priee, Lisbeth Aggestam et
13
Ben Toma (Risse, 2001, Aggestam et Hyde-Priee, 2000, Aggestam, 2004; Toma,
2004). Finalement, on doit s'interroger sur l'impact précis des processus politiques
externes, européennes, sur la formulation des politiques étrangères nationales. Cela
concerne SUitout l'impact qu'aurait la PESC sur la politique étrangère nationale et
également sur les relations externes de l'Union. Comment les États membres
profitent-ils de la PESC et comment leurs intérêts et leurs relations demeurent-ils
néanmoins nationaux? Quelles sont les « relations spéciales» qu'entretiennent les
États membres, soit au sein de l'UE ou au-delà de ce contexte supranational, avec des
pays non-membres? Et quels sont les enjeux nationaux précis qui sont au cœur
d'intérêt dans la politique étrangère nationale et qui se reflète ainsi dans l'attitude à la
PESCIPESO? (Manners et Whitman, 2000: lOs.). Les questions présentées ci­
dessus nous semblent pertinentes dans le contexte de la littérature des études
européennes et concernant chaque étude de la politique étrangère d'un pays membre
de l'UE. Également dans le contexte de notre recherche ces trois sujets seront
pertinents; surtout le deuxième et troisième catalogue de questions seront pertinents
pour notre sujet de recherche. Les différentes relations avec des pays tiers à un niveau
national et européen ainsi que l'influence de la PESCIPESO sur les politiques
étrangères représentent des variables importantes dans l'analyse comparative des
politiques extérieures française et britannique.
IV. La méthodologie
Au niveau conceptuel, la théorie de rôle, introduite par Kal Holsti (1970), se présente
utile afin d'établir la direction générale de la politique étrangère d'un État. Puisque la
définition d'un rôle ainsi que son acceptation par d'autres acteurs demeurent des
objectifs centraux d'un État, les préférences, l'image du monde ainsi que la définition
d'une situation et des options disponibles peuvent être élaborées à partir des rôles
employés par les représentants de cet État (Le Prestre, 1997 : 5). La manière dont les
membres d'un groupe pensent être perçus par les autres et le statut qu'ils attribuent à
14
leur nation représentent des facteurs pertinents à la définition d'une identité nationale
(Wendt, 1992 : 398) qui agit sur la formulation des rôles. Le concept de rôle peut
aider à expliquer les anomalies dans le comportement d'un État. En effet, à partir
d'un rôle établi, l'État pourrait même entreprendre des actions qui contredisent ses
intérêts nationaux. On pourrait même aller aussi loin et dire que les changements en
matière de la politique étrangère pivotent autour de la redéfinition des rôles étatiques
au sein du système international (Le Prestre, 1997 : 3). Les divers rôles que possède
chaque État constituent un ensemble (<< role set ») qui guidera son comportement en
politique étrangère (Kirste et MauIl, 1996 : 293).
A un niveau théorique, les concepts de rôle relient les constructions d'identité et les
motifs de la politique étrangère à un niveau analytique et opérationnel. Ces concepts
peuvent servir comme feuille de route ('road map') facilitant aux décideurs politiques
la navigation à travers une réalité politique complexe. A un niveau épistémologique,
les concepts de rôle fournissent un lien essentiel entre l'agent et la structure dans le
sens qu'ils englobent le contexte institutionnel dans lequel se produit la politique
étrangère de même que les intentions personnelles du personnel politique (Aggestam,
2004 : 82). La question de recherche dans une analyse de rôle sera alors: quelles
collectivités sociales, quels intérêts et valeurs les dirigeants politiques veulent-ils
représenter et avancer dans leur politique étrangère? Les priorités politiques
exprimées et appuyées par les rôles doivent pourtant être étudiées à partir de leurs
trois niveaux d'émergence: la structure, l'interaction et l'intention. Ceci nous mène à
éviter le piège de trop socialiser les sujets de la politique étrangère (<< over-socialise
the agenda in foreign policy ») à partir d'un angle d'analyse constructiviste. En effet,
le contexte dans lequel émerge l'ensemble des rôles auquel se réfère un État ou
gouvernement est structuré par les normes et règles qui dérivent du niveau
institutionnel. Cependant, ce contexte est de même influencé par les caractéristiques
matérielles ainsi que par exemple la puissance économique et/ou la situation
géographique. Il apparaît également que les interactions avec d'autres acteurs
15
étatiques ou non-gouvernementaux contribuent à ce contexte dynamique. Le
processus flexible à ces trois niveaux peut guider les leaders politiques vers la
redéfinition de leurs priorités et rôles (Ibid., 89).
Nous pensons que l'État en tant qu'acteur politique ne représente pas un acteur
abstrait et autonome, mais que le comportement étatique va plutôt être guidé par les
intérêts et conceptions des dirigeants politiques qui constituent- entre autres- l'entité
d'analyse de 1'« État ». A partir d'une telle conception de l'État, le discours des
dirigeants politiques est primordial afin de caractériser les priorités et intérêts
nationaux construits. Par une analyse du discours, les variables matérielles et les
valeurs sous-jacentes qui inspirent les priorités établis par les gouvernements peuvent
être observées. La justification des choix politiques ressort autant du discours officiel
que de l'attitude nationale à l'égard des politiques européennes de la PESC/PESD.
Nous avons donc analysé les discours, les entretiens et les prises de positions publiées
dans la presse quotidienne ou bien exprimées lors des conférences de presse. Les
acteurs qui formulent les objectifs de la politique étrangère et de la sécurité et qui
prononcent ainsi les rôles déterminants sont avant tout le Premier ministre
britannique et le Président français. Cependant, les ministres des Affaires étrangères
et, dans une moindre mesure, les ministres de la Défense sont également impliqués
dans la formulation de la position officielle que nous analysons. Ce cadre a été
délimité par le choix de tous les discours où les politiciens prennent position ou se
réfèrent au sujet de l'Irak. Puisqu'il s'agit d'un grand nombre de documents- environ
300 - une étude quantitative des rôles nous semblait ardue en rapportant pas
nécessairement les résultats pertinents. Ainsi, nous avons renoncé à compter le
nombre d'occurrence de chaque rôle au sein des documents d'analyse. Nous pensons
qu'une analyse concernant le contenu des différents rôles sera davantage intéressante
qu'un exercice de quantification. Pourquoi cette crise au sein de l'UE s'est-elle
produit et de quelle manière? Nous avons examiné le discours de la façon suivante.
16
En observant les documents officiels présentés ci-dessus, selon nous, trois rôles
structurent respectivement le discours du gouvernement français et britannique. Nous
allons préciser de quels rôles il s'agit dans le deuxième et troisième chapitre. Ainsi,
ces trois rôles vont être observés après une analyse de l'identité de base et des
tendances de la politique étrangère nationales. Nous regardons comment ces rôles
sont présentés, par quels arguments les gouvernements tiennent à convaincre le public
et si cette tâche est réussie.
Les rôles ressortant du discours pourront nous aider à déterminer les intérêts
nationaux ainsi que les identités de base des deux politiques extérieures. En outre, ils
nous indiquent la direction de la politique étrangère et expliquent dans ce sens le
comportement qui est priorisé pendant la crise irakienne et pourquoi un tel
comportement est favorisé. Il s'agit entre autres des positions appuyées par rapport
aux États-Unis, à l'emploi de la force ainsi que concernant les Nations Unies et le
droit international. Il reste à déterminer si les stratégies favorisées par rapport à la
situation d'actualité en Irak sont cohérentes avec la politique étrangère nationale
appuyée au précédent. De même, concernant les identités de base, la question de la
continuité est pertinente. On pourrait constater soit une cohérence avec l'identité
nationale appuyée en général ou bien une rupture avec des valeurs identitaires
précédentes.
v.
Notre question de recherche
A la base de notre questionnement se trouve une préoccupation fondamentale, à
savoir d'où provient l'opposition entre les visions stratégiques française et
britannique qui amène à une scission au sein de l'UE pendant la crise irakienne. Nous
considérons que les perceptions nationales de la PESD sont façonnées par divers
facteurs. D'abord, nous trouvons pertinente la thèse de Gnesotto (2004 :14) selon
laquelle cette politique se formulerait à partir d'événements extérieurs, notamment
17
l'ambition européenne et l'attitude face à l'Amérique. Ces éléments représentent un
premier axe de recherche. De la sorte, ce seraient les conceptions divergentes franco­
britanniques des relations entre l'Europe et les États-Unis qui structureraient leur
vision sécuritaire et stratégique.
Ensuite, nous pouvons nous interroger sur quelles variables précises se constitue la
politique étrangère nationale. Quels pourraient être les intérêts qui guident le
Président français vers une crise grave dans les relations avec la grande puissance
américaine? De même quels motifs mènent Tony Blair vers une participation à cette
guerre, malgré le scepticisme et l'opposition de la population britannique à l'égard de
cette intervention? Les motifs liés aux stratégies privilégiées par les deux pays ne
semblent pas dériver uniquement des intérêts matériels. Le deuxième axe de
recherche nous suggère, par VOle de conséquence, que les identités et valeurs
contribuent également à la formulation des politiques étrangères nationales.
Conséquemment les attitudes et principes dérivant de ces facteurs non-matériels vont
influencer le comportement du gouvernement en situation de crise. Une analyse, qui
tient compte de la multitude des éléments qui influent sur une politique étrangère, en
soulignant également les identités nationales et leur impact sur les visions
stratégiques respectives, nous semble dans ce sens mener à des réponses pertinentes
pour expliquer les comportements britannique et français.
En somme, plusieurs questions vont guider notre recherche au suivant: En premier
lieu, l'influence de la PESCIPESD sur les politiques étrangères (Manners et
Whitman, 2000 : 13) est à souligner pour l'analyse que nous désirons effectuer. A cet
égard,
nous
n'avons
pas
l'intention
d'examiner
précisément
les
politiques
européennes de sécurité et de défense dans notre travail, mais il sera plutôt d'intérêt
d'établir comment celles-ci pèsent sur les politiques nationales. Le champ de la
politique étrangère nationale se trouve ainsi influencé par le contexte européen dans
toute son envergure, tout en préservant des domaines d'action « réservés », alors
18
nationaux. En second lieu, à partir d'une approche inspirée de la pensée
constructiviste, qui tient compte de l'état construit et processuel de la politique
étrangère, nous soulignons que les identités représentent un facteur d'influence
central sur les politiques extérieures. L'identité nationale en tant que produit d'un
débat interne au niveau de la société, guidé par les médias, les forces politiques et
sociales ainsi que l'appareil étatique et les membres du gouvernement (Macleod,
2002 : 72) agissent sur la formulation des intérêts nationaux. Également, l'élément
d'altérité est à accentuer. La délimitation envers les membres hors du groupe mène
les acteurs d'un système social vers l'affirmation de leur identité. Surtout lors de
situations politiques conflictuelles, ce processus de démarcation mène à la formation
d'une identité nationale encore plus distincte (Katzenstein et al., 1996 : 6). La mise en
évidence de l'identité dans la détermination des facteurs d'influence sur les politiques
menées par la France et la Grande-Bretagne sera donc pertinente. Finalement, à partir
des actes de langage, nous analyserons les facteurs centraux qui reflètent le clivage
intra-européen, explicite pendant la crise irakienne.
Notre mémoire est structuré de la manière suivante. Dans une première pal1ie, les
identités nationales seront mises en relation avec les visions stratégiques française et
britannique. Par la suite, nous analyserons la politique étrangère de chacun des deux
États, et en particulier les priorités et tendances qui sont au cœur de cette politique
extérieure au cours mandat du Premier ministre britannique, Tony Blair, et du
Président français, Jacques Chirac. Il ne s'agit pas de tracer les événements de cette
période, mais plutôt de déterminer les caractéristiques ainsi que le style de
gouvernement de chacun. Il va sans dire que certains incidents, par exemple les
attentats du Il septembre 2001 vont modifier le comp0l1ement des leaders politiques.
Mais généralement, nous désirons envisager le contexte plus large, c'est-à dire la
manière de mener la politique étrangère. Nous nous pencherons notamment sur, les
relations de ces pays avec l'UE ainsi que les États-Unis et qui affecteront leur
comportement tout au long de la crise irakienne. Ensuite, l'analyse du discours
19
national va retracer les priorités soulignées par les discours pendant la crise irakienne.
Finalement, l'étude sera complétée par une conclusion qui relie les aspects importants
de la recherche. En premier lieu, une partie comparative évalue les différents rôles,
leurs origines et leurs applications dans le contexte national spécifique en France et
en Grande-Bretagne. Ensuite, la conception nationale de la PESD et les préférences
stratégiques seront à comparer. Ceci permettra de conclure notre étude avec quelques
remarques finales.
20
CHAPITRE 1
LES IDENTITÉS NATIONALES ET LES VISIONS
STRATÉGIQUES DE LA FRANCE ET DE LA GRANDE­
BRETAGNE
Les premières et deuxièmes parties de ce chapitre tracent les tendances principales
des identités nationales en tenant compte des valeurs qui inspirent la politique
étrangère de la France et de la Grande-Bretagne. La manière dont les visions
stratégiques respectives sont influencées par des aspects identitaires sera comparée
dans la dernière partie du chapitre. La période d'analyse débute avec la fin de la
Deuxième Guerre mondiale jusqu'au commencement des mandats de Tony Blair (en
1997) et de Jacques Chirac (en 1995). Les chapitres suivants vont examiner plus
précisément ces mandats et le style de la politique étrangère des deux hommes
politiques.
Puisque ce chapitre traitera les identités nationales dans un contexte politique, nous
devons ajouter quelques remarques sur cette notion de recherche. Parmi les
caractéristiques des identités on doit souligner surtout le caractère flexible des
phénomènes identitaires. Les identités demeurent difficiles à cerner. Les thèses sur les
identités préserveront ainsi toujours un caractère construit et hypothétique. Nous
soulignons cela avant d'effectuer des analyses dans le cas de la France et la Grande­
Bretagne. Il est nécessaire de tenir compte du fait que les idées présentées ci-dessous
ne pourront représenter qu'un aspect de toute l'identité nationale, française et
britannique, qui dérive d'un contexte historique et culturel très riche. Les éléments
présentés dans notre étude se réfèrent uniquement aux notions qui ont un impact sur
les visions stratégiques des deux pays et sont ainsi pertinents pour la politique
étrangère nationale.
1.1.
La politique extérieure française et les identités nationales
21
Quels éléments d'une identité nationale se trouvent alors centraux dans la formulation
de la politique étrangère et des priorités stratégiques françaises? Il s'agit de mettre en
contexte
les
notions
caractéristiques
à
l'identité
nationale
tel
que
l' « exceptionnalisme ». Ensuite, les grandes lignes de la politique étrangère seront
retracées afin d'examiner à quel moment des crises se sont produites qui ont pu
plausiblement influer sur les identités de base. Finalement, les conclusions pour les
identités, leurs changements et l'impact sur les choix stratégiques seront tirées en
comparaison avec la Grande-Bretagne à la fin du chapitre.
1.1.1. Les facteurs identitaires
Si l'histoire nationale représente toujours un élément crucial dans la formation de
l'identité d'un État, ceci est encore davantage le cas pour la France. Ses valeurs
dérivent d'une conception nationale de l'État, de la nation et de la culture, inspirée
par la révolution française de 1789 (Lüsebrink, 2003 : 151). La forte conscience du
passé propre à la France est accompagnée de la perception d'un exceptionnalisme, et
d'un sens de la différence qui se trouvent au cœur de l'identité française. Le poids de
l'histoire pèse même sur la marge de manœuvre des politiciens dans la formulation de
la politique étrangère et de défense. Ipso facto, un patrimoine culturel restreint la
libelté d'action individuelle des politiciens et des fonctionnaires au niveau structurel
et cognitif (Keiger, 2005: 138 s.).
Concernant l'impact sur la politique étrangère nationale, deux notions qUl
proviennent de l'histoire moderne française structurent la logique interne de l'identité
française. D'abord, il s'agit du terme de la « grande nation », régulièrement utilisé
dans la presse internationale pour se référer au pays (souvent de manière ironique).
Cette expression dérive également d'un contexte historique d'une longue tradition.
Elle a été forgée pendant la révolution française où les fondements d'une
22
« grandeur» française ont été établis (Cogan, 2003, 61 s.). Le terme fait référence à la
tradition de conquêtes et d'imposition de force dans l'histoire française. Surtout
l'expansion coloniale, qui assurait à la France un statut de grande puissance
impériale, contribue au maintien de son rang et mène à une attitude qu'un diplomate
français nomme « querelleuse et individualiste» (cité par Cogan, 2003 : 68). Les
notions de 'statut', de 'puissance' et de 'prestige' comme éléments centraux dans le
processus de formulation d'une po litique étrangère (Blunden, 2000 : 19) dérivent de
ce contexte historique. Deuxièmement, l'histoire a façonné le rôle de la France en tant
qu' « opprimée» ('underdog,)4 qui lutte contre un système ou un ordre étatique établi.
Face à la force dominante en Europe, que ce soit pendant l'empire romain ou plus
tard contre les Autrichiens, Britanniques, Allemands ou bien Américains, la nation
française a souvent défendu sa position et son indépendance. Dans ces luttes contre
une puissance supérieure, la France défend ses valeurs et son identité au besoin contre
la « tyrannie de l'heure» (Cogan, 2003 : 68-71). Un exemple actuel pour le rôle
d'opprimé joué par la France sera celui d'un défenseur de la diversité culturelle dans
une ère largement marquée par les effets de la mondialisation et du néo-libéralisme
ainsi que des normes anglo-saxonnes (Kolboom et Stark, 2005 : 367).
Par rapport aux valeurs qui marquent la politique étrangère française, on trouve à la
base le sentiment d'un « exceptionnalisme » français. L'insistance sur le fait que la
France est en quelque sorte différente des autres pays s'inspire de la conscience de
l'unicité de la langue française et des valeurs universelles de la liberté, égalité et
fraternité (Graham, 2004: 254). Tony Chafer et Emmanuel Godin proposent les
quatre caractéristiques principales pour délimiter cet exceptionnalisme français: le
rôle puissant de l'État français, le style de négociation, la diffusion des valeurs et le
modèle républicain français. La première caractéristique est représentée par l'État
Nous utiliserons la traduction proposée par l'auteur (voir: Cogan, 2005 qui représente une traduction
de la publication anglaise), même si une traduction du mot anglais « underdog » par « défavorisé»
serait également appropriée.
4
23
français, sous son apparence soit jacobine, républicaine ou protectionniste. Son rôle
extrêmement puissant face à d'autres systèmes démocratiques occidentaux façonne la
culture politique française (Chafer et Godin, 2005 : xv). Cette importance accordée à
l'appareil étatique et son impact sur les divers domaines de la vie quotidienne aboutit
à un sentiment de fierté national, ressenti par exemple dans le domaine de la défense
(Sabin et Touraine, 1990: 80). L'identification forte avec cet État et ainsi des
objectifs et valeurs communes mène à une identité notablement politisée qui a donc
tendance à intégrer les différentes attitudes de ces citoyens (Duchesne et Heath,
2005: 13). Un deuxième facteur structurant l'exceptionnalisme français sera une
préférence de style. Ceci s'effectue en faveur des confrontations et au détriment des
négociations, caractéristique des débats politiques; ce facteur fait référence à la
notion d' « opprimé ». Troisièmement, les valeurs héritées du siècle des Lumières et
de la révolution française, et la mission de les diffuser universellement, sont très
ambitieuses (Chafer et Godin, 2005 : xvi). Le désir français de partager et diffuser les
valeurs est à souligner. L'importance qui est attachée à la promotion des valeurs peut
s'expliquer par l'affirmation du caractère universaliste de ce système de valeurs. En
somme, la priorité accordée à leur diffusion peut dépasser encore les intérêts
immédiats, militaires ou économiques, en matière de la politique étrangère (Cerny,
1980: 75, cité par Le Prestre, 1997: 132). Finalement, le modèle républicain
privilégie les individus en négligeant les communautés et minorités au sein de l'État
nation (Chafer et Godin, 2005 : xv s.). La conscience de l'exceptionnalisme, présente
dans tous les domaines de la vie publique en France, est déterminante pour
appréhender l'idée sur laquelle la politique française repose, et qui inclut le désir de
garantir sa « place dans le monde» (Grosser, 1986 : 405). Cette idée fondamentale de
la position du pays dans le monde marque non seulement le discours politique mais se
démontre même par l'intérêt français pour les sujets de la politique internationale
(Kolboom et Stark, 2005 : 365 s.) et la réclamation de répandre ses valeurs sur la
scène internationale (Chafer et Godin, 2005 : xx). Un tel rayonnement de la France
dans le monde serait inimaginable sans les facteurs que représentent la langue et la
24
culture française (Kolboom et Stark, 2005 : 367).
L'ensemble de l'influence historique et des valeurs sur la politique étrangère seront
discutés ci-après face à la politique étrangère et aux intérêts stratégiques français.
