Les complications du trouble bipolaire M. WALTER (1), P. GENEST (2) L’évolution du trouble bipolaire est au centre d’un paradoxe entre une position classique qui fait de la psychose maniaco-dépressive une maladie à pronostic plutôt favorable en opposition à l’évolution de la schizophrénie et les études actuelles mettant l’accent sur la fréquence et la sévérité des complications tant au niveau psychopathologique qu’au niveau socioprofessionnel. Trois grands types de complications sont ainsi distingués : des complications intrinsèques, propres à l’évolution du trouble bipolaire ; des complications extrinsèques dominées par les conduites suicidaires et les conséquences psychosociales ; des complications thérapeutiques. COMPLICATIONS INTRINSÈQUES Il s’agit des complications liées au génie évolutif de la maladie elle-même : récurrences ou rechutes, chronicisation, cycles rapides, conséquences au niveau de la personnalité. Les récurrences Il convient de distinguer la rechute, c’est-à-dire la résurgence des symptômes initiaux pendant la période de rémission alors que l’épisode index n’est pas guéri et la récidive ou récurrence qui survient après la guérison. Deux tiers à trois quarts des patients rechutent après un épisode index et 50 % de ces rechutes ou récurrences se produisent dans l’année qui suit la sortie de l’hôpital. Certains facteurs de risque sont identifiés : forme bipolaire ; épisode index mixte ; âge de début précoce ; présence d’éléments psychotiques ; antécédents de dépendance alcoolique ; nombre d’épisodes antérieurs (jusqu’à 5). Toutefois ces études présentent un biais de recrutement : la majorité des patients qui acceptent de s’engager dans des études de suivi sont des patients qui ne vont pas bien, alors que les patients qui vont bien disparaissent sans être inclus dans des études de suivi. La chronicisation Les taux de chronicisation varient entre 5 et 25 % suivant la définition de la chronicité : définition « dure » avec persistance de l’ensemble de la symptomatologie (5 %) ou définition plus large, à savoir persistance d’une symptomatologie discrète avec difficultés d’adaptation (25 %). La forme unipolaire, les états mixtes et les cycles rapides évolueraient plus facilement vers la chronicisation. L’évolution vers la chronicité est aussi fonction de l’épisode index : quand l’épisode index est mixte ou de type cycles rapides, le risque de passage à la chronicité est plus important que lorsque l’épisode index est dépressif ou maniaque. Cycles rapides La définition des cycles rapides repose sur quatre critères : nombre d’épisodes supérieur ou égal à 4 par an (avec notion d’intervalle libre) ; virage franc d’un pôle thymique à un autre ; durée totale des épisodes supérieure ou égale à 8 semaines par an ; sévérité de l’épisode attestée par les critères soit d’état dépressif, soit d’état maniaque pour différencier cycles rapides et cyclothymie. La prévalence des cycles rapides est de 12 à 20 %. Dans 80 %, ils succèdent à un trouble bipolaire I ou II ; seulement 20 % sont primaires. (1) Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, Chef de Service du Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie d’Adultes et de Psychologie Médicale, Secteur 1, CHU Brest, Hôpital de Bohars, BP 17, 29820 Bohars. (2) Praticien Hospitalier, CHU Brest, Hôpital de Bohars, BP 17, 29820 Bohars. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 515-8, cahier 2 S 515 M. Walter, P. Genest Des facteurs de risque du passage vers une cyclicité rapide sont connus : sexe féminin ; niveau social élevé ; faible charge familiale génétique ; facteurs exogènes (prescription d’antidépresseurs ; insuffisance thyroïdienne) ; nombre d’épisodes dépressifs antérieurs au cours desquels le patient a été exposé aux antidépresseurs ; épisode index dépressif ; personnalité prémorbide cyclothymique. Classiquement le passage aux cycles rapides serait plus fréquent dans les formes bipolaires de type I que dans les formes bipolaires de type II. Personnalité post-morbide Les relations entre bipolarité et personnalité sont de 4 ordres (5) : soit les caractéristiques de personnalité prédisposent au trouble de l’humeur (personnalité prémorbide spécifique) ; soit elles expriment le trouble de l’humeur (notion de formes atténuées) ; soit les caractéristiques de personnalité sont des séquelles du trouble de l’humeur (personnalité post-morbide spécifique) ; soit elles influencent le cours évolutif du trouble de l’humeur essentiellement par les problèmes de compliance et les événements de vie de ces patients. La notion de formes atténuées de trouble bipolaire suppose qu’en phase intercritique la maladie s’exprime de manière sub-syndromique. S’agit-il alors d’un trouble de la personnalité ou d’une forme atténuée de la bipolarité ? Dans cette perspective, Akiskal (1) distingue