84 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 3 - mai-juin 2011
CONGRÈS
RÉUNION
suboptimale (cultures encore positives après deux
mois de traitement), nécessitant alors un traitement
de neuf mois. Le problème posé est surtout celui des
interactions entre les antituberculeux et les antiré-
troviraux. Cette interaction ne concerne en fait que
la rifampicine (RMP), qui ne peut pas être utilisée
avec les inhibiteurs de protéase. Dans ce cas, c’est
la rifabutine qui doit être prescrite à la posologie de
150 mg × 3/sem. Pour les inhibiteurs non nucléosi-
diques de la transcriptase inverse (INNTI), l’efavirenz
(EFV) peut être associé à la RMP. Cette dernière
semble aussi pouvoir être utilisée avec la névirapine
(NVP), mais on dispose de moins de données.
Les durées de traitement sont identiques à celles
de la population générale, à savoir six mois en cas
de tuberculose pleurale, péricardique, ganglion-
naire ou osseuse, neuf mois en cas de tubercu-
lose méningée, aucune étude n’ayant montré de
bénéfice pour des traitements plus prolongés. La
dernière partie de la présentation de F.X. Blanc a
été centrée sur la question : “Quand commencer les
antirétroviraux ?”, chez un patient VIH+ traité pour
une tuberculose. Trois études prospectives récentes
(SAPIT, CAMÉLIA, STRIDE) apportent le même type
d’informations. Chez les patients ayant moins de
50 CD4/mm
3
, on constate un réel bénéfice clinique
(réduction significative de la mortalité) à instaurer
le traitement antirétroviral deux semaines après le
début du traitement antituberculeux versus huit à
douze semaines. Dans ces trois essais, il existe une
augmentation significative des IRIS dans le bras
précoce (RR = 4,71 dans l’étude SAPIT, 11 % versus
5 % dans l’essai STRIDE, RR = 3,76 versus 1,53 dans
l’étude CAMÉLIA) mais sans impact sur la mortalité.
En conclusion, ces études plaident pour un début
précoce (J14) des antirétroviraux en cas de tubercu-
lose pulmonaire ou ganglionnaire chez les patients
VIH+ immunodéprimés (taux de CD4 < 50/mm
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).
Chez des patients moins sévèrement immunodé-
primés, un délai d’un mois semble raisonnable.
Élisabeth Bouvet (hôpital Bichat, Paris) était chargée
de préciser la place des tests fondés sur la libération
de l’interféron gamma (IFNγ) dans le diagnostic
de l’infection tuberculeuse latente chez le patient
VIH+. Ces tests, couramment dénommés “IGRA” (IFN
Gamma Release Assay), avaient fait l’objet d’un avis
favorable de la Haute Autorité de santé dès 2006
pour une inscription sur la liste des actes pris en
charge par l’Assurance maladie (article L. 162-1-7 du
code de la Sécurité sociale), sous réserve d’un recueil
obligatoire de données supplémentaires. Cinq ans
plus tard, alors que l’expérience des équipes s’est
étoffée, que de nombreuses publications ont tenté
d’évaluer le rôle de ces tests chez le patient VIH et
que plusieurs pays ont émis des recommandations,
la situation en France n’a pas tellement évolué : les
tests IGRA n’ont pas été inscrits à la nomencla-
ture par l’Union nationale des caisses d’assurance
maladie. Les avantages théoriques des tests IGRA par
rapport à l’intradermoréaction (IDR) sont connus:
une meilleure spécificité (absence d’impact d’une
vaccination BCG préalable, peu d’interactions avec
les autres mycobactéries) ; l’existence de contrôles
internes qui permettent de dépister une anergie
(le contrôle positif est alors aréactif) ou des états
d’hyper réactivité (le contrôle négatif devient réactif) ;
l’absence d’effet booster (l’exposition aux antigènes
ayant lieu ex vivo) ; la nécessité d’une seule visite
(versus deux pour l’IDR) ; l’absence d’effet “obser-
vateur-dépendant” ; enfin, le support des résultats
(document écrit, informatisé, plus facile à récupérer
qu’un résultat d’IDR). Les inconvénients en sont le
coût, essentiellement, mais aussi des défauts, qui
sont pour la plupart d’entre eux les mêmes qu’avec
l’IDR : une valeur diagnostique mal précisée chez les
immunodéprimés et les enfants, ainsi que des diffi-
cultés pour différencier les tuberculoses latentes, les
tuberculoses-maladies et les tuberculoses guéries.
Malgré cela, il semble que la valeur prédictive néga-
tive de ces tests soit très bonne chez les patients
VIH+ au début de la prise en charge (un test négatif
rend très improbable l’éventualité d’une tuberculose
latente), ce qui a été clairement intégré dans les
recommandations anglaises publiées en 2011 par le
National Institute for health and Clinical Excellence
(NICE), selon lesquelles i) un test IGRA doit systéma-
tiquement être réalisé au début de la prise en charge
pour tout patient ayant un taux de CD4 inférieur à
500/ mm
3
(associé, ou non, à l’IDR) ; ii) toute infec-
tion tuberculeuse latente dépistée par ce test chez un
patient VIH doit être traitée. En France, les résultats
de deux études cliniques devraient être prochaine-
ment disponibles et permettre d’avancer : IGRAVIH
(évaluation médico-économique des nouveaux tests
diagnostiques mesurant les réponses immunitaires
spécifiques de Mycobacterium tuberculosis chez
des patients de plus de 18 ans infectés par le VIH)
et ANRS EP 40 QuantiSpot. Dans l’intervalle, les
recommandations du Haut Conseil de santé publique
seront publiées, probablement proches de celles
proposées par les Anglais.
Pierre Tattevin (hôpital Pontchaillou, Rennes) a
présenté les données actuellement disponibles sur
le traitement de l’infection tuberculeuse latente (ITL)
chez les patients VIH+. En préambule, il a défini l’ITL
comme la persistance de bacilles tuberculeux viables