1.1.2. Les crises et leur impact identitaire sur la politique étrangère
française
Deux événements provoquent des transformations remarquables dans l'identité
nationale en France depuis 1945, d'abord le début du mandat du général de Gaulle en
1958 et par la suite la fin de l'ère bipolaire, à partir de 1989-91. De nouvelles
aspirations d'une conception identitaire nationale en découlent.
Le retour du général de Gaulle au pouvoir politique en 1958, dans un moment de
crise causé par la guerre en Algérie, introduit une nouvelle politique étrangère
« gaulliste ». Cette politique façonne au suivant les lignes directrices de la future
politique française. Dans son approche, de Gaulle appuie des éléments qui accroîtront
l'indépendance et la grandeur nationale. Ses initiatives militaires reflètent ces
ambitions: il en va ainsi du retrait des troupes françaises du commandement militaire
intégré de l'OTAN, et de la création de la Force de frappe qui assure par l'acquisition
des capacités nucléaires une certaine autonomie politique (Cogan, 2003 : 84-88). Par
les thèmes « mythiques à contenu positif» proposés par de Gaulle - la grandeur de la
France, son rang dans le monde et surtout l'indépendance nationale - (Agulhon,
2000: 133) le général essaie de projeter son idée de la France qui jouera un rôle
particulier et unique au niveau interne et mondial. Par sa politique étrangère il tente
de dépasser les contraintes systémiques afin de promouvoir l'identité nationale (Le
Prestre et Thumerelle, 1997 : 132). La vision gaulliste soustend pendant une période
durable la politique étrangère française ainsi que la culture politique. Les vingt années
suivantes, soit la politique étrangère de la phase de la guerre froide, s'inspirent de la
25
politique du général, non seulement concernant le contenu, mais aussi dans son style
et sa cohérence (Macleod, 2002 : 79-81). En effet, le discours politique se trouve
essentiellement marqué par ce que le général de Gaulle (1954: 7) appelait une
« certaine idée de la France ». Ce discours est particulièrement crucial pour définir le
style politique français, car il influence notablement l'action politique et en fait partie
intégrante. Pour reprendre l'expression de Kolboom et Stark (2005 : 365), la politique
fonctionne en tant que style qui devient conséquemment aussi action politique. A cet
égard, l'influence du général et des éléments 'gaullistes' de la politique étrangère se
ressentent jusqu'à nos jours.
Le deuxième événement qui influe sur les identités politiques de la France est la fin
de la guerre froide. La position stratégique de puissance française est mise en péril, en
premier lieu, par la dévaluation de ses capacités militaires. Ensuite, les relations
franco-allemandes,
d'importance
majeure
dans
le
contexte
de
l'intégration
européenne, se reconstituent par les transformations géopolitiques, et amoindrissent la
marge de manœuvre de la France envers le partenaire allemand (Kolboom et Stark,
2005 : 366). Troisièmement, sa {( position unique» comme charnière entre l'Est et
l'Ouest disparaît avec le bouleversement du monde bipolaire (Blunden, 2000 : 20­
23). En somme, comme le souligne un ancien le conseiller diplomatique français,
Hubert Védrine, les éléments du patrimoine historique ainsi que la « puissance» et le
{( prestige » subissent une relativisation énorme à cette époque qui crée un nouvel
équilibre des puissances en faveur des États-Unis (Védrine, 2000 : 31). La politique
étrangère française depuis la fin de la guerre froide est axée en partie sur des
préoccupations au sujet du rôle que la nation devrait maintenant jouer dans le monde
(Le Prestre et Thumerelle, 1997 : 131). Dans ce nouveau contexte la recherche d'une
identité européenne de défense se poursuit. Celle-ci était une ambition française
stratégique et diplomatique subsistante depuis quarante ans. Elle retrouve son
actualité dans les perturbations en Europe qui renforcent la nécessité et la possibilité
de développer une telle défense après la guerre froide (Bozo, 1991: 195).
26
Deuxièmement, l'aspect multilatéral de la politique étrangère redevient crucial dans
le nouvel ordre unipolaire. En ce concerne la construction européenne et
l'instauration d'un système collectif de sécurité en Europe, les efforts français sont
remarquables (Le Prestre et Thumerelle, 1997: 138). Avec l'insistance sur les liens
multilatéraux, un élargissement de la puissance nationale est envisagé dans le but que
la voix française se fasse entendre sur la scène mondiale.
Si on évalue les identités apparentes dans le contexte politique français, trois thèmes
centraux ressortent autour desquels se structure un grand nombre d'intérêts nationaux.
Premièrement, il s'agit d'une identité de base axée sur la « tradition républicaine ».
Les intérêts centrés sur la défense et la promotion des institutions internationales
résultent de cette notion identitaire. Les concepts clés liées à cet aspect identitaire
sont l'indépendance et la souveraineté. Des réactions comme le retrait de la structure
intégrée de l' OTAN peuvent être expliquées par rapport à cette facette de l'identité.
Ensuite, la notion de « rang» suscite le désir de se hisser au niveau d'autres grandes
puissances. On vise à accomplir le désir de se positionner d'une telle manière en
dégageant un leadership au sein de l'UE. Le rôle de puissance occidentale en Afrique
francophone contribue également au maintien du rang national. Enfin, la notion de
« mission civilisatrice» fait référence à l'acceptation et la diffusion des valeurs ainsi
que de la langue française au niveau international (Macleod, 2002 : 80). L'identité
nationale centrale, relativement stable par rapport aux changements temporaires,
(Castells, 2004: 6) englobe ces éléments principaux ainsi que la tradition
républicaine, le rang et la mission civilisatrice de la France. Certains intérêts
nationaux et certaines structures de comportements dérivent de ces valeurs
fondamentales. Également, les politiques multilatérales sont devenues centrales pour
la politique étrangère française qui a pour objectif principal la prise d'influence sur la
scène mondiale. Nous allons préciser cette hypothèse à la fin du chapitre, après avoir
examiné les éléments identitaires de la politique étrangère britannique.
27
1.2.
La politique extérieure britannique et les identités nationales
Comme dans le cas de la France, il s'agit de préciser les facteurs identitaires et les
valeurs au cœur d'une politique étrangère britannique. Également, il est d'intérêt de
démontrer à quels moments des changements d'identité ont pu émerger dans le
contexte historique. Ceci permettra finalement de comparer les identités et leur
impact
sur
les
choix
internationaux
ainsi
que
les
politiques
stratégiques
respectivement menées par les deux pays tout à la fin du chapitre.
1.2.1. Facteurs identitaires
En ce qui concerne les ongmes de l'identité britannique, le phénomène semble à
prime abord moins facile à cerner qu'en France. Dans une comparaison avec la
France, celle-ci représente le modèle républicain de l'identité nationale par
excellence, en représentant une nation homogène et universaliste. Quant à la Grande­
Bretagne, elle possède une histoire plus compliquée en raison des deux niveaux de
son identité nationale (Duchesne et Heath, 2005 : 1). Ces niveaux dérivent de sa
structure géographique et mènent à un manque d'un nationalisme homogène. Car au
sein de la Grande-Bretagne se regroupent les nations de l'Angleterre, de l'Écosse et
de Wales, avec un contexte d'expériences historiques largement différent. Au-delà de
cette
diversité,
l'Irlande
du
Nord
ajoute
une
dimension
problématique
à
l'identification d'un concept d'État nation britannique; la population étant divisée
entre loyalistes qui désirent renforcer le lien avec le Royaume-Uni, et groupes
nationalistes qui cherchent à joindre une République irlandaise plus large.
Historiquement, le nationalisme britannique était à son point culminant pendant les
périodes où l'existence d'un ennemi commun aux nations et îles britannique rendait
l'homogénéité nécessaire. Dans le passé, la défense face aux ennemis était fréquente,
ce qui s'explique par l'ancien rôle de puissance mondiale et impériale dont jouissait
la Grande-Bretagne (Mannin, 2004, 308 s.). Néanmoins, ces conditions n'ont pas pu
28
mener au développement d'une nation, ni a fortiori d'une identité homogène. Un
autre facteur qui inspire le manque de nationalisme dérive du modèle multiculturel
d'immigration qui structure la société britannique actuelle. En somme, le manque de
consistance au niveau national explique largement la nature non consensuelle de
l'identité nationale britannique (Duchesne et Heath, 2005 : 1).
De cette manière, la définition d'une identité précise de la Grande-Bretagne dans le
monde est au moins contestée, non seulement dans les débats académiques mais
également par les partisans des partis politiques. Au sein du Parti conservateur, les
gouvernements de Margaret Thatcher ainsi que de John Major soulignent tous les
deux les éléments centraux d'une identité britannique en les accentuant de différentes
manières (Macleod, 1997 : 174-178). Nous considérons que ces éléments, présentés
au sein d'une étude sur les rôles de la Grande-Bretagne après la guerre froide,
constituent d'importantes sources dans la quête de l'identité nationale britannique.
Les mêmes quatre composantes principales sont définies et utilisée dans leurs
discours par Major et Thatcher. Il s'agit d'abord de la Grande-Bretagne en tant que
« bastion des valeurs libérales », viennent ensuite son statut de « pays européen », de
« compétiteur économique », et finalement l'importance de la « souveraineté» (Ibid. :
174). L'attachement aux valeurs libérales date encore du 19
ème
siècle. La Grande­
Bretagne a, dans ce sens, toujours défendue, et, dans une certaine mesure, exportée
ses valeurs soit en situation de guerre contre ses ennemis, soit dans ses anciennes
colonies. Parmi ces valeurs figurent avant tout l'attachement au libre échange et la
dénonciation du protectionnisme, mais également les valeurs libérales occidentales,
ainsi que la démocratie parlementaire, les élections libres et les principes du marché.
Dans l'ère communiste, la supériorité de ces principes face à ceux du monde
communiste sont régulièrement soulignés par Thatcher. L'image du compétiteur
économique s'insère dans le contexte des efforts effectués par le gouvernement
Thatcher pour contrer le déclin économique britannique. Prenant le contrepied d'une
économie britannique déclinante de longue date, les gouvernements conservateurs
29
insistent sur cette nouvelle caractéristique dans l'identité de la Grande-Bretagne
(Ibid: 177 s.), suite aux politiques et réformes économiques introduites par Thatcher
(Marmin, 2004 : 304-307). L'identité européenne et la notion de souveraineté en tant
qu'éléments identitaires vont de pair. Effectivement, la souveraineté se trouve à
l'ordre du jour pendant le débat sur le Traité de Maastricht en 1992, au cours duquel
on évalue une éventuelle renonciation de la Grande-Bretagne à sa souveraineté, et son
sacrifice sur l'autel d'une Europe unie. Généralement, la préoccupation du maintien
des prérogatives du Parlement britannique devient d'actualité aux moments où
émergent des débats européens sur une intégration approfondie (Macleod, 1997:
175). Quant à l'identité européenne, elle gagne en pertinence dans le contexte post­
guerre froide et se trouve soulignée par les Premier ministres conservateurs.
Néanmoins, la vision britannique de cette identité donne priorité plutôt à la mise en
vigueur des mesures politiques concrètes au lieu d'insister sur des « rêves
impraticables» (Maj or, 1991, cité par Ibid.: 177), ce qui se réfère à l'élément
supranational de l'UE. Cette position explique en partie son isolement par rapport aux
autres pays européens (Idem.).
1.2.2. Les crises et leur impact identitaire sur la politique étrangère
britannique
Pour la Grande-Bretagne, les événements extérieurs produisant des ruptures dans sa
politique étrangère et nécessitant une reformulation des identités nationales sont
d'abord le nouveau système international après la Deuxième Guerre mondiale, et
ensuite les changements imposés par la fin de la guerre froide. Même s'il faut
souligner le mandat et l'impact politique de Margaret Thatcher, ils n'ont à notre avis
pas marqué le paysage et l'identité politique de manière aussi durable que cela ceux
du gaullisme sur la France. Cette différence fondamentale peut encore s'expliquer par
les conceptions divergentes de « nationalité» qui existent en France et en Grande­
Bretagne. Dans le cas de la Grande-Bretagne, les motifs qui inspirent sa nationalité
30
sont plutôt segmentés. En fait, la conception de la nationalité semble influencée par
des facteurs sociodémographiques généraux ainsi que par l'éducation ou la
génération. Face à ce caractère segmenté, la conception d'une nationalité française
sera au contraire politisée et plus intégrée, indépendamment du groupe social
(Duchesne et Heath, 2005 : 13). En conséquence, l'impact politique thatchérien n'a
pas marqué le style politique et encore moins les politiques travaillistes actuelles de
manière fondamentale. Un tel infléchissement était d'autant plus difficile que le
système politique se trouve plutôt fragmenté, et l'opinion publique non homogène.
La fin de la Deuxième Guerre mondiale signale le déclin de l'Empire britannique, un
fait que les politiciens et le public britanniques reconnaissent difficilement. Mais les
conséquences ont non seulement un impact notable sur les politiques interne et
étrangère de la Grande-Bretagne, mais aussi sur le déclin de sa position de puissance
économique mondiale. Néanmoins, le succès de la guerre et le fait de s'être défendu
seul avant de recevoir le soutien militaire des États-Unis entretient la vision partagée
par l'élite et la population britannique que la Grande-Bretagne demeure une grande
puissance dans le scénario international d'après-guerre (Mannin, 2004 : 300). Cet
héritage culturel provoquera un ajustement difficile dans les années à suivre.
Contrairement aux autres nations européennes qui introduisent, en réaction à leurs
expériences pendant et avant la guerre, des changements majeurs à leurs structures de
gouvernance, la Grande-Bretagne n'estime pas que ses institutions politiques
nécessitent de modifications. Le modèle de Westminster et un parlementarisme du
19
ème
siècle compliquent pourtant l'application des mesures qui pourraient mettre à
jour le système social. De même, les réformes économiques nécessaires se produisent
difficilement dans ce même contexte (Ibid., 301 s.). Les premiers efforts pour joindre
l'Union européenne découlent du désir de solutionner les problèmes économiques,
alors que les politiques « révolutionnaires» de Margaret Thatcher produisent les
conditions pour les changements économiques et politiques majeurs pendant la fin
des années 1980 (Ibid., 304).
31
Ce contexte interne de la politique étrangère britannique est accompagné de la
perception externe du rôle de la Grande-Bretagne, soit la conception du rôle qu'elle
devrait jouer sur la scène mondiale. À cet égard, on doit citer le modèle des « trois
cercles qui se chevauchent » de Churchill, et qui résume la vision britannique des
priorités dans les relations de la politique étrangère. À cet égard le partenariat avec les
États-Unis représente la première priorité, suivie par les relations avec le
Commonwealth, puis troisièmement avec le continent européen (Churchill, 1948). Le
rôle majeur que jouent les Américains dans la politique étrangère et la conception du
monde britannique représente une constante qui demeure centrale dans les années
précédentes, SUliout à un niveau militaire. Ainsi, les choix britanniques s'effectuent
par référence aux choix américains, avec l'intention d'orienter les décisions des États­
Unis. Mais la politique britannique en matière de défense est ambivalente: on désire
maintenir les liens privilégiés avec les États-Unis, tout en s'assurant par sa politique
nucléaire contre un isolationnisme américain (Sabin et Touraine, 1990, 58 ; 61). En
cultivant un certain mythe de la relation spéciale, la Grande-Bretagne bénéficie d'une
image de puissance stratégique, et occulte le rôle qui lui est souvent reproché de
« client» des Américains. Ainsi, l'ajustement de l'identité et des intérêts nationaux
aux États-Unis permet aux dirigeants britanniques de se prévaloir d'une gestion de
leur puissance, en participant au façonnement de l'ordre mondial, quoique de manière
subalterne aux Américains (Lavallée et ü'Meara, 2005, 38). Par contre, suite à la
crise de Suez en 1956, la Grande-Bretagne - comme la France- se rend compte de sa
perte d'influence en tant que puissance mondiale et de son incapacité à agir contre les
intérêts américains. Un rapprochement avec l'Europe en résulte. La première
demande d'adhésion à la Communauté européenne de 1961 doit être comprise dans
ce contexte de Suez comme une orientation vers l'Europe; même si elle est
principalement motivée par les raisons économiques (Forster, Blair, 2002, 18-20).
Mais la vision de la politique européenne des gouvernements britanniques dans les
années suivantes s'inspire généralement du modèle de la coopération de manière
32
intergouvernementale entre les États membres (Morgan, 1997, 23 s.). Cette image
trace ainsi clairement les limites de la coopération régionale. Mais néanmoins, une
réorientation dans le modèle de Churchill a graduellement été effectué en faveur de
l'Europe, même si la relation avec les États-Unis semble souvent encore priori sée
face au partenariat européen (Blair, 2003a)5.
Après 1990 une rupture s'effectue concernant le statut de puissance de la Grande­
Bretagne. Tout au long de la guerre froide elle avait profité de la structure bipolaire
des relations internationales qui l'aidait dans une certaine mesure à camoufler son
déclin politique et économique. Surtout la relation « spéciale» avec les États-Unis lui
avait assuré un gain considérable de statut et prestige. Cette amitié lui permettait
d'étendre son statut au-delà de ses capacités militaires, même si l'intensité de cette
union
diminue
graduellement
(Buller,
2004,
194).
Maintenant,
le
nouvel
environnement géopolitique flou et incertain exige une adaptation à de nouvelles
réalités. A cette contrainte s'ajoute le processus de la mondialisation qui réduit la
marge de manœuvre des États nations et pèse conséquemment sur la politique
étrangère britannique (Ibid.: 194 s.). Même
SI
son déclin sur le plan intérieur
s'effectuait au fur et à mesure depuis 1945, l'effondrement du communisme en
Europe de l'Est aggrave la situation pour la Grande-Bretagne. Un autre de ses piliers
essentiels assurant sa place dans le monde, qui fût sa contribution au réseau de
défense occidental, était maintenant éliminé (Macleod, 1997 : 162). De cette manière,
l'incertitude à propos de l'identité britannique se renforce, ce qui est démontré par la
domination de cet enjeu dans les débats concernant la politique étrangère britannique.
Généralement, la Grande-Bretagne n'a pas réussi à réinventer son rôle et son identité
face aux nouvelles réalités internationales. Contrairement à la France, qui a réagi aux
Cette relation sera étudiée plus profondément dans notre troisième chapitre. Pourtant, dans les
priorités stratégiques de la politique étrangère britannique que Tony Blair cite en 2003, le partenariat
américain est encore nommé en première place avant l'importance accordée à l'Union européenne
(B lair, 2003a).
5
33
conditions extérieures en réorientant son rôle vers celui d'une puissance centrale dans
la construction de l'UE, la Grande-Bretagne manque de nouveaux enjeux qui
définissent son rôle et son identité. Ce fait est surtout dû au manque de consensus par
rapport à la place et au rôle britannique au sein de l'Europe. En ce qui concerne son
rang comme puissance européenne dans un ordre hégémonique mondial en transition,
la classe politique britannique ainsi que la population sont divisées concernant les
identités et intérêts liés à ce statut (Lavallée et Q'Meara, 2005 : 39). Les désaccords
s'expriment entre les partis politiques et à l'intérieur des partis; ces dissensions
diminuent l'impact des positions sur le débat politique général (Sabin et Touraine,
1990: 87). Les divisions identitaires se remarquent également dans l'actualité et
affaiblissent la formulation des stratégies pour la politique étrangère britannique. Ceci
nous met dans l'impossibilité d'énumérer les composantes incontestées d'une identité
centrale britannique, vu le manque d'homogénéité face à celle-ci. La quête d'une
identité qui structurera la politique étrangère britannique est guidée par le désir moins
précis de jouer un rôle sur la scène globale qui n'est cependant pas clairement clarifié.
Mais le gouvernement Blair inscrit sa politique dans ce désir, ce que nous allons
résumer au sein du troisième chapitre.
1.3.
Conclusion: Identités et visions stratégiques en France et en
Grande-Bretagne
Les sections précédentes nous ont indiqué que malgré les contraintes structurelles
similaires auxquelles les deux nations étaient confrontées depuis la fin de la
Deuxième Guerre mondiale jusqu'à la première moitié des années 1990, leurs
réponses respectives diffèrent notablement. Cependant, beaucoup de facteurs
analogues définissent la position britannique et française. Il s'agit du statut de
puissances moyennes « particulières» fondé sur la préservation d'un certain nombre
d'atouts, comme le statut de puissance nucléaire, leur siège permanent au Conseil de
sécurité des Nations unies et l'appartenance à d'autres organisations internationales
34
de sécurité. La volonté identique de jouer un rôle important sur la scène internationale
après la deuxième guerre mondiale guide les deux nations et se démontre par exemple
par le maintien de vastes appareils diplomatiques. Troisièmement, les deux acteurs
visent à obtenir une influence et puissance à un niveau suprarégional, ceci à partir
d'une aura internationale due aux valeurs de liberté et de démocratie (de la Serre et
al., 1990 : 15 s.). En fait, les deux pays insistent sur leurs intérêts au-delà de la région
de l'Europe occidentale. N'ayant jamais totalement acceptées la perte de leur statut de
puissance mondiale (Macleod, 2006 : 126), la France et la Grande-Bretagne essayent
de maintenir un niveau d'influence international.