trois types de modifications post-morbides : durant l’épisode affectif lui-même, à court terme et à long terme. Pendant la phase de dépression, les signes de neuroticisme (qui correspondent au syndrome névrotique général avec des signes aspécifiques de névrose comme la labilité émotionnelle, la tension anxieuse, le manque de confiance en soi) sont accentués et au contraire diminués pendant la manie. Les traits de personnalité de type extraversion seraient diminués en phase dépressive alors que les traits de personnalité de type obsessionnel ne sont pas modifiés par l’épisode qu’il soit dépressif ou maniaque. Plus intéressantes sont les modifications de la personnalité après l’épisode. Le court terme (1 an) est dominé par le mauvais ajustement interpersonnel et en particulier les difficultés conjugales qui nécessiteraient pour certains la poursuite des antidépresseurs pendant 8 à 9 mois après l’épisode dépressif et surtout la mise en place d’une psychothérapie interpersonnelle. À long terme (± 2 ans), on retrouve d’autres signes névrotiques : perte de confiance en soi, dépendance interpersonnelle et sentiment d’insécurité. En fait ces signes sont aspécifiques et pourraient se rencontrer comme séquelles de toute pathologie chronique handicapante, qu’elle soit continue ou intermittente. Toutefois ces modifications augmentent avec la fréquence des accès et seraient prédictives d’accès ultérieurs. S 516 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 515-8, cahier 2 COMPLICATIONS EXTRINSÈQUES Conduites suicidaires et troubles bipolaires Épidémiologie Il est habituel de distinguer les taux de décès par suicide rapportés lors d’études antérieures et postérieures à 1980, année à partir de laquelle la distinction entre formes unipolaires et bipolaires est systématiquement prise en compte. L’étude classique de Guze et Robins (4) rapporte un risque de décès par suicide de 15 %, soit un taux 30 fois supérieur à celui de la population générale. Les études postérieures à 1980 mentionnent jusqu’à 19 % de décès par suicide (3). Par ailleurs, les techniques d’autopsie psychologique qui visent à documenter le suicide d’un patient à travers l’interview de ses proches, des soignants ou la consultation de son dossier, ont montré que 46 à 60 % des suicidés étaient porteurs d’un trouble de l’humeur au moment de leur décès. Enfin, le sex ratio est de 1 alors que, dans la population générale des suicidés, il est de 3 hommes pour 1 femme. Pour les tentatives de suicide, les rapports entre geste suicidaire et maladie bipolaire sont moins bien établis, essentiellement parce qu’il n’existe pas de recueil national des tentatives de suicide. 25 à 50 % des bipolaires font des tentatives de suicide lors de leur maladie, 20 à 30 % des unipolaires. Le sex ratio est le même que pour les patients qui ne présentent pas de troubles affectifs : trois femmes pour un homme. Quant aux idées de suicide, elles seraient presque constantes (82 %) chez les bipolaires. Facteurs de risque La bipolarité exposerait davantage au suicide que la forme unipolaire. En fait, les données sont beaucoup plus contrastées : des études concluent à l’inverse que ce sont les formes unipolaires qui exposent davantage au décès par suicide ou encore que formes unipolaires et bipolaires comportent le même potentiel suicidaire. D’autres travaux, en particulier chez les adolescents, rapportent un moindre potentiel suicidaire dans les formes unipolaires comparativement aux bipolaires. Parmi les bipolaires, les bipolaires II sont plus exposés au risque de décès par suicide que les bipolaires I (7), en raison d’une comorbidité importante (alcoolisme, trouble de la personnalité). Par ailleurs, 59 % des patients bipolaires suicidés avaient rencontré un médecin avant leur décès par suicide, généralement un médecin généraliste pour les patients unipolaires, un psychiatre pour les patients bipolaires ; toutefois, seuls 18 % d’entre eux avaient un traitement considéré comme correct au moment de leur décès. La prévention n’est donc pas un problème d’accessibilité aux soins (ces patients rencontrent des médecins) mais pose la question du dépistage des troubles de l’humeur. Enfin, si les caractéristiques psychotiques n’ont pas d’influence sur la suicidalité, on constate par contre un pic de décès par suicide en mai et un pic un peu moins net en octobre. