De retour à l'étage, l'équipe se réunit pour discuter de l'incident. Après examen du traitement reçu par le patient,
l'équipe note que le patient pourrait ne pas survivre très longtemps après avoir quitté l'hôpital si tôt après son
infarctus du myocarde. Et s'il survit, il faut s'attendre à ce que sa fonction cardiaque soit bien pire que s'il avait
reçu le traitement complet. Selon un membre de l'équipe, le patient aurait dû être hospitalisé contre son gré, car il
était de toute évidence mentalement instable et qu'il se trouvait dans un état où il pouvait se faire du tort à lui-
même. Certains craignent même des poursuites de la part du patient pour ces motifs. L'avocat de l'hôpital consulté
le lendemain est cependant d'avis qu'une telle poursuite aurait peu de chance de réussir, car l'équipe a suivi la
norme de diligence. On considère que le patient était suffisamment compétent pour refuser le traitement.
Questions
1. Le consentement a-t-il été obtenu selon les règles?
2. Était-il justifié de refuser d’offrir de la méthadone pour traiter les symptômes de sevrage – durant
l’hospitalisation du patient?
3. Le patient avait-il la capacité de décision nécessaire pour donner un consentement éclairé et refuser le
traitement?
Discussion
Q1. Le consentement a-t-il été obtenu selon les règles?
Au Canada, les lois précises qui régissent le consentement éclairé relèvent de la compétence des provinces. Pour
être réputé valide, le consentement doit normalement être donné librement par un patient adéquatement informé
et apte. Cette dernière exigence relative à l'aptitude à consentir fait référence à la capacité de prendre des
décisions. Dans le domaine clinique, le concept juridique de la capacité de décision est souvent désigné « aptitude
mentale », mais ces expressions sont souvent utilisées de façon interchangeable. En vertu de la loi, on présume
généralement que les personnes sont capables de prendre leurs propres décisions concernant leur traitement, à
moins de motifs qui permettent d'en juger autrement.
Il existe aujourd'hui des méthodes cliniques sanctionnées par la loi, pour évaluer la capacité de décision. Le
jugement clinique non officiel et l'examen type de l'état mental ne sont plus considérés comme des normes
adéquates, en particulier lorsque la présomption de capacité est mise en doute. Le médecin qui propose un
traitement particulier doit faire une évaluation explicite de la capacité du patient de comprendre les faits liés au
traitement proposé, et de sa capacité d'évaluer comment cette décision le touchera précisément. Un des outils
cliniques qui permet actuellement d'évaluer la capacité de décision est le questionnaire MacCAT-T, mis au point par
Tom Grisso, Paul Appelbaum et leurs collègues1.
Il est important de reconnaître que la capacité de décision dans ce contexte ne fait pas référence à une notion
générale et qu'elle n'est pas non plus généralisable. Il s'agit plutôt d'un attribut qui caractérise une décision
présumée particulière, prise par une personne dans des circonstances et à un moment donné. Il s'ensuit que la
capacité à un moment précis et dans des conditions précises ne permet pas de présumer de la capacité ultérieure,
dans d'autres conditions.
Comme le patient dans notre exemple était sous l'effet de substances psychoactives au moment où le
consentement a été demandé, on peut douter de la validité de ce consentement, car il est généralement admis que
l'état d'intoxication causé par la consommation de ce type de substances peut altérer la capacité2. Il est aussi
généralement admis que, dans le cas d'une dépendance aux opiacés, la capacité fluctue à mesure que la personne
dépendante passe par les différents stades de la dépendance, depuis l'état de besoin à celui de sevrage, et vice
versa?3. Par conséquent, la dépendance aux opiacés peut altérer la capacité, selon le moment où le consentement
est demandé et les conditions dans lesquelles le consentement est obtenu.
Dans cette étude de cas, il est fort probable que la capacité de M. N. était altérée au moment d'obtenir son
consentement. On peut donc mettre en doute la validité de ce consentement. De plus, dans les cas de dépendance
grave, on peut s'attendre à ce que la capacité varie, ce qui signifie que le consentement obtenu à un stade donné
du cycle d'accoutumance pourrait être annulé par la même personne, à un stade ultérieur.
Il est également crucial de se rappeler que les décisions concernant le traitement de ce patient s'inscrivent dans
deux volets différents, mais liés. Premièrement, le patient a été victime d'un infarctus du myocarde, un état qui
menace son pronostic vital, qui présente une histoire naturelle et dont la cause sous-jacente (thrombus,
rétrécissement des artères irriguant le cœur) peut être traitée par différents moyens (agents thrombolytiques,
anticoagulants, angiographie ou mise en place d'endoprothèse ou pontage). Deuxièmement, le patient présente
une narcodépendance et le sevrage de cet état peut aggraver son état cardiaque. La toxicomanie est une maladie