Malgré ces éléments communs, les deux plus anciennes nations européennes
effectuent des choix internationaux de manière diamétralement opposée: Les
proclamations répétées
d'une
indépendance française
depuis son retrait du
commandement militaire de l'OTAN s'affrontent à l'image de la Grande-Bretagne
qui souligne ses «relations spéciales» avec les États-Unis et sa confiance en
l'Alliance atlantique (Sabin et Touraine, 1990 : 55). Dans leurs choix internationaux,
le désir d'intégration du côté britannique, ainsi que l'indépendance souhaitée par les
Français se reflètent également sur des politiques stratégiques adaptées. Par tradition,
ainsi que par leur contexte identitaire, la France pratique une politique de visibilité et
revendication. La Grande-Bretagne applique d'autre part un style marqué de
pragmatisme et d'influence (Ibid., 56). Mais au-delà des différences concernant les
styles
politiques
s'affrontent
deux
conceptions
opposées
de
la
puissance
internationale et du rôle de l'État, dans le sens que l'indiquent leurs identités et
histoires respectives.
En somme, la stratégie « d'influence» de la Grande-Bretagne guide sa politique de
défense. En s'inspirant de ce principe, elle désire accéder aux centres de décision par
l'amitié américaine et jouer un rôle à partir de l'intérieur. À l'inverse, la France
refuse
une
telle
politique
de
compromis
et
en
déduit
une
politique
35
« d'indépendance ». Cette préférence ne dérive non seulement d'une méfiance à
l'égard des États-Unis, mais de la conviction de différer essentiellement à l'égard des
conceptions américaines du monde (Sabin et Touraine, 1990 : 58 s.). La préservation
d'un statut de 'rang' a toujours inspiré les tentatives françaises d'instaurer une
structure de sécurité de l'Europe occidentale qui sera indépendante de l'OTAN. Au
contraire, la Grande-Bretagne désire maintenir la direction américaine en matière de
sécurité européenne ainsi qu'un rôle puissant de cette institution. Selon la vision
britannique, la présence américaine représente une source vitale pour la sécurité en
Europe (Macleod, 2006: 128). Les cultures sécuritaires dans les deux pays font
preuve de cette accentuation opposée, la différence centrale traditionnelle étant
représentée par l'attitude atlanticiste britannique versus l'européanisme français
(Howorth, 2000 : 35).
36
CHAPITRE II
L'ANALYSE DU DISCOURS OFFICIEL FRANÇAIS
PENDANT LA CRISE IRAKIENNE
Après avoir défini quelques caractéristiques de J'identité française, ce chapitre va
analyser les priorités, ambitions et lignes de comportement qui guident la politique
étrangère française à partir de 1995. Les tendances qui marquent le mandat du
Président de la République de la France, Jacques Chirac, sont à élaborer. Les
ambitions européennes, l'attitude face aux États-Unis et ensuite les préférences
stratégiques françaises vont être au centre d'intérêt. La deuxième partie du chapitre
mettra en évidence les rôles construits par les représentants officiels tout au long du
discours officiel, en étudiant comment les images de rôles s'insèrent dans la
continuité de la politique étrangère française et quel impact l'identité de base exerce
sur les rôles formulés.
2.1.
La politique étrangère française avant la crise irakienne
Dans sa fonction de chef d'État et garant de l'indépendance nationale (art. 5 de la
Constitution), le Président de la République est chargé de déterminer les priorités en
matière de la politique extérieure dans le système politique français. D'ici dérive la
notion du « domaine réservé» qui est souvent utilisée pour souligner l'idée que la
direction de la politique étrangère ainsi que de sécurité et de défense appartient avant
tout au Président, du moins quand il est soutenu par une majorité parlementaire.
Ainsi, tous les Présidents réclament ce privilège dans leur pratique politique, parmi
eux Jacques Chirac (Kessler, 1999 : 24 s.). Même pendant la période de cohabitation6
La « cohabitation» représente la situation politique où le Président de la République et le Premier
ministre appartiennent à des groupes politiques opposés. Le Président n'a conséquemment pas le
soutien majoritaire parlementaire et son rôle est nettement plus restreint. Dans ce sens, la réalité
politique correspond largement au texte constitutionnel; ce qui n'est pas le cas dans la situation
habituelle où le Président possède le soutien de la majorité parlementaire. (Schild et Uterwedde, 2006 :
6
37
avec le gouvernement socialiste de Jospin, entre 1998 et 2002, le pouvoir présidentiel
dans ce domaine ne se trouve que graduellement restreint (Müller-Brandeck-Bocquet,
2004: 158-160). En effet, les institutions de la Cinquième République instaurées par
De Gaulle garantissent généralement une marge de manœuvre large au chef de l'État.
La puissance du Président en tant qu'organe exécutif est encore renforcée par une
administration publique fortement centralisée. De la sorte, le système constitutionnel
français a souvent été défini comme système présidentiel ou même associé à une
« monarchie républicaine» (Graham, 2004: 253; 257). Au niveau institutionnel,
l'impact de Chirac sur la politique étrangère a été donc considérable. Le Président
doit obligatoirement tenir corn pte du contexte historique et idéationnel français et
insérer sa politique dans celui-ci (Keiger, 2005 : 138 s.). Le rôle de la France dans le
monde, que nous avions précisé au chapitre précédent, qui est inspiré par une vision
gaulliste et ainsi centrée sur la poursuite de la 'puissance' et de l' 'influence'
mondiale, représente une priorité stratégique française. De la sorte, cette vision est
soulignée dans la formulation de la politique extérieure par les Présidents, quel que
soit leur affiliation politique (Kolboom et Stark, 2005 : 367 s.)
L'impact de Chirac sur la politique étrangère française sera examiné dans ce contexte
constitutionnel national ainsi que par rapport aux conditions externes du système
mondial qui influent sur les actions dans ce domaine politique. Spécifiquement, les
relations avec l'Europe et l'Amérique ainsi que les priorités stratégiques de la France
seront étudiées en fonction des principaux concepts et motivations français.
12).
38
2.1.1. La politique étrangère sous le mandat de Jacques Chirac
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la politique étrangère de la France est marquée
par une dialectique fondamentale. En premier lieu, le maintien d'une indépendance
est généralement désiré. Cette revendication marque une constante dans la politique
française, surtout après l'expérience de l'occupation allemande à partir de 1940.
Deuxièmement il s'agit de l'engagement français en faveur du multilatéralisme
(Cogan, 2003 : 80 s.). Quand Chirac débute sa présidence en 1995, il représente le
premier Président gaulliste depuis Georges Pompidou (1969-1974). Plus précisément,
Chirac provient d'une tradition politique que l'on peut qualifier de néogaulliste. En
effet, non seulement l'identité nationale mais aussi les domaines traditionnels de
l'influence française ont été transformés par le nouvel environnement international de
l'après-guerre froide. Alors que les instruments d'influence classiques français au
niveau international ont amplement perdu de leur pertinence, la France préserve avant
tout son rôle d'initiateur dans le processus de l'intégration européenne (Müller­
Brandeck-Bocquet, 2004:
164 s.). Cette réalité façonne l'attitude face au
multilatéralisme qui est mise en pratique surtout par l'engagement au sein de l'UE.
Ainsi, l'appui des structures multilatérales demeure central, même si le deuxième
enjeu, de favoriser l'indépendance française, garde également une importance durant
le mandat de Chirac.
Cependant, l'attitude chiraquienne face à l'Europe était difficile à prédire, parce qu'il
avait soutenu des opinions contradictoires dans le passé. Chirac était impliqué depuis
longuement dans la politique de la Cinquième République, même en tant que Premier
ministre sous le gouvernement de cohabitation avec Mitterrand, de 1986 à 1988. Ses
attitudes envers l'Europe se transforment graduellement pendant son implication
politiq ue. Initialement très critique à l'égard de l'intégration, il joint, après quelques
hésitations, le camp des partisans du Traité de Maastricht en 1990 (Müller-Brandeck­
Bocquet, 2004: 166 s.). Pendant sa campagne électorale, il exprime pourtant
39
clairement sa réserve face au supranationalisme bruxellois. Ainsi, il se prononce dans
un discours
sur ses
principes
en
faveur d'une
revalorisation du
principe
intergouvernemental de l'Union (Chirac, discours du 16 mars 1995, cité par Idem.),
tradiormellement appuyé par la France en matière d'intégration politique.
En somme, les nouvelles conditions dues à l'envirormement externe et à la
dévalorisation des instruments d'influence française, imposent deux développements
essentiels à la politique étrangère française. D'une part on assiste à un ajustement des
relations avec les États-Unis, surtout en ce qui concerne leur nouveau rôle en tant que
dirigeant de l'Alliance transatlantique après la fin de la guerre froide. L' obj ectif
central de la France demeure celui de se présenter comme partenaire fiable des
Américains. Un changement d'orientation mène vers une politique davantage
atlantiste au milieu des armées 1990, sans pour autant que l'objectif de contrebalancer
l'influence américaine en Europe, surtout dans le domaine de la défense, soit négligé
(Meimeth, 2005: 413). D'autre part, Chirac se voit obligé d'accepter certaines
mesures fédératives dans la politique européerme, moins populaires dans une France
qui promeut traditiormellement une Europe intergouvernementale (Mül1er-Brandeck­
Bocquet, 2004 : 166).
Généralement, la conception stratégique qui sous-tend la vision française en matière
de la politique étrangère, adoptée également par Chirac, est celle d'un ordre mondial
multipolaire. Dans un tel ordre alternatif, l'Europe prend sa place qui devrait être
« éminente»
selon
le
Président
(Chirac,
1999)
7
.
L' « hyperpuissance»
que
représentent les États-Unis sera contrebalancée par un tel poids amplifié de la part de
l'Europe qui changera le système actuel, dominé par la puissance unilatérale
américaine (Kolboom et Stark, 2005: 380 s.). Le terme de l'hyperpuissance est
« La force pol itique de l'Union européenne sur la scène internationale est celle de ses Etats membres.
Ce sont eux, par leur volonté et par leurs capacités, qui décideront de faire vivre la nouvelle ambition
de l'Union européenne et contribueront ainsi à l'émergence d'un monde multipolaire dans lequel
l'Europe occupera toute sa place et qui ne peut être qu'éminente. » (Chirac, 1999).
7
40
introduit par le conseiller diplomatique français, Hubert Védrine, et signifie que les
États-Unis sont « beaucoup plus qu'une superpuissance du temps de la guerre
froide ». Une nation possédant une telle dominance et influence au niveau mondial
modifie largement la position des autres pays (Védrine, 2003 : 383 s.) et met en péril
l'équilibre de l'ordre mondial. Cette vision implique déjà en quelque sOlie le rôle
accordé à l'Europe et aux États-Unis par la politique étrangère française.
2.1.2. L'attitude face à l'intégration européenne
En tant qu'un des pays fondateurs des Communautés européennes (CE), devenues
depuis le Traité de Maastricht, en 1991, l'Union européenne, la France a toujours
insisté sur une intégration européenne en matière économique et politique. La France
a exercé longuement une influence incontestable au sein de l'institution européenne
où elle est une des puissances de propulsion. En transférant la recherche de la
« grandeur» et de l' « influence» au niveau supranational, elle étend sa marge de
manœuvre nationale. L'Union européenne représente alors le multiplicateur idéal
d'influence et de puissance mondiale (Blunden, 2000: 19-23). Tout en demeurant
sceptique face à l'orientation supranationale de l'intégration européenne, l'Europe
représente un instrument politique qui donne un moyen pour faire entendre la voix
française sur la scène internationale (Kolboom et Stark, 2005 : 370). En somme, une
politique de « balance coopérative dans le sens d'un ordre mondial multilatéral»
(Albertin, 2004: 24) est souhaitée par l'attribution de plus de compétences et
conséquemment de puissance à l'UE.
Surtout grâce à un partenariat approfondi avec l'Allemagne, autour d'initiatives
communes depuis les années 1950, elle essaie de réaliser sa vision d'une Europe en
tant qu'acteur politique mondial (Cogan, 2003: 80 s.). L'alliance proche avec
l'Allemagne représente un pilier central de la politique française envers l'Europe. La
combinaison du poids international de la France et de sa force militaire avec les
41
capacités économiques allemandes fournissent le fondement pour une puissance et un
leadership incontesté en Europe continentale (Graham, 2004 : 269). Dans le processus
de l'intégration européenne, surtout au niveau politique, une majorité des initiatives
communautaires sont inspirées par les propos franco-allemands. Pourtant les relations
perdent largement leur intensité pendant les années 1990. Ainsi, le « moteur» de
l'intégration européenne (Picht et Wessels) devient généralement moins efficace sous
la direction de Chirac qu'il l'avait été pendant la coopération entre Kohl et
Mitterrand. Les résultats faibles des Traités d'Amsterdam et de Nice (en 1997 et
2000), aussi concernant la politique étrangère commune, résultent, entre autres, du
manque d'initiatives franco-allemandes. Ce « blocage du moteur franco-allemand»
(Koopmann, 2003: 19) est continuellement dépassé par de nombreuses nouvelles
initiatives qui émergent à la veille du 40
èrne
anniversaire du Traité de l'ÉlyséeS en
automne 2002 et également par la coopération dans la phase finale de la crise
irakienne.
La politique européenne française s'appuie à la base sur le concept d'une « Europe
puissance ». Cette conception de l'Europe constitue un leitmotiv de la politique
française face à l'Europe depuis le mandat du général De Gaulle. Dans ce sens les
politiciens à travers les partis politiques accordent sur cette notion d'un «euro­
gaullisme» (Müller-Brandeck-Bocquet, 2004 : 207). Selon cette vision une Europe
crédible et influente serait en possession de capacités crédibles au niveau militaire
afm de devenir un acteur puissant au niveau mondial. La priorité française à l'égard
de l'intégration européenne sera donc le renforcement de la crédibilité et de
l'efficacité de l'action extérieure de l'Union (Chirac, 2002a). La nécessité de
renforcer la coopération européenne en matière de politique extérieure, de sécurité et
de défense est encore consolidée par les guerres dans les Balkans, où la dépendance
européenne de l'aide américaine se démontre clairement (Gnesotto, 2004: 14 s.).
Ce Traité d'amitié franco-allemande, mis en vigueur le 22 janvier 1963 structure et règlemente les
relations entre la France et J'Allemagne pour les années à suivre.
8
42
Concernant la défense européenne, cette politique connaît ses résultats les plus
significatifs pendant la présidence de Chirac. En reconnaissant les avantages d'une
collaboration avec la Grande-Bretagne dans ce domaine plutôt qu'avec le partenaire
allemand traditionnel, la déclaration de St-Malo est effectuée qui marque un tournant
majeur dans la relance de la défense européenne (Howorth, 2000: 33-35) en
établissant les fondements de la PESD.
L'attitude générale de Chirac à l'égard de l'Europe peut être décrite dans ses propres
mots comme «euro-réaliste ». De la sorte, il constate que la création de l'Europe
politique est inévitable. Conséquemment, il ne fait pas de théorie sur cette entité ni
idéaliserait le processus d'intégration en général. Il tente plutôt de s'adapter aux
réalités de l'heure (Chirac, cité par Le Monde, 30 septembre 2003). Cette attitude
marquera tout son mandat, sans nuire nécessairement à la position française au sein
de l'Europe. Malgré une position chiraquienne moins tournée vers l'Europe que ne
l'ont été d'autres Présidents français, le leadership français dans l'UE demeure
central pour la définition de son rôle et de sa position mondiale.
2.1.3. Les relations franco-américaines
Pour appréhender
la relation
complexe franco-américaine,
marquée
par
la
concurrence et l'amitié, il faut prendre en considération une complémentarité centrale
entre ces deux nations. Elles ont respectivement de fortes ambitions à projeter leurs
valeurs et culture à un niveau mondial. Ce désir structure et guide particulièrement
leur politique étrangère. Autant que les États-Unis, la France souhaite diffuser un
message universel et insiste en outre sur son statut, rang et exceptionnalisme culturel
(Cohen, 1996: 23)
9.
Cependant, le rôle de la France en tant que porteuse d'une
« Tout au long de notre histoire, notre nation s'est sentie investie d'une mission particulière sur le
théâtre du monde, porteuse de valeurs qu'elle voulait partager avec les autres peuples. » (De Villepin,
9
2üü2b).
43
mission est mis en péril par les effets de la mondialisation, d'où la méfiance française
envers l' «américanisation », perçue comme menace pour l'objectif central de la
politique étrangère française de projeter mais aussi de protéger ses valeurs (Blunden,
2000 : 22). Toutefois, l'amitié entre la France et les États-Unis émane d'une longue
histoire. La France représente l'allié le plus ancien des Américains ainsi que le seul
grand pays européen n'ayant jamais été en guerre contre eux. Par contre les échanges
considérables en matière économique et culturelle n'ont pas pu empêcher un certain
scepticisme français face aux promesses des États-Unis, qui dérive encore
d'événements historiques traumatisant tels que la crise de Suez en 1956 (Parmentier,
2004 : 119). De cette manière, la relation avec les Américains n'a jamais été basée sur
un rôle de soutien à toute condition (<< blind followership »). Elle favorise plutôt
traditiormellement une relation d'égalité avec le partenaire américain, dans laquelle le
rôle de l'Europe gagne de plus en plus d'importance (Parmentier, 2004 : 122) et qui
est cohérente à sa« stratégie d'indépendance ».
Après qu'un rapprochement général en direction des États-Unis se soit effectué
pendant le mandat de Chirac, les événements du Il septembre 2001 à New York
marquent une deuxième rupture dans les relations franco-américaines après les
changements maj eurs de 1990-1991. Le gouvernement et le Président français
recormaissent l'impact de cette date comme un grand choc au niveau international.
Ainsi, selon le ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, cet événement
s'inscrit dans le sillon de la chute du Mur de Berlin et du choc dégagé par la
mondialisation; ces trois grands chocs façormant considérablement l'envirormement
international (Villepin, 2002b). En effet, les réactions initiales françaises suite aux
attentats sont très solidaires des Américains. Non seulement la citation historique du
journal Le Monde du 13 septembre qui titre «Nous sommes tous Américains» fait
preuve de cette solidarité, mais de même la participation française subséquente à
l'intervention «Enduring Freedom» en Afghanistan. Pourtant, l'identification
spontanée avec les Américains mène vers des malentendus futurs. Comme d'autres
44
États européens, la France croit que ces expériences traumatiques mèneront au fur et
à mesure vers un renforcement des relations bilatérales. Par contre, la perception
américaine d'être « en guerre» contre le terrorisme, comme le déclare le Président
américain, ainsi que la nouvelle stratégie de sécurité des États-Unis marquent le début
d'une nouvelle ère. Ce traumatisme n'est pas saisi dans toute son ampleur par les
partenaires français (Parmentier, 2004: 117 s.). Ce fait, ainsi que le comportement
américain unilatéral lors les interventions en Afghanistan et en Irak mène vers un
changement dans l'humeur française qui se réoriente vers une perception critique de
la politique étrangère américaine (Parmentier, 2004:
119). En fin de compte, la
France reconnaît les « conséquences considérables» des attentats du II septembre,
mais conclue que cette date n'a« pas révolutionné le monde» (Védrine, 2003 : 313).
Cette perception doit être prise en compte pour appréhender le conflit qui se produit
entre les deux nations pendant les mois qui précèdent l'intervention en Irak.
2.1.4. Les priorités stratégiques françaises
Le désir français de conserver une indépendance face aux États-Unis se reflète
également dans le contexte de l'Alliance transatlantique. Ainsi, depuis que la France
a quitté le commandement militaire et ordonné aux troupes de l'OTAN de se retirer
de son territoire en 1966 (Cogan, 2005 : 191), le refus de participer à une structure de
commandement militaire intégrée demeure fondamental. Aux plans sécuritaire et
militaire cette stratégie est accompagnée de la priorité de maintenir une autonomie
nucléaire française (Gordon, 1993: 163 s.). La fin de la guerre froide et le
changement du rôle de l'OTAN qui en résulte incitent la France à exprimer une fois
plus son désir d'établir une identité européenne de défense. Mais avec Chirac un
rapprochement en direction de l'OTAN s'effectue à partir de 1995, ce qui devient
manifeste lors d'une réunion ministérielle à Berlin en juin 1996. Par contre, les
négociations sur un retour de la France dans les structures de l'OTAN échouent, étant
données les revendications françaises ambitieuses et incompatibles avec les intérêts
45
des États-Unis à cet égard (Cogan, 2003: 163-186). Par conséquence, la France
réoriente ses ambitions militaires vers l'Europe et s'engage davantage dans la
construction des structures communautaires autonomes (Meimeth, 2005: 413).