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 515-8, cahier 2 En ce qui concerne les tentatives de suicide, les patients bipolaires présentent un risque de tentative de suicide plus important que les patients unipolaires : bipolaires I (26 %), bipolaires II (18 %), unipolaire (11 %). Le risque de tentative de suicide est corrélé à la présence d’un état mixte, comme par exemple la manie dysphorique ; de plus, ce risque est davantage lié à la sévérité des symptômes dépressifs qu’à la présence d’un authentique syndrome dépressif (8). Il faut toujours rechercher des symptômes dépressifs et des idées de suicide même dans les épisodes maniaques. La manie dysphorique mérite d’être individualisée en raison de sa fréquence (50 %) et de son pronostic moins favorable (épisodes plus longs, chimio-résistance aux antimaniaques et antidépresseurs classiques, risque suicidaire augmenté). Elle se caractérise par la présence simultanée d’un syndrome maniaque ou hypomaniaque (avec les critères complets de manie ou d’hypomanie pendant une semaine), et de symptômes dépressifs (plus de trois symptômes pendant au moins une semaine). Parmi les caractéristiques sémiologiques, trois semblent particulièrement corrélées au risque suicidaire : l’anxiété dysphorique, l’agitation psychomotrice, l’hostilité. Événements de vie Lors de la survenue d’un épisode thymique maniaque, dépressif ou mixte, il est possible d’identifier un événement de vie ayant eu valeur de facteur déclenchant dans cette maladie pourtant dite endogène. En outre, 65 % des patients bipolaires et unipolaires ont subi un événement de vie dans les 3 mois qui précèdent le geste suicidaire et 42 % ont subi deux événements de vie dans la semaine avant le geste suicidaire ; cet événement (perte, conflit) est souvent auto-promu par le patient (88 % pour les bipolaires, 63 % pour les unipolaires). Ces patients suicidants auraient donc tendance à se mettre dans des situations difficiles et à « provoquer » des événements de vie négatifs. Les complications du trouble bipolaire ans : la prescription de lithium n’est préventive qu’après une certaine durée de prescription dont le seuil est estimé à deux ans. Enfin chez les patients qui ont interrompu leur traitement, la mortalité est largement supérieure à celle des patients qui poursuivent leur traitement. Cet effet antisuicide du lithium est différent de l’effet thymorégulateur ; il est probablement médié par une action sérotoninergique (effet anti-agressif). Complications psychosociales Les études de suivi ont mis en évidence des complications psychosociales sévères, durables et fréquentes : 1/3 des patients bipolaires présentent une détérioration sociale marquée à 3 ans ; 30 à 40 % ont une pension d’invalidité à 10 ans, tous les domaines de la vie étant touchés (professionnel, financier, amical, conjugal). Ces conséquences négatives sont influencées par l’âge précoce du début de la maladie, le sexe masculin, le nombre élevé d’épisodes, la présence de symptômes psychotiques, l’existence d’une personnalité antérieure de type névrotique ou instable, la comorbidité alcool/toxicomanie. Par contre cette détérioration psychosociale ne serait pas influencée par le type de trouble (unipolaire versus bipolaire), les traitements (différentes études montrent que, chez des patients pourtant en rémission depuis plus de deux ans, le taux de détérioration est à peu près le même, touchant 1/3 d’entre eux ; pour des patients sous lithium depuis une durée certes assez courte, de 1,7 an, le taux de détérioration des relations interpersonnelles est identique à celui des patients qui ne sont pas sous lithium). L’évolution psychosociale est donc défavorable chez 1/3 des patients bipolaires, non pas du fait d’un déficit intercritique persistant comme dans la schizophrénie, mais par le biais des conséquences négatives des accès dépressifs ou maniaques sur la vie socioprofessionnelle et sur la vie relationnelle. COMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES Lithium et prévention du suicide La plupart des études rétrospectives mettent en évidence un effet protecteur du lithium vis-à-vis du suicide accompli : la majorité des patients bipolaires décédés par suicide n’étaient pas sous lithium, ceux traités par lithium avaient des taux de décès par suicide plus bas. Les résultats des études prospectives vont dans le même sens. Le Groupe International pour l’Étude de Patients traités par le Lithium (IGSLI) qui réunit 4 centres (Aarhus, Berlin, Hamilton, Vienne) a montré qu’après deux années de traitement la mortalité globale (suicide et autres causes comme par exemple les troubles cardio-vasculaires) et la mortalité par suicide des patients bipolaires sous lithium est égale à la mortalité de la population générale (6). Par contre la mortalité par suicide pour les patients traités depuis moins de deux ans est supérieure à la mortalité par suicide pour les patients traités de plus de deux Deux ont été arbitrairement retenues : les difficultés d’observance du traitement par lithium et les phénomènes survenant à l’arrêt du traitement dont le sevrage. Mauvaise observance du traitement par lithium 18 à 53 % des sujets présenteraient une mauvaise observance au lithium. Paradoxalement il existe peu d’études sur cette question alors que 75 % des rechutes y seraient liées. Certains facteurs dépendent du patient : jeune âge, sexe féminin, première année de traitement, nombre peu élevé d’épisodes, antécédents de manie avec délire mégalomaniaque, antécédents hypomaniaques (nostalgie des périodes « hautes »). D’autres sont liés au traitement : effets indésirables du lithium (prise de poids, troubles cognitifs, tremblements, modifications de la personnalité) ; certains patients particulièrement créatifs resS 517 M. Walter, P. Genest sentent une stabilité thymique inhabituelle, avec la sensation d’être « trop contrôlés » par le traitement. Phénomènes de sevrage et lithium À l’arrêt d’un traitement par lithium, quatre situations sont à distinguer : le syndrome d’abstinence (apparition de symptômes physiques et psychiques de dépendance), le rebond (réapparition des symptômes initiaux), la rechute (réapparition des symptômes de la maladie pendant la période de rémission), la récidive ou récurrence (retour de symptômes de la maladie après la guérison). L’abstinence apparaît dans un délai de 2 à 3 jours et regroupe des symptômes aspécifiques, tels que irritabilité, nervosité, anxiété, insomnie, hyperréactivité émotionnelle, labilité de l’humeur. On n’observe pas de symptômes spécifiques de sevrage (céphalées, sueurs, tremblements…) contrairement au sevrage aux benzodiazépines. Le phénomène de rebond (réapparition des symptômes initiaux dans un délai court de 24 à 48 heures sur un mode plus intense) est discuté. Les rechutes et les récidives sont fréquentes : 50 % de récidives dans les trois mois qui suivent l’arrêt alors que seulement 1/3 récidivent quand le lithium est poursuivi. Les bipolaires I seraient davantage exposés à la récidive que les bipolaires II et les unipolaires. L’arrêt brutal du lithium expose à la survenue de rechutes et de récidives, la réintroduction du lithium pouvant rencontrer un phénomène de résistance. L’arrêt doit donc toujours être progressif sur 2 à 4 semaines avec évitement des fenêtres thérapeutiques qui ne doivent pas être une pratique de routine. CONCLUSION Le hiatus entre l’évolution classiquement favorable de la maladie maniaco-dépressive et les résultats des études contemporaines rapportant une évolution peu favorable tant au niveau psychopathologique qu’au niveau des conséquences psychosociales pourrait être dû à un certain nombre de biais. Tout d’abord la notion de bon pronostic ne prend son poids qu’en regard du mauvais pronostic de S 518 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 515-8, cahier 2 la schizophrénie : il s’agit en fait d’un pronostic moins péjoratif que celui de la démence précoce. Un deuxième biais concerne les patients concernés par ces études de suivi qui sont des patients plutôt sévères ou résistants au lithium (dont la fréquence a augmenté en 25 ans de 30 % à 50 %). Troisième biais : l’élargissement du cadre nosographique de la PMD du début du siècle aux troubles maniacodépressifs actuels, incluant en particulier les formes avec caractéristiques psychotiques non congruentes à l’humeur. Enfin, citons l’âge de début plus précoce et un certain nombre de facteurs iatrogènes, dont la prescription itérative d’antidépresseurs tricycliques inducteurs de cycles rapides ou l’arrêt brutal du lithium qui pourrait générer une résistance. La péjoration du pronostic des troubles bipolaires est peut-être liée à ces facteurs et non pas au génie évolutif de la maladie. Quoi qu’il en soit, la prévention des récurrences est insuffisante (30 à 50 % de récurrences) et la mauvaise observance thérapeutique est probablement sous-estimée. Ceci rend encore plus indispensables l’information et les mesures psycho-éducationnelles. Références 1. AKISKAL HS et al. Bipolar outcome in the course of depressive illness. J Affect Disord 1983 ; 5 : 115-28. 2. AZORIN JM. Le sevrage de la lithiothérapie. In : Pratiques de la lithiothérapie ; consensus et controverses. Paris : Doin, 1997. 3. GOODWIN FK, JAMISON KR. Manic-depressive illness. New York : Oxford University Press, 1990. 4. GUZE SB, ROBINS E. Suicide and primary affective disorders. Br J Psychiatry 1970 ; 117 : 437-8. 5. HARDY-BAYLÉ MC. Facteurs psychologiques, événements de vie et maladie maniaco-dépressive bipolaire. In : les troubles bipolaires de l’humeur. Paris : Masson, 1995. 6. MULLER-OERLINGHAUSEN et al. Mortality during later lithium treatment. A collaborative study by the IGSLI. Acta Psychiatr Scand 1994 ; 90 : 295-7. 7. RIHMER Z, BARSI J. Suicide in subtypes of primary major depression. J Affectiv Disorder 1990 ; 18 : 221-5. 8. STRAKOWSKI SM et al. Suicidality among patients with mixed and maniac bipolar disorders. Am J Psychiatry 1996 ; 153 : 674-6. 9. VERDOUX H, BOURGEOIS ML. Évolution et pronostic des troubles bipolaires. In : Les troubles bipolaires de l’humeur. Paris : Masson, 1995.