Néanmoins, l'attitude face à l'Alliance continue à se transformer progressivement
sous la présidence de Chirac, ce dont témoigne la participation française aux
interventions au Kosovo sous mandat de l'OTAN. Par ailleurs, l'idée que l'OTAN
peut représenter un instrument potentiel pour contenir la puissance unilatérale
américaine influe certainement sur la nouvelle préférence française d'opérer à travers
les structures de l'Alliance (Parmentier, 2004 : 120).
En même temps que la France essaie d'élargir son rôle sur la scène mondiale par son
impact au sein de l'Union européenne, elle projette également ses ambitions
stratégiques au niveau européen. Le désir d'établir une politique européenne de
défense autonome marque la politique étrangère française depuis les années 1950. La
première illustration de cette attitude se trouve dans l'initiative des « Plans de
Pleven» qui échouent devant l'Assemblée nationale en 1954 (Müller-Brandeck­
Bocquet, 2004: 14), en représentant pourtant une initiative avant-gardiste à cette
époque 10. Le désir de créer les fondements d'une Europe politique forte et unie
explique l'engagement actuel en faveur d'une politique européenne de sécurité et de
défense (PESD) afin d'approfondir le profil de la politique extérieure européenne et
ainsi son impact et poids au niveau mondial (Kolboom et Stark, 2005 : 367). Tout en
désirant se démarquer comme partenaire fiable des États-Unis, la création d'une
autonomie stratégique européenne est fortement souhaitée pendant le mandat de
Chirac et appuyée par une multitude d'initiatives au niveau international (Meimeth,
2005 : 413). L'exigence d'une influence européenne en domaine de défense dérive
également du fait que la politique stratégique française se veut une politique globale
(Sabin et Touraine, 1990 : 63). La revendication d'une Europe de défense s'inscrit en
10 Cette initiative a comme objectif la construction d'une armée européenne et la création d'une
communauté de défense européenne (Müller-Brandeck-Bocquet, 2004: 14).
46
outre logiquement dans la VISIon stratégique de l'ordre multipolaire. En ce qU!
concerne le style français selon cette tentative, il est marqué par la préférence des
grandes déclarations de principes, comme par exemple le «Plan d'action pour la
défense» présenté par Chirac en 1999. Par des discours présidentiel ou ministériel de
haut vol, on cherche à inspirer de manière politique la création d'une autonomie
stratégique européenne (Howorth, 2000 : 37).
2.2.
La position française pendant la crise irakienne
Plusieurs phases structurent l'approche française face à la crise irakienne depuis la fin
d'été 2002 jusqu'au début des interventions, le 20 mars 2003. Pendant la phase qui
précède les négociations sur la résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations
unies (CSNU), qui vise à orienter le désarmement de l'Irak, la France promeut surtout
deux enjeux: le rôle central de l'ONU dans le processus de désarmement ainsi que
l'importance du retour des inspecteurs en Irak. Après le vote en faveur de cette
résolution, elle tente de rassembler une majorité internationale autour de la procédure
des inspections. Depuis début janvier 2003, jusqu'en février 2003, les fonctionnaires
français, désormais convaincus que l'administration Bush s'enligne sur une
intervention militaire, essaient de défendre le régime des inspections au lieu d'une
intervention avec emploi de la force militaire. A partir de février, le vote sur une
éventuelle deuxième résolution du CSNU devient actuel. La France entreprend à cet
égard d'abord la tentative de l'empêcher et elle essaie ensuite de trouver une majorité
contre le projet de résolution. Après la phase active de la guerre, elle s'implique
finalement de nouveau pour la légitimation des Nations unies dans le contexte
d'après-guerre (Howorth, 2006 : 49).
Dans le discours français pendant la crise irakienne nous avons discerné les trois
conceptions du rôle de la France suivants: il s'agit, en premier lieu, du rôle d'un
47
« protecteur du droit international et des valeurs humanitaires », ensuite d'un « avocat
pour un ordre multipolaire» et finalement, du rôle du « leader européen ».
2.2.1. Le rôle du « défenseur du droit international et des valeurs
humanitaires»
Le désir français d'appuyer une action communautaire est à la base de l'objectif
central de désarmer l'Irak, toujours avec l'option du recours à la force comme moyen
ultime (Villepin, 2üü2j). Face à la question « quel mot pourra décrire et définir la
démarche française concernant l'Irak? », le ministre des Affaires étrangères,
Dominique de Villepin, souligne qu'il s'agit d'une
« conviction, appuyée sur le
respect du droit et de la morale» (Villepin, 2üü2g). Dans un autre discours il
accentue les trois principes français de l'heure qui seront la « sécurité collective »,
comme principe qui exige une responsabilité et action collective, deuxièmement le
« respect du droit et de la morale» et finalement la « solidarité et la justice ». D'un tel
angle, le respect du droit comme de la morale doivent conférer une légitimité à
l'action internationale. A partir de l'adhésion des nations, une action efficace­
militaire ou pacifique- pourra être menée (Villepin, 2üü3a). En effet, la primauté du
droit et les principes humanitaires sont soulignés dans la position officielle française
tout en mettant en évidence que la France n'insiste pas à sur la position pacifiste 11.
L'ambition universelle de la France d'assurer les principes de justice face aux enjeux
de sécurité est portée à l'attention 12.
Cette insistance sur le respect du droit international passe évidemment par l'appui du
rôle central des Nations unies dans un processus de désarmement. « Les Nations unies
11« France is not a pacifist country. We currently have more troops in the Balkan than the Americans»
(Chirac,2üü3e).
12 « La France se veut à la pointe de ce combat pour la planète. Il y a bien sûr un impératif
extrêmement important de sécurité générale de la planète, il faut défendre cette planète, aujourd'hui
menacée par les excès des hommes, mais il faut aussi se soucier de la justice entre les hommes el c'est
là où la perspective de développement représente un aspect très important. La France doit faire un
effort particulier et mobiliser la communauté internationale. » (Villepin, 2ü02a).
48
constituent la clef de voûte de l'ordre du monde. (... ] Dans l'urgence, doit se forger
entre les nations une nouvelle alliance, une communauté de destin. Elle est notre
avenir ; elle est notre chance.» (Villepin, 2002c) 13. Mais l'intérêt d'assurer
l'implication de l'ONU et du Conseil de sécurité est loin d'être uniquement motivé
par des valeurs ou au nom d'une justice abstraites. En effet, le siège au sein du
Conseil demeure un instrument de puissance pour la France. En conséquence pendant
les négociations sur le contenu de la résolution 1441,jusqu'à son entrée en vigueur en
novembre 2002, la diplomatie française participe à une «bataille onusieunne»
importante (Chirac, cité par Le Monde, 18 mars 2003). Il s'agit d'une part de réaliser
les ambitions multilatérales et d'assurer le fonctionnement des instruments du droit
international ainsi que d'autre part d'appuyer l'influence internationale de la France.
Au sein de l'ONU la France a toujours prétendu posséder le même poids que les
États-Unis, ce qui appuie de manière importante le « rang» français (Müller­
Brandeck-Boquet, 2004, 255). L'acceptation de la résolution se présente alors comme
un succès. Cependant, les gains obtenus par son adoption sont vite dépassés dans les
mois suivants. Même si la France affirme toujours sa volonté de participer à une
intervention militaire 14 , elle est très consciente du désir croissant des États-Unis
d'intervenir en Irak, sans le nécessaire appui onusien. Les représentants politiques
français essaient alors d'éviter une soumission au vote d'une deuxième résolution
l5
,
qui est pourtant favorisé surtout du côté britannique (Graham, 2004, 266 s.). Ils
persistent en outre à souligner les convictions françaises au niveau de la légalité et de
la morale concernant l'action en Irak: «Dans un monde en désordre, il est très
13 Une remarque d'ordre général concernant l'analyse du discours s'impose. À moins d'indication
contraire, les passages mis en italiques dans les citations du discours officiel dans ce travail ont été
effectués par nous.
14 « Nous considérons que, s'il devait y avoir une action militaire, celle-ci ne pourrait être décidée que
par le Conseil de sécurité sur le rapport des inspecteurs. Et la France garde naturellement sa totale
liberté d'appréciation sur ce sujet. » (Chirac, 2003a).
15 « Dans la position française, il n'y a pas besoin d'une nouvelle résolution dès lors que le cadre posé
par la résolution des Nations unies offre toutes les possibilités d'amélioration et de renforcement [... ] »
(Vi llepin, 2003d).
49
important de défendre avec conviction des principes moraux, d'avoir des exigences
très fortes dans le respect du droit. »(Villepin, 2003b).
Une fois que l'approche multilatérale à travers l'ONU semble avoir échoué, la France
cherche l'appui de l'Allemagne et de la Russie. Dans des déclarations communes les
trois nations favorisent le cadre du droit et multilatéralisme. Notamment leur lettre
commune, publiée en début mars 2003, insiste sur le soutien accordé au travail des
inspecteurs et le fondement légal que représente la résolution 1441 (Ivanov, Villepin
et Fischer, 2003). Les arguments moraux sont défendus par les dirigeants français
tout au long de la crise, même après qu'il semble déjà trop tard pour réaliser une
démarche multilatérale et légitimée par l'ONU.
2.2.2. Le rôle d' « avocat d'un ordre mondial multipolaire»
La préférence pour le multilatéralisme se trouve au cœur du deuxième rôle quand la
position officielle française s'exprime en faveur d'un ordre mondial multipolaire.
Cependant,
cette
prétention
va
au-delà
d'un
simple
appui
des
structures
multilatérales. Il s'agit plutôt de l'aspiration de répartir le pouvoir mondial de
manière plus juste. Une telle vision s'inspire de l'idée d'un contrepoids à
l' « hyperpuissance» en instituant un ordre mondial alternatif, comme nous l'avons
présenté dans la première partie du chapitre. Ce rôle se trouve donc directement lié
aux valeurs. Ainsi, les références à une telle image de la France sont d'ordre
idéologique et assez abstrait. Néanmoins, cette vision sous-entend le positionnement
pendant la phase qui précède la guerre en Irak et explique l'aversion contre toute
action militaire qui semble dériver d'une prétention unilatérale.
Pendant la crise, Chirac et Villepin accentuent l'impact général qu'a cette vIsIon
centrale d'un ordre mondial alternatif sur la politique étrangère française:
50
Aucune pUIssance ne peut aujourd'hui assumer seule la responsabilité de
l'équilibre du globe. Le monde aspire à se structurer autour de pôles de
stabilité et de progrès. Au-delà des États-Unis, l'Union EuropéeIU1e a
naturellement vocation à en constituer un, tout comme la Russie, la Chine, le
Japon, l'Inde notamment. (Villepin, 2002c)
En soulignant la nécessité de construire un système multipolaire, on met l'accent sur
les dangers d'une communauté mondiale où domine une seule puissance (Chirac,
2003e). En outre, Villepin précise les effets de stabilité et de justice mondiaux qui
résulteront du bâtiment d'un tel ordre mondial équilibré (Villepin, 2002g). Un début
dans une construction de ces structures pourra se faire justement par un
comportement collectif face à l'Irak:
Nous voulons rassembler, nous voulons être efficaces, que l'action soit
collective, non pas unilatérale et préventive. Il n'y a aucun alignement là, il y a
une vision claire de l'ordre international, l'idée que cet ordre international doit
être marqué à la fois par la détermination et en même temps, par l'exercice
d'une action collective. (Villepin, 2002d)
Cette conception du monde se heurte à celle des États-Unis, à l'égard de la sécurité
mondiale. Comme l'exprime Chirac en août 2002, la vision de la sécurité collective
de la France est perturbée par la tentative de légitimer l'usage unilatéral et préventif
de la force. Une conception de la sécurité devrait surtout reposer sur la coopération
des États et le respect du droit international (Chirac, 2002b). La perception de la
sécurité mondiale de la France tient compte des insécurités mondiales. Dans ce sens
les armes de destruction massives peuvent présenter des menaces dans des contextes
d'inégalité et de pauvreté. Mais la réponse à ces menaces ne sera pas nécessairement
le recours à la force, qui semble moins efficace face aux insécurités actuelles d'ordre
global. Plutôt une stabilisation de l'architecture mondiale en général et des régions en
51
déséquilibre pourrait représenter une stratégie sécuritaire de prévention (Chirac,
2üü2b). Dans une telle vision, la guerre contre le terrorisme que mènent les États­
Unis est ambigüe et, du point de vue français, semble moins efficace que le seraient
des mesures d'endiguement de la pauvreté. Ces positions antonymes sont censées
produire des différences; la crise diplomatique franco-américaine à l'époque de
l'intervention irakienne l'affirme. Par ailleurs, les officiels français mettent en
évidence que leur amitié avec l'hyperpuissance n'implique pas de soutien aveugle.
Selon eux, une alliance et amitié peuvent se construire sans que les avis doivent
nécessairement être congruents sur les sujets actuels irakiens et mondiaux
16
.
Selon
Chirac, il est important d'exprimer sa propre opinion sans que cela mette en cause la
solidarité atlantique (Chirac, 2üü3d). Ainsi, l'opinion que l'intervention unilatérale
représentera une erreur stratégique pour la stabilité de la région du Moyen-Orient est
ouvertement propagée
l
?
Le rôle du défenseur d'un ordre mondial multipolaire
s'applique alors par une stratégie d'indépendance qui refuse de camoufler les propres
attitudes face à une vision idéale du système mondial, en dépit des difficultés
diplomatiques qui pourraient en résulter.
2.2.3.
Le rôle du « leader européen»
Le troisième rôle met en évidence la pertinence qui est liée à l'Union européenne et
son rôle dans le processus de la crise irakienne. Non seulement qu'une importance est
accordée au positionnement de l'Europe sur la scène mondiale 18, désir qui s'insère
16 « Et, ce que je vous dis, c'est que la France compte parmi les amis des Américains, pas
nécessairement parmi les courtisans. Et donc, quand elle a quelque chose à dire, elle le dit. » (Chirac,
2002c)
17 « On voit en revanche très clairement dans le discours américain que l'on glisse progressivement de
la logique du désarmement à celle du changement de régime et même, plus largement, à celle du
remodelage du Moyen-Orient. Or c'est une logique qui ne figure pas dans la résolution 1441 et qui
soulève de multiples questions. » (ViJlepin, 2003g).
18 « Il faut bien sûr une Europe forte sur Je plan international pour avoir une véritable stabilité du
monde. » (Villepin, 2002e).
52
dans l'idée de la construction d'un ordre mondial multipolaire, mais cette insistance
révèle également la conception de multiplier l'influence nationale française à travers
l'UE. Généralement, le partenariat franco-allemand et son impact sur les structures
internes de l'Union permettent à la France d'exercer un certain leadership.
L'ancienne image du couple franco-allemand en tant que « moteur» de l'intégration
supranationale et au service de l'ambition européenne est soulignée par les officiels
politiques français (Villepin, 2ûû3a). Une Europe forte émanerait alors, entre autres,
d'un leadership français au sein de l'institution. De la sorte, la France souligne le
besoin pour l'UE d'être appuyée par les
initiatives françaises 19. L'objectif
fondamental dans ce sens sera l'élargissement du rôle de l'Union européenne sur la
scène internationale et l'importance politique qui devrait lui être attribuée par la
communauté internationale. Dans ce sens, le ministre des affaires étrangères souligne
à plusieurs occasions le besoin mondial d'une Europe forte au niveau international 2o
ainsi que le désir non seulement proclamé par les Européens d'atteindre à cet
objectie ' . Cette ambition pour l'Europe doit être motivée par une direction commune
dans le domaine de la politique étrangère ainsi que par la contribution active des pays
membres aux budgets militaires et conséquemment à l'instauration d'une Europe de
la défense (Chirac, 2ûû2b ; 2ûû3a ;Villepin, 2ûû3c).
Pendant la cnse irakienne, l'insistance sur la formulation d'objectifs européens
communs de la part de la France résulte du désir d'exercer un certain impact
19 « Parce qu'une Europe forte a besoin d'une France forte, il faut, avec ambition et énergie, nous placer
aux avant-postes de ce mouvement. » (Villepin, 2ÜÜ2h).
20 « Je pars d'une réalité simple, le monde a besoin de plus d'Europe, le monde a besoin d'une Europe
plus efficace. » (Villepin, 2002i).
21 « Partout où je me déplace, je constate un énorme désir de France, comme d'Europe. Nous voulons
une France forte dans une Europe forte. En Afrique, en Asie, au Proche-Orient, en Amérique latine,
mes interlocuteurs sont tous dans l'attente» (Villepin, 2002f).
53
européen sur la scène mondiale
22
.
Malgré l'accentuation de l'importance de l'Europe
dans le processus de la prise de décision irakien, Villepin déclare:
Je crois qu'il y a une responsabilité particulière de la part de la France et de
l'Europe, et dans cette période de très grande tension, on voit bien à quel point
compte la mémoire qui est la nôtre, l'expérience qui est la nôtre, parce que
nous avons connu les guerres civiles. [00'] Tout ceci fait que nous sommes
porteurs d'une vision particulière du monde, portée justement par l'exigence
du droit, par l'exigence des valeurs, par la nécessaire application des règles.
(Villepin,2002b)
Les difficultés d'établir une position commune, surtout avec les futurs pays membres,
devient de plus en plus évidente dans les mois qui précèdent l'intervention en Irak.
Notamment à partir de janvier 2003 les tensions existantes dans la relation franco­
américaine entrent une fois plus en jeu. Car le gouvernement américain lance
plusieurs initiatives qui déstabilisent l'identité française en tant que leader au sein de
l'Union européenne. Surtout les remarques de Donald Rumsfeld en font partie. En
désignant la France et l'Allemagne comme la « vieille Europe» qui ne représentait
pas les vrais intérêts européens, il attaque directement ce rôle français 23 . En plus, ses
remarques suivent directement les célébrations du 40ème anniversaire du Traité de
l'Élysée entre la France et l'Allemagne et sont donc lancées à un moment stratégique.
Seulement une semaine après cette déclaration, une lettre publiée par huit nations
européennes, dont la Grande-Bretagne, exprime le soutien à la politique américaine
sur l'Irak (The Times, 30 janvier 2003). Par la suite, le clivage au sein de l'Europe est
révélé et s'aggrave dans les semaines suivantes jusqu'au début des interventions. La
« 11 faut qu'en matière d'immigration, en matière de sécurité, de coopération, nous soyons aussi
exigeants les uns que les autres pour que cette Europe ne soit pas le plus petit dénominateur commun
mais bien le plus grand dénominateur d'ambition et de vision [... J.» (Villepin, 2002b).
23 « Germany has been a problem, and France has been a problem. But you look at vast numbers of
other countries in Europe. They're not with France and Germany on this, they're with the United
States.» (Rumsfeld, Donald, cité par: CNN, 23 janvier 2003).
22
54
France ne peut plus ignorer les divergences et se réfère alors dans les mOlS qUi
précèdent directement l'intervention de moins en moins à son rôle au sein de l'Europe
concernant l'Irak.
2.3
Analyse et évaluation: continuité ou rupture avec les identités
nationales et les politiques étrangères précédentes?
En observant les trois rôles promus pendant la crise irakienne, le nombre de
références effectué par les acteurs politiques aux valeurs, en tant que sources de
motivation pour le comportement pendant la crise, est notable. Ce comportement
pendant la phase d'avant-guerre insiste d'abord largement sur l'importance d'agir par
la voie de la communauté internationale et d'éviter un unilatéralisme fort en
priorisant la collaboration en coalitions (Ho worth, 2006 : 51) ; tous des objectifs qui
guident le rôle d'un «promoteur des valeurs et du droit international ». En
reconnaissant la prééminence américaine au niveau politique, diplomatique et
militaire, la France choisit d'articuler une approche alternative au recours à la force
automatique en appuyant les Nations unies (Idem.). Dans ce contexte doivent être
évalués les efforts diplomatiques français de trouver un soutien pour la résolution
1441. Avec la « bataille onusienne» il ne s'agit pas pour Chirac
de trouver
uniquement une preuve pour la praticabilité des solutions multilatérales, mais aussi
d'affirmer, dans une certaine mesure, le maintien du rang français (Macleod et
Voyer-Léger, 2005: 160). L'insistance sur la primauté du mandat onusien pour
l'intervention démontre le fait que la France réalise qu'elle ne pourrait pas contenir la
puissance américaine par elle-même. En conséquence les moyens multilatéraux ainsi
que l'institution des Nations unies représentent le meilleur instrument afin de
équilibrer l'impact américain (Parmentier, 2004: 120) et en conséquence l'ordre
mondial. Par contre, l'opposition aux États-Unis ne se fait pas uniquement «par
principe» afin de s'opposer à la position américaine, comme le conçoivent certains
commentateurs américains (Pauly, 2005: 13). Les différences entre les deux
55
perceptions de la situation irakienne sont majeures et se situent à plusieurs niveaux.
Le désir des Français d'offrir une approche multilatérale alternative, souvent perçu
comme opposition directe aux États-Unis, doit être compris dans le contexte de ses
valeurs et principes (Howorth, 2006: 56). En somme, le rôle du promoteur des
valeurs et du droit international souligne deux facettes identitaires: En désirant
diffuser et projeter les valeurs universelles, on fait recours à la « mission
civilisatrice ». Deuxièmement, le désir d'acquérir de l'indépendance et une
souveraineté nationale par le soutien des arrangements multilatéraux est au cœur de
l'appui à la légalité internationale. En suggérant une démarche multilatérale, la
France peut offrir une stratégie alternative viable au recours direct à la force. Ainsi, sa
stratégie d'« indépendance» est adoptée même si cela lui apporte également des
problèmes dans les relations avec les États-Unis. Au moins, l'approche d'appuyer les
principes et le droit international est largement soutenue par la population française
(Hollis, 2006 : 42).
Le désir d'instituer une multipolarité mondiale inspire et structure profondément la
politique étrangère « indépendante ». Le deuxième rôle complémente donc de la
même façon le souhait de maintenir un « rang» et s'inscrit ainsi dans la vision
stratégique française généralement proclamée. En appuyant l'idée du modèle mondial
multipolaire, ce rôle façonne surtout le partenariat avec l'Europe et les États-Unis.
Concernant les relations avec l'Union européenne, la position favorisée pendant la
crise demeure constante. L'impact que devrait avoir l'Europe dans l'ordre mondial
désiré, sans pourtant que l'importance du lien transatlantique soit négligée, est
souligné:
Nous sommes convamcus qu'il faut un monde multipolaire et qu'une
puissance seule ne peut pas assurer l'ordre du monde. Il faut une Europe forte
et unie. La qualité des liens transatlantiques, l'amitié avec les États-Unis
56
doivent constituer une force commune pour contribuer ensemble à la stabilité
du monde et non pas diviser les Européens. (Villepin, 2003f)
A fin d'assurer l'équilibre mondial, l'Europe devrait créer un pôle de stabilité
(Villepin, 2003c). Malheureusement pour les Français, ni les Britanniques ni les
Américains ne soutiennent cette manière de concevoir la structure mondiale (Lavallée
et Ü'Meara, 2005 : 47; 55). Même s'il s'agit plutôt d'une formule rhétorique que
d'une réelle pratique politique, ce principe souligne encore la différence et
l'incompatibilité entre les deux interprétations de la crise irakienne. Effectivement, le
concept de multipolarité auquel fait référence ce rôle suppose la création d'un
équilibre dans une communauté de valeurs et complémente en appui aux ambitions
multilatérales du premier rôle. La vision stratégique globale de Chirac fondée sur
l'idée d'un monde multipolaire suppose l'appui au droit international et à des valeurs
universelles et s'oppose donc essentiellement à une solution unilatérale, guidé par une
conception étroite de l'intérêt national. Dans une certaine mesure, les tensions avec
Washington sont la conséquence de l'insistance sur ce principe de la politique
étrangère française qui offusque les Américains. Pourtant, le rôle de défendeur d'un
ordre multipolaire ne suffit pas pour expliquer toute l'ampleur de la tension dans les
relations franco-américaines pendant la crise irakienne. Il peut juste nous indiquer
que les différences se situent à un niveau plus profond que le serait un désaccord sur
des intérêts matériels. Cela nous permet d'avancer qu'un conflit de principes et
d'identités motive ces tensions bilatérales inquiétantes.
Concernant le troisième rôle de « leader européen », le rapprochement avec
l'Allemagne indique la détermination de rétablir une position dominante au sein de
l'Union. Les positions franco-allemandes diffèrent initialement. Pendant que le
chancelier allemand Gerhard Schroder insiste sur la non-participation allemande aux
activités militaires, Chirac et le gouvernement français se préparent à un éventuel
recours à la force comme « moyen ultime» (Villepin, 2002j ; 2003e). Mais une fois
57
que les intentions américaines d'agir sans le soutien onusien se précisent, la France
profite de l'occasion du 40
ème
anniversaire du Traité de l'Élysée pour rétablir
l'ancienne proximité vers le partenaire allemand (Howorth, 2006 : 53). Pendant la
phase de guerre et après, la France et l'Allemagne collaborent étroitement. Une
amélioration de leur relation bilatérale stimule également la propension de coopérer
en domaine de l'intégration européenne (Müller-Brandeck-Bocquet, 2004), une
tendance qui avait été négligée au précédent. Néanmoins, le rôle de « leader
européen» pour la France se trouve plutôt endommagé par les événements qui
précèdent et suivent l'intervention en Irak. En appuyant l'approche par les Nations
unies qui lui permet se mettre sur un pied d'égalité avec Washington, Chirac néglige
les liens européens et ne travaille pas sur la formulation d'une position commune. Sa
prétention de parler au nom de l'Europe, qu'il avance globalement, semble dans ce
sens arrogante (Howorth, 2006 : 57 s.), également face aux remarques qu'il lance aux
nouveaux pays membres concernant leur soutien pour l'alliance transatlantique
24
.
Le
rôle français traditionnel comme propulseur au sein de l'Union doit être ajusté face
aux nouvelles réalités, produites par la crise irakienne et après.
En observant les trois rôles promus pendant la cnse irakienne, surtout les deux
premières catégories, celui de défenseur de la légalité internationale et des valeurs
universelles ainsi que celui d'avocat pour l'ordre multipolaire, sont remplis par la
France avec crédibilité, mais sans grand succès. Les valeurs proclamées s'insèrent
logiquement dans l'identité centrale et les principes subséquents qui guident la
politique étrangère française en général. Ainsi, les idées prononcées par l'élite
politique sont congruentes avec les identifications au sein de la population qui se met
largement en accord avec les politiques françaises au sujet de l'Irak. Pourtant,
La réaction du Président face à déclaration de Vilnius, se réfère aux futurs membres de j'UE qui sont
les trois pays baltes, la Slovénie, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie. Il déclare à cet égard:
« [... ] honnêtement, je trouve qu'ils se sont comportés avec une certaine légèreté. Car entrer dans
l'Union européenne, cela suppose tout de même un minimum de considération pour les autres, un
minimum de concertation. (... ] En tous les cas, ce n'est pas très bien élevé. Donc, je crois qu'ils ont
manqué une bonne occasion de se taire. » (Chirac, 2003f).
24
58
pendant la crise irakienne aucun des rôles appuyés par Chirac et les ministres ne
mène vers le résultat désiré: la guerre est poursuite sans une légitimation onusienne
en négligeant la voie multilatérale, les États-Unis démontrant un unilatéralisme à la
carte qui ne permet même au partenaire anglais proche qu'un rôle de compagnon de
route. Cela constitue un défi pour les deux premiers rôles de la France, qu'elle remplit
avec l'appui de l'opinion publique, sans pourtant influer les événements extérieurs de
manière considérable. Le rôle d'un leadership en Europe semble moins pertinent dans
les circonstances de la crise irakienne, mais s'insère néanmoins dans l'identité
française qui appuie traditionnellement l'impOitance du rôle politique de l'UE,
motivé par un leadership français.
Dans l'ensemble, les références au rang de la France ainsi qu'à ses valeurs et intérêts
particuliers structurent le discours officiel. Les éléments d'une « identité centrale»
sont également soulignés:
L'inspiration gaullienne est au cœur de ce que j'entreprends, marquée par le
souci de l'indépendance de la France et la volonté d'assumer notre rang et
notre mission, d'afficher nos convictions et de refuser les compromissions. Il
nous faut courage et détermination pour défendre une certaine idée de la
France [... ] (Villepin, 2003 b)
Dans ce contexte, ces éléments identitaires ainsi que l'exceptionnalisme et son
influence spécifique au niveau
international
inspirent et guident l'approche
stratégique française.
Quoique la France agisse conformément à son identité nationale pendant la crise, ce
comportement représente néanmoins une rupture avec les lignes de sa politique
extérieure traditionnelle. En effet, la guerre en Irak représente la première occasion
depuis la débâcle de Suez en 1956 que la France refuse à soutenir les États-Unis lors
59
d'une crise sérieuse. Un appui à la position américaine aurait pu s'intégrer dans une
ligne de continuité, puisque la France avait déjà soutenu les interventions militaires
pendant la guerre du Golfe de 1990/91 et au Kosovo. En effet, jusqu'en janvier 2003,
la possibilité d'une participation militaire est maintenue par la France. Néanmoins, le
soutien français aux activités militaires n'a jamais été inconditionnel (Parmentier,
2004: 120). Ainsi, la réponse de Chirac à la crise irakienne est logique si on tient
compte de l'impact des principes indiqués sur ses actes. Pourtant, les conséquences
sérieuses de la guerre en Irak sur les relations franco-américaines, et le clivage majeur
qui se produit au niveau européen constituent un certain échec diplomatique. En
appuyant les idéales gaullistes et une politique française indépendante, la continuité
du partenariat avec les États-Unis, qui représente après tout une priorité de la
politique étrangère, est perturbée. Tout en restant cohérente face à ses pnnclpes
centraux, la politique extérieure française démontre dans l'ensemble plusieurs
éléments de rupture dans sa politique à l'égard de l'Irak.
60
CHAPITRE III
L'ANALYSE DU DISCOURS OFFICIEL BRITANNIQUE
PENDANT LA CRISE IRAKIENNE
D'abord, les tendances de la politique étrangère pendant le mandat de Blair seront
présentées et ensuite mises en relation avec les rôles propagés pendant la crise
irakienne. Comme dans le cas de la France, il s'agit de présenter d'abord les images
de rôle auxquels font référence les représentants de la politique étrangère britannique
dans le discours officiel. Ensuite, l'évaluation des rôles permettra d'instaurer un avis
sur leur congruence avec la politique externe précédente. Également, l'identité de
base sera mise en relation avec ces rôles.
3.1
La politique étrangère britannique avant la crise irakienne
Traditionnellement, les relations extérieures en Grande-Bretagne, en tant que pays
sans constitution écrite, sont centrées autour de l'exécutif (Clarke, 1990: 245). Le
pouvoir et l'influence du Premier ministre sont pourtant largement restreints par le
Cabinet et le gouvernement. La personnalité des ministres clés et des hauts
fonctionnaires ainsi que leurs rapports avec le Premier ministre représentent des
données essentielles pour comprendre la prise de décision politique. La nature du
système de Cabinet britannique permet une influence notable du gouvernement sur la
prise de décision. Cependant, les pouvoirs du Parlement domaine des relations
extérieures demeurent périphériques et indirects (Clarke, 1990: 246-249). Mais
pendant le mandat de Blair, une centralisation du pouvoir décisionnel vers le Premier
ministre se produit, qui change la politique étrangère en essence concernant la vision
stratégique et tactique avancée (O'Meara et Lavallée, 2005 : 40). Tandis que la
définition des politiques reste habituellement l'attribut du Parlement plutôt que du
61
Premier ministre (Clarke, 1990 : 255), le mandat de Blair est désigné par la plupart
des analystes comme une période de prise de décision fortement personnalisée (Hill,
2005 : 384).
Dans le contexte interne et externe, les priorités de la politique extérieure avant
l'intervention en Irak doivent être déterminées au suivant. Il faut étudier quelles
contraintes s'imposent à la réalisation des priorités et conceptions de la politique
étrangère de Blair. En outre, le contexte de l'environnement international et son
impact sur la relation britannique avec les Américains et les Européens, ainsi que les
priorités en matière de sécurité et de défense sont à considérer.
3.1.1. La politique étrangère du gouvernement travailliste de Tony Blair
Dans cette partie du chapitre il s'agit d'esquisser les tendances et intérêts centraux qui
structurent la politique étrangère britannique pendant le mandat de Tony Blair.
Lorsque celui-ci assume son mandat en mai 1997, il possède moins d'expérience ou
de connaissances en matière de politique étrangère que la majorité des Premiers
ministres d'après-guerre en Grande-Bretagne (Kampfner, 2003 : 4 s.). Pendant la
campagne électorale, dans son seul discours faisant référence au sujet de la politique
externe, Blair proclame de manière ambitieuse:
Century upon century it has been the destiny of Britain to lead other nations.
That should not be a destiny that is part of our history. It should be part of our
future. We are a leader of nations or nothing. (Blair, 1997, cité par Kampfner,
2003,4)
Pourtant sa position concernant la politique étrangère et le rôle international envisagé
pour la Grande-Bretagne étaient peu connus et formulés.
62
Selon plusieurs auteurs, après la fin de la guerre froide le discours sur le rôle mondial
de la Grande-Bretagne se poursuit dans la même logique d'argumentation.
Subséquemment, les enjeux classiques demeurent d'actualité, c'est-à dire la relation
spéciale avec les États-Unis, l'appartenance à l'UE, le rôle britannique au sein de
l' OTAN et une position dominante de l'Alliance transatlantique dans l'architecture de
sécurité européenne en général (Forster, 2000: 47 s.). La continuité de ce débat
politique même dans la nouvelle ère est étonnante à la lumière des changements dans
la position mondiale, et de la pelie d'influence britannique (Wagner, 2001 : 138-161).
Le gouvernement de Blair s'inspire pourtant des changements structurels après la fin
de la bipolarité pour formuler de nouveaux principes diplomatiques (Buller, 2004 :
197)25. Le nouvel ordre du jour 'éthique' de la politique étrangère qu'introduit Cook,
le ministre des Affaires étrangères, donne initialement une nouvelle direction à la
politique étrangère (Hill, 2005 : 386). En effet, la politique extérieure britannique est
traditionnellement menée de manière pragmatique, à pmiir du calcul de l'intérêt
national (Bogdanor, 2005 : 445). Mais Blair avance peu après une idée qui élargit
l'approche de Cook en introduisant sa « doctrine de la communauté internationale»
dans son discours à Chicago en 1999 (Blair, 1999). A cet égard, il insiste sur la
nécessité d'agir différemment face au nouvel ordre mondial:
On the eve of a new Millennium we are now in a new world. We need new
rules for international co-operation and new ways of organising our
international institutions. (Blair, 1999)
Le système international est caractérisé par le principe de l'interdépendance. Cela
positionne la Grande-Bretagne au sein d'une communauté internationale où les États
nations dépendent mutuellement les uns des autres. Conséquemment au principe de la
Jim Buller parle dans ce contexte même de l'opportunité perçue par le gouvernement d'initier avec
leur mandat un nouveau début (<< a fresh start ») au sein de la diplomatie britannique (Buller, 2004 :
25
197).
63
communauté internationale, une collaboration intergouvernementale est exigée qUi
fait partie d'une nouvelle définition de l'intérêt national britannique (Buller, 2004 :
197). Cette nouvelle perception des relations internationales réoriente également les
priorités stratégiques de la politique étrangère à partir de 1997, dans laquelle six
changements se dessinent (Lavallée et 0 'Meara, 2005 : 41). D'abord, la rhétorique de
l'identité et du rôle britannique change de son ancienne position de realpolitik vers
l'objectif principal d'agir comme « force pour le bien» dans le monde, manifeste
dans les Livres blancs et les discours politiques (Cook, 1997). La situation mondiale
récente est ensuite discernée dans un contexte d'interdépendance, de mondialisation
et de la prépondérance par les États-Unis. La conclusion tirée de ce contexte est que
les problèmes actuels exigeront des solutions collectives. Dans un tel environnement
global complexe, le terrorisme et les armes de destruction massive en possession des
États voyous représentent troisièmement des nouvelles menaces. Également, celles-ci
devront être affrontées à un niveau mondial et collectif. Cela suppose la nécessité
d'introduire une nouvelle stratégie de sécurité globale, car les États ne seront plus
aptes à affronter ces menaces indépendamment les uns des autres. La Grande­
Bretagne devrait établir une sécurité globale à partir de la diffusion de ses valeurs, et
en faisant face aux menaces par le recours à la force en cas de besoin. Une nouvelle
communauté internationale pourra se bâtir par un consensus sur les enjeux de
sécurité. L'aspect central d'une vision de l'ordre mondial pour Blair sera la
construction d'un tel nouvel ordre hégémonique, basé sur la coopération entre les
États-Unis et l'Europe. Ainsi, le système mondial ne sera plus dominé de manière
unilatérale par les Américains, mais partagé entre l'Europe et l'Amérique. Cette
vision attribue comme sixième priorité une place à la Grande-Bretagne en tant que
« pont» entre les deux partenaires (Lavallée et O'Meara, 2005 : 41-46). Dans son
approche internationaliste ambitieuse, Blair accentue le désir de relier la Grande­
Bretagne à l'Europe ainsi que de moderniser l'Union européenne en l'adaptant aux
défis de la mondialisation. Mais le partenariat étroit avec les États-Unis, en tant que
garant ultime de la sécurité britannique, demeure la priorité finale (Hill, 2005, 386 s.;
64
Blair, 2003a). De cette manière le rôle de « pont », sur lequel Blair insiste fortement
dans les discours au cours de son mandat, ne place pas conséquemment les deux
partenaires au même rang dans les priorités britanniques.
3.1.2. La Grande-Bretagne et l'Europe
La politique européenne du gouvernement Blair est guidée par le désir de dépasser
l'isolement au sein de l'Union européenne. Cette position résultait des politiques
poursuivies par les gouvernements conservateurs précédents. En adoptant une attitude
plus coopérative, propice à la construction d'alliances et à la conception de solutions
communes avec d'autres pays membres, l'obtention d'un leadership britannique au
sein de l'UE est souhaitée. Plus particulièrement, la pénétration de l'axe franco­
allemand est visée: l'objectif pour la Grande-Bretagne est de devenir un partenaire
égal dans un triumvirat puissant (Buller, 2004 : 198). L'obtention d'une influence au
sein de l'Union représente la motivation d'action principale concernant la politique
6
européenne (Blair 1997, 2002i . Pourtant ces objectifs ambitieux au début du mandat
de Blair font place à un 'nouveau réalisme' concernant le leadership en Europe après
la première année d'existence du gouvernement. La nouvelle stratégie vise à établir la
Grande-Bretagne « au cœur de l'Europe» en admettant que la stabilisation d'une
position dominante au sein de l'institution pourrait nécessiter au moins une décennie
(Buller, 2004: 199). Afin d'échapper au rôle du pays 'semi-détaché' de l'Europe,
qu'avait
suscité
l'approche
britannique
strictement économique
des
années
précédentes, un rôle de leadership dans le domaine de sécurité et de défense est
ambitionné (Kirclmer, 2002, 44).
En analysant la politique étrangère de Blair, il est cependant à noter que, malgré
plusieurs changements, certains éléments traditionnels continuent à guider la
Comme l'exprime le Premier Ministre face au rôle envisagée pour la Grande-Bretagne au sein de
l'Europe: « [... ] leading in Europe not limping along severa! paces behind.» (Blair, 2üü2c).
26
65
politique britannique face à l'Europe. En effet, la nouvelle approche de Blair ne
signifie pas
la transformation soudaine du Royaume-Uni
en un pays pro­
intégrationniste. Dans l'ensemble, la position britannique est marquée par une
approche pragmatique à l'égard de l'intégration européenne (Forster, 2000 : 45 s.).
Ainsi, la coopération intergouvernementale concernant les aspects pratiques des
accords européens est privilégiée par rapport à la construction des structures
institutionnelles communautaires. En ce qui concerne la coopération politique, la
Grande-Bretagne insiste pareillement sur son fonctionnement interétatique et
s'oppose à l'abandon du droit de veto en matière de politique étrangère (Schnapper,
2003 : 103 S.)27, qui sera un élément vers plus de supranationalité. Cette position,
diamétralement opposée au concept français de l' « Europe puissance », est précisée
par Blair et ses ministres à de diverses occasions, comme par exemple dans son
élaboration des principes de la politique européenne à Varsovie en 2000 ou à
plusieurs occasions durant le conflit irakien (Blair, 2000 ; Straw, 2003)28.
Mais comme l'indique l'objectif d'acquérir un leadership dans le domaine de la
sécurité et de la défense, un rapprochement notable vers l'Europe s'effectue pendant
le mandat de Blair en ce domaine. Après les accords historiques de Saint-Malo en
1998, qui représentent un pas bouleversant par rapport aux politiques de sécurité
britanniques antérieures, de nombreuses initiatives en font la preuve. Même si le
gouvernement Blair s'affirme davantage en faveur de la politique américaine et de
l'OTAN après les événements du Il septembre 2001, l'investissement dans les
projets de défense européens est maintenu et même intensifié après l'intervention en
Irak (Lavallée et O'Meara, 2005 : 56). En somme, la devise de « coopération au lieu
de confrontation» au sujet de l'Europe établit une différence notable entre le style de
Par exemple lors du sommet de Nice en 2000 la Grande-Bretagne s'oppose aux solutions
communautaires dans le domaine de la PESC/PESO. Cette position est encore préservée lors du
Sommet européen à Bruxelles de juin 2007 où le maintien de la souveraineté en matière de la pol itique
étrangère nationale est proclamé (Der Spiegel, 2007).
28 « But there are sorne who think that somehow Europe could become a new super power. It can't be
and it's nonsense to suggest that it could. » (Straw, 2002d).
27
66
collaboration et la rhétorique de Blair par rapport aux Premiers ministres
conservateurs précédents, Margaret Thatcher et John Major (Grant, 1999). La
réputation de Blair comme politicien britarmique le plus pro-européen (Borger, 2007)
est donc justifiée. Pourtant, il faut tenir compte du contexte national dans lequel se
produit la politique étrangère face à l'Europe pour comprendre ses tendances
principales. L'attitude britarmique face à l'UE s'explique par l'envirormement
national qui est marqué par une presse anti-européerme et une population qui est au
moins sceptique par rapport aux éléments communautaires qu'amène l'intégration
européerme (Mannin, 2004 : 332).
3.1.3. La « relation spéciale» avec les États-Unis
Même si on pouvait prétendre que toute relation bilatérale est unique et, dans ce sens,
'spéciale', cette désignation est particulièrement appropriée dans le cas du partenariat
de la Grande-Bretagne avec les États-Unis. La vision du contenu de la « relation
spéciale» diffère, cependant, d'un auteur à l'autre. Certains soulignent les aspects
affectifs de cette l'amitié (Hill, 2004: 93)29, d'autres le réseau vaste de liens
sociétaux et culturels entre les segments de la population et les bureaucraties des deux
États (Williams, 2005 : 37). Mais l'élément fondamental de cette relation se trouve
probablement dans la coopération exclusive et historique entre les Services de
renseignements des deux États, et la collaboration en matière de défense (Hill, 2004 :
91). L'assistance pendant des conflits armés représente également une tradition.
Malgré les crises qui n'ont pas sollicité cette solidarité
30
,
le gouvernement de Blair
suit cette habitude en contribuant à un nombre d'interventions militaires menées par
les Américains telles que « Desert Fox» (1998), « Allied Force » (1999), « Enduring
« Sentiment, language, culture, and investment have provided sorne of the glue that has preserved
the structure ofthis enduring bilateral relationship. » (Hill, 2004 : 93).
30 A citer dans ce cadre seront la guerre de Corée en 1950, la crise de Suez en 1956 ainsi que la guerre
en Bosnie de 1992-95 (Hill, 2004: 91).
29
67
Freedom » (2001) pour culminer finalement dans la participation contestée de « Iraqi
Freedom» en 2003 (Williams, 2005: 40). En dépit de cette tradition, les
gouvernements travaillistes britanniques n'étaient pas toujours en relation de
proximité absolue avec les Américains. Dans ce sens, la politique de Blair est
remarquable, surtout concernant les rapports qu'il entretient avec le gouvernement
Clinton. Cette relation, même intitulée comme « a 'special' special relationship»
(Hodder-Williams, 2000 : 249), intensifie les élans traditionnels de coopération. Elle
repose sur les sympathies personnelles mais surtout idéologiques entre le Premier
ministre et le Président, qui partagent une vision de centre-gauche et un agenda de
politique intérieure (qualifiée de divers vocables, tels la « Third Way », ou encore l'
« internationalisme/politiques progressiste(s) »).
Néanmoins,
Clinton
précise
également que l'influence britannique future aux États-Unis dépendra largement de
son influence au sein de l'UE, message qui convient à la politique envisagée par Blair
(Kampfner, 2003: 12 s.). Le climat change avec les élections présidentielles et
l'entrée en fonction de l'administration Bush qui suscite des heurts avec l'approche
de Blair. La relation spéciale se transforme plutôt en cauchemar, compte tenu que le
côté américain ne semble pas prendre au sérieux le partenaire britannique, ou du
moins lui accorde une importance moindre que celle que lui porte le gouvernement
britannique (Kampfner, 2003 : 78-104).
Les événements du Il septembre 2001 permettent à Blair de renforcer les relations
bilatérales et de faire ses preuves en tant qu'allié proche. Les réactions britanniques
immédiates s'inscrivent dans ce contexte. Blair indique sa solidarité dans la lutte
contre le terrorisme et AI-Qaeda, par une approche générale qui soutient les États­
Unis (( Let's stand shoulder to shoulder ») (Blair cité par Hill, 2005 : 389), et par la
participation
à
l'intervention
en
Afghanistan.
Il
contribue
également
au
développement d'une position et d'une réponse européenne commune de soutien à
Washington (Hill, 2005: 389). En outre, la définition de la sécurité britannique
s'élargit après le Il septembre. Dans le contexte de la « guerre anti-terroriste », les
68
principes sécuritaires nécessitent inéluctablement une redéfinition (Bogdanor, 2005 :
450) qui tienne compte des changements américains. La nouvelle conception
américaine de la sécurité, est annoncée dans un document, (National Security
Strategy of the United States of America, 2002) qui se fait rapidement connaître sous
le nom de la « doctrine Bush ». Elle exprime la profondeur avec laquelle est ressentie
la menace terroriste par les États-Unis. Les trois concepts clés dérivant de cette
menace, l'unilatéralisme, la préemption et la prééminence, lancent le signal au reste
du monde que les Américains ne trouveront pas de limites dans les normes,
conventions ou institutions internationales (Williams, 2005 : 45). La vision politique
de la Grande-Bretagne est dorénavant marquée par un soutien inconditionnel envers
les Américains, ce qui signifie l'acceptation des nouvelles priorités américaines. Plus
précisément les conséquences directes du Il septembre se traduisent dans la politique
étrangère britannique en premier lieu par un ajustement des priorités géographiques,
puisque le gouvernement Blair se prépare à l'éventuelle proj ection de force au-delà
de son environnement immédiat. Deuxièmement, les menaces et les concepts de
sécurité sont redéfinis. En reconnaissant l'insuffisance des principes de dissuasion et
d'endiguement face à l'insécurité produite par les 'États voyous' (Williams, 2005 : 45
s.), Blair souligne également la dimension morale dans la guerre contre le terrorisme
(Hill, 2005 : 389 ; 395). Et finalement, les contributions britanniques augmentées en
matière de défense, d'intelligence et de diplomatie (Williams, 2005 : 45) résultent de
la vision d'une solidarité inconditionnelle envers le partenaire américain. En somme,
les différends entre Britanniques et Américains sont maintenant subordonnés à
l'alliance américano-britannique. Sous l'égide de Blair, la guerre au terrorisme
façonne en effet la politique étrangère britannique et la réécrit afin de contrer les
menaces de l'ordre post-9Ill/ (Coates et Krieger, 2004: 112). L'évolution des
priorités en matière de politique étrangère est désignée par Coates et Krieger (2004 :
110-112)
comme
la
transition
d'un
«multilatéralisme
offensif»
vers
un
« internationalisme défiant». A cet égard, les principes qui guidaient la politique
étrangère travailliste auparavant se transforment en 2001
par l'acceptation
69
inconditionnelle du leadership américain, à l'abandon de l'agenda multilatéral. Les
intérêts et valeurs britanniques sont maintenant subordonnés au partenariat américain.
Le rôle crucial qu'avait la géopolitique au sein de la politique étrangère initiale de
Blair ainsi que son caractère innovateur en général sont maintenant considérablement
atténués (Coates et Krieger, 2004 : 112).
3.104. Les priorités stratégiques britanniques
Traditionnellement, la « relation spéciale» transcende également les liens politiques
et organisationnels de l'OTAN. Par la formulation des intérêts britannique en
fonction des choix effectués par les États-Unis, le statut mondial de la Grande­
Bretagne s'élargissait au-delà de ses capacités militaires et économiques réelles
(Mannin, 2004 : 335 s.). Par contre, la perte d'influence britannique dans l'après­
guerre froide remet en question ce modèle par les réalités complexes du nouvel ordre
mondial. Après les guerres aux Balkans, qui démontrent la dépendance des Européens
de la défense américaine, Blair constate l'incapacité de l'Union à faire face aux crises
dans sa propre périphérie (Schnapper, 2001 : 139). La nouvelle entente avec la France
en matière de défense s'introduit dans le désir d'instaurer des capacités militaires
autonomes européennes. Elle ne représente pourtant pas de changement dans la vision
stratégique de la Grande-Bretagne. Celle-ci demeure axée en premier lieu sur
l'alliance transatlantique. Toute coopération européenne est ainsi centrée sur
l'efficacité
militaire
sans
l'ambition
inéluctable
de
créer
des
structures
communautaires (Gnesotto, 2004 : 14). Le maintien des relations privilégiées avec les
États-Unis et l'OTAN, ainsi que la vision d'une Europe intergouvernementale,
demeurent dans ce sens des priorités britanniques. Concernant son style en matière de
sécurité et de défense, la Grande-Bretagne appuie traditionnellement un pragmatisme
discret et progressif, par des ententes bi- ou multilatérales. Cette approche
pragmatique guide également l'opinion sur la raison et les objectifs centraux de la
70
PESD. Par cette politique de défense européenne, on aspire à des résultats militaires
précis sans nécessairement vouloir donner une finalité politique à ce domaine
(Howorth, 2000 : 37 s.).
3.2.
La position britannique pendant la crise irakienne
La Grande-Bretagne participe, côte-à-côte avec les États-Unis, à l'invasion militaire
de l'Irak, le 20 mars 2003. Le Premier ministre justifie ce recours aux armes sur la
base légale de la résolution 1441 et le refus de collaboration du côté irakien (Blair,
2003d)31. Pourtant, des documents gouvernementaux, obtenus par la presse en 2005,
révèlent l'engagement privé de Blair auprès du président américain dès début 2002
(HoUis, 2006 : 37 s.). À cette époque, le Premier ministre assure soutenir l'action
militaire afin de changer le régime à Bagdad, en pensant pourtant qu'un cadre légal
pour l'intervention s'effectuera par la diplomatie et à travers l'ONU. Il estime
également que l'opinion publique pourrait être influencée de manière convenable afin
qu'une majorité pour l'appui de la décision militaire se produise. Au courant de la
crise, la stratégie de Blair était adaptée aux circonstances, surtout au manque de
légitimation a priori du CSNU concernant une intervention militaire. Ainsi,
l'argumentation s'appuie maintenant sur la nécessité d'agir face au danger représenté
par les armes de destruction massive et le désir de libérer le peuple irakien du régime
dictatorial.
Les trois rôles distingués dans le discours officiel de la période de septembre 2002
jusqu'en mars 2003 sont d'abord l'image de la Grande-Bretagne comme « force pour
« Iraq has made sorne concessions to co-operation but no-one disputes it is not fully co-operating.
Iraq continues to deny it has any WMD, though no serious intelligence service anywhere in the world
believes them. [... ]What is perfectly c1ear is that Saddam is playing the same old games in the same
old way. Yes there are concessions. But no fundamental change ofheart or mind. » (Blair, 2üü3d).
31
71
le bien », ensuite celle de l'allié fidèle des États-Unis, et finalement celle du « pont»
entre l'Europe et l'Amérique.
3.2.1. La Grande-Bretagne en tant que « force pour le bien»
Ce premier rôle dérive du concept d'une politique étrangère qui met les droits de
l'homme au cœur de toute action diplomatique. Cette préoccupation humanitaire était
centrale pour justifier le recours à la force pendant les interventions des troupes
britanniques précédentes au Kosovo, en Somalie et dans la République du Congo.
Ainsi, l'invasion de l'Irak pourrait également être expliquée par un impératif moral
plutôt qu'uniquement par les intérêts nationaux britanniques (Buller, 2004: 207).
Néanmoins, la justification morale, assez contestable dans le cas de l'Irak, est
également reconnue par le gouvernement britannique.
However, Iraq differs from the classic failed state in one key respect. Unlike,
say Somalia and the Democratie Republic of Congo where it is the collapse of
the state which has led to such misery for their peoples, in Iraq it is an ail too
powerful state - an authoritarian regime - which has terrorised its population
in order first to establish and then to maintain control. (Straw, 2003b)
Dans ces circonstances, l'argumentation de participer à une guerre contre l'Irak ne
pourrait pas être justifiée sur la base unique des motifs moraux. Par rapport aux
objectifs de l'intervention, le gouvernement souligne le but principal de désarmer
Saddam Hussein des armes de destruction massive irakiennes, d'abord envisagé par
la voie multilatérale. Le recours à la force est sollicité en tant que dernier moyen
(Blair, 2002f)32. La deuxième explication pour l'intervention, qui se trouve largement
« [... ] We have made our choice: disarmament through the United Nations, with force as a last
resort.» (Blair, 2002f).
32
72
favorisée dans le discours américain, est la nécessité d'un changement de régime en
Irak. A cet égard la position britannique demeure modérée, en soulignant la primauté
du
processus
communautaire
de
désarmement pour
justifier
toute
action
militaire 33 . Mais généralement, la menace que représentent Saddam et les armes
supposément possédées par son régime est accentuée par les politiciens britanniques,
qui insistent sur le fait que toute diplomatie efficace face aux dictatures doit débuter
par la dissuasion d'employer des moyens militaires (Blair, 2üü2b)34. Blair porte
également à l'attention qu'un risque restera toujours présent avec la continuation du
régime de Saddam Hussein (Blair, 2üü2ei
5
.
Ainsi, la meilleure chance de résoudre la
crise irakienne en paix serait « by the toughest possible stand which makes clear our
readiness to use force if the international will continues to be defied.»
(Straw,
20ü2a)
La référence au rôle de la Grande-Bretagne en tant que défenseur des valeurs éthiques
et leur projection dans le monde est effectuée de manière indirecte, mais
considérable. Par exemple dans son discours du 7 janvier, Blair désigne les objectifs
qui guident la politique étrangère britannique de l'heure. En nommant comme
première priorité l'alliance avec les États-Unis et deuxièmement la position « au
centre de l'Europe », il conclut:
In the end, aU these things come back to one basic theme. The values we stand
for: freedom, human rights, the rule of law, democracy, are ail universal
« [... ] the international community's wi Il has been expressed in relation to the disarmament of that
regime rather than regime change itself. [... ] it would be a fantastic thing, [... ], if Saddam was
removed. But our purpose [... ] is to make sure that the will of the international community and the UN
is upheld. » (Blair, 2002e).
34 « [... ] and we know, again from our history, that diplomacy, not backed by the threat of force, has
never worked with dictators and never will work. If we take this course, he will carry on, his efforts
will intensify, his confidence grow and at some point, in a future not too distant, the threat will turn
into reality. » (Blair, 2002b).
35 « The threat therefore is not imagined. The history of Saddam and WMD is not American or British
propaganda. The history and the present threat are real. »(Blair, 2002b).
33
73
values. Given a chance, the world over, people want them. But they have to be
pursued alongside another value: justice, the belief in opportunity for ail.
(Blair, 2ü03a)
De cette manière, dans la situation mondiale de l'heure, que le gouvernement Blair
voit comme guidée par le principe de l'interdépendance, l'insistance sur les droits
humains à travers du monde demeure primordiale (Blair, 2üü2a ; 2üü2e). En outre, à
partir de la vision que proclame Blair, la solution des problèmes doit être dégagée de
manière collective afin de produire un ordre mondial stable et au besoin par des
moyens militaires:
We do live in a dangerous world: We have to have effective armed forces
capable of intervening to ensure that good does triumph over evil, and to
make day-to-day diplomacy more effective by backing it where appropriate
with a credible threat of force. (Straw, 2üü3a)
L'importance des valeurs est soulevée pour défendre la position et l'éventuelle
participation à une intervention britannique. Blair va même jusqu'à vanter les
bénéfices qu'effectuera une victoire contre le régime irakien de la manière suivante:
« ridding the world of Saddam would be an act of humanity. It is leaving him there
that is in truth inhumane. » (Blair, 2üü3c).
Même si le recours à la force ne s'explique donc pas principalement par des
inquiétudes morales, la Grande-Bretagne garde cette aspiration parmi d'autres pour
justifier la participation à la guerre en Irak. Ainsi, surtout en comparaison avec le
discours britannique et américain de l'avant-guelTe, non seulement les ministres mais
aussi la presse en Grande-Bretagne présentent l'invasion sous l'angle d'une moralité
globale. Cela se contraste avec les préoccupations américaines, qui se structurent
plutôt autour de la position des États-Unis comme puissance mondiale (Coates et
74
Krieger, 2004 : 93). Finalement, l'argument central pour appuyer le rôle britannique
comme « force pour le bien », est qu'une intervention se produit en première ligne en
faveur des victimes du régime irakien. L'argumention qu'utilise Blair par rapport à
son engagement dans une action militaire est: « l wouldn't do it, unless l thought it
was the right thing to do. » (Blair, 2002a). Cette assurance d'agir selon son estimation
du bien et du mal doit alors être une garantie suffisante qu'il ne s'engagera pas dans
une guerre non-nécessaire et nuisible pour la nation.
3.2.2. L' « alliéjidèle» des États-Unis
Comme nous l'avions indiqué, la « relation spéciale» avec les États-Unis s'est
intensifiée après les événements du Il septembre, où le gouvernement de Blair
s'approche des Américains en leur offrant un soutien inconditionnel (Coates et
Krieger, 2004 : Ill). De cet appui découle une perception de la menace exercée par
le régime de Saddam Hussein (par le développement des armes de destruction
massive) aussi directe pour l'intérêt national britannique que l'étaient les attaques
tenoristes en 2001 :
l do believe that the threat posed by the current Iraqi regime is real, 1 believe
that it is in the United Kingdom's national interest that the issue is addressed,
Just as dealing with the terrorists after 11 September was in our national
interest, even though the actual terrorist act took place thousands of miles
away on the streets of New York, not in London. (Blair, 2002a)
En s'alignant sur les priorités stratégiques américaines dans la définition des intérêts
britanniques, le rôle central de la Grande-Bretagne en tant que partenaire le plus
proche des Américains (( closest ally ») devient manifeste. Sous l'angle favorisé de
la politique internationaliste, guidée par le principe le l'interdépendance; la solidarité
75
et le partenariat sont des conditions indispensables pour les États nations
36
.
Dans cette
époque marquée par le terrorisme, le gouvernement Blair désire établir et maintenir
des liens stables avec les Américains afin de favoriser l'influence de la Grande­
Bretagne et de déterminer sa place dans le monde 3?
C'est dans ce sens que s'inscrit le rôle d'allié poursuivi tout au long de la CrIse
irakienne. En effet, l'amitié avec les Américains en tant que leur partenaire fidèle est
au cœur des qualités qui permettent une influence mondiale à la Grande-Bretagne. Ce
partenariat demeure donc premier objectif de la politique étrangère britannique
également pendant la crise. Par l'alliance on souhaite exercer une influence sur les
États-Unis et élargir leurs choix dans l'élaboration des priorités stratégiques. Pourtant
Blair insiste sur le fait que l'intérêt fondamental dans l'amitié ne s'inspire certes pas
de la puissance américaine comme élément déterminant: « We are the ally of the US
not because they are powerful, but because we share their values. » (Blair, 2003a).
L'insistance sur les valeurs communes est centrale pour la conception du rôle de
l'allié fidèle face aux États-Unis. Les fondements de l'amitié et du partenariat
dérivent, selon le ministre de la Défense, Geoff Hoon, d'une base profonde, de
plusieurs domaines de la vie publique ainsi que des mentalités américaine et
britannique
38
.
De la relation qu'il déclare comme totalement unique entre deux pays
provient la certitude d'un soutien respectif dans des situations de menaces et dangers
« Interdependence is the core reality of the modern world. It is revolutionising our idea of national
interest. Tt is forcing us to locate that interest in the wider international community. It is making
solidarity - a great social democratic ideal - our route to practical survival. Partnership is
statesmanship for the 21 st CentUly. » (B lair, 2002c).
37 « Today, a nation's chances are measured not just by its own efforts but by its place in the world.
Influence is power is prosperity. We are an island nation, small in space, 60 million in people but
immense in history and potential. We can take refuge in the mists of Empire but it is a delusion that
national identity is best preserved in isolation, that we should venture out in the world only at a time of
emergency. » (Blair, 2002c).
38 « Today, there continues to be a unique depth of understanding and warmth between our two people.
This touches ail of us here in many aspects of our lives- in industry, in politics and the arts, in music,
and as those who lived through previous wars would testify, in the face ofcommon adversity.» (Hoon,
2002).
36
76
(Hoon, Geoff, 2002), comme dans le cas de l'Irak. Cette relation ne sera pourtant pas
à la base d'un contentement et de l'acceptation générale avec la position américaine.
Selon les représentants du gouvernement la fidélité n'implique pas de conformité et
une concordance totale :
The price of British influence is not, as sorne would have it, that we have,
obediently, to do what the US asks. 1 would never commit British troops to a
war 1 thought was wrong or unnecessary. Where we disagree, as over Kyoto,
we disagree. (Blair, 2003a)
Par contre, au-delà de cette déclaration, les références qui souligneront le choix
britannique de déterminer une position autonome par rapport au sujet de l'Irak sont
peu fournies. Les discours sont plutôt marqués par la défense des intérêts et de
l'action américains. En somme, les représentants du gouvernement se justifient
souvent face à la critique d'un soutien inconditionnel attribué aux convictions
américaines. Surtout dans les entretiens avec la presse britannique, Blair et ses
homologues soulignent que le partenariat avec les Américains ne signifie pas une
fidélité inconditionnelle, quoique la coopération soit tout à fait désirable et nécessaire
pour ne pas donner aux Américains le sentiment qu'ils seraient confrontés seuls aux
enjeux en Irak (Blair, 2002a). Ainsi, les ministres insistent sur le fait que
l'administration Bush ne cherche pas à initier une guerre et soulignent les efforts
américains de collaborer avec les Nations unies, et leur ambition de solutionner le
conflit de manière pacifique et multilatérale (Straw, 2002c). Ensuite, le partenaire
américain est défendu dans un grand nombre des discours et entretiens, sur le terrain
de ses bonnes intentions concernant la guerre, des intentions dites « non-égoïstes» :
[... ] when you've got a country which is so overwhelmingly powerful people
can invent ail sorts of bad motives for the US. But l'm very, very clear from
lengthy private conversations as well as what has been said publicly that this
77
is being done by the United States to try and help secure the peace and
security of the region and of the world. (Straw, 2003c)
La conclusion que les États-Unis ont besoin du soutien international et britarmique en
résulte. Tout en essayant de convaincre la population et la presse du fait qu'il ne
soutiendra pas d'action américaine simplement pour des raisons de fidélité, Blair
insiste constamment sur la nécessité d'appuyer les Américains en générai. En outre, il
renvoie à l'anti-américanisme les positions opposées à la guerre à plusieurs reprises,
par exemple celles des pays européens comme la France (Blair, 2002a)39. Dans
l'ensemble, en ce qui concerne les questions sur les limites du partenariat anglo­
américain, Blair et Straw refusent de spéculer sur des conditions incertaines et
s'abstierment de commentaires sur les modalités qui pourront empêcher d'appuyer les
États-Unis (Straw, 2002b; Blair, 2002a). On peut voir le meilleur exemple d'un
comportement d'allié fidèle des États-Unis dans cette discrétion et le refus de révéler
les intentions d'intervenir militairement, pourtant déjà existantes pendant la crise
irakierme.
3.2.3. Le « pont )) entre les Européens et Américains
La relation avec l'UE ne joue qu'un rôle secondaire dans les priorités de la politique
étrangère britarmique pendant la crise irakierme. À la lumière du style du discours
officiel britarmique, les références au rôle de pont ou d'unificateur entre les
Américains et l'Union européerme sont effectuées d'une manière considérablement
indirecte. Néanmoins, nous avons identifié une variante du rôle de « pont» auquel la
Grande-Bretagne a traditiormellement recours (Williams, 2005 : 58), qui éclaire la
position britarmique envers l'Europe au long de la crise.
« Look, 1 would never support anything 1 thought was wrong out of sorne blind loyalty to the US.
But 1 want to say this about our relationship with the United States. Again sorne ofwhat 1 read, [... J, a
lot of it is just straightforward anti-A mericanism, [... J » (B lair, 2002a).
39
78
Dans son discours au bureau des Affaires étrangères en janvier 2003, qui trace les
priorités de sa politique étrangère, Blair énonce qu'une présence britannique notable
en Europe n'affaiblira pas le partenariat avec les États-Unis. Au contraire, les deux
vocations se renforcent respectivement et le consensus euro-américain, surtout en
matière de sécurité, sera même indispensable pour dégager des résultats significatifs
au niveau international. Mais précisément concernant le dépassement des différences
entre les États-Unis et l'Europe il perçoit une position pertinente pour la Grande­
Bretagne: « We can indeed help to be a bridge between the US and Europe and such
understanding is always needed. Europe should partner the US not be its rival. »
(Blair, 2003a).
La position britannique, entre les États-Unis et l'Union européenne, est clairement
définie pendant la crise et on insiste sur l'importance des deux partenaires 4o . Le
partenariat avec les Américains ainsi que l'appartenance à l'UE définissent une
position britannique d'adjuvant (<< helper») au développement des actions communes
qui aideront à construire l'ordre mondial actuel, qui sera guidé en partenariat global
par les Américains et Européens:
Here's where Britain's place lies. We can only play a part in helping this - to
suggest more would be grandiose and absurd - but it is an important part. Our
very strengths, our history equip us to play a raie as a unifier around a
consensus for achieving bath our goals and those of the wider world. (Blair,
2003a)
« For Britain to help shape this new world, Britain needs to be part of it. Our friendship with
America is a strength. So is our membership of Europe. We should make the most of both. And in
Europe, never more so than now. » (Blair, 2üü2c).
40
79
La nécessité d'un partenariat européen tourné vers les États-Unis, propre à la vision
de l'ordre mondial que proclame Blair, est réitérée pendant la crise irakielU1e à
plusieurs reprises. Ainsi, les autres pays membres et les futurs membres de l'UE sont
sollicités pour soutenir activement la position américaine face aux éventuelles
activités militaires (Blair, 2üü2a) et de réagir, au cas où Saddam Hussein échouerait à
remplir les conditions de la résolution 1441 (Blair, 2ÜÜ2e). Pourtant Blair recolU1ait
que la Grande-Bretagne n'est pas encore idéalement positiolU1ée pour influer plus
directement sur les décisions européelU1es
41
.
L'ambition de positionner le Royaume­
Uni au centre de l'Europe est alors essentielle pour élargir son influence sur les
enjeux mondiaux:
l believe passionately that it is important for Britain to be at the centre of
Europe, and l believe it because there are big decisions coming up in Europe
at the moment. Britain has got to have the influence in Europe to make those
decisions and shape those decisions in the right way for Britain, [00 .]. (Blair,
2üü2d)
Son influence réduite en Europe restreint conséquemment le rôle d'unificateur ou de
pont pendant la crise irakielU1e. Le gouvernement britalU1ique rappel1e que, comme
dans le cas du partenariat entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, le socle de
valeurs communes à l'Europe et aux États-Unis doit être une source de motivation
pour agir conjointement
42
.
Le message crucial des discours et entrevues destiné aux
pays européen est enrichi d'un autre argument. L'engagement aux côtés de l'alliance
devrait apporter des bénéfices multiples en commençant par le fait d'être « pris au
sérieux », grâce à la participation à l'action militaire
43
.
Finalement, les références aux
« We believe in Europe but we're not yet at the centre of it. » (Blair, 2üü2c).
« They're human values, and anywhere, anytime people are given the chance, they embrace them.
Around these values, we build our global partnership. Europe and America together. » (Blair, 2üü2c).
43 « But America shouldn't be left to face these issues alone, the rest of the world has a responsibility,
not just America, to deal with this. And if Britain and if Europe want to be taken seriously as people
41
42
80
divisions internes de l'UE émanent aussi du discours britannique. À cet égard le
Premier ministre et les autres acteurs insistent encore une fois sur l'importance de
conforter l'Alliance atlantique et de faire progresser l'amitié et non une rivalité entre
l'Europe et l'Amérique. Les pays comme la France, qui pensent que l'Europe pourrait
devenir un concurrent des États-Unis sont ouvertement critiqués (Straw, 2002d).
D'ailleurs, la position française ne peut selon Blair représenter la « véritable»
position européenne. Il souligne que la politique étrangère européenne favorisée par
la Grande-Bretagne se trouve également appuyée par un nombre considérable de pays
européens (Blair, 2003b)44.
3.3
Analyse et évaluation: continuité ou rupture avec les identités
nationales et les politiques étrangères précédentes?
Les circonstances entourant la phase d'avant-guerre rendent difficile la défense de la
position britannique. D'abord, le premier rôle de la Grande-Bretagne, celui d'une
« force pour le bien », se heurte à la participation britannique au fait des interventions
militaires en Irak sans cadre juridique onusien. En renonçant finalement à la nécessité
d'une résolution du CSNU pour légitimer l'activité militaire, le Premier ministre se
trouve face à des critiques sans précédent. Ces voix proviennent aussi bien de son
propre parti que du grand public, comme le démontre la foule des nombreuses
manifestations précédant l'intervention (Hollis, 42). Alors que le rôle s'insère dans
une vision logique des principes appuyés par le gouvernement de Blair, il reste
contesté. Effectivement, dans un monde interdépendant, la pauvreté et les crimes
contre l'humanité peuvent nuire au développement démocratique et avoir un impact
sur les droits humains (Blair, 1999), d'où le risque de dictatures rigoureuses. Comme
facing up ta these issues tao, then our place is facing them with America, in partnership but with
America. » (Blair, 2üü2a).
44 « l mean they're entitled to different views but, you know, French foreign policy no more represents
European foreign policy exclusively than does British foreign policy. l mean countries have different
positions. But no ail European countries are in that position. Spain, Italy, other European countries
have strongly supported the stand we've taken. » (Blair, 2üü3b).
81
le présente Blair dans son discours, le régime de Saddam Hussein démontre des
caractéristiques oppressives graves. Par rapport aux violations des droits de l'homme
et aux conditions insoutenables au sein du régime dictatorial en Irak, la Grande­
Bretagne devrait selon lui prendre position en tant que « libérateur». Ainsi, il ne
s'agirait par de conquérir l'Irak, mais de libérer le peuple irakien qui souffre de
l'oppression de Saddam (Blair, 2003e)45. Cependant, une invasion non légitimée par
le droit international compromet la politique étrangère « humanitaire », axée sur les
normes morales.
La participation à l'invasion en
Irak
ne
représente pas
nécessairement la conséquence logique à cette politique internationaliste que défend
Blair. Par conséquent, le rôle de la « force pour le bien» se trouve endommagé et
rejeté par la population.
En observant les priorités accordées aux trois rôles, on constate une prédominance du
rôle de 1'« allié fidèle» dans l'approche de la politique extérieure britannique. Même
si Blair n'exprime pas distinctement cette orientation, l'idée selon laquelle les intérêts
britanniques exigeraient un engagement explicite dans l'alliance transatlantique guide
certainement sa politique. Dans le contexte de l'Irak, les conditions historiques lient
déjà la position britannique aux intérêts américains. Ainsi, le soutien que Blair promet
46
à Bush dans le cas irakien dès le printemps 2002 peut sembler logique. Par contre,
en échange de leur participation les Britannique exigent initialement que cela se passe
avec l'appui l'ONU (HoUis, 2006 : 38). Donc, encore concernant le deuxième rôle, le
manque d'ambition de la part de Washington de lier la politique face à l'Irak aux
Nations unies est coûteux pour Blair. Dans le contexte national, les manifestations
contre la guerre témoignent de l'ampleur de l'opposition à sa position. Le
gouvernement cherche à justifier sa décision de soutenir l'approche américaine face à
« We want to do this campaign in a way that minimizes the suffering of ordinary Iraqi people,
brutalized by Saddam; to safeguard the wealth of the country for the future prosperity of the people;
and to make this a war not of conquest but of liberation. » (Blair, 2003e).
46 Les documents qui prouvent un tel accord entre Bush et Blair sont publiés par The Times, le 12 juin
2005. Il s'agît de la copie du mémo: « Iraq: Prime Minister's Meeting, 23 July» préparée par
Manning, David. URL : http://www.afterdowningstreet.org/downloads/dsmemo.pdf.
45
82
l'Irak. La priorité stratégique traditionnellement attribuée à ce partenariat est
transférée également à un niveau identitaire. De la sorte, les valeurs communes ainsi
que les origines profondes qui définissent l'amitié anglo-américaine sont soulignées.
De cette manière, Blair et les défenseurs de sa position désirent invoquer le fait que
leur décision ne résulte pas d'une fidélité aveugle, mais d'une amitié plus profonde 47 .
Cependant, les flèches décochées par quelques députés britanniques, reprises en
chœur par la presse quotidienne, qualifiant le Premier ministre de « caniche» de
George W. Bush démontrent que la tentative de défendre ce rôle central a manqué, au
moins partiellement, sa cible. La population britannique ne semble nullement
convaincue de la justesse de la position britannique à l'égard d'une possible guerre
contre l'Irak. Comme l'exprime son ancien ministre des Affaires étrangères, Robin
Cook:
It would never occur to Tony Blair that there might be more respect for a
Prime Minister who had the courage to say 'no' to someone as powerful as the
president of the US. [... ] l am certain the real reason he went to war was that
he found it easier to resist the public opinion of Britain than the request of the
US President. (Cook, 2003 : 104)
Pomiant, du côté américain, les efforts britanniques sont appréciés et reconnus.
Néanmoins, même la proximité et l'écoute de J'administration américaine ne
garantissent pas une influence directe sur les politiques américaines à Blair (HoUis,
2006 : 39).
Le rôle attribué aux Américains en tant qu' « allié fidèle» a la priorité sur le désir
d'arbitrer entre les deux joueurs pendant la cnse irakienne et restreint par
conséquence le rôle du « pont» entre l'Europe et les États-Unis. Cette tendance
« It is something deep within the psyches of both peoples- the absolute certainty that when times are
hard, when we face threats, we know we will be there for one another. That is a very special kind of
friendship; for the peoples oftwo nations, 1 believe that it is unique. » (Hoon, 2002).
47
83
correspond aux traditions d'une politique étrangère britannique qui préfère le
par1enariat américain à l'intégration européenne (Blair, 2003a). À partir de cet
ordonnancement des priorités, il est difficile de se représenter comme un médiateur
crédible, ce qui constitue pourtant une aspiration générale du gouvernement
britannique. Le désir de combiner une relation de proximité avec les États-Unis tout
en acquérant un rôle de 'leadership' en Europe, est maintenant confronté à une
situation ardue. Étant donnée la coopération étroite entre Londres et l'administration
Bush, très peu d'observateurs perçoivent une différence réelle entre les deux
approches (Hollis, 2006: 41). Ainsi, les autres puissances majeures en Europe,
notamment la France et l'Allemagne, critiquent ouvertement la notion de « pont» et
sa prédominance envers le côté américain de même que la dépendance britannique du
partenaire américain (Schroder et Chirac, cités par Lavallée et ü'Meara, 2005 : 48).
Quant aux Américains, ils semblent également au mieux équivoques face à l'impact
du « pont» britannique (Lavallée et ü'Meara, 2005 : 48). Le gouvernement de Blair
essaie de dépasser l'échec de ce rôle. Ainsi, dans les mois qui suivent la guerre en
Irak, un repositionnement de la Grande-Bretagne au sein de l'Europe reflète le désir
de regagner une crédibilité de force médiatrice. Plusieurs tentatives, aussi au niveau
de la défense, témoignent du souhait de rétablir une position « au centre de l'Europe»
(Blair, 2002d ; 2003a).
Les priorités établies tout au long de la période qui précède la guerre en Irak semblent
en opposition avec les identités nationales. Même s'il est difficile d'intituler
précisément les éléments de base qui formeraient une telle identité britannique, les
protestations et le manque d'appui populaire à la position officielle démontrent ce
clivage. Le rejet de la politique de Blair, et des rôles sur lesquels il appuie son
approche, est exprimé par l'opinion publique ainsi que par plusieurs politiciens. Par
exemple Robin Cook, ministre des Affaires étrangères, et Clare Short, ministre du
Développement international démissionnent de leurs mandats en réaction à
l'intervention. La démission de Clare Short peut être comprise comme acte de
84
protestation contre l'absence de certains membres du Cabinet du processus de
décision sur l'Irak (Hollis, 2006 : 45). La situation illustre le clivage entre les idées
représentées par le gouvernement et leur acceptation par le public britaru1ique. Le
concept de « résonance» de Risse et al. selon lequel les idées présentés par les
politiciens doivent correspondre aux valeurs et identités nationales présentes (Risse et
al., 2004 : 118) montre qu'ici se noue clairement une situation d'échec.
85
CONCLUSION
Cette conclusion débutera par une comparaison des discours britannique et français et
des rôles joués pendant la crise irakienne. Pour une telle comparaison nous tenons
compte du contexte large d'où proviennent ces rôles. Ce contexte englobe le niveau
identitaire, institutionnel et les intérêts nationaux qui interagissent et influencent la
politique extérieure. Ensuite, nous examinerons la position de la France et la Grande­
Bretagne pendant la crise en soulignant leur vision par rapport à la politique de
défense européenne.
I.
Comparaison des discours britannique et français
Nous comparerons les différents les styles et rôles des discours français et anglais à
partir des trois niveaux d'analyse d'un rôle. Selon Lisbeth Aggestam (2006: 18), il
existe plusieurs façons d'appréhender le concept de rôle. On peut mettre l'accent sur
les différents niveaux d'un rôle: les attentes subjectives des acteurs; la conception
d'un ou de plusieurs rôles; la performance d'un rôle, c'est-à-dire la façon dont il se
réalise. Dans une analyse, ces trois niveaux mettent en relief de différents aspects
d'un rôle et de son émergence. D'abord, les « attentes» ('expectations') des autres
guident la formulation d'un rôle. Ainsi, la place que les autres acteurs internationaux
attribuent à un État et les attentes liées à un comportement précédent, influencent la
formulation des priorités nationales. Ensuite, la «conception» des rôles et la
« performance» exacte représentent les deux catégories d'analyse auxquelles nous
ferons principalement référence (Aggestam, 2004: 88). La conception d'un rôle
s'effectue à partir des contextes historiques et identitaires nationaux. Les éléments
identitaires, ainsi que les valeurs structurent la manière d'exprimer un rôle. De cette
manière, les idées des acteurs sur la façon appropriée de représenter leur nation sont
reflétées. Les intentions d'un acteur étatique, émergeant d'un prisme culturel, sont
86
exprimées par sa conception des rôles (Aggestam, 2000: 95). Finalement, la
performance d'un rôle concerne tout généralement le comportement des acteurs qui
représentent le gouvernement. Leurs actions vont se produire inévitablement en
confolmité avec les priorités déterminées par un rôle.
Le premier niveau d'attentes subjectives d'un rôle ne rentre que partiellement en jeu
dans notre étude. Les attentes liées au compoltement franco-britatmique ne sont
pertinentes que par rapport aux relations respectives des deux pays avec les États­
Unis. Dans ce sens, certaines attentes fondamentales face à la politique extérieure
française ou britannique structurent les relations bilatérales. Pourtant, elles restent
vagues et sont ainsi difficiles à cerner et à étudier plus en détail. De la sorte, il nous
suffit de souligner leur impact global sur les relations bilatérales, sans aller plus loin.
Concernant la deuxième conception d'analyse, une différence principale structure les
conceptions britannique et française des rôles. Elle se trouve dans la relation entre les
identités nationales centrales et les rôles. Le recours linguistique aux identités de base
est effectué de manière très différente par les représentants français et britanniques:
Tout le discours français appuie des rôles qui dérivent des éléments identitaires et des
valeurs que le pays se veut à représenter. Ainsi, la conception de rôle est largement
guidée par les valeurs et les aspects identitaires. Dans ce sens, la conception des rôles
va de pair avec les éléments identitaires traditionnels
48
.
Ces notions identitaires de
base inspirent fortement les rôles de « défendeur des droits de l'homme» et d'
« avocat pour un monde multipolaire ». En outre, la position française souligne
l'importance des valeurs, également à un niveau international. Selon cette vision, un
comportement guidé par des valeurs universelles devrait se produire au sein de la
Il s'agit des éléments d'une « identité de base» que nous avions étudiés dans le premier chapitre,
plus précisément au sein de la section sur J'identité nationale française; la « tradition républicaine», le
« rang», la « mission civilisatrice» qui structurent comme notions fondamentales les intérêts
nationaux en matière de politique étrangère français.
48
87
communauté internationale. En général, le désir fondamental de la politique étrangère
française de projeter ainsi que de protéger les valeurs françaises, conçues comme
universelles, structure la conception de rôle. Néanmoins, la priorité stratégique
accordée aux valeurs crée une politique étrangère qui rompt finalement avec certains
de ses objectifs centraux antérieurs, tout en étant en accord avec ses identités de base.
Contrairement au comportement français, la Grande-Bretagne formule ses rôles et
priorités à partir d'autres variables que de l'identité. En calculant l'intérêt national de
manière plus pragmatique, parmi les rôles qui guident le comportement de Blair
pendant la crise irakienne seul le rôle de la « force pour le bien» fait allusion aux
valeurs. Pourtant, comme nous l'avons discuté au précédent, la situation irakienne ne
représente pas de casus belli pour l'approche de la politique étrangère britannique
« éthique ». Comme la menace perçue dans le régime de Saddam Hussein dérive
principalement de la présomption d'existence d'armes de destruction massives, qui
s'est révélée être fausse (Intelligence and Security Committee, 2003: 38), la
motivation d'agir en Irak en tant que « force pour le bien» semble invraisemblable.
Cependant si on considère les lignes de la politique étrangère britannique en général,
la Grande-Bretagne poursuit un comportement traditionnel et s'affirme comme
partenaire fiable des États-Unis. Dans ce sens, la participation à la guerre, même en
provoquant une critique sévère vers le gouvernement, correspond à l'objectif central
de la politique britannique depuis le Il septembre, et qui est celui de soutenir le
partenaire américain. Une rupture dans les relations avec les Américains est évitée par
l'appui britannique en Irak. De cette manière des bénéfices aux niveaux diplomatique,
politique et sécuritaire sont maintenus qui dérivent du lien proche avec la seule
grande puissance (Keohane, 2005 : 74).
Ensuite, la 'performance' des rôles comme troisième catégorie devient manifeste à
partir des actions françaises et britanniques pendant la crise. Nous désirons évaluer la
manière dont les rôles sont réalisés tout au long de cette phase en considérant encore
88
l'importance cruciale du discours dans le sens proposé par Onuf: « saying is doing :
talking is undoubtedly the most important way that we go about making the world
what it is ». (Onuf, 1996 : 59)
L'interprétation
des
énoncés
linguistiques
en
tant
qu'actions
performatives
autonomes (voir W::ever, 1995) nous indique que le style représente un élément
d'action considérable. Conséquemment, les différents styles des discours français et
britannique doivent être étudiés pour appréhender l'application des différents rôles.
Encore une fois, les approches britannique et française diffèrent amplement à cet
égard.
En général, les représentants de la politique étrangère britannique se réfèrent moins
aux différents rôles de la Grande-Bretagne et ceci souvent de manière indirecte.
Plutôt, le discours est centré sur les « faits neutres », à savoir les détails sur la
situation actuelle et le contexte historique de l'Irak. Les risques précis que
représentent le régime à Bagdad et les ADM sont démontrés en détail afin de justifier
le comportement gouvernemental. Globalement, le style du discours de Blair et Straw
démontre une forte tendance explicative. Afin de rectifier les choix du gouvernement,
les arguments sont avancés d'une manière scientifique et détaillée. Ce style, réaliste
plutôt qu'idéaliste (Stahl, 2005 : 20) ne réussit pourtant pas à convaincre le grand
public britannique. Également, il ne nous permet pas toujours de saisir les rôles
principaux de manière évidente.
En ce qui concerne les discours français, la manière de présenter la crise se trouve
beaucoup moins factuelle et descriptive que dans le cas anglais. Le Président et ses
ministres basent leur discours sur des valeurs, comme le démontre le deuxième rôle
qui découle du désir d'établir un ordre mondial multipolaire. Les références aux rôles
de la France se font fréquemment et de manière directe, ce qui permet à les détecter
assez facilement. Déjà les rôles en tant que tels contiennent certaines préoccupations
89
morales ou bien valorisantes, tendance également manifeste dans les prises de
position officielles en général. Ainsi, on met beaucoup plus l'accent sur les principes
d'action et sur l'importance d'agir en harmonie avec la communauté internationale
que sur la situation géographique ou historique de l'Irak. L'enjeu de l'Irak et les
éventuels dangers qu'il représente sont exposés dans une perspective mondiale.
Puisque tous les États sont concernés de la même manière par la menace irakienne,
une solution devrait se produire de manière communautaire. Une action unilatérale
mettrait en danger la situation mondiale au long terme et serait ainsi à éviter
(Villepin, 2002d). Généralement, le discours est largement personnalisé et émotif.
Cette tendance pourrait s'expliquer par les motifs que défendent les politiciens, sous­
tendus des valeurs et principes qui structurent la politique étrangère. Un style idéaliste
en est le résultat, par lequel la majorité de la population française est persuadée du
comportement gouvernemental.
Finalement, plusieurs nuances sont à porter à l'attention dans la comparaison de la
présentation des rôles en France et en Grande-Bretagne. Les représentants français se
reportent fréquemment à une position spécifiquement française, tandis que la
tendance britannique est davantage d'informer le public que de préciser une position
britannique. Si on se réfère directement à la position britannique celle-ci est toujours
liée à l'approche américaine. En se basant sur les faits, les politiciens britanniques
essaient de convaincre l'opinion publique de la position britannique par des
arguments objectifs. Ceci est le cas également en ce qui concerne l'éventuelle
deuxième résolution du CSNU. Cette résolution est beaucoup abordée par Blair et ses
ministres. En France, on discute beaucoup de ce sujet aussi. Mais encore une fois il
est directement lié à un jugement; les représentants officiels précisent que cette
résolution n'est pas incontournable, mais essentielle. Dans le discours français, il
s'agit généralement moins de présenter la situation de manière « neutre» que
d'évaluer les événements et d'apporter les propres jugements face à l'actualité.
Chirac et ses homologues précisent ce que la France et la communauté internationale
90
devraient faire à leur aVIS. Ils essaient de convaincre le public de leur pnse de
position en soulignant les valeurs universelles qui devraient être appliquées à l'égard
de la situation. En fin de compte, le style par lequel les rôles sont présentés et ainsi
mis en pratique, diffère aussi notablement dans les deux pays que les rôles eux­
mêmes. Les actions britanniques et françaises devraient être influencées par les
personnages en position de pouvoir autant que par le contexte institutionnel national.
Pour la Grande-Bretagne ce contexte signifierait que les décisions par rapport à la
guerre soient effectuées par les majorités au sein du Cabinet. Mais le style politique
fortement personnalisé, presque « présidentiel» de Tony Blair (Hollis, 2006 : 44)
attribue davantage de pouvoir au Premier ministre qu'au gouvernement en général.
Ainsi, la décision de participer à la guerre en Irak est effectuée et défendue surtout de
manière
personnelle par le
Premier ministre.
En France,
les
restrictions
institutionnelles sont moins présentes, étant donné que le Président détient le pouvoir
institutionnalisé de diriger les principes et grandes lignes de la politique étrangère.
Ainsi, les préférences et attitudes de Chirac influencent également le comportement
politique de manière considérable. En somme, le style du discours ainsi que le
comportement tout au long de la crise irakienne sont alors fortement accentués par les
personnalités des dirigeants politiques et leurs convictions personnelles.
II.
La conception de la PESD en perspective comparative
Tout d'abord, l'évaluation précédente des politiques étrangères et de leurs priorités
exprimées à partir des rôles nous permet une conclusion: les objectifs à la base des
politiques extérieures dérivent largement du niveau national. Cela reflète également
les résultats de la recherche sur les politiques en Europe de Manners et al. et qui
constatent que l'analyse des politiques étrangères des États membres de l'DE est
« séparable mais non séparée» du contexte européen (Manners et Whitman, 2000 :
369). Les politiques britannique et française lors de la crise irakienne sont donc
91
également guidées par ce contexte européen. Plus précisément, il faut analyser
l'influence européenne sur les politiques étrangères nationales sur la conception de
chaque État de la défense européenne. Comme nous l'avions présenté initialement, la
PESD est généralement influencée par trois facteurs: les éléments extérieurs,
l'ambition européenne, c'est-à-dire la position nationale concernant l'intégration
européenne, et l'attitude face aux États-Unis (Gnesotto, 2004: 14 s.). Au plan
national, le degré d'ambition face à l'Europe ainsi que l'attitude générale aux
Américains ont été illustrés dans les chapitres précédents. Mais une comparaison de
ces deux éléments au moment de la crise aidera à conclure sur les priorités et
stratégies franco-britanniques par rapport à la PESD.
L'attitude de chaque État à l'égard des États-Unis structure en grande partie les
stratégies adoptées pendant la crise irakienne (Menon, 2004 : 638). La France insiste
sur la nécessité d'établir une structure mondiale multipolaire où l'Europe devrait
contrebalancer l'unilatéralisme américain (Chirac, 2003e). A l'inverse, Blair défend
une structure unipolaire qui englobe, selon lui, un partenariat stratégique entre
Européens et Américains (Blair, 2003f). Cette différence fondamentale est à la base
des concepts de sécurité britannique et français qui affectent les relations avec le
partenaire américain. Ensuite, les différentes perceptions de la sécurité sont
renforcées depuis les événements du Il septembre. Il est fondamental qu'après la
démonstration de solidarité initiale aux attentats, les acteurs sécuritaires en France
définissent le terrorisme comme une menace globale et importante, mais pas
essentiellement nouvelle (Chirac, 2002b)49. La France s'oppose au changement de
paradigme introduit par les États-Unis. Également, la position française refuse à
constater un lien entre le terrorisme et la menace exercée par la possession des ADM
par le régime irakien. La Grande-Bretagne, par contre, adapte sa stratégie sécuritaire
« Mais Je terrorisme n'est pas la seule menace et le monde ne doit pas uniquement s'organiser autour
de la réponse au défi qui nous a été lancé le 11 septembre, car alors nous ferions le jeu de ceux-là
mêmes que nous combattons. » (Chirac, 2üü2b).
49
92
pour tenir compte des menaces internationales à la lumière des événements du Il
septembre (Coates et Krieger, 2004 : 112). Cette attitude se transfère également à la
perception de la menace irakienne où une action est légitimée comme « 1eçon(s) » ou
conséquence logique du Il septembre (Blair, 2002, cité par Macleod, 2006 : 134).
Les différentes conceptions de la sécurité mènent à des relations bilatérales avec le
pa11enaire américain qui sont diamétralement opposées avant et pendant la guerre.
La position britannique s'inscrit dans une politique traditionnelle de soutien aux
États-Unis. En réaction immédiate aux attentats de septembre 200 l, quelques
membres du gouvernement Bush considèrent déjà à ce moment une offensive en Irak.
Une telle offensive est envisagée malgré le manque de preuves liant Saddam Hussein
aux attaques contre le World Trade Center ou même à AI-Qaeda en général. Ainsi, à
l'automne 2001, Blair présume que non seulement le soutien britannique aux États­
Unis sera essentiel. Il appréhende aussi une autre menace qui émergerait si Saddam
rendait ses armes chimiques et biologiques disponibles aux groupes terroristes
(Kampfner, 2003 : 157). La décision de Blair, effectuée aussi tôt qu'au printemps
2002, de soutenir les Américains dans la 'deuxième phase' de la guerre contre le
tenorisme n'est alors pas surprenante. Cette décision implique indirectement l'accord
de s'engager sous les conditions américaines (Kampfner, 2003: 159-61). Mais depuis
la poursuite d'une approche commune face à l'Irak depuis 1990, une dissociation des
Américains n'est pas perçue comme une option valide pour la Grande-Bretagne
(Keohane, 2005: 71). Blair ne considère subséquemment pas la possibilité
d'abandonner les États-Unis dans cette guerre et maintient sa stratégie à ce sujet.
La situation est plus précaire en ce qui concerne les relations franco-américaines. La
politique étrangère française rompt avec certaines lignes
de compo11ement
habituelles. Plutôt, les aspects normatifs et identitaires sont mis de l'avant, pour
justifier la décision de ne pas joindre l'alliance militaire en Irak. Il est surprenant
93
qu'une querelle franco-américaine se produise précisément sous la présidence de
Chirac, qui menait une politique de rapprochement vers les États-Unis (Graham,
2004 : 264 s.). Les éclats majeurs qui procurent entre les deux gouvernements ne
s'expliquent pas uniquement par les visions divergentes concernant la sécurité et les
relations internationales. Les réactions américaines face au comportement français
démontrent l'existence d'un clivage profond entre les valeurs qui sous-entendent la
position française et américaine. Aux États-Unis, un sentiment anti-français émerge
pendant la crise irakienne qui s'exacerbe au où l'on présente la France comme nouvel
« ennemi» des Américains (New York Times, 2003). Le « French-bashing »50
s'effectue non seulement à un niveau politique, mais se répand dans la vie
quotidienne où le sentiment anti-français prend partiellement des traits absurdes
(Müller-Brandeck-Boquet, 2004 : 257i ' . Même si la France essaie de minimiser et
d'apaiser les divergences en insistant tout au long de la crise sur l'amitié profonde
52
entre les deux nations , elle n'arrive pas à empêcher des dommages diplomatiques
majeurs. L'importance que Chirac accorde au dialogue avec les États-Unis est
démontrée par ses entretiens aux journaux américains. Ce geste fait preuve d'un désir
de défendre les intérêts français auprès du public américain. Mais généralement
l'importance de l'amitié franco-américaine est autant soulignée que l'indépendance
française face à la décision d'intervenir en Irak (Chirac, 2003e) et le rôle en tant
qu'allié « fidèle mais pas aligné » (Chirac, 2003g). En total, l'hostilité des réactions
américaines ainsi que l'acceptation française des conséquences négatives d'ordre
diplomatique et économique (Graham, 2004: 268) pour défendre sa position,
montrent qu'il s'agit de plus qu'un simple conflit d'intérêts entre la France et les
Pour une revue intéressante sur cette notion et les circonstances aux États-Unis et en France, voir:
Vernet et Cantaloube, 2004: 225-235.
51 Un exemple dans ce sens est le changement de nom des « French Fries» qui se transforment en
« Freedom Fries ». Mais les propos deviennent également plus politiques avec l'exigence d'éliminer la
France du Conseil de sécurité de l'ONU (Müller-Brandeck-Boquet, 2004: 257).
52 « Nous avons tous un héritage historique, culturel, politique de relations d'amitié avec les Etats-Unis,
auquel nous sommes attachés. Il n'est pas question de remettre cela en cause. », Villepin, conférence de
presse du 24 février 03.
50
94
États-Unis. Comme le souligne l'étude d'Alex Macleod, un affrontement d'intérêts
purement matériels aurait pu se négocier de manière beaucoup plus simple. Mais
entre deux nations convaincues de leur vocation universelle, l'invasion d'un État dans
une région aussi instable que le Moyen-Orient rend inévitable une collision entre
identités nationales (Macleod, 2004b: 381). Ce conflit d'identités est illustré par
l'éclat dans les relations bilatérales qui nécessite à la suite de nombreux efforts
diplomatiques pour restaurer l'ancienne relation.
Les attitudes britannique et française par rapport à l'Europe peuvent être évaluées
plus rapidement. En effet, les positions adoptées pendant la crise se caractérisent
surtout par leur manque de considération de la position européenne. Le discours
officiel reflète ce positionnement français et britannique vers l'UE et les politiques
communes. Les Britanniques accordent l'importance principale aux États-Unis.
Comme nous l'avions présenté dans l'évaluation des rôles britanniques, le rôle d'un
« pont» britannique entre l'Europe et l'Amérique perd dans ce contexte de la
crédibilité. En France, malgré les références multiples à l'Union et les allusions
également au poids que devrait avoir l'Europe pendant la crise actuelle en tant
qu'acteur mondial, la prétention française à jouer le rôle d'un dirigeant au sein de
l'UE ne convainc pas les autres nations européennes. Le scepticisme des autres pays
s'explique entre autres par les remarques de Rumsfeld sur la France et l'Allemagne,
qui représentent, selon lui, la « vieille Europe» (Rumsfeld, 2003). Mais les
déclarations des autres nations européennes qui se distancient du comportement
franco-allemand et déclarent leur fidélité aux États-Unis (Letter to The Times, 2003 ;
Déclaration de Vilnius, 2003) montrent à la France que l'ambition de guider
l'approche européenne provient uniquement du désir national et n'est pas appuyée par
les autres États membres de l'Union.
Généralement, les discours français et anglais reflètent une fois de plus le
comportement stratégique traditionnel des deux pays: la France appuie son
95
indépendance par rapport aux propos américains tandis que la Grande-Bretagne
s'aligne sur partenaire américain en appliquant ainsi sa stratégie d'influence
(voir Sabin et Touraine, 1990). La crise fait ressortir ainsi les attitudes stratégiques
habituelles et renforce par la suite le partenariat britannique autant que la tension dans
les relations françaises vers les Américains. En fin de compte, la position de
leadership que détenaient la France et la Grande-Bretagne dans le domaine de la
défense européenne est sensiblement perturbée. Immédiatement après la crise, les
différences européennes mènent quelques auteurs à se demander si la PESD avait
encore un avenir (Hoffman, 2003: 19). Pourtant, les progrès de la défense
européenne dans la phase d'après-guerre sont notables. Ils se produisent au niveau
opérationnel, ainsi que par des débats constructifs. Ces discussions permettent de
faire avancer de façon générale la politique de sécurité européenne ainsi que l'enjeu
crucial de la relation entre l'UE et l' üTAN en matière de défense (Menon, 2004 :
640-646). En ce qui concerne les approches franco-britanniques, la crise irakienne
permet quelques suggestions qui pourront aider à rétablir le partenariat et ainsi le rôle
central des deux nations sur le plan de la défense européenne. D'abord, il est
important de trouver une manière de réconcilier les attitudes française et britannique à
l'égard de la puissance américaine. A ce propos, Charles Grant (2003) suggère que la
France devienne moins « critique par instinct» des États-Unis et évite la terminologie
de la « multipolarité » pour moins irriter Washington. Il propose aux Britanniques de
réduire leur soutien inconditionnel aux Américains afin de convaincre les Français et
les autres nations européennes de l'engagement britannique à l'égard de l'UE.
L'équilibre entre l'Europe et l'Amérique doit être reformulé dans la politique
britannique si le gouvernement britannique veut ranimer le prestige européen de la
Grande-Bretagne. Ensuite, l'attitude envers l'Europe pourrait facilement être
améliorée si les deux nations soutenaient l'idée d'une Europe forte, qui appuie la
politique américaine tout en préservant une certaine distance et indépendance à
l'égard de celle-ci. Au long terme leur collaboration étroite un tel rapprochement
96
pourra mener à une intégration approfondie de la défense européeIU1e, à une véritable
politique étrangère européeIU1e crédible.
III.
Réflexions finales
Si, comme notre étude le suggère, les intérêts et identités nationales continueront à
structurer les politiques étrangères française et britaIU1ique, quels résultats devraient
un tel constat engendrer au niveau européen? En effet, la diversité au sein de l'UE
représente un des problèmes de base concernant la réalisation des mesures
d'intégration politique. Les 27 membres actuels de l'Union vivent dans des contextes
nationaux aussi différents que les ont démontré la France et la Grande-Bretagne, ou
encore plus divers, si on considère les expériences historiques des PECQ (Pays de
l'Europe centrale et orientale). Les problèmes actuels à définir une position ou même
une base juridique commune pour l'UE ont été démontrés lors des derniers sommets
européens; notamment la position polonaise au sommet de Berlin en juin 2007, et qui
a fait épreuve d'une insistance sur les intérêts nationaux en dépit des effets néfastes
sur les progrès européens. Face à ces différences fondamentales entre les nations
européeIU1es, quelle pourrait devenir la base commune sur laquelle les pays membres
pourraient se mettre d'accord? Cette question s'applique autant aux effolis présents
de développer un nouveau fondement juridique pour l'UE qu'aux débats sur une
identité européeIU1e. Beaucoup d'études existent sur ce deuxième sujet. (Wintle,
1996; Risse, 2001 ; Bretherton et Vogler, 2005; Bruter, 2005). De nombreuses
recherches explorent le lien possible entre identités nationales et identité européenne.
Toutes ces pensées et questioIU1ements font preuve de l'état inachevé de l'entité
politique européeIU1e, y compris au niveau identitaire. La diversité des différentes
nations révèle conséquemment les embûches au développement des positions
communes. Ces prises de positions consensuelles exigent cependant que tous les
mem bres se mettent en accord, tâche qui demeure difficile. Mais l'histoire récente
97
européenne connaît également des moments de succès face à des positions
communes.
Un domaine de réussite de la coopération européenne sera celui de la défense. La
PESO a fait preuve d'une multitude d'initiatives dans les années qui ont suivi la crise
irakienne, ce qui a mené à des progrès d'ordre institutionnel et opérationnel s3 .
Pourtant, la PESO se perfectionnera uniquement si les pays membres arrivent à
dépasser les clivages déclenchés par la diversité de leurs intérêts. Un pas dans ce sens
pourra être une coopération franco-britannique approfondie (ce que suggèrent
quelques auteurs comme solution pour la PESO, comme nous l'avions présenté ci­
dessus). En s'inspirant justement des désaccords concernant les intérêts et identités
nationales, la rivalité et la complémentarité du couple franco-britannique pourront
servir de « moteur» pour la PESO (Gnesotto, 2004: 14). Oe la sorte, le
comportement des nouveaux chefs d'État et de gouvernement, Nicolas Sarkozy et
Gordon Brown, sera central dans les années à venir. Mais la diversité, constatée tout
au long de notre étude dans les positions franco-britanniques, ne rend pas per se
impossible une collaboration en domaine de la défense européenne. Généralement,
une certaine attitude de compromis serait nécessaire afin de négocier les enjeux
européens à un nIveau diplomatique. Ceci concerne par contre tous les États
membres. Ensuite, la diversité dans les intérêts et identités nationales n'empêchent
pas en soi une coopération européenne. Elle pourrait au contraire même la précipiter,
comme l'a démontré le cas de l'Irak et l'intégration approfondie qui a résulté de cette
crise pour la défense européenne.
53
Pour une excellente revue de ces progrès, voir Dumoulin, 2003 ou Gnesotto, 2004.
98
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